CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

T. COM. CHÂTEAUROUX, 27 février 1991

Nature : Décision
Titre : T. COM. CHÂTEAUROUX, 27 février 1991
Pays : France
Juridiction : Chateauroux (TCom)
Date : 27/02/1991
Nature de la décision : Admission
Décision antérieure : CA BOURGES (1re ch.), 25 novembre 1992
Imprimer ce document

 

 CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 194

T. COM. CHÂTEAUROUX, 27 février 1991 : RG n° 12343

(sur appel CA Bourges (1re ch.), 25 novembre 1992 : RG n° 1475/91 ; arrêt n° 892)

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE CHÂTEAUROUX

JUGEMENT DU 27 FÉVRIER 1991

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12343. Audience du MERCREDI 27 FÉVRIER 1991 à 14 HEURES 30, tenue publiquement par le Tribunal de Commerce de CHÂTEAUROUX, siégeant Monsieur LACALMONTIE, Juge faisant fonction de Président, Messieurs LAVIGNE et AUCLERC, Juges, assistés de F. ARNOULT Greffier, EN LA CAUSE D'ENTRÉE N° 12343

 

ENTRE :

SA LAITERIE DE VARENNES

dont le siège social se trouve à [adresse], Demanderesse suivant assignation en date du seize février mil neuf cent quatre vingt trois de la SCP PUAUX et BERGER Huissiers de Justice associés à CHÂTEAUROUX, Comparant par Martre MASSON Avocat [adresse], Avocat plaidant, et la SCP DOUSSET DRAPEAU BONHOMME [adresse], Avocat postulant.

 

ET :

ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

prise en son centre de distribution de CHÂTEAUROUX, [adresse], Défenderesse comparant par Martre AGLIANY Avocat associé à [adresse]

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

JUGEMENT :

Le Tribunal après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

1°) LES FAITS

L'origine du litige résulte de nombreuses coupures de courant contrôlées ou non, enregistrées ou non, avec information ou non de la SA LAITERIE DE VARENNES.

Du fait du traitement et de la transformation, ou de la conservation d'un produit sensible, le lait, ces différentes coupures rendent le produit impropre à la consommation, le condamnent donc à la destruction, d'où préjudice important pour la SA LAITERIE DE VARENNES.

 

2°) LA DEMANDE

De sorte que la SA LAITERIE DE VARENNES demande la condamnation de l’EDF à lui payer la somme de NEUF CENT QUARANTE CINQ MILLE SEPT CENT QUATRE VINGT SIX FRANCS TRENTE SEPT CENTIMES TTC avec intérêts de droit à compter du 16 FÉVRIER 1983.

Elle réclame également paiement d'une somme de CINQUANTE MILLE FRANCS pour résistance abusive et celui d'une somme de DIX MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du NCPC.

 

3°) DISCUSSION

ARGUMENTS DE LA SA LAITERIE DE VARENNES :

[minute page 2] Nombreuses plaintes concernant les coupures.

Non respect du contrat de distribution.

Absence du maintien des garanties contractuelles.

Résistance aux réponses, enquêtes, règlement du contentieux.

Saisine du Tribunal pour réparation préjudice.

Désignation d'un expert par le Tribunal,

- qui reconnaît que les coupures enregistrées méritent réparation de la part d'EDF,

- qui reconnaît que les microcoupures peuvent exister mais d'origines tellement diverses qu'elles ne sont pas enregistrées et pas comptabilisées, et non imputables par force majeure à EDF qui reconnaît que neuf coupures de longue durée non enregistrées, mais nécessitant une intervention de réenclenchement d'un agent, auraient dû être mentionnées par un bon d'incident inexistant.

Si EDF ne s'est pas manifestée, c'est qu'elle reconnaît en partie ses fautes.

Si EDF qui a installé des éclateurs, a fait disparaître en partie les microcoupures après plusieurs années, c'est bien qu'elle possédait une solution technique, mais a fait preuve de laxisme.

Si EDF a installé pour parfaire se distribution, un disjoncteur Shunt, c'est qu'elle culpabilisait et pouvait encore améliorer sa distribution.

Si EDF n'a pas répondu aux problèmes d'environnement (arbres, ruptures lignes, etc.) c'est qu'elle était en défaut.

Si aujourd'hui la distribution est correcte après tous les travaux effectués par EDF, c'est qu'il y avait des solutions et que le préjudice lui est totalement imputable ; qu'elle doit donc s'entendre condamner.

 

ARGUMENTS EDF :

Dès 1981, il a été conseillé à la SA LAITERIE DE VARENNES d'installer un onduleur.

Celle-ci, au lieu de suivre ce conseil, n'a accumulé que des plaintes contre EDF.

LA LAITERIE DE VARENNES a investi dans du matériel électronique très sensible aux variations de tension et d'intensité, qu'il est du devoir de l'entrepreneur de se prémunir au travers de son installation contre ces variations.

LA LAITERIE DE VARENNES ne rapporte pas la preuve de ses coupures EDF.

Le contrat de distribution signé entre les parties précise les paramètres garantis.

LA LAITERIE DE VARENNES n'ignore pas que l'énergie électrique n'est pas une science précise comme de la mécanique et que la livraison de courant est soumise à minimas et maximas.

LA LAITERIE DE VARENNES évalue un préjudice difficilement quantifiable ; elle ne rapporte pas la preuve de perte de matière première.

Les clients de LA LAITERIE DE VARENNES n'ont pas évoqué de manquements aux livraisons.

L'évaluation du préjudice est surfaite.

EDF ne peut prendre en compte que ce qu'elle contrôle.

LA LAITERIE DE VARENNES, dès lors qu'elle a installé un onduleur, n'a plus évoqué de plaintes.

Dans l'état actuel de la technique, EDF ne sait pas garantir une livraison, exemple de coupures ; elle le mentionne dans ses contrats.

[minute page 3] Sa responsabilité n'est donc pas engagée et la SA LAITERIE DE VARENNES sera déclarée irrecevable en son action et sera déboutée.

D'ailleurs, EDF a apporté un maximum de modifications sur son réseau pour améliorer la distribution.

Si LA LAITERIE DE VARENNES avait installé un onduleur dès 1981, elle n'aurait jamais supporté de préjudice de distribution.

LA LAITERIE DE VARENNES sera en conséquence condamnée à verser CINQUANTE MILLE FRANCS de dommages intérêts à EDF et DIX MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du NCPC.

LA LAITERIE DE VARENNES supportera les frais d'expertise et entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu qu'EDF, qui bénéficie d'un monopole de service public, n'est pas moins commerçant, engageant sa responsabilité professionnelle ;

Qu'en la circonstance, l'absence de dialogue entre les parties a été préjudiciable à tout règlement amiable ;

Qu'EDF, saisie de plaintes, aurait dû diligenter une expertise technique et que son mutisme ne peut qu'accréditer sinon des fautes, au moins une dérobade préjudiciable ;

Que les améliorations techniques successives apportées sur le réseau, démontrent à souhait la possibilité d'aplanir les déficiences de distribution ;

Attendu qu'EDF, de par sa vocation ne peut se réfugier derrière ses contrats pour s'exonérer de toute responsabilité ;

Mais attendu que la SA LAITERIE DE VARENNES s'est également enfermée dans une situation outrancière de non discussion ;

Qu'en industriel réputé, elle aurait dû se prémunir des risques contre son installation ;

Qu'EDF l'avait conseillée utilement en lui suggérant l'installation d'un onduleur ou d'une source d'énergie palliative aux défaillances du réseau ;

Qu'en l'occurrence, elle a choisi l'entêtement et le bras de fer ;

Qu'il est permis de douter, de l'importance du préjudice évoqué, que s'il était vérifiable et vérifié, il serait le fruit d'une forme de laxisme ;

Que dès lors, si la SA LAITERIE DE VARENNES avait confié, dès 1981, son problème à un expert qualifié aux fins d'un diagnostic des coupures et de conseil à l'investissement approprié, elle n'en serait pas à ce stade ;

[minute page 4] Attendu qu'EDF aurait ainsi pu être rapidement confrontée à ses manquements ;

Attendu qu'EDF, outre ses carences commerciales et de conseil, a bien effectué des coupures au nombre de neuf, qui n'ont pas été répertoriées, pas plus que la SA LAITERIE DE VARENNES n'a été informée préalablement, ce qui a pu détruire son produit ultra sensible ;

Attendu en conséquence de ce qui précède que le Tribunal condamnera EDF pour sa passivité, à rembourser le montant de l'onduleur installé par la SA LAITERIE DE VARENNES, ainsi qu'à créditer sur fournitures la SA LAITERIE DE VARENNES entre 1981 et 1984 (date d'installation de l'onduleur) à hauteur de 7 % des consommations supplémentaires dues à l'onduleur

Qu'il fera supporter les frais d'expertise à la SA LAITERIE DE VARENNES, laquelle aurait dû supporter les frais d'un conseil lors de ses investissements ;

Qu'il condamnera EDF à verser CINQ MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du NCPC à la SA LAITERIE DE VARENNES.

Qu'il déboutera les parties des autres demandes et conclusions

Qu'il fera masse des dépens et les répartira également entre les parties.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

Dit fondée et recevable l'introduction d'instance la SA LAITERIE DE VARENNES ;

Condamne EDF à rembourser l'onduleur installé par la SA LAITERIE DE VARENNES.

Condamne EDF à créditer la SA LAITERIE DE VARENNES à hauteur de 7 % de ses fournitures facturées entre 1981 et 1984.

Condamne la SA LAITERIE DE VARENNES à supporter les frais d'expertise.

Condamne EDF à verser à la SA LAITERIE DE VARENNES la somme de CINQ MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du NCPC.

Déboute les parties de l'ensemble des autres demandes et conclusions.

Fait masse des dépens et les répartit entre les parties. Taxe lesdits dépens à la somme de […].