CA NANCY (1re ch. civ.), 31 octobre 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1540
CA NANCY (1re ch. civ.), 31 octobre 2005 : RG n° 05/02376 ; arrêt n° 2129/05
Extrait : « Le titre locatif du 14 avril 1978, dont les époux Y. sont devenus titulaires par voie de cession de bail prévoit que le loyer annuel (initialement 12.000 Francs) est payable par trimestre et d'avance. Il oblige les preneurs à payer la totalité des charges, y compris les impôts et charges, alors même qu'ils seraient établis exclusivement au compte du propriétaire. Il précise que la consommation d'eau est à la charge du locataire pour la totalité. La clause de résiliation de plein droit fait ressortir qu'elle est destinée à sanctionner le défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance ainsi que l'inexécution de l'une des clauses du bail. »
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05/02376. Décision déférée à la Cour : ordonnance du Tribunal de Grande Instance de NANCY, RG n° 05/292, en date du 09 août 2005.
APPELANTS :
- Madame X. épouse Y., venant aux droits des époux Z.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués à la Cour
- Monsieur Y., venant aux droits des époux Z.
demeurant [adresse], représenté par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués à la Cour assistés de Maître BUISSON, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
SCI CLEMENCEAU
prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, venant aux droits de A. et B.., dont le siège est [adresse], représentée par la SCP MILLOT-LOGIER - FONTAINE, avoués à la Cour , assistée de Maître BOUTHIER, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2005, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, et Madame Pascale TOMASINI, Conseiller, chargés du rapport,
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Laïla CHOUIEB ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, Madame Pascale TOMASINI, Conseiller,
ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 31 OCTOBRE 2005 date indiquée à l'issue des débats, par Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Mademoiselle Laïla CHOUIEB, greffier présent lors du prononcé ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :
Le 5 juin 2003, la SCI CLEMENCEAU est devenue propriétaire d'un bâtiment situé à SAINT-MAX, dans lequel Monsieur et Madame Y., titulaires d'un titre locatif, exploitent un fonds de commerce. Par acte du 10 mars 2005, la SCI CLEMENCEAU a fait signifier aux preneurs un commandement visant la clause de résiliation de plein droit insérée au bail, d'avoir à payer une somme de 2.064,46 € comprenant un solde restant dû sur le loyer du premier semestre 2005 et le montant dû au titre de la régularisation des charges relatives à l'année 2004. Puis, soutenant que la cause du commandement n'a pas été payée dans le délai d'un mois, la SCI CLEMENCEAU a fait assigner les époux Y. devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de NANCY pour faire constater la résiliation du bail, obtenir l'expulsion des défendeurs et leur condamnation au paiement d'une provision de 9.961,76 € au titre de la créance de loyers et charges et d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1.400 €.
Par ordonnance du 9 août 2005, le juge des référés a :
- rejeté la demande des époux Y. tendant à la suspension des effets de la clause résolutoire,
- constaté la résiliation à la date du 11 mars 2005 du bail commercial ayant lié les parties,
- condamné les époux Y. à libérer les lieux sans délai et ordonné, au besoin, leur expulsion avec le concours de la force publique,
- condamné Monsieur et Madame Y. à payer à la SCI CLEMENCEAU une provision sur loyers, charges et indemnité d'occupation arrêtés au 14 juin 2005, de 6.348,56 €,
- condamné Monsieur et Madame Y. au paiement, à compter du mois de mai 2005 et jusqu'à complète libération des lieux, d'une indemnité mensuelle d'occupation de 810 €, solde de charges excédant 160 € par mois en sus,
- alloué à la SCI CLEMENCEAU une somme de 800 € en remboursement de ses frais non compris dans les dépens.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a constaté que le décompte établi par la bailleresse fait ressortir que les époux Y. demeurent redevables, au titre des loyers échus au premier trimestre 2005, d'une somme de 450 € qu'ils ne prouvent pas avoir payée dans le délai imparti dans le commandement. Après avoir, pour le surplus, rectifié le décompte arrêté au 14 juin 2005, le juge des référés a estimé que l'obligation des [minute page 3] défendeurs n'est pas sérieusement contestable pour un montant de 6.348,56 €. Et pour écarter la demande de délai de grâce, il a retenu que Monsieur et Madame Y. ne justifient pas de leur capacité à apurer la dette tout en continuant à faire face au paiement du loyer courant.
Appelants, suivant déclaration du 23 août 2005, Monsieur et Madame Y. ont présenté le 30 août 2005 une requête aux fins d'être autorisés à assigner l'intimée à jour fixe. Par ordonnance du 12 septembre 2005 rendue au visa de l'article 917 du Nouveau Code de Procédure Civile, les appelants ont été autorisés à faire assigner la SCI CLEMENCEAU pour le 26 septembre 2005 à 14 heures. L'assignation délivrée en mairie le 14 septembre 2005 a été déposée au greffe le 16 septembre 2005.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Dans leur requête aux fins d'assignation à jour fixe, Monsieur et Madame Y. demandent à la Cour, par voie d'infirmation de l'ordonnance déférée, de débouter la SCI CLEMENCEAU de toutes ses prétentions, et subsidiairement de suspendre les effets de la clause résolutoire en leur accordant un délai raisonnable pour s'acquitter d'une éventuelle dette. En tout état de cause, ils entendent être indemnisés par la SCI à hauteur de 1.500 € de leurs frais irrépétibles de procédure.
Les appelants font valoir que les deux tentatives successives de mettre en oeuvre la clause résolutoire traduit la mauvaise foi de la bailleresse, qui recherche ainsi exclusivement la conclusion d'un nouveau bail. Ils affirment être à jour dans le paiement des loyers et font observer que le décompte de régularisation de charges du 1er février 2005 n'était accompagné d'aucune pièce justificative. Pour prétendre subsidiairement au bénéfice d'un délai de grâce, ils font valoir que le plan de continuation par apurement du passif arrêté à leur égard est respecté et qu'ils ont trouvé un candidat à l'acquisition du fonds de commerce.
Par ses écritures notifiées le 26 septembre 2005 et déposées à l'ouverture des débats, la SCI CLEMENCEAU conclut à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation des époux Y. au paiement d'une somme supplémentaire de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens.
[minute page 4] L'intimée réplique qu'elle a légitimement fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire, dès lors que les preneurs persistent à ne pas payer le loyer trimestriel par avance et qu'ils se sont abstenus de payer les charges dont les justificatifs étaient mis à leur disposition aux fins de vérification. Elle maintient que les époux Y., dont la situation est obérée, ne peuvent pas sérieusement prétendre au bénéfice d'un délai de grâce.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le titre locatif du 14 avril 1978, dont les époux Y. sont devenus titulaires par voie de cession de bail prévoit que le loyer annuel (initialement 12.000 Francs) est payable par trimestre et d'avance. Il oblige les preneurs à payer la totalité des charges, y compris les impôts et charges, alors même qu'ils seraient établis exclusivement au compte du propriétaire. Il précise que la consommation d'eau est à la charge du locataire pour la totalité. La clause de résiliation de plein droit fait ressortir qu'elle est destinée à sanctionner le défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance ainsi que l'inexécution de l'une des clauses du bail.
A l'examen du commandement de payer du 10 mars 2005, il apparaît que la bailleresse a invoqué le défaut de paiement de l'échéance du 1er trimestre 2005 et des charges ayant fait l'objet d'un décompte de régularisation du 1er février 2005 pour un montant de 676,13 €. Il ressort des propres productions des époux Y., qu'ils procèdent au paiement du loyer (500 €) et des provisions sur charges (160 €) mensuellement et à terme échu. Devant cette situation persistante, aucune mauvaise foi n'est caractérisée dans la mise en oeuvre par la SCI CLEMENCEAU de la clause résolutoire, dès lors qu'à la date du commandement, le loyer trimestriel échu le 1er janvier 2005 n'était pas intégralement payé, alors même que dans la facture du 4 janvier 2005 les conditions du bail avaient été rappelées sur ce point. Par contre, Monsieur et Madame Y. établissement [N.B. conforme à la minute : lire sans doute établissent] avoir soldé l'échéance trimestrielle devenue exigible le 1er janvier 2005 le 23 mars 2005, soit dans le délai d'un mois suivant la délivrance du commandement.
C'est donc à tort que le premier juge a retenu, en ce qui concerne les loyers proprement dits, que la cause du commandement n'a pas été payée dans le délai prescrit. S'agissant des charges, si le bail oblige les preneurs à s'assurer contre les risques locatifs, il ne résulte d'aucune de ses [minute page 5] dispositions que le bailleur serait en droit de leur faire supporter les primes relatives à des polices souscrites par lui-même. Il s'en suit que le décompte de régularisation du 1er février 2005 n'était justifié qu'à hauteur de 293,24 € étant observer que pour les autres postes, la SCI CLEMENCEAU a communiqué les pièces justifiant les dépenses de consommation d'eau et le paiement des taxes foncières 2003 et 2004, qu'elle entend récupérer sur les preneurs. Le commandement a donc produit ses effets pour un montant de 293,24 €. Cependant, en l'absence de décision passée en force de chose jugée sur la constatation de la résiliation de plein droit du bail, et par application des articles 1244-1 du Code Civil et L. 145-41 du Code de Commerce, il y a lieu d'accorder à Monsieur et Madame Y. un délai de deux mois pour s'acquitter de ce montant et de suspendre pendant ce délai les effets de la clause de résiliation.
Le décompte établi par la SCI postérieurement à la délivrance du commandement pour établir une créance locative de 7.008,56 € s'avère être dénué de tout caractère sérieux. Aucune provision ne sera donc allouée à l'intimée. Si la défaillance des époux Y. impose de leur faire supporter les dépens, l'équité commande toutefois de ne pas faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement,
Infirme l'ordonnance déférée ;
Et statuant à nouveau :
Accorde à Monsieur et Madame Y. un délai de grâce de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt pour s'acquitter de la somme de DEUX CENT QUATRE VINGT TREIZE EUROS ET VINGT QUATRE CENTIMES (293,24 €), montant auquel est ramenée la cause du commandement de payer du 10 mars 2005 ;
Suspend, pendant ce délai, les effets de la clause de résiliation et rappelle qu'elle ne jouera pas si les débiteurs se libèrent dans les conditions fixées ;
Rejette la demande de provision de la SCI CLEMENCEAU ;
[minute page 6] Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne Monsieur et Madame Y. aux dépens de première instance et d'appel et accorde à la SCP MILLOT-LOGIER et FONTAINE, avoués associés à la Cour, un droit de recouvrement direct dans les conditions prévues par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé : L. CHOUIEB.- Signé : G. DORY. -
Minute en six pages.