CA NANCY (1re ch. civ.), 23 avril 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 1498
CA NANCY (1re ch. civ.), 23 avril 2007 : RG n° 04/00839 ; arrêt n° 953/07
Extrait : « Le caractère d'ordre public des prescriptions de l'article L. 113-3 du Code des assurances, qui subordonnent la résiliation du contrat pour non paiement de la prime à l'écoulement d'un délai de 40 jours à compter de l'envoi d'une mise en demeure, n'interdisent pas aux parties de convenir que s'il entend faire usage de sa faculté de résiliation à l'écoulement du délai légal, l'assureur s'oblige à notifier sa décision au souscripteur par lettre recommandée ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 23 AVRIL 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/00839. Arrêt n° 953/07. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de BAR LE DUC, R.G. n° 02/00427, en date du 20 novembre 2003.
APPELANT :
Monsieur X.
demeurant [adresse], représenté par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour, assisté de Maître Renaud PETIT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
SA GÉNÉRALI FRANCE ASSURANCES
dont le siège est [adresse], représentée par la SCP MILLOT-LOGIER et FONTAINE, avoués à la Cour, assistée de Maître Stéphane BOUILLOT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 mars 2007, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, en son rapport, Madame Pascale TOMASINI- KRIER, Conseiller, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Laïla CHOUIEB ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 23 AVRIL 2007 date indiquée à l'issue des débats, par Monsieur DORY, Président, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Madame Odile ANTOINE , adjoint administratif faisant fonction de greffier présent lors du prononcé ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :
Par l'intermédiaire du cabinet de courtage MANGIN, Monsieur X. a souscrit auprès de la Compagnie LA FRANCE, aux droits de laquelle est venue la société GENERALI Assurances IARD, deux polices d’assurance multirisques de la propriété immobilière, pour garantir des risques situés respectivement au numéro 17 et au numéro 19 de la rue [adresse]. En cours d'exécution des contrats leurs dates d'échéance ont été unifiées pour coïncider au premier juillet de chaque année. Monsieur X. s'est acquitté des deux primes échues le premier juillet 1999 par un chèque unique du 17 novembre 1999, encaissé le 22 novembre 1999.
Par lettres du 27 décembre 1999, Monsieur X. a déclaré les dégâts survenus sur chacun des deux bâtiments en raison de la tempête de la veille. En réponse à ces déclarations de sinistres, la société GENERALI, par courrier du 13 janvier 2000, a opposé un refus de garantie en invoquant la résiliation des polices pour non paiement des primes. Monsieur X., dans une correspondance datée du 14 janvier 2000 a exprimé son désaccord dans les termes suivants : « ayant réglé, je m’étais imaginé que ce contrat serait remis en vigueur le lendemain du paiement. Au sein de la Cie, lorsque j’étais votre mandant, je m’apercevais qu'un client avait payé sa prime, n'était plus assuré, je demandais sa remise en vigueur ». Puis, par des actes datés des 16 et 17 janvier 2000, Monsieur X. a fait assurer les mêmes biens par deux nouvelles polices. Par un état des pertes daté du 19 juillet 2000, les dommages ont été estimés à 304.795 Francs pour le bâtiment situé au numéro 17 de la [adresse], et à 18.220 Francs pour celui situé au numéro 19. Et le 3 novembre 2000, la société GENERALI a versé à monsieur X. une indemnité de sinistre d'un montant de 18.220 Francs (2.777,62 €).
Faisant valoir principalement que l'assureur ne justifie pas de la résiliation du contrat, et subsidiairement qu'il a renoncé au bénéfice de la résiliation, Monsieur X., par acte du 4 juin 2002, a fait assigner la société GENERALI FRANCE Assurances devant le tribunal de grande instance de BAR LE DUC en paiement d'une indemnité de sinistre d'un montant de 46.465,70 €. Reconventionnellement, la société GENERALI a sollicité la répétition d'une somme de 2.777,62 €, ainsi que la condamnation de Monsieur X. au paiement d'une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
[minute page 3] Par jugement du 20 novembre 2003, le tribunal a débouté les parties de leurs demandes respectives et condamné Monsieur X. aux dépens.
Pour se déterminer ainsi, le tribunal a d'abord constaté que l'assureur justifie de l'envoi de deux lettres recommandées, valant mise en demeure, le premier octobre 1999, et en a déduit que par application de l'article L. 113-3 du Code des assurances, la société GENERALI a valablement pu résilier les contrats à partir du 11 novembre 1999. Ensuite, le tribunal a retenu que l'acceptation par l’assureur d'un paiement tardif ne saurait, à lui seul, caractériser une renonciation à la résiliation et a considéré qu'il est d'usage, voire automatique que les experts missionnés par les parties interviennent sous réserve de leurs droits. Mais le tribunal a estimé qu'eu égard d'une part à la nature particulière des contrats, conclus par l'assureur avec un ancien mandataire de la compagnie LA FRANCE, et d'autre part au temps écoulé entre le sinistre et le règlement, il n'est pas concevable que le versement d'une indemnité pour l'un des deux sinistres soit le fruit d'une erreur, même si l'autonomie des deux conventions ne permet pas d'étendre les effets de la renonciation à la résiliation de la police numéro XX qui portait sur le bâtiment qui a subi les dégâts les plus importants. Le tribunal a écarté tout manquement par l'assureur à son devoir d’information et de conseil en retenant que le mécanisme de la résiliation, rappelé dans les mises en demeure, était familier à Monsieur X., qui, en toute connaissance de cause a souscrit de nouvelles polices après avoir été informé des résiliations intervenues.
Monsieur X. a interjeté appel par déclaration du 8 mars 2004.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par ses dernières conclusions, notifiées le 14 septembre 2006 et déposées le 15 septembre 2006, Monsieur X. demande à la cour, par voie de réformation du jugement déféré, de condamner la société GENERALI Assurances à lui payer une somme de 46.465,70 € outre intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2000.
Faisant valoir que l'intimée ne produit toujours pas les accusés de réception des mises en demeure, l'appelant réitère n'avoir pas reçu les lettres et soutient que la société GENERALI ne rapporte pas la preuve [minute page 4] d'avoir régulièrement résilié les polices, ajoutant qu'il incombe aussi à l'assureur de notifier la résiliation dont il entend se prévaloir. Subsidiairement, il maintient que la société GENERALI a renoncé à se prévaloir de la résiliation, d'abord, en acceptant sans réserves le paiement des primes. Il voit une seconde preuve de renonciation dans le fait, pour l'assureur, d'avoir indemnisé l'un des deux sinistres, alors que les deux déclarations de sinistre avaient fait l'objet d'une instruction dans le cadre d'un dossier unique. De plus, il invoque la participation sans réserves de l'assureur aux opérations d'expertise, affirmant que l'un des deux experts qui ont estimé les dommages avait bien été désigné par la société GENERALI. À titre encore plus subsidiaire, Monsieur X. invoque un manquement par la société GENERALI à son obligation d'information, affirmant qu'il incombait à l'assureur qui a accepté sans réserve d'encaisser la prime échue, de faire savoir qu'il n'entendait pas pour autant remettre les garanties en vigueur. Il soulève l'irrecevabilité de la demande de répétition d'indu, en faisant valoir qu'elle est soumise à la prescription biennale en ce qu'elle dérive du contrat d'assurance. Il ajoute que le paiement de l'indemnité de sinistre n'était en tout état de cause pas indu.
Par ses écritures dernières, notifiées et déposées le 29 septembre 2006, la société GENERALI Assurances maintient l'appel incident formé par conclusions du 30 août 2004. Elle conclut à la condamnation de Monsieur X. au paiement des sommes suivantes :
- 2.777,62 € outre intérêts au taux légal capitalisés à compter du 4 septembre 2004,
- 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 4.500 € en remboursement de ses frais non compris dans les dépens.
L'intimée réplique que la résiliation des deux polices est intervenue le 11 novembre 1999 dans le respect des prescriptions découlant de l'article L. 113-3 du Code des assurances, que Monsieur X., ancien professionnel de l'assurance n'ignorait pas. Elle soutient que le paiement tardif des primes, postérieurement à la résiliation, n'emporte pas la remise en vigueur des garanties, en l'absence d'accord entre les parties, ajoutant que ce principe a été rappelé dans les conditions générales de chacune des deux polices. Elle relève que la correspondance échangée, et notamment la lettre de Monsieur X., datée du 14 janvier 2000, démontre que l'assuré avait reçu les mises en demeure, ayant souscrit peu de temps après des nouveaux contrats pour garantir les mêmes risques. Elle [minute page 5] rétorque qu'elle rapporte la preuve de l'envoi des lettres recommandées et affirme que la validité d'une mise en demeure n'est pas subordonnée à sa réception par le destinataire. La société GENERALI Assurances conteste avoir implicitement renoncé aux résiliations. Elle fait observer que la désignation d'expert est le fait du courtier, mandataire de l'assuré, et affirme qu'en tout état de cause cette désignation a été faite sous réserves. Elle soutient encore que l'indemnisation de l'un des deux sinistres ne caractérise pas non plus une volonté non équivoque de renoncer à la résiliation, dès lors que l'indemnité a été payée par erreur, dans des conditions inhabituelles, à une époque où les assureurs, après les tempêtes survenues au courant du mois de décembre 1999, avaient pour préoccupation essentielle de procéder à des indemnisations rapides. Elle en déduit que le paiement dont a bénéficié Monsieur X. est bien indu et ouvre droit à répétition, l'erreur n'étant pas créatrice de droit. Elle ajoute que l'action qu'elle exerce ne dérive pas du contrat, et n'est donc pas soumise à la prescription biennale.
L'instruction a été déclarée close le 9 novembre 2006.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le caractère d'ordre public des prescriptions de l'article L. 113-3 du Code des assurances, qui subordonnent la résiliation du contrat pour non paiement de la prime à l'écoulement d'un délai de 40 jours à compter de l'envoi d'une mise en demeure, n'interdisent pas aux parties de convenir que s'il entend faire usage de sa faculté de résiliation à l'écoulement du délai légal, l'assureur s'oblige à notifier sa décision au souscripteur par lettre recommandée.
Or en l'espèce, la société GENERALI Assurances produit au dossier les conditions générales relatives à chacune des polices en cause. Dans des termes identiques, ces documents à valeur contractuelle énoncent respectivement dans l'article 6 et dans l'article 10, intitulés « la résiliation », en édictant des exceptions dont ne relève pas le cas de résiliation pour non paiement des primes, que « la résiliation par la compagnie est notifiée au souscripteur, en recommandé, à son dernier domicile connu ». C'est donc dans des termes dépourvus de toute équivoque, et par une clause intitulée « modalités de résiliation », que l'assureur s'est obligé à notifier la résiliation du contrat, quand bien même il aurait mentionné dans la mise en demeure son intention de résilier les contrats à l'expiration du délai de 40 [minute page 6] jours suivant l'envoi de la lettre recommandée. La société GENERALI, en méconnaissance de ses obligations contractuelles, n'ayant pas procédé à la notification des résiliations dont elle entendait se prévaloir, Monsieur X. est en droit de soutenir que les garanties lui sont acquises pour les deux sinistres en cause.
L'évaluation des dommages n'étant pas discutée, le jugement sera donc réformé pour faire droit à la demande principale. Il sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en répétition de l'indu.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société GENERALI Assurances de sa demande reconventionnelle et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Infirme le jugement en ses autres dispositions ;
Et statuant à nouveau :
Condamne la société GENERALI Assurances à payer à Monsieur X. une somme de QUARANTE SIX MILLE QUATRE CENT SOIXANTE CINQ EUROS ET SOIXANTE DIX CENTIMES (46.465,70 €) outre intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2000 ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel et accorde à la SCP VASSEUR, avoué associé à la Cour, un droit de recouvrement direct dans les conditions prévues par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du vingt trois Avril deux mille sept par Monsieur DORY, Président de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame ANTOINE, Adjoint Administratif faisant fonction de greffier.
Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.
Signé : O. ANTOINE.- Signé : G DORY. -
Minute en six pages.