TI NANCY, 4 novembre 2003
CERCLAB - DOCUMENT N° 1428
TI NANCY, 4 novembre 2003: RG n° 1426/2002
Extrait : « Le fait de prévoir une exigibilité immédiate et de plein droit, c'est à dire une clause de déchéance du terme automatique, en cas de résiliation d'autres prêts accordés à l'emprunteur, ou par exemple dans le cas où l'emprunteur cesse de remplir les conditions qui lui ont permis d'obtenir le présent prêt, ont pour effet de créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif. En effet, cette clause permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme pour des motivations complètement extérieures au prêt lui-même, qui ne sont, au demeurant, pas clairement définies. Par conséquent, il convient de juger que la clause relative à l'exigibilité du prêt comprise dans les conditions générales de ce prêt présente un caractère abusif et est donc réputée non écrite. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE NANCY
JUGEMENT DU 4 NOVEMBRE 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1426/2002.
EN DEMANDE :
Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel de Lorraine,
Prise en la personne de son représentant légal, Dont le siège est à [adresse] ,Représentée par Maîtres KUGLER et LASSERONT, Avocats au Barreau d'ÉPINAL
EN DÉFENSE :
Monsieur X.
Demeurant à [adresse] Représenté par Maître SPENS, Avocat au Barreau de NANCY
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge : Marie-Hélène DELTORT
Greffier : Monique SCHERER
Débats en audience publique le 23 septembre 2003
Le Président a mis l'affaire en délibéré et a indiqué aux parties la date à laquelle le jugement serait rendu.
JUGEMENT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement en PREMIER RESSORT
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par acte d'huissier en date du 4 juillet 2002, la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine a fait assigner Monsieur X. devant ce tribunal aux fins de voir condamner, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, la partie défenderesse au paiement des sommes suivantes :
- 14.282,41 Euros avec intérêts au taux conventionnel de 6% sur la somme de 13.218,34 Euros à compter du 10 juin 2002, date du décompte,
- 500 Euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine expose qu'un prêt a été consenti à Monsieur X. dont les engagements n'ont pas été respectés.
Monsieur X. demande au Tribunal de constater l'inopposabilité de la clause relative à l'exigibilité de plein droit, qu'il se trouve à jour de ses obligations de remboursement, et en conséquence de débouter la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine de ses demandes. A titre subsidiaire, il sollicite des délais de paiement, conclut à la réduction ou au rejet de la clause pénale, à la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 1.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1.000 Euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il soutient que ce prêt était ponctuellement remboursé, même s'il reconnaît qu'il avait contracté d'autres prêts qui ne l'étaient pas. Il précise qu'actuellement, la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine continue de prélever les mensualités de ce prêt sur son compte. Au surplus, il relève qu'il n'a pas émargé les annexes de l'offre de prêt relatives à la déchéance du terme qui présentent en outre un caractère abusif dans la mesure où elles permettent à la banque de résilier unilatéralement le prêt. Il fait valoir qu'il n'a jamais été mis en demeure de régulariser ce prêt qui était régulièrement réglé, contrairement au prêt professionnel.
La Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine fait valoir que Monsieur X. avait souscrit plusieurs autres prêts dont certains étaient parvenus à échéance sans être pour autant réglés, et que mis en demeure de régulariser, il s'était engagé à mettre ses comptes à jour pour le 15 décembre 2001, puis pour le 15 mars 2002, ce qu'il n'a pas fait. Elle fait valoir que Monsieur X. avait connaissance de la clause d'exigibilité et conclut au rejet de la demande de délais faisant valoir que le débiteur a déjà bénéficié de larges délais pour régulariser sa situation.
Pour le surplus des moyens et des prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions déposées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DECISION :
Par acte sous seing privé en date du 13 avril 2000, la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine a accordé à Monsieur X. un prêt d'un montant de 21.342,86 Euros avec des intérêts au taux de 6% et remboursable en 60 mensualités.
Ce contrat prévoit une clause d'exigibilité du prêt applicable en cas de survenance de certains événements tels que le non paiement des sommes exigibles, la situation d'insolvabilité ou de [minute page 3] cessation de paiement de l'emprunteur relevé notamment par des impayés, protêts et toutes autres formes de poursuites, en cas de résiliation d'autres prêts accordés à l'emprunteur,...
Monsieur X. soutient que cette clause présente un caractère abusif et qu'elle ne peut pas lui être opposée.
En l'occurrence, l'article L. 132-1 du Code de la Consommation prévoit que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Il est ajouté que ces clauses sont alors réputées non écrites.
En annexe de cet article figurent quelques exemples de clauses abusives, et notamment au point f), le fait d'autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire si la même faculté n'est pas reconnue au consommateur.
Le fait de prévoir une exigibilité immédiate et de plein droit, c'est à dire une clause de déchéance du terme automatique, en cas de résiliation d'autres prêts accordés à l'emprunteur, ou par exemple dans le cas où l'emprunteur cesse de remplir les conditions qui lui ont permis d'obtenir le présent prêt, ont pour effet de créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif. En effet, cette clause permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme pour des motivations complètement extérieures au prêt lui-même, qui ne sont, au demeurant, pas clairement définies. Par conséquent, il convient de juger que la clause relative à l'exigibilité du prêt comprise dans les conditions générales de ce prêt présente un caractère abusif et est donc réputée non écrite.
Il convient dès lors de faire application des dispositions de l'article L. 311-30 du Code de la Consommation qui disposent qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.
En l'occurrence, il ressort du décompte versé aux débats par la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine, ainsi que des relevés de compte bancaire produits par Monsieur X. que les mensualités continuent d'être prélevées conformément aux stipulations contractuelles. Il n'y a donc pas eu de défaillance de l'emprunteur et la déchéance du terme a donc été prononcée à tort par la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine. Par conséquent, la demande en paiement de ce prêt n'est pas justifiée.
La demande de dommages et intérêts est rejetée, la partie défenderesse ne démontrant pas le caractère abusif de la procédure.
Il ne parait pas nécessaire d'ordonner l'exécution provisoire.
Monsieur X. a exposé des frais irrépétibles pour lesquels il convient de lui accorder une somme de 1000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare abusive et donc réputée non écrite la clause relative à l'exigibilité du prêt comprise dans les conditions générales du prêt conclu le 13 avril 2000 entre la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine et Monsieur X.,
Constate qu'il n'y a pas eu de défaillance de la part Monsieur X.,
Et en conséquence,
Déboute la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine de sa demande en paiement formée à l'égard de Monsieur X.,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
Condamne la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à Monsieur X. la somme de 1000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine au paiement des dépens.
Ainsi jugé et prononcé publiquement à Nancy, le 4 novembre 2003.
Le Président, Le greffier,