CA PARIS (2e ch. sect. A.), 27 février 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 1840
CA PARIS (2e ch. sect. A.), 27 février 2008 : RG n° 07/03436
Publication : Juris-Data n° 2008-361040
Extrait : « Considérant que le généalogiste qui a fait proposer au domicile de l'un de ses cocontractants, où il a également rencontré les deux autres, la fourniture d'un service, en l'espèce la révélation d'une succession, est soumis aux dispositions sur le démarchage à domicile ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/03436 (4 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 février 2007 - Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE RG n° 05/01258.
APPELANTS :
- Monsieur Raymond X.
[adresse], représenté par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES, avoués à la Cour assisté de Maître Jean-François FERRAND, avocat au barreau de BORDEAUX
- Monsieur Georges X.
[adresse], représenté par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES, avoués à la Cour assisté de Maître Jean-François FERRAND, avocat au barreau de BORDEAUX
- Monsieur Maurice X.
[adresse], représenté par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES, avoués à la Cour assisté de Maître Jean-François FERRAND, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur Y., exerçant sous l'enseigne ÉTUDE GÉNÉALOGIQUE ALAIN
représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour assisté de Maître Mathieu HANJANI, avocat au barreau de PARIS, toque : D435
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 janvier 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LACABARATS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président, Madame Isabelle LACABARATS, conseiller, Madame Dominique REYGNER, conseiller
Greffier, lors des débats : Melle Delphine LIEVEN
ARRÊT : Contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Rolande X. est décédée le 15 décembre 2004.
Le 22 décembre 2004, au domicile de l'un d'entre eux, Messieurs Raymond, Georges et Maurice X. ont signé chacun avec Monsieur Y., exerçant sous l'enseigne L'Étude Généalogique Alain, un contrat de révélation de succession aux termes duquel, en compensation des prestations rendues, L'Étude Généalogique Alain percevrait un honoraire représentant 40 % hors TVA de l'actif net recueilli par chacun ainsi qu'un mandat de représentation.
Les consorts X. n'entendant pas respecter leurs engagements contractuels, Monsieur Y. les a assignés devant le tribunal de grande instance d'Auxerre.
Par jugement du 5 février 2007, le tribunal de grande instance d'Auxerre a :
- dit que l'intervention de Monsieur Y. en qualité de généalogiste était la cause déterminante de la revendication par Messieurs Raymond, Georges et Maurice X. de leurs droits dans la succession de Madame Rolande X. veuve Z.,
- condamné en conséquence Monsieur Raymond X., Monsieur Georges X. et Monsieur Maurice X. à payer chacun à Monsieur Y. une somme correspondant à 40 % hors taxes de l'actif net successoral lui revenant dans la succession de Madame Rolande X.,
- condamné in solidum Monsieur Raymond X., Monsieur Georges X. et Monsieur Maurice X. aux dépens et au paiement à Monsieur Y. d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 23 octobre 2007, Monsieur Raymond X., Monsieur Georges X. et Monsieur Maurice X., appelants, demandent à la cour, infirmant le jugement, de :
- [minute page 3] dire nul le contrat de révélation de succession signé par chacun des consorts X. le 22 décembre 2004,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 5 février 2007,
subsidiairement,
- réduire les honoraires de Monsieur Y. compte tenu des démarches prétendument accomplies et non justifiées et de l'absence de service rendu,
- le condamner aux dépens et au paiement à chacun d'eux d'une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures du 7 janvier 2008, Monsieur Y. conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation solidaire de Messieurs Raymond, Georges et Maurice X. aux dépens et au paiement d'une somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR :
Considérant que les consorts X. soutiennent que le contrat de révélation de succession que Monsieur Y. leur a fait signer en abusant de leur crédulité est nul, d'une part faute de cause, dès lors que le décès de leur cousine germaine et l’existence de la succession devaient normalement parvenir à leur connaissance sans son intervention et d'autre part pour violation des règles de protection du consommateur en ce que le coupon-réponse de rétractation n'indique pas qu'il doit être envoyé par lettre recommandée avec avis de réception, son découpage ampute le contrat de la signature de l'héritier et il ne reproduit que partiellement les dispositions légales qu'il doit impérativement comporter ; qu'ils font subsidiairement valoir que le forfait contractuel ne correspond pas service rendu par le généalogiste dont les diligences ne sont aucunement établies ;
Que le généalogiste réplique que, faute de rétractation dans le délai expressément mentionné, les clauses et conditions du contrat, comportant les mentions prescrites par le code de la consommation et signé en toute connaissance de cause par les consorts X. après avoir pris connaissance de l'identité du de cujus et de leur qualité d'héritiers, sont devenues définitives et doivent être exécutées de bonne foi ; qu'il fait observer que les consorts X. étaient parfaitement conscients de leurs engagements qu'ils ont même tenté de renégocier et qu'ils ne rapportent nullement la preuve de ce qu'ils étaient en contact régulier avec la défunte et auraient appris à court terme l'existence de la succession : que Monsieur Y. ajoute que ses conditions de rémunération ont été expressément acceptées et que la mauvaise foi des appelants est patente ;
Considérant que le généalogiste qui a fait proposer au domicile de l'un de ses cocontractants, où il a également rencontré les deux autres, la fourniture d'un service, en l'espèce la révélation d'une succession, est soumis aux dispositions sur le démarchage à domicile ;
Qu'il résulte de la combinaison des articles L. 121-21 et L. 121-23 du code de la consommation que les opérations de démarchage à domicile doivent faire l'objet d'un contrat mentionnant à peine de nullité la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24. L. 121-25 et L. 121-26 ; que l'article R. 121-3 de ce code, issu du décret 97-298 du 27 mars 1997, précise que le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation prévu à l'article L. 121-25 fait partie de l'exemplaire du contrat, laissé au client, qu'il doit pouvoir en être séparé facilement et que sur l'exemplaire du contrat doit figurer la mention : « si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire [minute page 4] détachable ci-contre » ; que l'article R. 121-5 issue du décret de 1997 ajoute notamment que le formulaire prévu à l'article L. 121-24 comporte sur son autre face, la mention « Annulation de commande » en gros caractères, suivie de la référence « Code de la consommation, articles L. 121-23 à L. 121-26 » ainsi qu'un certain nombre d'instructions sur les conditions d'utilisation du formulaire ;
Que force est de constater que le contrat, qui rappelle les dispositions de la loi relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage à domicile dans sa version obsolète issue de la loi du 7 juin 1977, ne comporte pas le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 dans leur rédaction issue de la loi 93-949 du 26 juillet 1993 en vigueur au moment de la signature des contrats litigieux ; que n'y figurent pas notamment les conditions, insérées à l'article L. 121-25, dans lesquelles le délai de renonciation de sept jours est prorogé jusqu'au jour ouvrable suivant lorsqu'il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé ;
Qu'en outre si le contrat signé par chacun des appelants comporte un coupon dit « coupon-réponse de rétractation », n'y figure pas la mention « si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci-contre » mais une mention beaucoup plus sibylline indiquant au client que « le coupon ci-dessous ne peut être utilisé que si vous avez contracté avec l'étude » ; qu'il ne comporte pas au verso la mention « Annulation de commande » en gros caractère prescrite par l'article R. 121-5, ni aucune des autres mentions visées à l'article R. 121-5 ; qu'au surplus, le découpage du coupon ayant pour effet d'amputer le contrat de la signature appliquée au verso par le client au bas des dispositions légales rappelées par le contrat ne satisfait pas aux exigences de l'article R. 121-3 ;
Considérant ainsi que les contrats litigieux, qui ne comportent pas diverses mentions prescrites par la loi à peine de nullité, doivent être déclarés nuls, sans qu'il soit nécessaire de rechercher s'ils avaient une cause ; que le jugement sera en conséquence confirmé et Monsieur Y. débouté de l'intégralité de ses prétentions ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
INFIRMANT le jugement et statuant à nouveau,
DÉCLARE les contrats nuls,
DÉBOUTE Monsieur Y. de l'intégralité de ses demandes,
CONDAMNE Monsieur Y. aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et au paiement, en application de l'article 700 du même code, d'une somme de 1.000 euros à chacun de Messieurs Raymond, Georges et Maurice X.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,