CA VERSAILLES (2e ch.), 2 avril 1998
CERCLAB - DOCUMENT N° 1746
CA VERSAILLES (2e ch.), 2 avril 1998 : RG n° ??/10146
Publication : Jurinet
Extrait : « Attendu que la société EUROP ASSISTANCE fait valoir qu'en toute hypothèse l'article 113 du contrat prévoit l'obligation, pour le souscripteur, en cas de demande d'intervention, d'appeler sans attendre la société EUROP ASSISTANCE, d'obtenir son accord préalable avant de prendre toute initiative ou d'engager toute dépense et de se conformer aux solutions qu'elle préconise ; Attendu qu'il résulte du contrat souscrit que celui-ci prévoit, à la charge de la société EUROP ASSISTANCE, tant des obligations d'assistance que des obligations d'assurance (art 29 : soins à l'étranger : remboursement complémentaire de frais médicaux, art 39 : participation de la société EUROP ASSISTANCE aux frais de cercueil...) ;
Attendu que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la clause prévue à l'article 113 de la convention est abusive, la cour observe que les obligations qu'elle prévoit à la charge du souscripteur sont prescrites non à peine de déchéance du droit à indemnisation, mais « pour permettre à la société EUROP ASSISTANCE d'intervenir dans les meilleures conditions » ; qu'ainsi elles sont relatives non aux obligations d'assurance de la société EUROP ASSISTANCE, mais à ses obligations d'assistance ;
Attendu, en ce qui concerne l'article 124 du contrat, que celui-ci prévoit que « ne peuvent donner lieu à remboursement... les frais engagés sans l'accord de la société EUROP ASSISTANCE » ; que cet article se rapporte aux obligations d'assureur de la société EUROP ASSISTANCE ; Attendu qu'il n'est pas contesté que Madame X. a contacté la société EUROP ASSISTANCE dès le lendemain de la mort de son père ; Attendu que la société EUROP ASSISTANCE n'allègue pas que les frais consécutifs au décès de Monsieur M. Y. n'auraient pas été préalablement soumis à son accord ; qu'au demeurant, s'agissant de frais relatifs au rapatriement d'un corps, l'examen des factures en montre le caractère justifié ».
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 2 AVRIL 1998
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° ??/10146.
APPELANT :
Madame X.
INTIMÉE :
Société EUROP ASSISTANCE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par exploit du 28 octobre 1994, Madame X. a assigné la société EUROP ASSISTANCE pour la voir condamner à lui rembourser la somme de 41.442,99 Dirhams ou sa contre-valeur en francs français à la date du jugement à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité contractuelle, la somme de 5.000 francs de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir et celle de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société EUROP ASSISTANCE a sollicité le débouté de Madame X., demandant à titre très subsidiaire, qu'il soit fait application du plafond de garantie relatif aux frais de cercueil inséré dans le paragraphe 39 de la convention d'assistance souscrite par Monsieur Y. Elle sollicitait également la condamnation de Madame X. à lui payer la somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, Madame X. exposait que son père, feu M. Y., décidant de lui rendre visite pour les fêtes de Noël, à RABAT au Maroc, où elle réside, avait renouvelé son assurance contractée près la compagnie EUROP ASSISTANCE, le nouveau contrat prenant effet le 14 novembre 1993, pour s'achever le 13 novembre 1994. Il avait acheté ses billets d'avion aller-retour pour un départ fixé au 26 décembre 1993 et un retour au 20 mars 1994. Au cours de son séjour, il avait été victime d'un accident cardio-vasculaire, et était décédé, le 13 mai 1994 à RABAT. Madame X., demandait en application du contrat souscrit par feu son père, le remboursement des frais médicaux et d'hospitalisation (article 29) et de préparation, transport du corps et frais de cercueil (article 37 à 41).
La société EUROP ASSISTANCE répliquait que le contrat souscrit par Monsieur Y. prévoyait au chapitre C, relatifs aux abonnements annuels paragraphe 102 « les abonnements annuels sont souscrits pour une durée de 12 mois consécutifs et s'appliquent : en France Métropolitaine et en Principauté de Monaco, aux déplacements privés aussi bien qu'aux déplacements professionnels, à l'étranger, dans les pays couverts par l'abonnement annuel mentionnés au paragraphe 107, aux déplacements privés (à l'exclusion des déplacements professionnels) et dont la durée ne dépasse pas 90 jours consécutifs ». En l'espèce, le décès de Monsieur M. Y. était survenu le 13 mai 1994 et la première réclamation de Madame X. - Y., avait été formulée le 14 mai soit plus de 90 jours après l'arrivée de Monsieur Y. au Maroc, le 26 décembre 1993.
Madame X. invoquait sa bonne foi, établie par la déclaration de sinistre en date du 14 mai 1994, soit le lendemain du décès de son père, et dans le délai impératif des 5 jours ouvrés. Elle demandait la nullité du chapitre D, paragraphe 113 du contrat, en application de la loi du 10 janvier 1978, sur les clauses abusives, ledit chapitre édictant une condition impossible à réaliser.
La société EUROP ASSISTANCE répliquait qu'elle n'entendait nullement soulever une déchéance du terme, comme le prétendait Madame X. et qu'il était indéniable que la condition d'application relative à la durée des séjours à l'étranger couverts par le contrat, n'était pas remplie.
Par le jugement déféré en date du 23 octobre 1995, le tribunal de grande instance de NANTERRE a débouté Madame X. de ses demandes. Au soutien de l'appel qu'elle a interjeté contre cette décision, Madame X. fait valoir que les problèmes de santé de son père ont débuté avant le terme de son séjour au MAROC. Feu M. Y. a en effet été traité et suivi depuis le 17 février 1994 pour un cancer de la prostate.
Elle souligne qu'il était impossible de solliciter l'accord préalable de la société EUROP ASSISTANCE aux soins nécessités par l'état de santé de son père, l'application de telles stipulations - à les supposer effectives - nécessitant que « l'accidenté soit en mesure de mesurer les lésions dont il est atteint... et la volonté préalable de bénéficier du contrat d'assistance... même si par hypothèse ces contrats sont conclus pour répondre à des situations de nécessité et d'urgence absolues ». « En l'espèce, précise-t-elle, la nature de l'affection dont a été atteint » M. Y. « (hémiplégie, puis crise cardiaque) lui a bien évidemment interdit de satisfaire à cette obligation ». Son état de santé rendait impossible et dangereux son transport et tout voyage de quelque nature que ce soit. En outre, contrairement à ce qu'ont pu estimer les premiers juges, le décès de M. Y. est constitutif d'un cas de force majeure excluant toute déchéance du terme.
Surabondamment, de bonne foi, Madame X. a déclaré le sinistre le lendemain du décès de son père intervenu durant la période d'assurance.
Madame X. demande à la cour d'annuler le chapitre D paragraphe 113 du contrat, les conditions qui y sont contenues permettant à la société EUROP ASSISTANCE d'exclure la garantie de manière discrétionnaire. Dans ces conditions, elle demande à la cour de condamner la société EUROP ASSISTANCE à lui payer les sommes de 9.751,24 dirhams, 5.482,02 francs, 26.407,30 dirhams, 5.284,45 dirhams avec intérêts au taux légal à la date d'exigibilité contractuelle de ces sommes, 5.000 francs et 2.000 francs « HT » de dommages et intérêts et 5.000 francs « HT » sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société EUROP ASSISTANCE rappelle le chapitre C paragraphe 102 du contrat souscrit, selon lequel les abonnements annuels s'appliquent à l'étranger « aux déplacements privés... dont la durée ne dépasse pas 90 jours consécutifs ». En l'espèce, l'hospitalisation et le décès du souscripteur du contrat sont survenus les 9 et 13 mai 1994, soit plus de 90 jours après son arrivée à RABAT le 26 décembre 1993. Elle souligne la tardiveté avec laquelle Madame X. a produit une attestation médicale qu'elle estime avoir été établie pour les besoins de la cause. Elle considère que cette attestation manque de précision sur la nature et la durée des traitements suivis et le caractère général des termes employés qui ne permettent pas d'établir de manière incontestable que le souscripteur du contrat aurait été dans l'impossibilité absolue de se déplacer dès février 1994. En toute hypothèse, feu M. Y. aurait-il eu des problèmes de santé dès avant le 90ème jour que la demande d'assistance n'a été formulée qu'après ce terme. Or, la convention d'assistance impose (chapitre D paragraphe 113) au souscripteur d'appeler sans attendre la société EUROP ASSISTANCE, d'obtenir son accord préalable avant de prendre toute initiative ou d'engager toutes dépenses et de se conformer aux solutions qu'elle préconise. Elle considère que cette clause, nécessitée par la nature de la convention souscrite, ne saurait être considérée comme abusive. Le paragraphe 124 du chapitre E prévoit, quant à lui, que ne peuvent donner lieu à remboursement les frais engagés sans l'accord de la société EUROPE ASSISTANCE. A titre subsidiaire, la société EUROPE ASSISTANCE souligne que le paragraphe 39 de la convention d'assistance souscrite par feu M. Y. prévoit une participation aux frais de cercueil à concurrence seulement de 3.000 francs. Elle demande, outre confirmation du jugement, condamnation de Madame X. à lui payer 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Attendu que l'article 102 de la convention d'assistance annuelle souscrite par feu M. Y. auprès de la société EUROP ASSISTANCE prévoit que les « abonnements annuels sont souscrits pour une durée de douze mois consécutifs et s'appliquent... à l'étranger dans les pays couverts par l'abonnement annuel... aux déplacements privés... dont la durée ne dépasse pas 90 jours consécutifs » ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que feu M. Y. est entré au MAROC le 26 décembre 1993 ; qu'il y est décédé le 13 mai 1994, soit plus de 90 jours après son arrivée ;
Attendu que Madame X. produit une attestation du professeur A., selon laquelle son père a été traité dès le 17 février 1994, à l'Institut national d'oncologie de RABAT pour un adénocarcinome de la prostate et qui précise que l'état de santé de feu M. Y. rendait impossible et dangereux son transport et tout voyage ;
Attendu que la société EUROP ASSISTANCE ne discute pas l'exactitude des faits rapportés dans cette attestation (le simple fait qu'elle ait été établie « pour les besoins de la cause » n'étant nullement de nature à en diminuer la valeur) ; qu'elle se borne à faire valoir qu'elle aurait été produite tardivement et qu'elle serait trop vague ;
Attendu que la production de cette attestation seulement devant la cour n'a pas empêché les parties d'en discuter contradictoirement la valeur et le contenu ; que cette production en cause d'appel se justifie par le fait qu'elle est destinée à combattre l'un des motifs qui ont conduit les premiers juges à ne pas faire droit à la demande qui leur était faite ;
Attendu que le contenu de l'attestation est clair ;
Attendu qu'il en résulte que Monsieur Y. a été contraint de poursuivre son séjour au MAROC par force majeure ;
Attendu que la société EUROP ASSISTANCE fait valoir qu'en toute hypothèse l'article 113 du contrat prévoit l'obligation, pour le souscripteur, en cas de demande d'intervention, d'appeler sans attendre la société EUROP ASSISTANCE, d'obtenir son accord préalable avant de prendre toute initiative ou d'engager toute dépense et de se conformer aux solutions qu'elle préconise ;
Attendu qu'il résulte du contrat souscrit que celui-ci prévoit, à la charge de la société EUROP ASSISTANCE, tant des obligations d'assistance que des obligations d'assurance (art 29 : soins à l'étranger : remboursement complémentaire de frais médicaux, art 39 : participation de la société EUROP ASSISTANCE aux frais de cercueil...) ;
Attendu que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la clause prévue à l'article 113 de la convention est abusive, la cour observe que les obligations qu'elle prévoit à la charge du souscripteur sont prescrites non à peine de déchéance du droit à indemnisation, mais « pour permettre à la société EUROP ASSISTANCE d'intervenir dans les meilleures conditions » ; qu'ainsi elles sont relatives non aux obligations d'assurance de la société EUROP ASSISTANCE, mais à ses obligations d'assistance ;
Attendu, en ce qui concerne l'article 124 du contrat, que celui-ci prévoit que « ne peuvent donner lieu à remboursement... les frais engagés sans l'accord de la société EUROP ASSISTANCE » ; que cet article se rapporte aux obligations d'assureur de la société EUROP ASSISTANCE ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que Madame X. a contacté la société EUROP ASSISTANCE dès le lendemain de la mort de son père ;
Attendu que la société EUROP ASSISTANCE n'allègue pas que les frais consécutifs au décès de Monsieur M. Y. n'auraient pas été préalablement soumis à son accord ; qu'au demeurant, s'agissant de frais relatifs au rapatriement d'un corps, l'examen des factures en montre le caractère justifié ;
Attendu, en ce qui concerne le coût du cercueil, que le contrat souscrit limite la participation de la société EUROP ASSISTANCE à un montant de 3.000 francs ; qu'il y a lieu de limiter en conséquence le montant de la condamnation en tenant compte de ce seuil ; que, compte tenu du caractère général de celui-ci et du fait que le contrat prévoit la participation de la société EUROP ASSISTANCE au frais de cercueil (article 39 du contrat) « en cas de décès d'un abonné au cours d'un voyage », il y a lieu de prendre en considération le coût global du cercueil, en ce compris l'appareillage spécifique au transport (soit 6.042,65 dirhams et 3.647,65 dirhams) ; qu'en conséquence, sur la demande en ce qu'elle porte sur la somme de la contre-valeur en francs français de 26.407,30 dirhams, il n'y a lieu de faire droit qu'à hauteur de 16.717 dirhams et 3.000 francs ;
Attendu, en ce qui concerne les frais d'hospitalisation, que c'est à bon droit que Madame X. fait valoir qu'il ne saurait être exigé que leur prise en charge soit subordonnée à l'accord préalable de la société EUROP ASSURANCE dès lors que leur caractère nécessaire n'est pas contesté par cette société ;
Attendu, en ce qui concerne les intérêts, qu'ils ne sauraient courir qu'à compter de la mise en demeure de payer qui a été faite ; que celle-ci résulte de l'assignation ;
Attendu que l'attitude de refus injustifié de la société EUROP ASSISTANCE, dans les circonstances douloureuses dans laquelle elle s'est manifestée a directement causé un dommage moral à Madame X. qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 2.000 francs ; que compte tenu de la formulation de la demande, il y a lieu de préciser que les dommages et intérêts ne sont pas soumis à la TVA ;
Attendu que l'équité conduit à condamnation de la société EUROP ASSISTANCE à payer à Madame X. la somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que compte tenu de la formulation de la demande, il y a lieu de préciser que les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, si elles sont destinées à compenser des frais qui ont été soumis à cet impôt ne sont pas, elles, soumises à la TVA ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
- Infirme le jugement déféré et condamne la société EUROP ASSISTANCE SA à payer à Madame Christine X. née Y. la contre-valeur en francs français, au jour du paiement, de 9.751,24 dirhams, de 16.717 dirhams et de 5.284,45 dirhams et celles de 3.000 francs de participation au coût du cercueil et de 5.482,02 francs de frais d'obsèques ainsi que 2.000 francs de dommages et intérêts et 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Condamne la société EUROP ASSISTANCE SA aux dépens,
- Admet Maître BOMMART au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
ARRÊT PRONONCE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER ET ONT SIGNÉ LE PRÉSENT ARRÊT
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
S. RENOULT F. ASSIÉ