CA NANCY (2e ch. com.), 13 novembre 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 1481
CA NANCY (2e ch. com.), 13 novembre 2007 : RG n° 05/02128 ; arrêt n° 2567/07
Extrait : « Attendu qu'il est constant qu'à partir de la survenance de l'incendie et par suite de la décision des bailleurs, les époux Y., de résilier la location des locaux où était exploité le fonds de commerce […], l'abonnement de télésurveillance était devenu sans objet ; Attendu que l'obligation contractée par Monsieur X. aux termes de l'abonnement de télésurveillance a été privée de cause par l'effet du cas de force majeure constitué par l'incendie ;
Attendu qu'en application de l'article 1184 du Code civil, la résolution d'un contrat synallagmatique peut être prononcée en cas d'inexécution de ses obligations par une partie, même si cette inexécution n'est pas fautive et quel que soit le motif qui a empêché cette partie de remplir ses engagements, alors même que cet empêchement résulterait du fait d'un tiers ou de la force majeure (en ce sens, Cass. 1ère civ. 2 juin 1982, Bull. I. N° 205 et 12 mars I985, Bull. I N° 262) ;
Qu'en l'espèce, la SA STPE ADT devenue la SA ADT Télésurveillance s'est trouvée dans l'impossibilité d'assurer la surveillance et la sécurité du café-restaurant exploité par Monsieur X. puisque ce fonds de commerce a disparu ;
Qu'aucune clause du contrat d'abonnement ne prévoit qu'il devrait se poursuivre malgré la disparition du fonds de commerce faisant l'objet de la surveillance, même dans le cas où le matériel loué n'aurait pas été détruit ;
Que le contrat d'abonnement a été résilié à compter de l'information donnée par la lettre du 27 novembre 2000 ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 05/02128. Arrêt n° 2567/07.
APPELANT :
Monsieur X.
demeurant [adresse], Suivant déclaration d'appel déposée au Greffe de la Cour d'Appel de NANCY le 15 juillet 2005 d'un jugement rendu le 3 mars 2005 par le Tribunal de Commerce de BRIEY, Comparant et procédant par le ministère de la SCP MERLINGE et BACH-WASSERMANN, ses avoués associés constitués,
INTIMÉE :
ADT FRANCE venant aux droits de ADT TÉLÉSURVEILLANCE, dont le siège est [adresse], agissant poursuites et diligences de son Président de Conseil d'administration domicilié en cette qualité audit siège, Comparant et procédant par le ministère de la SCP CHARDON et NAVREZ, ses avoués associés constitués,
DÉBATS :
Sans opposition des Conseils des parties en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La cause a été débattue à l'audience publique du 19 juin 2007, devant Monsieur MOUREU, Président, assisté de Madame DEANA, Greffier,
Les Avoués des parties ayant lu leurs conclusions et déposé leur dossier,
[minute page 2] Le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu à l'audience publique du 6 novembre 2007,
Monsieur MOUREU, Président, a fait rapport à ladite Chambre de la Cour composée de lui-même, de Madame POMONTI, Conseiller et de Madame DELTORT , Conseiller,
Après rapport, il a été délibéré de la cause par les Magistrats susdits.
A l'audience publique du 6 novembre 2007, le Président a annoncé que le prononcé de l'arrêt était reporté à l'audience publique du 13 novembre 2007,
Et, à l'audience publique de ce jour, 13 novembre 2007, la Cour a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :
Le 19 juillet 2000, Monsieur X., exploitant un café restaurant à l'enseigne de « E. » à [adresse], a souscrit auprès de la SA STPE ADT un « contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de location et de prestations sécuritaires » pour la durée de 48 mois à compter d'août 2000 moyennant un loyer mensuel de 630 F. HT (96,04 euros).
Le 12 novembre 2000, l'établissement était ravagé par un incendie. L'exploitation était définitivement arrêtée.
Par lettre recommandée du 27 novembre 2000, Monsieur X. informait la SA STPE ADT de la survenance du sinistre et de la cessation de son activité et tenait le matériel de télésurveillance à la disposition du bailleur.
Monsieur X. n'a payé que les mensualités d'août à décembre 2000 compris.
Le 8 octobre 2002, la SA ADT Télésurveillance adressait à Monsieur X. une mise en demeure d'avoir à payer 21 échéances pour le montant de 15.822,08 euros, à défaut de quoi le contrat serait résilié avec obligation de payer en plus les 22 loyers non échus.
VU la demande introduite contre Monsieur X. par la SA ADT Télésurveillance selon assignation du 19 avril 2004 tendant, dans le dernier état de ses conclusions, à la condamnation du défendeur au paiement de 5.432,87 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2002 et capitalisation des intérêts échus et 1.200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
VU les conclusions de la partie défenderesse tendant au débouté de la SA ADT Télésurveillance et à l'allocation de 1.200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
VU le jugement rendu par le Tribunal de commerce de BRIEY le 3 mars 2005, exécutoire par provision, qui a condamné Monsieur X. à payer à la SA ADT Télésurveillance 4.938,98 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2004 et 450 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
VU l'appel de ce jugement interjeté par Monsieur X. le 15 juillet 2005,
VU les moyens et prétentions de l'appelant exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mars 2007 tendant à l'irrecevabilité de l'action de la SA ADT Télésurveillance, subsidiairement, à son débouté et à l'allocation de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
VU les moyens et prétentions de la partie intimée exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 17 avril 2007 tendant à la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a écarté la demande de 493,89 euros au titre de la majoration de 10 %, et à l'allocation de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
MOYENS DES PARTIES :
Au soutien de son appel, Monsieur X. fait valoir que :
- [minute page 4] dans sa lettre du 27 novembre 2000, il avait précisé qu'il tenait le matériel à la disposition de la SA STPE ADT pour qu'il soit récupéré,
- la SA STPE ADT n'a pas répondu,
- la SA ADT Télésurveillance ne justifie pas de sa qualité pour venir aux droits de la SA STPE ADT,
- l'établissement à surveiller étant totalement détruit, le contrat de location était privé de cause par l'effet d'un cas de force majeure,
- l'article 20-4 du contrat de location n'est pas applicable car le matériel loué n'a pas été détruit,
- les premiers juges avaient, à juste titre, écarté la clause pénale en retenant que la résiliation du contrat résultait du sinistre et non du défaut de paiement des échéances.
La SA ADT FRANCE réplique que :
- en application de l'article 22 du contrat, à défaut de paiement d'une échéance, le locataire encourt la résiliation du contrat avec obligation de payer la totalité des échéances impayées jusqu'au terme du contrat,
- la SA STPE ADT a été absorbée par la SA CIPE France, actuellement dénommée SA ADT FRANCE,
- il s'ensuit que, par application de l'article L. 236-3 du Code de commerce, l'absorption par une autre société entraîne la transmission universelle du patrimoine,
- après avoir soutenu que le matériel loué avait été détruit dans l'incendie, Monsieur X. prétend, sans le justifier, qu'il est intact,
- Monsieur X. a été indemnisé par son assurance,
- faute par Monsieur X. de prouver que le matériel loué n'a pas été détruit, il devra être fait application de l'article 20-4 du contrat,
- l'article 1722 du Code civil ne saurait annuler ces dispositions,
- la majoration de 10 % est applicable car Monsieur X. a manqué à son obligation de payer les mensualités.
- subsidiairement, le contrat à durée déterminée a été résilié unilatéralement par Monsieur X. qui est redevable des loyers dus jusqu'à l'expiration.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la SA ADT FRANCE à agir,
Attendu que la SA STPE ADT, immatriculée le 14 juin 1999, a été radiée le 4 février 2002 pour avoir fait l'objet d'une fusion absorption par la SA CIPE FRANCE ;
[minute page 5] Que la SA CIPE FRANCE a été dénommée SA ADT Télésurveillance puis ADT FRANCE ;
Que la SA ADT FRANCE vient donc aux droits de la SA STPE ADT ;
Au fond,
Attendu que l'appelant a produit une copie de la lettre recommandée qu'il soutient avoir adressée à la SA STPE ADT le 27 novembre 2000, avec l'avis de réception signé le 30 novembre 2000 par un représentant du destinataire (pièce N° 7) ;
Que, par cette lettre, Monsieur X. informait la SA STPE ADT de l'incendie survenu dans la nuit du 11 au 12 février 2000 et de son intention de cesser son activité ;
Que la lettre s'achevait en ces termes :
« je me tiens à votre entière disposition pour la récupération du matériel et des différents dispositifs s'y référant » ;
Attendu que la SA ADT FRANCE ne conteste pas avoir reçu cette lettre ;
Qu'en tout cas, elle ne produit aucun autre courrier qui permettrait de démentir les termes de la lettre citée ci-dessus et dont il résulte clairement que le matériel loué n'était pas détruit ;
Attendu que la SA ADT FRANCE affirme que Monsieur X. aurait d'abord « soutenu que le matériel objet du contrat avait été détruit dans l'incendie » ;
Qu'elle ne produit aucun courrier ni attestation confirmant cette allégation qui est purement gratuite et qui est d'autant moins plausible qu'elle est contredite par la lettre sus-visée du 27 novembre 2000 ;
Qu'en outre, l'expertise réalisée dans le cadre de la prise en charge du sinistre par l'assureur ne fait aucune allusion au matériel de télésurveillance (pièce N° 6 de Monsieur X.) ;
Que, dans la mesure où ce matériel aurait été détruit, Monsieur X. aurait eu tout intérêt à en obtenir l'indemnisation par son assureur ;
Que la SA ADT FRANCE ne s'explique pas sur la durée écoulée entre le sinistre survenu dans la nuit du 11 au 12 novembre 2000 et sa mise en demeure du 8 octobre 2002 qui ne se réfère nullement à l'article 20-4 du contrat dont elle invoque présentement l'application ;
Attendu que les premiers juges ont justifié l'application des articles 20-3 et 20-4 du contrat de location par des motifs dubitatifs (« le matériel aurait été détruit ») équipollents à des motifs inexistants ;
Qu'en réalité les articles 20-3 et 20-4 sus-visés sont inapplicables en l'espèce car il n'est nullement établi que le matériel loué ait été sinistré en tout ou partie ;
Que la SA ADT FRANCE inverse la charge de la preuve lorsqu'elle prétend que c'est au locataire de prouver que le matériel n'a pas été détruit ;
Que c'est, au contraire, au loueur qui se prévaut d'une clause applicable en cas de sinistre de prouver que la chose louée a effectivement été détruite ;
[minute page 6] Attendu qu'il est constant qu'à partir de la survenance de l'incendie et par suite de la décision des bailleurs, les époux Y., de résilier la location des locaux où était exploité le fonds de commerce (lettre du 8 janvier 2001, pièce N° 8 de l'appelant), l'abonnement de télésurveillance était devenu sans objet ;
Attendu que l'obligation contractée par Monsieur X. aux termes de l'abonnement de télésurveillance a été privée de cause par l'effet du cas de force majeure constitué par l'incendie ;
Attendu qu'en application de l'article 1184 du Code civil, la résolution d'un contrat synallagmatique peut être prononcée en cas d'inexécution de ses obligations par une partie, même si cette inexécution n'est pas fautive et quel que soit le motif qui a empêché cette partie de remplir ses engagements, alors même que cet empêchement résulterait du fait d'un tiers ou de la force majeure (en ce sens, Cass. 1ère civ. 2 juin 1982, Bull. I. N° 205 et 12 mars 1985, Bull. I N° 262) ;
Qu'en l'espèce, la SA STPE ADT devenue la SA ADT Télésurveillance s'est trouvée dans l'impossibilité d'assurer la surveillance et la sécurité du café-restaurant exploité par Monsieur X. puisque ce fonds de commerce a disparu ;
Qu'aucune clause du contrat d'abonnement ne prévoit qu'il devrait se poursuivre malgré la disparition du fonds de commerce faisant l'objet de la surveillance, même dans le cas où le matériel loué n'aurait pas été détruit ;
Que le contrat d'abonnement a été résilié à compter de l'information donnée par la lettre du 27 novembre 2000 ;
Que, par voie de conséquence, Monsieur X. a été déchargé à cette date de l'obligation de payer la redevance (en ce sens, Cass. 1ère civ. 10 février 1998, Bull. I N ° 53) ;
Attendu que l'équité justifie de couvrir Monsieur X. de ses frais de procédure non compris dans les dépens, à hauteur de 800 euros ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
INFIRME le jugement déféré et, statuant à nouveau ;
DÉBOUTE la SA ADT FRANCE de sa demande ;
CONDAMNE la SA ADT FRANCE à payer à Monsieur X. la somme de HUIT CENTS EUROS (800 euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la SA ADT FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
AUTORISE la SCP d'avoués MERLINGE et BACH-WASSERMANN à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du treize novembre deux mille sept par Monsieur MOUREU, Président, en application de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame DEANA, Greffier.
Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.
Signé : DEANA, Signé : MOUREU
Minute en six pages