CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA DOUAI (3e ch.), 19 février 1998

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (3e ch.), 19 février 1998
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 3e ch.
Demande : 96/01551
Date : 19/02/1998
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Contrats concurrence consommation
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 1688

CA DOUAI (3e ch.), 19 février 1998 : RG n° 96/01551

 

Extrait  : « Il y a lieu d'abord de constater avec l'UFC que ces clauses ne sont pas totalement conformes à la recommandation Européenne du 17 novembre 1988 (article 8-1 et suivants de l'annexe de cette recommandation) et à la recommandation de la Commission des clauses abusives, mais ces recommandations ne sont pas génératrices de règles obligatoires et 1'écart des clauses avec les recommandations ne les rend pas de ce simple fait abusives. Puis selon l'article L. 132-1 du code de la consommation : […]. Pour apprécier le déséquilibre éventuel créé par ces clauses entre les parties il convient donc d'examiner l'économie générale de l'article 10.2 du contrat et de constater ainsi que l'a fait le premier juge que cet article opère un partage clair et équilibré de la charge des retraits frauduleux entre d'une part le porteur et d'autre part le banquier qui devient responsable, dès l'opposition, des paiements et des retraits frauduleux, puisqu'il a alors, et seulement à ce moment là, la possibilité de neutraliser l'utilisation de la carte, étant par ailleurs observé : - d'une part que le porteur, dûment averti par son contrat, étant le seul gardien et de la carte et du code, il n'est pas abusif qu'il supporte en totalité les risques, au demeurant assurables, d'une utilisation frauduleuse de son code et d'une opposition tardive, - d'autre part que ces clauses apparaissent comme la contrepartie nécessaire de la commodité des cartes bancaires pour les paiements et les retraits, qu'il reste au demeurant possible pour les consommateurs d'effectuer autrement. »

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 19 FÉVRIER 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 96/01551. Décision attaquée : TGI Lille 16 novembre 1995.

 

APPELANTE :

UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR,

ayant son siège social [adresse], représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX. Représentée par Maîtres LE MARC'HADOUR POUILLE-GROULEZ, Avoués. Assistée de Maître TACK avocat au barreau de Lille substituant Maître ANTONINI, avocat au barreau de Paris

APPELANTE :

Madame X.,

demeurant [adresse], représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX. Représentée par Maîtres LE MARC'HADOUR POUILLE-GROULEZ, Avoués. Assistée de Maître TACK avocat au barreau de Lille substituant Maître ANTONINI, avocat au barreau de Paris

 

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD (C.R.C.A.M.),

ayant son siège social, [adresse], [minute page 2] représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX. Représentée par Maîtres MASUREL-THERY, Avoués. Assistée de Maître BUFFIN, avocat au barreau de Lille.

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Maîtreau, Président de chambre Messieurs Crousier et Cagnard, Conseillers.

DÉBATS à l'audience publique du DIX NEUF NOVEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX SEPT.

GREFFIER Madame Hannebouw.

ARRÊT CONTRADICTOIRE, prononcé à l'audience publique du DIX NEUF FEVRIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX HUIT, après prorogation du délibéré du 12 février 1998, par P. Maîtreau, président, qui a signé la minute avec M.C. Hannebouw, premier greffier, présents à l'audience lors du prononcé de l'arrêt.

ORDONNANCE DE CLÔTURE en date du 19/11/1997.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Madame X. et l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir font appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 16 novembre 1995 qui les a déboutées de leurs demandes à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Du Nord (C.R.C.A.M.) à la suite du vol de la carte bleue de Madame X.

Madame X. prétend que la C.R.C.A.M. doit lui rembourser la somme de 16.159,59 Francs débitée sur son compte entre le 19 septembre 1992, date du vol de sa carte bleue et le 24 septembre, date à laquelle elle a constaté le vol et fait opposition, sa responsabilité ne pouvant être engagée que dans la limite de 600 Francs, aucune faute ne pouvant lui être reprochée dans le cadre de son obligation de moyens de garde de sa carte.

[minute page 3] L'UFC Que Choisir demande que soient déclarées abusives les dispositions de l'article 10.2 points 2 et 3 du contrat de carte bancaire de la C.R.C.A.M. du Nord, que la Cour ordonne leur suppression sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard, et que la C.R.C.A.M. lui verse 50.000 Francs en réparation du préjudice collectif subi par les consommateurs.

Les appelantes réclament chacune 8.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La C.R.C.A.M. du Nord conclut à la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions et à la condamnation de l'UFC Que Choisir à lui payer la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

L'article 10 du contrat carte bleue du Crédit Agricole consacré à la responsabilité du titulaire de la carte est ainsi libellé :

« 10.1 Principe

Le titulaire de la carte est responsable de l'utilisation et de la conservation de celle-ci. Il doit conserver son code confidentiel rigoureusement secret.

10.2 Effets d'une opposition

Dès la réception d'une opposition faite dans les conditions prévues à l'article 9 et à l'exception des opérations faites par lui, la responsabilité du titulaire de la carte est :

- dégagée :

* pour toutes les opérations effectuées après l'opposition,

* pour toutes les opérations de paiement antérieures à 1'opposition, non encore réglées au commerçant et à condition qu' elles n' aient pas été effectuées par un membre de la famille du titulaire de la carte, [minute page 4]

- engagée intégralement pour les autres opérations antérieures, en cas de :

* faute, imprudence ou opposition tardive,

* opérations de retrait comportant le contrôle du code confidentiel,

* utilisation par un membre de la famille du titulaire de la carte,

- engagée dans la limite totale de 600 Francs pour les autres opérations antérieures à l'opposition. »

 

- Sur la demande de Madame X. :

Il est constant :

- que Madame X. a fait opposition le 24 septembre 1992 aux paiements par carte bancaire auprès de l'agence du Crédit Agricole au motif de la « Perte sans code secret de sa carte le 19 septembre 1992 à 10 heures à Lille » et que le 28 septembre elle déposait une plainte auprès du commissariat de police du Vieux Lille pour « vol de sa carte dans des circonstances indéterminées »,

- que la carte volée a été utilisée du 19 septembre 1992 au 12 décembre 1992 pour un montant total de 23.974,49 Francs,

- que la CRCAM a pris en charge le règlement de tous les paiements intervenus après le 24 septembre 1992, mais qu'elle a refusé, pour opposition tardive, de payer les opérations faites le 19 et le 21 septembre, soit une somme de 16.159,59 Francs.

Madame X. fait valoir que n'utilisant sa carte que rarement, elle a déclaré la perte de sa carte dès la découverte de sa disparition et que n'étant tenue qu'à une obligation de moyens dans la garde, elle n'a pas commis de faute.

Cependant, en souscrivant son contrat de carte bleue, Madame X. acceptait une obligation générale de prudence posée à l'article 10.1 du contrat, dont elle ne s'est pas acquittée en ne se souciant pas de sa carte entre sa dernière [minute page 5] opération, le 12 septembre, et le 24, jour où, selon ses dires, elle a découvert la disparition qu'elle a su alors dater rétrospectivement au 19 septembre, révélant par là même une négligence à faire opposition rapidement, cinq jours s'étant écoulés entre cette date et l'opposition.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu la faute contractuelle d'opposition tardive de Madame X. et sa responsabilité, en la déboutant de ses demandes à l'égard de la C.R.C.A.M. du Nord. Il convient de confirmer le jugement sur ce point.

 

- Sur la demande de Que Choisir :

Ayant introduit une demande principale en première instance de suppression de clauses abusives, comme le lui permet l'article L. 421-6 du code de la consommation, l'UFC est recevable à faire appel et à critiquer deux clauses du contrat proposé par la CRCAM à ses clients, même si une seule de ces clauses se trouve dans le litige opposant Madame X. et la C.R.C.A.M., ces clauses étant relatives à la responsabilité intégrale du titulaire de la carte soit en cas de perte ou de vol avec le code confidentiel, soit en cas d'opposition tardive.

Il y a lieu d'abord de constater avec l'UFC que ces clauses ne sont pas totalement conformes à la recommandation Européenne du 17 novembre 1988 (article 8-1 et suivants de l'annexe de cette recommandation) et à la recommandation de la Commission des clauses abusives, mais ces recommandations ne sont pas génératrices de règles obligatoires et 1'écart des clauses avec les recommandations ne les rend pas de ce simple fait abusives.

Puis selon l'article L. 132-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

[minute page 6] Pour apprécier le déséquilibre éventuel créé par ces clauses entre les parties il convient donc d'examiner l'économie générale de l'article 10.2 du contrat et de constater ainsi que l'a fait le premier juge que cet article opère un partage clair et équilibré de la charge des retraits frauduleux entre d'une part le porteur et d'autre part le banquier qui devient responsable, dès l'opposition, des paiements et des retraits frauduleux, puisqu'il a alors, et seulement à ce moment là, la possibilité de neutraliser l'utilisation de la carte, étant par ailleurs observé :

- d'une part que le porteur, dûment averti par son contrat, étant le seul gardien et de la carte et du code, il n'est pas abusif qu'il supporte en totalité les risques, au demeurant assurables, d'une utilisation frauduleuse de son code et d'une opposition tardive,

- d'autre part que ces clauses apparaissent comme la contrepartie nécessaire de la commodité des cartes bancaires pour les paiements et les retraits, qu'il reste au demeurant possible pour les consommateurs d'effectuer autrement.

Dans ces conditions, il convient de constater que les clauses querellées ne sont pas abusives et donc de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de la C.R.C.A.M. fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

[minute page 7] Condamne Madame X. et l'Union fédérale des Consommateurs Que Choisir aux dépens qui pourront être recouvrés par la SCP d'Avoués Masurel et Thery conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.