CASS. CIV. 2e, 17 mars 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1959
CASS. CIV. 2e, 17 mars 2005 : pourvoi n° 03-20689 ; arrêt n° 456
Extrait : « attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non-professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 MARS 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 03-20689. Arrêt n° 456
DEMANDEUR à la cassation : Société AXA France anciennement dénommée AXA assurances IARD
DÉFENDEUR à la cassation : Établissement français du sang (EFS) aux droits du Centre de transfusion de Rennes et autres.
Président : M. DINTILHAC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire,
Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par la société Axa :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 octobre 2003), que M. X. a été contaminé par le virus le l'hépatite C, le 18 janvier 1984, à l'occasion d'une intervention chirurgicale au sein de la Polyclinique Saint-Vincent, devenue Polyclinique Volney, puis SA Polyclinique rennaise (la polyclinique) ; que cette contamination n'a été révélée qu'en février 1993 à l'occasion d'examens médicaux ; que, le 15 février 2000, M. X. a assigné devant le tribunal de grande instance l'Etablissement français du sang (l'EFS), venant aux droits du Centre régional de transfusion sanguine de Rennes, ainsi que la polyclinique et l'assureur de celle-ci, la société Union Abeille assurance, devenue Commercial Union, actuellement société Aviva assurances, en responsabilité et indemnisation ; que l'EFS a appelé en garantie son propre assureur, la société Axa (Axa), qui a dénié sa garantie au motif que le contrat, résilié le 31 décembre 1989, comportait une clause stipulant la cessation de la garantie au 1er janvier 1995, soit à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la résiliation du contrat d'assurance, et ce conformément à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, et son annexe, pris en application de l'article L. 667 du Code de la santé publique ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'Axa fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré non écrite la clause litigieuse au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat, en date du 29 janvier 2000, déclarant illégale la clause type prévue à l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980, de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation de la convention d'assurance et, en conséquence, de l'avoir condamnée à garantir l'EFS des condamnations mises à sa charge, alors selon le moyen :
1°/ que la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé les articles 2 et 1134 du Code civil, ensemble les principes susvisés ;
2°/ que ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1er et suivants de la Directive 93/13 du 5 avril 1993 ;
3°/ que la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code civil, ensemble l'article L. 113-8 du Code des assurances, la cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que toute déclaration d'illégalité par le juge administratif, même prononcée dans le cadre d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut plus à l'avenir faire application du texte déclaré illégal ; que la cour d'appel en a exactement déduit, sans remettre en cause les droits acquis ou l'objectif de sécurité juridique, que ladite clause, en ce qu'elle tendait à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré, était génératrice d'une obligation sans cause et, comme telle, illicite et réputée non écrite ;
Et attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non-professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ;
Attendu, enfin, qu'ayant souverainement relevé l'absence, lors de la formation du contrat, de toute erreur portant sur la substance des droits en cause, viciant le consentement de l'assureur, l'arrêt, qui a exactement retenu que l'erreur ne pouvait être imputée à la déclaration d'illégalité, fût-elle intervenue postérieurement à la formation du contrat, a rejeté à bon droit la demande d'annulation de celui-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que, par suite du rejet du pourvoi d'Axa, le pourvoi provoqué d'Aviva et de la société Polyclinique Rennaise est devenu sans objet ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE tant le pourvoi formé à titre principal par Axa, que le pourvoi provoqué d'Aviva et de la société Polyclinique rennaise ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'EFS en ce qu'elle est dirigée contre les sociétés Aviva assurances et Polyclinique rennaise ; condamne la société Axa France IARD à payer à l'EFS la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille cinq.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat aux Conseils pour la société Axa France IARD, demanderesse au pourvoi principal
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société AXA, in solidum avec l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, la POLYCLINIQUE Z et la société COMMERCIAL UNION à payer à M. Lxxxx la somme de 800.000 F de dommages-intérêts, soit 121.959,21 Euros et condamné les mêmes à payer à la CAISSE REGIONALE DES ARTISANS ET COMMERCANTS DE BRETAGNE la somme de 12.782,68 Euros ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS, D'UNE PART, QUE "lorsque la loi donne à une autorité administrative compétence pour fixer les conditions d'exercice d'une profession ou d'une activité soumise à autorisation, à agrément ou à nomination par cette autorité, celle-ci peut, si la nature de la profession ou de l'activité l'exige, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, inclure au nombre de ces conditions l'obligation d'assurance ; que le contrôle exercé par l'Etat sur les centres de transfusion sanguine lui permettait de réglementer l'exercice de leur activité en étendant au profit des receveurs l'obligation d'assurance qui n'était instituée par l'article L.667 du Code de la Santé Publique qu'au profit des donneurs ; qu'il y a donc lieu de rejeter le moyen de l'E.F.S. aux termes duquel l'assurance souscrite est une assurance non obligatoire ce qui rend nulle la clause de garantie subséquente ; que c'est par des motifs très pertinents que la Cour adopte que le premier juge a retenu la garantie de l'assureur ; qu'il sera simplement ajouté que le principe de non rétroactivité de la loi ne s'applique pas à l'arrêt rendu le 29 décembre 2000 par le Conseil d'Etat qui a déclaré illégal l'arrêté du 27 juin 2000 en ce que le dernier alinéa de l'article 4 de son annexe comporte une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion sanguine et que l'erreur de droit alléguée résultant d'une nouvelle jurisprudence ne saurait être cause de nullité" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/. ALORS QUE la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la Cour d'Appel a violé les articles 2 et 1134 du Code Civil, ensemble les principes susvisés ;
2/. ALORS, EN OUTRE, QUE ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1 et suivants de la Directive 93/13 du 5 avril 1993 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "la société AXA soulève un dernier moyen ; elle prétend en effet que si la clause de réclamation devait être déclarée nulle, il y aurait alors lieu de prononcer la nullité du contrat en son entier au motif que les parties ont contracté sous l'empire d'une cause dont la fausseté leur a été révélée vingt ans après par l'arrêt du Conseil d'Etat et qu'il s'agit d'une erreur sur la substance même de leur engagement ; que l'Etablissement Français du Sang réplique à juste titre que l'erreur n'est cause de nullité des conventions que si elle porte sur la substance de la chose qui en est l'objet, que l'assureur ne démontre pas qu'il aurait refusé de contracter un engagement de garantie sans limitation de durée et que cet élément présentait pour lui un caractère déterminant alors qu'à l'époque de la formation du contrat, à laquelle il faut se placer, le virus de l'hépatite C n'était même pas identifié et la longueur de l'incubation était ignorée ; que la société AXA doit en conséquence de ce qui précède, garantir la responsabilité de l'Etablissement Français du Sang envers M. Lxxxx, receveur de produits sanguins contaminés, le dommage trouvant son origine dans une transfusion subie pendant la période de validité du contrat" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
3/. ALORS QUE la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code Civil, ensemble l'article L.113-8 du Code des Assurances, la Cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble.
Moyen produit par la SCP COUTARD et MAYER, avocat aux Conseils pour les sociétés Aviva assurances et Polyclinique X, demanderesses au pourvoi provoqué
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant condamné la POLYCLINIQUE Z et la Société COMMERCIAL UNION, actuellement Société POLYCLINIQUE X et Compagnie AVIVA ASSURANCES, à payer à M. Lxxxx une somme de 800 000 F. de dommages et intérêts, soit 121 959,21 euros, à la CAISSE REGIONALE DES ARTISANS ET COMMERCANTS DE BRETAGNE, la somme de 59 357,26 F., soit 9 048,96 euros, et ajoutant au jugement, les a condamné à payer à la CMR de BRETAGNE la somme de 12 782,68 euros, et diverses sommes au titre des frais irrépétibles ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE "Considérant que tant par les motifs pertinents du premier juge qu'en application de l'article 102 visé ci-dessus et de la présomption non renversée d'imputabilité de la contamination par des produits sanguins le jugement sera également confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la clinique" ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE :
"Sur l'action contre la polyclinique Y
"Le contrat d'hospitalisation et de soins liant un patient à un établissement de santé privé met à la charge de ce dernier, sans préjudice de son recours en garantie, une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les produits, tels le sang et ses dérivés, qu'il fournit. En conséquence la polyclinique Y et son assureur sont tenus d'indemniser M. Lxxxx victime d'une contamination par le virus de l'hépatite C provoquée par la transfusion sanguine réalisée dans cet établissement. Le sang vicié ayant été livré à la POLYCLINIQUE par l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, celui-ci devra garantir entièrement la polyclinique et la société COMMERCIAL UNION" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, ainsi que l'ont fait valoir la Compagnie AVIVA ASSURANCES et la Société POLYCLINIQUE X, au regard d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 12 avril 1995, la Clinique est tenue d'une simple obligation de prudence et de diligence dans la fourniture de produits sanguins livrés par un centre de transfusion ; que sa responsabilité ne peut être retenue que s'il est établi qu'elle avait la possibilité de contrôler la qualité du sang transfusé ; qu'en déclarant que : "le contrat d'hospitalisation et de soin liant un patient à un établissement de santé privé met à la charge de ce dernier, sans préjudice de son recours en garantie, une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les produits, tels le sang et ses dérivés, qu'il fournit", et en condamnant en conséquence la POLYCLINIQUE et son assureur à indemniser M. Lxxxx, victime de la contamination par le virus de l'hépatite C provoquée par la transfusion sanguine réalisée dans cet établissement, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;