CASS. CIV. 1re, 4 décembre 2001
CERCLAB - DOCUMENT N° 1648
CASS. CIV. 1re, 4 décembre 2001 : pourvoi n° 99-14707 ; arrêt n° 1897
Extrait : « Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995 applicable à l’espèce ; Attendu que pour considérer cette clause comme abusive et réputée non écrite et condamner la société Serres BN à indemniser le préjudice invoqué par le GAEC, l’arrêt attaqué retient que celui-ci était incompétent en matière d’emploi et de tenue des bâches plastiques de recouvrement de serres ; Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans relever l’absence de rapport direct entre le contrat conclu par la société Serres BN avec le GAEC et l’activité professionnelle de ce dernier, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 4 DÉCEMBRE 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 99-14707. Arrêt n° 1897.
DEMANDEUR à la cassation : société Serres BN
DÉFENDEUR à la cassation : Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) Saint-Ange - société Prosyn Polyane - Caisse industrielle d’assurance mutuelle (CIAM)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Serres BN, dont le siège est […], en cassation d’un arrêt rendu le 23 février 1999 par la cour d’appel de Nîmes (1re chambre civile, section B), au profit :
1°/ du Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) Saint-Ange, dont le siège est […], représenté par ses gérants Madame X., épouse Y. et Monsieur Z.,
2°/ de la société Prosyn Polyane, société anonyme, dont le siège est […],
3°/ de la Caisse industrielle d’assurance mutuelle (CIAM), dont le siège est […],
défendeurs à la cassation ;
Le GAEC Saint-Ange a formé un pourvoi provoqué éventuel contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi provoqué éventuel invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 30 octobre 2001, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Bouscharain, conseiller rapporteur, M. Aubert, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bouscharain, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Serres BN, de la SCP Parmentier et Didier, avocat du GAEC Saint-Ange, les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Serres BN du désistement de son pourvoi en ce qu’il était dirigé contre la société Prosyn polyane et la Caisse industrielle d’assurance mutuelle ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour les besoins de son exploitation, le groupement agricole d’exploitation en commun Saint-Ange (le GAEC) a obtenu de la société Serres BN la fourniture et l’installation de serres couvertes de bâches plastiques fabriquées par la société Prosyn polyane ; qu’en raison de leur défectuosité, ces bâches se sont déchirées ; que, le 11 décembre 1991, la société Prosyn polyane a proposé le remplacement des bâches ; qu’un accord est intervenu entre le GAEC et les deux sociétés, le 24 décembre 1991, en vertu duquel la société Prosyn polyane devait fournir des bâches non défectueuses et la société Serres BN devait procéder à leur installation ; que le GAEC a demandé l’indemnisation des conséquences du retard mis dans l’exécution des travaux de remplacement des bâches ; que la société Serres BN lui a opposé une clause de ses conditions générales limitant sa garantie à la seule fourniture des pièces jugées défectueuses ou à la remise en état, sans indemnité envers l’acheteur pour quelque cause que ce soit ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi provoqué du GAEC Saint-Ange, tel qu’énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, d’une part, que dès lors que le GAEC avait caractérisé le préjudice dont il demandait l’indemnisation comme celui résultant de la perte des plants semés en vue d’être transplantés dans la serre sinistrée, de l’obligation de remplacer ces plants par des plants achetés à un tiers, d’une plantation tardive, d’une perte de rendement et d’une mise sur le marché décalée ayant entraîné des frais financiers, la cour d’appel, en retenant que le dommage dont la réparation était demandée était celui résultant du retard, estimé excessif, mis, après l’accord intervenu sur le mode de réparation des désordres eux-mêmes, à effectuer le remplacement des bâches, n’a pas méconnu l’objet du litige ;
que, d’autre part, en relevant que dès le 11 décembre 1991, la société Prosyn Polyane avait proposé le remplacement des bâches défectueuses, ce qui avait permis de parvenir à l’accord prévoyant leur remplacement, la cour d’appel a, par motifs adoptés, pu considérer que n’était pas démontrée l’existence d’un lien de causalité entre la faute initiale de cette société et le préjudice dont la réparation était demandée ;
Et sur le second moyen du même pourvoi provoqué, tel qu’énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’ayant, par une appréciation souveraine des éléments de preuve, retenu que le préjudice dont la réparation était demandée résultait du retard pris à procéder au remplacement des bâches, la cour d’appel a, en écartant la garantie de la Caisse industrielle d’assurance mutuelle, fait une exacte application de la stipulation excluant de la garantie les préjudices résultant de l’exécution d’une obligation de faire ; que le moyen n’est pas davantage fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Serres BN :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995 applicable à l’espèce ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour considérer cette clause comme abusive et réputée non écrite et condamner la société Serres BN à indemniser le préjudice invoqué par le GAEC, l’arrêt attaqué retient que celui-ci était incompétent en matière d’emploi et de tenue des bâches plastiques de recouvrement de serres ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans relever l’absence de rapport direct entre le contrat conclu par la société Serres BN avec le GAEC et l’activité professionnelle de ce dernier, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : Rejette le pourvoi provoqué éventuel ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société Serres BN envers le GAEC Saint-Ange, l’arrêt rendu le 23 février 1999, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;
Condamne le GAEC Saint-Ange aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du GAEC Saint-Ange ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille un.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Serres BN.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA SERRES BN à payer au GAEC SAINT-ANGE la somme de 262.532,25 F en réparation du dommage résultant du retard des travaux de remplacement du film de couverture des serres ;
AUX MOTIFS QUE « pour s'exonérer de sa responsabilité la Société SERRES BN ne peut se prévaloir de la clause stipulée dans ses conditions générales de vente limitant la garantie à la seule fourniture des pièces jugées défectueuses ou à la remise en état mais sans indemnité envers l'acheteur pour quelque cause que ce soit ; Cette clause limitative de la garantie due par un vendeur professionnel et le droit à réparation d'un acquéreur non professionnel, en l'espèce un agriculteur incompétent en matière d'emploi de tenue des films plastiques de recouvrement des serres doit être réputée non écrite » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QU'en postulant, ainsi, la qualité de non-professionnel de l'acquéreur, sans caractériser l'absence de rapport direct entre l'activité professionnelle d'agriculteur du GAEC SAINT-ANGE et le contrat de fourniture et d'installation de serres revêtues de films plastiques conclu avec la Société SERRES BN, la Cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et du décret du 24 mars 1978.
Moyens produits au pourvoi provoqué éventuel par la SCP Parmentier et Didier, avocat aux Conseils pour le GAEC Saint-Ange.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le GAEC SAINT-ANGE de ses demandes dirigées contre la Société PROSYN POLYANE ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE du rapport de l'expert, il résulte que le film de plastique de couverture des serres fabriqué par la Société PROSYN POLYANE et vendu par la Société SERRES BN, suivant commande du 7 juin 1989 et livraison du mois d'août suivant, pour une durabilité de quatre hivers et trois étés, n'a tenu qu'environ la moitié du temps pour lequel il était vendu et, qu'en octobre 1991, le GAEC SAINT-ANGE a dénoncé les premiers désordres l'affectant ; que le 11 décembre 1991, la Société PROSYN POLYANE, après les analyses effectuées dans ses services, a décidé du remplacement de la bâche détériorée et qu'ensuite de la lettre du 12 décembre 1991 de l'expert assistant le GAEC SAINT-ANGE qui signalait que les déchirures s'accentuaient et touchaient des bâches différentes, il a été verbalement convenu, au plus tard le 24 décembre 1991, de procéder à un remplacement total du film défectueux, le GAEC SAINT-ANGE prenant en charge 50 % du coût de remplacement du film et 50 % du coût de la main d'œuvre de cette opération ; qu'il n'est pas discuté que la Société PROSYN POLYANE a fourni le film de remplacement ; que le dommage dont le GAEC SAINT-ANGE poursuit la réparation n'est pas celui qui aurait pu directement résulter, avant le mois de décembre 1991, des conséquences sur les cultures en cours des déchirures alors constatées des bâches des serres, mais celui résultant du retard jugé excessif mis, après l'accord intervenu en décembre 1991 sur le mode de réparation des désordres eux-mêmes, pour effectuer le remplacement des films, ce qui a entraîné la perte des plants semés qui devaient être transplantés dans la serre sinistrée, l'obligation de les remplacer par des plants acquis chez un tiers et une plantation tardive source d'un préjudice financier du fait des écarts des cours du marché ; que la Société PROSYN POLYANE ne peut donc être tenue responsable des dommages résultant du retard des travaux de remplacement qui n'étaient pas à sa charge dès lors qu'il est démontré que, le 11 décembre 1991, elle a proposé de fournir un film de remplacement en considération du code des usages d'utilisation des films longue durée pour couverture des serres, ce qui a permis de parvenir, dès le mois de décembre 1991, à un accord, et qu'il ne lui est imputé par ailleurs aucun retard dans la fourniture de ces films qui aurait contribué à l'allongement de la durée du chantier ; que la seule circonstance que la mauvaise tenue des films initialement fournis par la Société PROSYN POLYANE est à l'origine des désordres constatés ne permet pas, comme il vient d'être dit, de la déclarer responsable même pour partie des dommages résultant du retard dont il est demandé réparation (arrêt p.14 et 15) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE les juges ne sauraient méconnaître les termes du litige tels que fixés par les parties dans leurs conclusions ; qu'en retenant que le GAEC SAINT-ANGE poursuivait la seule réparation du préjudice résultant pour lui du retard pris par la SA SERRES BN pour exécuter les travaux de réfection, quand le GAEC SAINT-ANGE invoquait aussi le retard de la Société PROSYN POLYANE qui avait tergiversé avant d'accepter de remplacer les films plastiques défectueux, la Cour d'Appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE celui qui participe à la réalisation d'un dommage en doit la réparation ; qu'en décidant que la Société PROSYN POLYANE n'avait aucune part de responsabilité dans les dommages causés au GAEC SAINT-ANGE par le retard pris dans l'exécution des travaux, quand ces travaux avaient été rendus nécessaires par les défauts du film plastique fourni par cette société, la Cour d'Appel a violé l'article 1382 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR exclu toute garantie de la Caisse Industrielle d'Assurance Mutuelle - Société CIAM ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la Compagnie CIAM garantit la responsabilité civile de la Société SERRES BN pour son activité d'étude, fabrication et montage de serres à ossature métallique et couverture plastique souple ou rigide ; qu'elle oppose l'exclusion de garantie de l'article 26-2 du contrat souscrit qui stipule que sont exclus « 'les préjudices résultant de l'inexécution des obligations de faire ou de délivrance », qu'en l'espèce c'est le manquement à une obligation de faire qui est retenue à l'encontre de la Société SERRES BN qui n'a pas exécuté les travaux de réfection en temps voulu malgré les avertissements et relances et est donc déclarée seule responsable du préjudice financier résultant du retard mis pour exécuter l'obligation contractée en décembre 1991 ; que l'exclusion de garantie est donc fondée ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE l'assureur est tenu dans les termes de la police d'assurance ; qu'en refusant d'admettre la garantie de la Société CIAM dès lors que la police d'assurance excluait les « préjudices résultant de l'inexécution des obligations de faire ou de délivrance », et qu'il s'agissait au cas présent d'un manquement à une obligation de faire, les travaux ayant été exécutés avec retard, quand la SA SERRES BN n'en avait pas moins exécuté les travaux, de sorte qu'elle n'avait pas manqué à une obligation de faire, la Cour d'Appel a violé l'article 1134 du Code civil.