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CA Nîmes (1re ch. civ. sect. B), 23 février 1999

Nature : Décision
Titre : CA Nîmes (1re ch. civ. sect. B), 23 février 1999
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 1re ch. civ. sect. B
Demande : 97/1987
Décision : 117 B
Date : 23/02/1999
Nature de la décision : Réformation
Décision antérieure : TGI AVIGNON (1e ch. 3e sect.), 28 janvier 1997, CASS. CIV. 1re, 4 décembre 2001, CASS. CIV. 1re, 4 décembre 2001
Numéro de la décision : 117
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1074

CA Nîmes (1re ch. civ. sect. B), 23 février 1999 : RG n° 97/1987 ; arrêt n° 117 B

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 4 décembre 2001 : pourvoi n° 99-14.707 ; arrêt n° 1897)

 

Extrait : « Pour s'exonérer de sa responsabilité la Sté SERRE BN ne peut se prévaloir de la clause stipulée dans ses conditions générales de vente limitant la garantie à la seule fourniture des pièces jugées défectueuses ou à la remise en état, mais sans indemnité envers l'acheteur pour quelque cause que ce soit ; Cette clause limitative de la garantie due par un vendeur professionnel et le droit à réparation d'un acquéreur non professionnel, en l'espèce un agriculteur incompétent en matière d'emploi de tenue des films plastiques de recouvrement des serres, doit être réputée non écrite ».

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 97/1187. Arrêt n° 117 B. TGI : AVIGNON : 28/01/97

Ce jour, VINGT TROIS FÉVRIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF, à l'audience publique de la PREMIÈRE CHAMBRE de la COUR d'APPEL de NÎMES, Monsieur BRUZY, Président, assisté de Mademoiselle MAESTRE, Greffier, a prononcé l'arrêt suivant dans l'instance opposant :

 

D'UNE PART :

APPELANT :

GAEC S A

dont le siège social est [adresse] représenté par ses gérants Madame X. épouse Y. française née le […] à [ville] et Monsieur X. français né le […] à [ville], ayant pour avoué constitué, la SCP FONTAINE - MACALUSO – JULLIEN et pour avocat, Maître BONNENFANT.

[minute page 2]

D'AUTRE PART :

INTIMÉES :

- Société SERRES BN

prise en la personne de son président directeur général en exercice domicilié en cette qualité audit siège social [adresse] ayant pour avoué constitué, Maître d'EVERLANGE et pour avocat, Maître MARIN.

- Société PROSYN POLYANE SA

dont le siège social est [adresse] prise en la personne de son directeur en exercice domicilié en cette qualité audit siège, ayant pour avoué constitué, la SCP TARDIEU et pour avocat, la SCP FORTUNET.

- CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCE MUTUELLE - Sté CIAM

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège social [adresse], ayant pour avoué constitué, la SCP POMIES - RICHAUD – ASTRAUD et pour avocat, Maître GASSER.

 

Après que l'instruction ait été clôturée par ordonnance de Monsieur le Conseiller de la Mise en État, en date du 30 octobre 1998,

[minute page 3] Après que les débats aient eu lieu à l'audience publique du Mardi 24 novembre 1998 - Section B, où siégeaient : - Monsieur BRUZY, Président, - Monsieur TESTUD, Conseiller,

assistés de : - Mademoiselle MAESTRE, Greffier,

La Cour ainsi composée et assistée a entendu les avoués en leurs conclusions et les avocats en leur plaidoirie,

Le prononcé de la décision a été ensuite fixé à la date du 26 janvier 1999, et prorogé à celle de ce jour,

Les magistrats du siège en ont ensuite rendu compte à la Cour composée en outre de : - Monsieur FAVRE, Conseiller,

dans son délibéré conformément à la loi (article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile).

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Au cours de l'été 1989, le GAEC S A a acquis auprès de la SA SERRES BN, en ensemble de serres pour un prix de 410.828,72 Francs HT. Compte tenu de désordres apparus en 1991 au niveau de la couverture plastique fabriquée par la SA PROSYN POLYANE, le GAEC S A a sollicité la désignation d'un expert en référé le 23 avril 1992 qui a estimé le préjudice, dans son rapport déposé le 26 mars 1993, à la somme de 262.532,25 Francs HT.

Le 24 février 1994, le GAEC S A a assigné la SA SERRES BN et la SA PROSYN POLYANE en paiement d'une somme de 300.000 Francs avec intérêts au jour de la demande en réparation de son préjudice, outre la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 27 décembre 1994, la SA SERRES BN a assigné la Cie CIAM aux fins d'être relevée et garantie des condamnations éventuellement prononcées à son encontre et réclame 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire rendu le 28 janvier 1997, le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON a débouté le GAEC S A de ses demandes et la SA SERRES BN de sa demande reconventionnelle.

 

Le GAEC S A a relevé appel de ce jugement et conclut à sa réformation en soutenant :

- que la clause limitative de garantie qui lui est opposée par la Sté SERRES BN est nulle et réputée non écrite dès lors qu'elle a pour effet de réduire ou de supprimer le droit à réparation du non professionnel en cas de manquement du professionnel à ses obligations,

- [minute page 5] qu'elle ne lui est pas opposable dès lors que la Sté SERRES BN n'a pas contesté être responsable des dommages et a effectué les travaux de réfection,

- que l'expert judiciaire a mis en évidence que le sinistre constaté sur les serres était imputable à la Sté PROSYN POLYANE ainsi qu'à la Sté SERRES BN et que le vendeur n'a pas fait diligence pour réparer, retard qui est la cause de son préjudice évalué par l'expert à 262.532,25 Francs.

Il demande en conséquence :

- de dire que la clause limitative de garantie est nulle et réputée non écrite et subsidiairement de la lui déclarer inopposable,

- de dire que la Sté SERRES BN n'a pas respecté son obligation de délivrance d'un produit conforme à l'usage attendu, loyal et marchand,

- de dire que la Sté PROSYN POLYANE a commis une faute quasi délictuelle en fabriquant un film plastique de mauvaise qualité,

- de condamner solidairement les Stés SERRES BN, PROSYN POLYANE et la CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCE MUTUELLE à lui payer la somme de 300.000 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 1994,

- de les condamner solidairement aux dépens et à lui payer la somme de 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

La CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCE MUTUELLE lui a répondu :

- que la demande de condamnation formulée à son encontre par l'appelant, est irrecevable pour être nouvelle devant la Cour, conformément aux dispositions de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- [minute page 6] qu'elle n'a jamais été informée par la Sté SERRES BN sur les travaux de réparation auxquels elle a procédé, que l'expertise judiciaire s'est déroulée sans qu'elle n'y soit appelée et que le rapport lui et dès lors inopposable,

- qu'en tout état de cause elle est en droit de prévaloir de l'exclusion de garantie prévue par les dispositions de l'article 26-2 des conditions particulières de la police souscrite par la Sté SERRES BN dès lors que ce qui est reproché à celle-ci c'est le non respect d'une obligation de faire.

Elle demande en conséquence :

- de déclarer irrecevable la demande formée par le GAEC S A à son encontre,

- de déclarer mal fondé son appel et confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- subsidiairement, sur son appel incident, de lui déclarer inopposable le rapport de l'expert KAUFMANN et de dire qu'elle est bien fondée à refuser sa garantie à la Sté SERRES BN, dont la demande dirigée contre elle doit être rejetée.

 

La Sté PROSYN POLYANE a répliqué pour l'essentiel au GAEC S A :

- que si la Sté SERRES BN n'a pas pu poser le film dans le délai réclamé, ceci ne peut lui être imputé puisque le 24 décembre 1991 elle a donné son accord pour le changement de la totalité des bâches dans le cadre de l'accord verbal intervenu,

- que le préjudice dont la réparation est demandée résulte du seul retard apporté aux opérations de réfection qui est imputable à la Sté SERRES BN.

[minute page 7] A l'appel en garantie de la Sté SERRES BN la Sté PROSYN POLYANE oppose la clause limitative de sa garantie aux seuls films vendus, qu'elle a remplacé après avoir reconnu la qualité défectueuse de celui fourni.

Elle demande en conséquence

- de confirme le jugement entrepris,

- de rejeter les demandes du GAEC S A et de la Sté SERRES BN dirigées contre elle,

- de condamner le GAEC S A à lui verser la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- subsidiairement, de dire qu'elle n'est pas tenue de relever et garantir la Sté SERRES BN des condamnations qui seraient prononcées contre celle-ci mais à l'inverse de la condamner à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation prononcée contre elle et de condamner la Sté SERRE BN à lui verser la somme de 5.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- de condamner l'appelant ou à défaut la Sté SERRES BN aux entiers dépens.

 

La Sté SERRES BN a opposé au GAEC S A :

- que la clause limitative de garantie stipulée dans les conditions générales de vente lui était opposable dès lors qu'il était un professionnel de la culture sous serre et ne peut être assimilé à un simple particulier,

- que lorsqu'en décembre 1991 un accord est intervenu entre toutes les parties sur la réfection de l'intégralité des bâches, aucun engagement n'avait été pris sur la durée des travaux et que l'accord faisait novation à la situation contractuelle antérieure,

[minute page 8] que le GAEC S A lui a, à plusieurs reprises, demandé de différer ses opérations pour des raisons de pratiques culturales et qu'elle démontrait que la mise en place des bâches ne pouvait intervenir en cas d'intempérie.

Subsidiairement elle fait valoir qu'elle dispose d'un recours de garantie à l'encontre de la Sté PROSYN POLYANE responsable des malfaçons ayant affecté les bâches des serres montées par elle pour le GAEC S A et d'un recours en garantie contre son assureur la Cie CIAM mal fondée à lui opposer l'inopposabilité du rapport de l'expert et une clause de non garantie.

Reconventionnellement elle demande que le GAEC S A soit condamné à lui payer la somme de 17.574,15 Francs au titre du solde de sa facture avec intérêts de droit à compter du 1er janvier 1992.

La Sté SERRES BN demande en conséquence :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le GAEC S A de ses demandes,

- subsidiairement si elle était condamnée, d'être relevée et garantie de toute condamnation par la Sté PROSYN POLYANE et la Cie CIAM,

- sur son appel incident de réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et de condamne le GAEC S A à lui verser la somme de 17.574,15 Francs avec intérêts de droit à compter du 1er janvier 1992 outre la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- de condamner le GAEC S A, et subsidiairement la Sté PROSYN POLYANE et la Cie CLAM, aux entiers dépens.

 

[minute page 9] Le GAEC S A leur a répondu par « conclusions en réplique n° 2 » :

- que la demande dirigée contre la Cie CIAM n'est pas irrecevable et qu'elle avait conclu contre elle par des écritures notifiées le 16 octobre 1995,

- que la Sté PROSYN POLYANE ne peut méconnaître qu'il existe un lien direct entre la mise en vente sur le marché de bâches de mauvaise qualité et le préjudice subi, et qu'elle a engagé sa responsabilité en retardant sa décision de proposition de remplacement de la totalité des bâches équipant les serres vendues par la Sté SERRES BN,

- que cette Société de son côté ne méconnaissait pas les impératifs de culture et ne peut soutenir qu'elle n'a pris aucun engagement de délai d'intervention et de terminaison, ni qu'elle n'était pas responsable du vice affectant l'un des éléments des serres vendues par elle.

Le GAEC S A demande en conséquence :

- de dire que la clause limitative de garantie est abusive, nulle et réputée non écrite,

- de dire que la Sté SERRES BN a engagé sa responsabilité contractuelle en ne respectant pas l'obligation de délivrance des serres vendues, livrées et montées,

- de dire ce qui est reconnu, que la Sté PROSYN POLYANE est débitrice d'une responsabilité quasi contractuelle en ayant mis sur le marché des bâches pour couvertures de serres, inadaptées ou de mauvaise qualité non conforme à l'usage attendu,

- [minute page 10] de dire que la Sté SERRES BN est responsable du préjudice subi par le GAEC S A pour n'avoir pas effectué les travaux de reprise auxquels elle s'était engagée au regard des impératifs de mise en place des semis, sur lesquels sa particulière attention avait été attirée, ainsi que cela ressort de l'ensemble des éléments de la cause,

- de dire que la Sté CIAM doit sa garantie d'assurance à la Sté SERRES BN,

- de condamner in solidum la Sté SERRES BN, la Sté PROSYN POLYANE, la CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCE MUTUELLE dite « CIAM » à lui payer 300.000 Francs avec les intérêts au taux légal à compter du 25 février 1994,

- de condamner in solidum les intimées à lui payer 15.000 Francs d'indemnité de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

 

La CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCE MUTUELLE (CIAM) observe :

- que compte tenu des observations de l'expert sur les conditions dans lesquelles sont intervenues les opérations de réfection, leur exécution en deux mois relativise sérieusement le retard imputé à la Sté SERRES BN qui ne s'était engagée sur aucun délai,

- que le rapport d'expertise en référé lui est inopposable et l'action de son assuré prescrite pour avoir été engagée le 27 décembre 1994 alors que l'ordonnance de référé rendue à l'initiative du GAEC S A est en date du 23 avril 1992,

- que l'exclusion de garantie stipulée au contrat souscrit concernant les préjudices résultant de l'inexécution des obligations de faire ou de délivrance doit s'appliquer dès lors que le seul grief qui pourrait être fait à la Sté SERRES BN est d'avoir tardé à remplacer le mauvais film de couverture fourni par la STE PROSYN POLYANE.

 

[minute page 11] La Sté SERRES BN lui a répliqué pour l'essentiel :

- sur la prescription, que la Cie CIAM est irrecevable à soutenir que l'action est prescrite dès lors que cette argumentation n'a pas été soulevée avant toute défense au fond en première instance ou devant la Cour, et que en toute hypothèse la Cie CIAM a été assignée dans les deux ans de la première réclamation judiciaire du GAEC S A,

- que le rapport d'expertise est opposable à la Cie CLAM dans la mesure où elle peut toujours en discuter les conclusions,

- que l'opération de changement de la bâche n'est que la conséquence du sinistre causé par les déchirures de bâches, la garantie étant recherchée dans le cadre de la police d'assurance qui a été souscrite pour les dommages affectant l'ouvrage réalisé.

La Sté SERRES BN demande en outre que le GAEC S A soit condamné à lui rembourser la somme de 70.000 Francs avec intérêts au taux légal depuis le versement de cette somme intervenue par provision en exécution d'une ordonnance de référé, et subsidiairement que la Cie CIAM soit condamnée à le faire avec intérêts au taux légal à compter de la signification de ces conclusions.

 

La CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCE MUTUELLE a encore répliqué pour l'essentiel :

- qu'elle a été appelée en garantie par la Sté SERRES BN en référé par acte du 20 décembre 1993 et devant le Juge du fond par assignation du 27 décembre 1994 alors que le sinistre est d'octobre 1991, que le Juge des référés à désigné un expert le 23 avril 1992 et que l'assignation au fond du GAEC S A est du 24 février 1994, ce qui démontre que plus de deux ans se sont écoulés entre la procédure de référé initiée par le GAEC S A et le recours en garantie de la Sté SERRES BN contre son assureur, la fin de non recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause,

- [minute page 12] qu'aucune demande directe n'a été formée contre elle par le GAEC S A en première instance,

- que l'accord des parties du 21 décembre 1991 s'analyse comme une novation et que le préjudice réclamé résultant du seul retard s'analyse comme l'inexécution d'une obligation de faire ou de délivrance exclue de la garantie,

- que dans la mesure où cet accord n'est pas une novation le préjudice résulte exclusivement de la mauvaise fourniture de la Sté PROSYN POLYANE.

 

La Sté PROSYN POLYANE leur a répliqué que le dommage résulte, dans le cadre de l'exécution de l'accord qui s'analysait en une novation du contrat initial, du seul retard dans la mise en place de ces bâches par la Sté SERRES BN.

 

Par conclusions « en réplique n° 3 » le GAEC S A reprenant ses précédentes écritures a encore soutenu :

- qu'il existe un lien de causalité indéniable entre la déchirure des bâches et son préjudice,

- qu'un délai existait pour l'accomplissement des travaux de réparation.

 

Par nouvelles conclusions en réplique la Sté PROSYN POLYANE tire des dernières écritures du GAEC S A la démonstration que l'appelant lui-même indique que seule la responsabilité de la Sté SERRES BN peut être recherchée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 13] MOTIFS :

Sur la Procédure :

De l'examen des actes de la procédure suivie devant le Tribunal de Grande Instance il résulte que le GAEC S A qui a assigné le 24 février 1994 les seules Sociétés SERRES BN et PROSYN POLYANE en déclaration de responsabilité et condamnation in solidum à réparer son préjudice n'a formulé ultérieurement aucune demande au fond de condamnation directe de la Cie CIAM appelée en garantie par la Sté SERRES BN. Les conclusions notifiées le 16 octobre 1995, citées par l'appelant comme comportant une telle demande, ont été notifiées dans le cadre d'un incident devant le Juge de la mise en état tendant initialement à la seule condamnation in solidum des défendeurs principaux. Les conclusions d'incident du 21 septembre 1994 auxquelles elles se réfèrent expressément ne comportent aucune demande de condamnation de la Cie CIAM ;

C'est donc à juste titre que par application des dispositions de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile la Cie CIAM soutient que la demande de condamnation formée contre elle, pour la première fois devant la Cour, par l'appelant est irrecevable ;

L'irrecevabilité de la demande opposée par la Cie CIAM à la Sté SERRES BN tirée de la prescription de son action est une fin de non recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause en vertu des dispositions des articles 122 et 123 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

L'article 114-1 du Code des Assurances dispose que lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription de deux ans ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ;

[minute page 14] L'assignation en référé délivrée à la requête du GAEC S A à la Sté SERRES BN, par acte du 9 avril 1992, en désignation d'un expert pour établir et rechercher le préjudice subi du fait du retard pris dans le remplacement de bâches souffrant de désordres, visait sans équivoque la responsabilité encourue de ce fait par la Sté SERRES BN, même si elle ne tendait pas à ce stade de la procédure à sa condamnation au paiement ;

Cette assignation en référé en vue de la nomination d'un expert marque le point de départ de la prescription biennale :

La Sté SERRES BN a appelé en garantie, par acte du 10 décembre 1993, la Cie CIAM sur l'assignation en référé provision qui lui a été délivrée par acte du 2 décembre 1993 ayant donné lieu à l'ordonnance du 16 février 1994 ;

Il s'ensuit que le moyen de prescription de l'action en garantie de la Sté SERRES BN soulevé par la Cie CIAM n'est pas fondé ;

 

Sur le fond :

Du rapport de l'expert il résulte que le film de plastique de couverture des serres fabriqué par la Sté PROSYN POLYANE et vendu par la Sté SERRES BN, suivant commande du 7 juin 1989 et livraison du mois d'août suivant, pour une durabilité de quatre hivers et trois étés, n'a tenu qu'environ la moitié du temps pour lequel il était vendu et qu'en octobre 1991 le GAEC S A a dénoncé les premiers désordres l'affectant ; que le 11 décembre 1991 la Sté PROSYN POLYANE, après les analyses effectuées dans ses services, a décidé du remplacement de la bâche détériorée (annexe 16 du rapport) et qu'ensuite de la lette du 12 décembre 1991 (annexe 17) de l'expert assistant le GAEC S A qui signalait que les déchirures s'accentuaient et touchaient des bâches différentes il a été verbalement convenu, au plus tard le 2-4 décembre 1991, de procéder à un remplacement total du film défectueux, le GAEC S A prenant en charge 50% du coût de remplacement du film et 50% du coût de la main d'œuvre de cette opération ;

[minute page 15] Il n'est pas discuté que la Sté PROSYN POLYANE a fourni le film de remplacement ;

Le dommage dont le GAEC S A poursuit la réparation n'est pas celui qui aurait pu directement résulter, avant le mois de décembre 1991, des conséquences sur les cultures en cours des déchirures alors constatées des bâches des serres, mais celui résultant, du retard jugé excessif mis, après l'accord intervenu en décembre 1991 sur le mode de réparation des désordres eux-mêmes, pour effectuer le remplacement des films ce qui a entraîné la perte des plants semés qui devaient être transplantés dans la serre sinistrée, l'obligation de les remplacer par des plants acquis chez un tiers et une plantation tardive source d'un préjudice financier du fait des écarts des courts du marché ;

La Sté PROSYN POLYANE ne peut donc être tenue responsable des dommages résultant du retard des travaux de remplacement qui n'étaient pas à sa charge dès lors qu'il est démontré que le 11 décembre 1991, elle a proposé de fournir un film de remplacement en considération du code des usages d'utilisation des films longue durée pour couverture des serres, ce qui a permis de parvenir dès le mois de décembre 1991 à un accord, et qu'il ne lui est imputé par ailleurs aucun retard dans la fourniture de ces films qui aurait contribué à l'allongement de la durée du chantier ;

La seule circonstance que la mauvaise tenue des films initialement fournis par la Sté PROSYN POLYANE est à l'origine des désordres constatés ne permet pas, comme il vient d'être dit, de la déclarer responsable même pour partie des dommages résultant du retard dont il est demandé réparation ;

[minute page 16] L'expert judiciaire, après avoir examiné et écarté toutes les objections soulevées devant lui pour expliquer le retard (conditions climatiques ou intervention du maître de l'ouvrage) a estimé à juste titre que la Sté SERRES BN n'a commencé les travaux de réfection que le 6 janvier 1992 et les a poursuivi de façon intermittente jusqu'au 6 mai 1992, abandonnant plusieurs fois le chantier, souvent sans raison valable, alors que tout aurait dû être fait pour le terminer au plus tôt compte tenu des impératifs connus du planning de culture des tomates sur lesquels Monsieur Z. représentant le GAEC S A, avait attiré l'attention de tous dès le mois de décembre 1991 et alors que par ses rappels incessants il attirait dès janvier 1992 l'attention de la Sté SERRES BN sur la nécessité de réaliser les travaux sans attendre (§ 4-3 du rapport - tableau chronologique page 19) ;

La Sté SERRES BN ne peut donc soutenir qu'elle n'était liée par aucun délai contractuel puisqu'en parvenant à un accord sur la réparation des désordres en décembre 1991 elle était déjà informée des contraintes culturales et de la nécessite d'intervenir sans attendre puisque la plantation des semis était prévue entre le 10 et le 15 janvier 1992 ;

L'expert judiciaire a mis en évidence (pages 28 à 33 du rapport) que les plants semés ont dépéri faute d'une transplantation en temps voulu du fait du retard ;

Le préjudice résultant du défaut de réalisation des travaux en temps voulu est donc seulement imputable à la Sté SERRES BN qui dès le début du mois de janvier était en mesure de procéder au remplacement des films dont la fourniture était assurée par la Sté PROSYN POLYANE ;

Nul ne conteste l'évaluation du dommage fixé au total à la somme de 262.532,25 Francs HT par l'expert judiciaire ;

Il n'est pas justifié par le GAEC S A des frais financiers qu'il aurait dû supporter ;

[minute page 17] Pour s'exonérer de sa responsabilité la Sté SERRE BN ne peut se prévaloir de la clause stipulée dans ses conditions générales de vente limitant la garantie à la seule fourniture des pièces jugées défectueuses ou à la remise en état, mais sans indemnité envers l'acheteur pour quelque cause que ce soit ;

Cette clause limitative de la garantie due par un vendeur professionnel et le droit à réparation d'un acquéreur non professionnel, en l'espèce un agriculteur incompétent en matière d'emploi de tenue des films plastiques de recouvrement des serres, doit être réputée non écrite ;

La Cie CIAM garantit suivant police à effet du 1er mars 1989 la responsabilité civile de la Sté SERRES BN pour son activité d'étude, fabrication et montage de serres à ossature métallique et couverture plastique souple ou rigide ;

Elle lui oppose l'exclusion de garantie de l'article 26-2 du contrat souscrit qui stipule que sont exclus « les préjudices résultant de l'inexécution des obligations de faire ou de délivrance » ;

En l'espère c'est le manquement à une obligation de faire qui est retenue à l'encontre de la Sté SERRES BN qui n'a pas exécuté les travaux de réfection en temps voulu malgré les avertissements et relances et est donc déclarée seule responsable du préjudice financier résultant du retard mis pour exécuter l'obligation contractée en décembre 1991 ;

L'exclusion de garantie qui lui est opposée par la Cie CIAM est donc fondée ;

[minute page 18] La demande reconventionnelle de la Sté SERRES BN en paiement d'une somme de 17.574,15 Francs du solde de ses factures est justifiée par la production de ces dernières et n'est pas discutée par le GAEC S A qui sera condamné au paiement de cette somme avec intérêts de droit à compter de la demande en justice formulée par ses conclusions signifiées en première instance le 29 janvier 1996, en l'absence de justification d'une mise en demeure préalable ;

Succombant sur l'action du GAEC S A il n'y a pas lieu à restitution de la provision versée ;

Il serait contraire à l'équité que le GAEC S A conserve à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a du exposer à l'occasion de cette procédure mais sa demande sera modérée. La Sté SERRES BN sera condamnée à lui verser la somme de 5.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par contre il n'est pas inéquitable que la Sté PROSYN POLYANE et la Cie CIAM conservent à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposé ;

La Sté SERRES BN qui succombe supportera les entiers dépens

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 19] PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

EN LA FORME REÇOIT l'appel ;

DÉCLARE irrecevables par application de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile les demandes du GAEC S A formées à l'encontre de la CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCE MUTUELLE ;

DIT que l'action de garantie de la Sté SERRES BN à l'encontre de la CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCE MUTUELLE n'est pas prescrite ;

AU FOND RÉFORME partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le GAEC S A de ses demandes à l'encontre de la Sté SERRES BN et cette dernière de sa demande reconventionnelle et a statué sur les dépens ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la Sté SERRES BN en deniers ou quittances, à payer au GAEC S A la somme de 262.532,25 Francs outre intérêts à compter de la décision ;

DÉBOUTE le GAEC S A de ses demandes à l'encontre de la Sté PROSYN POLYANE ;

DÉBOUTE la Sté SERRES BN de ses appels en garantie dirigés contre la Sté PROSYN POLYANE et la CAISSE INDUSTRIELLE D'ASSURANCE MUTUELLE ;

CONDAMNE le GAEC S A à paver à la Sté SERRES BN la somme de 17.574,15 Francs avec intérêts de droit à compter du 29 janvier 1996 ;

[minute page 20] DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE la Sté SERRES BN à paver au GAEC S A la somme de 5.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNÉ aux entiers dépens de l'instance :

EN AUTORISE le recouvrement direct pour ceux d'appel par la SCP FONTAINE - MACALUSO – JULLIEN, la SCP TARDIEU, et la SCP POMIES - RICHAUD - ASTRAUD dans les formes et conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt qui a été signé par Monsieur BRUZY, Président, et par Mademoiselle MAESTRE, Greffier.