CASS. CIV. 3e, 3 février 1999
CERCLAB - DOCUMENT N° 1947
CASS. CIV. 3e, 3 février 1999 : pourvoi n° 97-12033 ; arrêt n° 258
Extrait : « Mais attendu, d’une part, que les époux X. n’ayant pas soutenu devant la cour d’appel que la clause stipulée dans leur acte de vente était une clause abusive telle que prévue par l’article 2 du décret du 24 mars 1978, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 3 FÉVRIER 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 97-12033. Arrêt n° 258.
DEMANDEUR à la cassation : 1°/ Monsieur X. 2°/ Madame Y. épouse X.
DÉFENDEUR à la cassation : 1°/ Monsieur A. 2°/ Madame A. née B. 3°/ Monsieur C. 4°/ Société Azur Habitat
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
I - Sur le pourvoi n° G 97-12.033 formé par : 1°/ M. X., 2°/ Mme Y., épouse X., demeurant ensemble […], en cassation d’un arrêt rendu le 26 novembre 1996 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (4e chambre civile, Section B), au profit : 1°/ de M. A., 2°/ de Mme A., née B., demeurant ensemble […], 3°/ de M. C., demeurant […], 4°/ de la société Azur habitat, dont le siège est […], defendeurs à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n° S 97-14.732 formé par la société Azur Habitat, société à responsabilité limitée, en cassation du même arrêt rendu au profit : 1°/ de M. X., 2°/ de Mme Y., épouse X., 3°/ de M. A., 4°/ de Mme B., épouse A., 5°/ de M. C., défendeurs à la cassation ;
Sur le pourvoi n° G 97-12.033 :
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Sur le pourvoi n° S 97-14.732 :
La demanderesse invoque, à l’appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l’audience publique du 16 décembre 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Masson- Daum, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Villien, Cachelot, Martin, conseillers, Mme Boulanger, conseiller référendaire, M. Guérin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Masson-Daum, conseiller référendaire, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat des époux X., de Me Choucroy, avocat des époux A., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. C., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Azur Habitat, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint les pourvois n° G 97-12.033 et n° S 97-14.732 ;
Met hors de cause M. C. ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° G 97-12.033 :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 novembre 1996) que la société Azur habitat ayant construit sur une parcelle faisant partie d’un lotissement, une villa en infraction à la servitude non altius tolendi du cahier des charges, les époux A., colotis, ont, le 5 octobre 1992, sur le fondement des conclusions d’un expert désigné par ordonnance de référé, assigné la société Azur habitat en démolition d’une partie de l’immeuble ainsi qu’en dommages-intérêts ; que la société Azur habitat a, par acte du 12 mars 1993 passé devant M. C., notaire, vendu l’immeuble aux époux X., l’acte de vente stipulant que « le vendeur déclare qu’un litige l’oppose à un propriétaire contigu, M. A., sur la conformité de la villa ; en effet, la hauteur de la villa vendue dépasse par endroit celle prévue par les règles d’urbanisme et du lotissement ; M. et Mme X., acquéreurs, prendront en charge toutes les conséquences quelles qu’elles soient de l’issue du litige évoqué » ; que les époux A. ont assigné les époux X. aux mêmes fins que la société Azur habitat et que ceux-ci ont appelé en garantie le notaire rédacteur de l’acte ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que les époux X. font grief à l’arrêt de les condamner à démolir la partie de villa construite en infraction aux règles du lotissement et au permis de construire selon le plan de l’expert judiciaire, alors, selon le moyen, « que le rapport d’expertise établi en exécution d’une décision judiciaire prononcée dans une instance à laquelle n’était pas partie un défendeur, n’est pas opposable à ce dernier qui n’était ni partie ni représenté lors de cette mesure d’instruction ; qu’en l’espèce, en retenant à l’appui de sa décision ordonnant la démolition de la partie litigieuse de l’immeuble des époux X., le contenu du rapport d’expertise Audineau établi en exécution d’une ordonnance de référé à laquelle les époux X. n’étaient pas parties, ces derniers n’ayant pas plus été parties ou représentés à cette mesure d’instruction, la cour d’appel a violé l’article 16 du nouveau Code de procédure civile » ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’ayant relevé que le rapport d’expertise et le rectificatif qui lui avait été apporté avaient été soumis à la discussion des parties, la cour d’appel, qui ne s’est pas fondée sur ce seul document, a pu retenir qu’il pouvait être considéré comme constituant l’un des éléments de preuve de l’infraction alléguée ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° G 97-12.033 :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que les époux X. font grief à l’arrêt de les débouter de leur demande tendant à être garantis par la société Azur habitat des condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen, « que les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations étant interdites comme abusives par le décret du 24 mars 1978 pris pour l’application de la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs, il en résulte l’inefficacité des stipulations de non-garantie d’éviction insérée dans des contrats conclus entre des vendeurs professionnels et des acquéreurs non professionnels ou consommateurs si bien qu’en faisant application de la clause stipulée dans le contrat conclu entre les époux X., acquéreurs non-professionnels, et la société Azur habitat, vendeur professionnel, en vertu de laquelle cette dernière était exonérée de toute garantie due aux acquéreurs contre l’éviction résultant de la méconnaissance par le vendeur lui-même des règles du lotissement, la cour d’appel a violé l’article 35 de la loi du 10 juillet 1978 (Code de la consommation, article L. 132-1) et l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ; qu’en toute hypothèse, une clause insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur, peut, même si elle n’est pas visée par le décret d’application du 24 mars 1978, être réputée non écrite dès lors qu’elle procure au professionnel un avantage excessif, lequel, du fait de sa position économique, est en mesure de l’imposer à son cocontractant non professionnel si bien qu’en s’abstenant de rechercher si la clause litigieuse, stipulée dans un contrat conclu entre des acheteurs non-professionnels et un vendeur professionnel, exonérant ce dernier des conséquences de sa propre méconnaissance des stipulations du cahier des charges ne révélait pas l’existence d’un avantage excessif conféré au vendeur professionnel et imposé aux acquéreurs, et n’avait pas dès lors un caractère abusif, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 35 de la loi du 10 juillet 1978 (E. Code de la consommation. article L. 132-1) » ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, d’une part, que les époux X. n’ayant pas soutenu devant la cour d’appel que la clause stipulée dans leur acte de vente était une clause abusive telle que prévue par l’article 2 du décret du 24 mars 1978, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que la mention de la clause était précise sur le dépassement de hauteur de la villa par rapport aux règles du lotissement et que les époux X. avaient connaissance des risques encourus la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant qu’en contractant les époux X. avaient accepté le risque d’éviction ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° G 97-12.033 :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que les époux X. font grief à l’arrêt de les débouter de leur demande tendant à être garantis des condamnations prononcées contre eux par le notaire rédacteur de l’acte, alors, selon le moyen “d’une part, que les notaires, qui ont pour mission d’éclairer complètement leurs clients sur les conséquences et les dangers des engagements qu’ils contractent, ne sont pas dispensés de cette obligation de renseignement et de conseil par leur ignorance de certains éléments d’information, qu’ils ont le devoir de connaître en raison de leur qualification professionnelle si bien que pour écarter en l’espèce toute faute du notaire pour manquement à ses obligations d’information et de conseil vis-à-vis de ses clients, la cour d’appel qui a retenu la circonstance qu’il ne connaissait pas tous les éléments d’information concernant le litige évoqué dans une clause stipulée dans l’acte dont il était le rédacteur, a violé en conséquence l’article 1382 du Code civil ; d’autre part, que les informations reçues éventuellement de tiers par le client du notaire sont sans incidence sur l’étendue du devoir d’information et de conseil dont ce dernier est tenu, et ne sont pas de nature à le dispenser d’éclairer lui-même son client sur les risques des engagements contractés par celui-ci ; que la cour d’appel a, en l’espèce, retenu à l’appui de sa décision le fait que les acquéreurs auraient reçu des informations de tiers sur le litige évoqué dans une clause exonérant le vendeur de sa garantie et mettant à la charge des acquéreurs « toutes les conséquences » de ce litige, cette circonstance n’étant cependant pas de nature à dispenser le notaire de son obligation personnelle d’attirer l’attention et d’éclairer lui-même ses clients sur l’ampleur des risques par eux réellement encourus à raison des engagements qu’ils contractaient, de sorte que la cour d’appel a, à nouveau, violé l’article 1382 du Code civil” ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, d’une part, que la cour d’appel n’a pas dispensé le notaire de son devoir de conseil en considération de l’ignorance où il aurait été de certains éléments d’information ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé qu’il ne résultait d’aucun élément du dossier que le notaire ait pu avoir connaissance de la procédure autrement que par les parties elles-mêmes, l’arrêt constate qu’il avait cependant noté l’existence du litige dont les époux X. avaient une parfaite connaissance et qu’il en avait envisagé la possibilité d’une évolution, éventuellement fâcheuse, les époux X. ayant accepté d’en supporter l’issue « quelle qu’elle soit » ; que de cet ensemble de constatations, la cour d’appel a pu en déduire qu’aucune faute ne pouvait être reprochée au notaire ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° S 97-14.732, ci-après annexé :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la cour d’appel a retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen que, si les époux A. avaient, à tort, fait transcrire leur assignation en démolition non seulement sur le lot n° 5, objet du litige, mais également sur le lot n° 1, la société Azur habitat ne justifiait pas du préjudice en étant résulté pour elle et en a exactement déduit que la demande de dommages-intérêts qu’elle avait formée contre les époux A. devait être rejetée ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° S 97-14.732 ci après annexé :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Azur habitat ayant partiellement succombé dans ses prétentions, la cour d’appel n’a fait qu’user de la faculté remise à sa discrétion par l’article 696 du nouveau Code de procédure civile en la condamnant à supporter les frais et dépens de la procédure de référé introduite au mois de juin 1994 à l’encontre des époux A. ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° S 97-14.732 :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1382 du Code civil ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, pour condamner la société Azur habitat in solidum avec les époux X. à payer aux époux A. une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient par motifs adoptés, que les époux A. subissent un préjudice du fait de la procédure et, par motifs propres qu’il résulte des faits de la cause qu’en dehors même du non respect des obligations contractuelles prévues au cahier des charges, l’attitude dilatoire tant de la société Azur habitat que des époux X. a causé un préjudice aux époux A. ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la faute de la société Azur habitat, faisant dégénérer en abus le droit d’ester en justice, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la société Azur habitat à payer, in solidum avec les époux X., aux époux A. la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 26 novembre 1996, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Condamne les époux X. aux dépens du pourvoi n° G 97-12.033 ;
Condamne la SARL Azur habitat et les époux X., chacun pour moitié, aux dépens du pourvoi n° S 97-14.732 ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux X. à payer à M. C. et aux époux A., chacun, la somme de 9 000 francs ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SARL Azur habitat à payer à M. C. la somme de 8 000 francs ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des époux X. et de la SARL Azur habitat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.