TGI PARIS (4e ch. 2e sect.), 16 mars 1990
CERCLAB - DOCUMENT N° 1642
TGI PARIS (4e ch. 2e sect.), 16 mars 1990 : RG n° 7375/89 ; RP 494/89 ; jugement n° 7
(sur appel CA Paris (25e ch. A), 9 janvier 1992 : RG n° 90/12573)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
QUATRIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
JUGEMENT DU 16 MARS 1990
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 7375/89. R.P. n° 494/89. Minute n° 7. Assignation du 24 mars 1989.
DEMANDEUR :
Monsieur X.
né le [date] de nationalité française, étudiant demeurant [adresse], représenté par Maitre Philippe GABURRO, Avocat C.2474.
DÉFENDEURS :
EUROPEAN UNIVERSITY OF AMERICA
association de Loi 1901, [adresse], représenté par Maitre GASSENBACH, Avocat D.350.
[minute page 2]
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats ayant délibéré : Monsieur MARC, Vice-Président, Madame DELBES, Juge, Monsieur DEBARY, Juge.
GREFFIER : Madame AUDEGOND.
DÉBATS : À l'audience du 9 février 1990 tenue publiquement ;
JUGEMENT : - prononcé en audience publique, - contradictoire, - susceptible d'appel.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte d'huissier en date du 24 mars 1989, Monsieur X. a assigné 1'EUROPEAN UNIVERSITY OF AMERICA - ci-après désignée sous le sigle l'EUA en nullité pour erreur de son contrat d'inscription à la dite université au motif que son engagement avait été déterminé par la croyance que l'EUA disposait de contrats privilégiés avec la prestigieuse Université de BERKELEY où il aurait pu ultérieurement passer un « MBA ». Subsidiairement en restitution de 80 % de la somme de 59.000 Francs par lui versées à titre de frais d'inscription. Le contrat le liant à l'EUA précisant qu'un tel pourcentage des frais d'inscription devait être remboursé, quand, ce qui est le cas en l'espèce, l'étudiant démissionnait avant le rentrée scolaire ; En tout état de cause Monsieur X. sollicitait en outre la condamnation de l'EUA à la payer à titre de dommages intérêts, la somme de 20.000 Francs au titre du préjudice moral de 7.128,82 Francs, au titre du préjudice matériel, l'exécution provisoire du présent jugement et l'allocation d'une somme de dix mille francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
[minute page 3] Par conclusions en date du 6 septembre 1989, Monsieur X., a invoqué, à l'appui de sa demande principale, en restitution d'une somme de 59.000 Francs après prononcé de la nullité du contrat, le dol qu'aurait commis à son égard l'EUA en lui présentant comme un « campus », une maison mal équipée et en dissimulant la situation réelle de l'établissement quant au niveau des étudiants, la disponibilité du corps enseignant et la diversité des enseignements.
L'EUA conclut au débouté au motif qu'elle n'a jamais prétendu disposer de liens privilégiés avec l'Université de Berkeley et qu'elle a, avant de recevoir la lettre de démission de Monsieur X. prononcé pour faute grave sa radiation de l'université, ce qui statutairement entrainait le non remboursement des frais d'inscription.
Elle conteste par ailleurs point par point les griefs allégués à son encontre et sollicite une somme de cinq mille francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur la demande d'annulation du contrat tiré de l'erreur
Attendu, qu'il résulte du curriculum vitae produit par Monsieur X., que celui titulaire d'une licence de droit Privé, est par ailleurs diplômé de la Chambre de Commerce et d'Industrie de LONDRES, et a exercé pendant l'été 1987 les fonctions d'assistant d'un courtier d'agent de change à LOS ANGELES et d'aide comptable d'un Night Club de cette même ville ;
[minute page 4] Attendu, qu'il ne pouvait dès lors ignorer le statut prestigieux de l'Université de Berkeley, qui comme ses homologues de la Côte Est des États-Unis, Gale ou HAWARD, a une place spécifique dans la hiérarchie universitaire américaine et ne peut en rien se comparer à une université ordinaire, telle que celle de SAN FRANCISCO, seule université nommément mentionnée à l'article IV du contrat comme entretenant des relations privilégiées avec l'EUA ;
Attendu certes, que dans son projet personnel qu'il a remis à l'EUA lors de son inscription Monsieur X. a clairement indiqué qu'il souhaitait après avoir obtenu le MBA de l'UEA entrer à BERKELEY pour obtenir le même diplôme ; [N.B. conforme à la minute qui passe de l’abréviation EUA à UEA]
Attendu qu'on ne saurait induire de cette indication la preuve que Monsieur X. pouvait penser légitimement qu'un succès à l'UEA leur donnerait des droits acquis à l'entrée à Berkeley ;
Attendu, qu'il est évident par ailleurs qu'à supposer que ses titres universitaires français suffisants pour permettre l'entrée, comme étudiant étranger, de Monsieur X. à l'Université de Berkeley, le fait par hypothèse qu'il ait suivi avec succès l'enseignement de l'UEA n'aurait pu que faciliter cette inscription en lui donnant déjà une connaissance de base du programme des études ;
Attendu que pour établir sa demande sur le fondement de l'erreur, Monsieur X. aurait dû rapporter la preuve, que son curriculum universitaire en France ne lui permettait pas de postuler utilement pour l'entrée à Berkeley ;
Attendu que loin d'apporter une telle preuve Monsieur X. ne [minute page 5] justifie même pas s'être renseigné sur les conditions d'admission des étudiants étrangers à Berkeley ;
Attendu dès lors qu'il ne peut qu'être débouté de sa demande d'annulation du contrat tirée de l'erreur ;
Sur la demande d'annulation du contrat tirée de manœuvres ou de réticences dolosives :
Attendu, sur la situation du campus que si ce terme pour un français moyen évoque les grands espaces des universités suburbaines créées après 1968, il signifie simplement en américain un site universitaire et même une université, que notamment le dictionnaire LONGMAN de l'Anglais contemporain - édition de 1978 - définit ce mot comme suit : 1°) le site d'une université, d'un collège ou d'une école 2°) une université avec comme exemple Do You Like Campus Life ? aimez-vous la vie universitaire ;
Attendu que l'utilisation du mot campus dans la brochure en langue anglaise remise aux candidats à l'inscription, n’était donc pas de nature à les induire en erreur sur la situation de l'établissement lui-même, même s'il est tout à fait regrettable que les illustrations non individualisées de la brochure, n'aient pas reproduit l'immeuble même de l'UEA ;
Attendu qu'en ce qui concerne la présentation du campus, la brochure d'information met essentiellement l'accent sur sa situation dans le centre historique et commercial de SAN FRANCISCO, ce qui est parfaitement conforme à la réalité ;
Attendu sur le niveau des études que Monsieur X. produit aux [minute page 6] débats plusieurs attestations d'anciens élèves d'où il résulterait que certains des étudiants n'auraient été titulaires que d'un simple DEUG et non d'une licence et quelque uns mêmes d'un simple baccalauréat ;
Mais attendu que l'UEA réplique sans y être contredit que le BA américain premier degré universitaire doit être assimilé au DEUG et non à la licence, qu'elle conteste formellement avoir admis de simples bacheliers, que force est de la croire sur ce point puisque Monsieur X. ne donne l'identité d'aucun étudiant simple bachelier interdisant ainsi à l'UEA d'apporter la preuve contraire ;
Attendu que l'indisponibilité des membres du corps professionnel, qu'à aucun moment l'EUA n'a indiqué qu'elle disposait de Professeur à temps complet, qu'en mettant en avant ses liens avec l'université de SAN FRANCISCO elle a plutôt suggéré le contraire dans ses documents publicitaires.
Attendu en ce qui concerne la diversité des enseignements, qu'en l'état des productions Monsieur X., qui a démissionné de l'UEA avant même la rentrée universitaire, celui-ci ne rapporte pas la preuve formelle qui lui incombe, qu'un des cours, essentiels, un auquel il serait inscrit, aurait été supprimé en 1988-1989 ;
Attendu dès lors que la demande d'annulation du contrat ne peut être accueillie ;
Attendu que la demande de remboursement, qu'il résulte des productions que Monsieur X. a démissionné par deux lettres recommandées en date des 24 octobre 1988 adressées au siège de l'EUA à PARIS et à son annexe de SAN FRANCISCO ;
[minute page 7] Qu'une de ces lettres a été reçue le jour même à l'annexe de SAN FRANCISCO c'est à dire avant le 25 octobre 1988, date à laquelle Monsieur Y., Président de l'UEA à PARIS a cru possible, sans respecter le principe du contradictoire et sans avoir le moindre égard aux droits de la défense, procédé d'office à la radiation de Monsieur X., le privant ainsi selon les statuts de l'EUA de tout droit à remboursement des frais d'inscription ;
Attendu que la démission de Monsieur X. devait être déclarée valable ; il convient d'accueillir sa demande subsidiaire en remboursement partiel des frais d'inscriptions, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation qui vaut mise en demeure ;
Attendu qu'aucune faute caractérisée n'étant en l'état établie à l'encontre de l'EUA la demande de dommages intérêts de Monsieur X. ne peut qu'être rejetée.
Attendu qu'il y a lieu à exécution provisoire du présent jugement ;
Attendu que l'EUA qui succombe doit être condamnée aux dépens ; que l'équité commande en outre qu'elle rembourse Monsieur X. des frais irrépétibles par lui avancés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement contradictoirement et en premier ressort ;
[minute page 8] Déboute Monsieur X. de sa demande principale en annulation de contrat ;
Déclare bien fondée sa demande subsidiaire de remboursement de 80 % des frais d'inscription à l'EUA
Condamne en conséquence l'EUA à lui payer la somme de 47.200 Francs (QUARANTE SEPT MILLE DEUX CENT FRANCS), avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Le déboute de sa demande en dommages intérêts ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
Condamne l'EUA aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître GABURRO, avocat et à payer à Monsieur X. la somme de 10.000 Francs (DIX MILLE FRANCS), au titre de l'article 700 du NCPC.
Fait et jugé à PARIS, le 16 SEPTEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT.