CASS. CIV. 3e, 4 novembre 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 1868
CASS. CIV. 3e, 4 novembre 2004 : pourvoi n° 03/13002 ; arrêt n° 1102
Extrait : « Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat d'architecte, qui ne prévoyait aucune dérogation au cahier des clauses générales disposant qu'en cas de litige portant sur l'exécution de ce contrat les parties convenaient de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes, avant toute procédure judiciaire, ne pouvait être ignoré de M. X. qui l'avait signé et que cette clause d'un contrat conclu entre un architecte et un commerçant était valable, la cour d'appel a pu, après avoir constaté que M. X. n'avait pas saisi pour avis le conseil régional des architectes, préalablement à l'engagement de la procédure judiciaire, le déclarer irrecevable en son action contre Mme Y. et son assureur, la MAF ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 03-13002. Arrêt n° 1102.
DEMANDEUR à la cassation : 1°/ Société Sud Marée – 2°/ Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : 1°/ Madame Y. 2°/ Mutuelle des architectes français (MAF) 3°/ SA Fondeville 4°/ Société GAN 5°/ Société David Sud Dallage 6°/ Société Axa Assurances
Président : M. WEBER
Sur le pourvoi formé par : 1°/ la société Sud Marée, société à responsabilité limitée, dont le siège est [adresse], 2°/ M. X., demeurant [adresse], en cassation d'un arrêt rendu le 18 février 2003 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre civile, section AO2), au profit : 1°/ de Mme Y., demeurant [adresse], 2°/ de la Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [adresse], 3°/ de la société Fondeville, société anonyme, dont le siège est [adresse], 4°/ de la société David Sud Dallage, Le Groupe des Assurances Nationales, société anonyme, dont le siège est [adresse], 5°/ de la société David Sud Dallage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [adresse], 6°/ de la société Axa Assurances, société anonyme, venant aux droits et obligations de l'UAP, dont le siège est [adresse], défenderesses à la cassation ;
Donne acte à la société Sud Marée et à M. X. du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Groupe des Assurances Nationales, la société David Sud Dallage et la société Axa Assurances IARD, venant aux droits de la société Union des Assurances de Paris ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 février 2003) que M. X. est propriétaire d'un immeuble à usage commercial et du fonds de commerce exploité à l'intérieur, donné en location-gérance à la société Sud Marée dont il est le gérant ; que des travaux de réaménagement et d'extension des bâtiments ont été confiés à la société Fondeville, sous la maîtrise d'oeuvre de Mme Y., architecte, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (MAF) ; que des désordres étant apparus, une réception est intervenue avec des réserves concernant un faïençage généralisé du carrelage ; que la société Sud Marée a assigné l'architecte, son assureur et l'entreprise, en réparation de son préjudice, puis, M. X. est intervenu volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que M. X. fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en ses demandes contre Mme Y. et la MAF, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un document n'a de valeur contractuelle que s'il est annexé à la convention et a été approuvé par le cocontractant ; qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si l'absence de communication du cahier des clauses générales à M. X. n'ôtait pas toute valeur contractuelle à la clause de saisine préalable du conseil de l'ordre des architectes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
2°/ que les dispositions légales sur les clauses abusives sont applicables entre les professionnels de spécialités différentes ; qu'en s'étant uniquement fondée sur l'inscription au registre du commerce de M. X., dirigeant d'une société de mareyage, pour lui opposer une stipulation imposée par un architecte, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat d'architecte, qui ne prévoyait aucune dérogation au cahier des clauses générales disposant qu'en cas de litige portant sur l'exécution de ce contrat les parties convenaient de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes, avant toute procédure judiciaire, ne pouvait être ignoré de M. X. qui l'avait signé et que cette clause d'un contrat conclu entre un architecte et un commerçant était valable, la cour d'appel a pu, après avoir constaté que M. X. n'avait pas saisi pour avis le conseil régional des architectes, préalablement à l'engagement de la procédure judiciaire, le déclarer irrecevable en son action contre Mme Y. et son assureur, la MAF ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le second moyen :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 1382 du Code civil ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour débouter la société Sud Marée de ses demandes contre Mme Y. et contre la société Fondeville, l'arrêt retient qu'elle stigmatise les manquements contractuels des constructeurs vis-à-vis du maître de l'ouvrage : faute de conception, du suivi du chantier et d'assistance à la réception du chantier à l'encontre de l'architecte et faute d'exécution à l'encontre de l'entreprise Fondeville ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher ainsi qu'il lui était demandé si le préjudice de jouissance invoqué ne résultait pas de la faute de l'architecte qui ne s'était pas assuré de la conformité du projet aux règlements en vigueur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Sud Marée de ses demandes contre Mme Y. et la société Fondeville, l'arrêt rendu le 18 février 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne, ensemble, Mme Y. et la société Fondeville aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, Mme Y. et la société Fondeville à payer la somme de 1.900 euros à la société Sud Marée ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toute autre demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatre.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Maître BLANC, avocat aux Conseils pour la société Sud Marée et M. Biascamano.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevables les demandes de Monsieur X., propriétaire de l'immeuble et du fonds donné en location-gérance à la société SUD MAREE, à l'encontre de Madame Y., architecte et son assureur, la MAF,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE Monsieur X. ne pouvait pas agir contre Madame Y. sans avoir préalablement saisi pour avis le conseil régional de l'Ordre des architectes, le contrat d'architecte signé le 9 janvier 1997 ne prévoyant aucune dérogation aux clauses du cahier des charges, stipulant que les parties devaient saisir pour avis, en cas de litige, ledit conseil régional avant toute procédure judiciaire ; que les clauses particulières du contrat signé faisaient référence aux clauses générales ; que cette clause du contrat intervenu entre un architecte et Monsieur X., commerçant inscrit au registre du commerce et des sociétés, était valable ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D'UNE PART, QU'un document n'a valeur contractuelle que s'il est annexé à la convention et a été approuvé par le cocontractant ; qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si l'absence de communication du cahier des clauses générales à Monsieur X. n'ôtait pas toute valeur contractuelle à la clause de saisine préalable du conseil de l'ordre des architectes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les dispositions légales sur les clauses abusives sont applicables entre professionnels de spécialités différentes ; qu'en s'étant uniquement fondée sur l'inscription au registre du commerce de Monsieur X., dirigeant d'une société de mareyage, pour lui opposer une stipulation imposée par un architecte, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du Code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société SUD MAREE de ses demandes d'indemnité contre l'architecte, Madame Y. et la Société FONDEVILLE, entreprise de construction,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU'elle stigmatisait les manquements contractuels des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage, Monsieur X. : faute de conception, du suivi du chantier et d'assistance à la réception par l'architecte et faute d'exécution par la société FONDEVILLE, sans indiquer en quoi ces erreurs techniques constituaient des fautes délictuelles, sans démontrer la réalité de son préjudice, la découpe de thon n'étant pas une activité envisagée dans l'extension du magasin de mareyage et sans préciser le lien de causalité avec les pertes d'exploitation alléguées ;
ALORS, D'UNE PART, QU'engage sa responsabilité délictuelle à l'égard du locataire-gérant d'un fonds de commerce de mareyage l'architecte qui ne s'assure pas de la conformité de l'ouvrage aux dispositions de l'arrêté du 28 décembre 1992 sur les conditions d'hygiène applicables dans les établissements de manipulation des produits de la pêche, à l'origine d'un préjudice de jouissance lié à l'impossibilité d'exercer l'activité ; qu'en n'ayant pas recherché si Madame Y. avait ainsi engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société SUD MAREE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le constructeur engage sa responsabilité délictuelle à l'égard du locataire-gérant pour les désordres signalés lors de la réception ; qu'en n'ayant pas non plus recherché, comme elle y était invitée, si le procès-verbal de réception ne contenait pas une réserve particulière relative au faïençage de la dalle du magasin le rendant impropre à sa destination, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE l'arrêté du 28 décembre 1992 portant réglementation des conditions d'hygiène applicables dans les établissements de manipulation de produits de la pêche s'applique à l'activité de découpe du thon, activité principale du mareyage ; qu'en considérant, pour écarter l'existence d'un dommage, que la découpe du thon n'était pas une activité envisagée dans l'extension du magasin de mareyage, la cour d'appel a violé l'article 1er de l'arrêté du 28 décembre 1992.