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CASS. CIV. 2e, 21 octobre 2004

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 2e, 21 octobre 2004
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 2
Demande : 03-15478
Date : 21/10/2004
Nature de la décision : Rejet
Numéro de la décision : 1654
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1975

CASS. CIV. 2e, 21 octobre 2004 : pourvoi n° 03-15478 ; arrêt n° 1654

 

Extrait : « manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 03-15478. Arrêt n° 1654.

DEMANDEUR à la cassation : société Axa France IARD

DÉFENDEUR à la cassation : 1°/ Etablissement français du sang 2°/ M. X. 3°/ Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM)

Président : M. DINTILHAC

 

Sur le pourvoi formé par la société Axa France IARD, société anonyme, anciennement dénommée Axa assurances, dont le siège est [adresse], en cassation d'un arrêt rendu le 16 avril 2003 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre civile), au profit : 1°/ de l'Etablissement français du sang, venant aux droits du Centre de transfusion sanguine de Rennes, dont le siège est [adresse], 2°/ de M. X., demeurant [...], 3°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Rouen, dont le siège est [adresse], défendeurs à la cassation ;

 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 avril 2003), que M. X... a été contaminé par le virus de l'hépatite C du fait de la transfusion de produits sanguins fournis par le Centre régional de transfusion sanguine de Rennes (CRTS) ; que la contamination n'ayant été révélée qu'à l'occasion de biopsies réalisées les 1er octobre 1991 et 7 novembre 1994, M. X... a assigné le 4 décembre 1998 le CRTS, aux droits duquel est venu l'Etablissement français du sang (EFS), qui a appelé en garantie la société Axa France IARD (Axa), son assureur ; que celle-ci a opposé le caractère tardif de la réclamation de la victime, et dénié sa garantie au motif que le contrat, résilié depuis le 31 décembre 1989, comportait une clause stipulant la cessation de la garantie au 1er janvier 1995, soit à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la résiliation du contrat d'assurance, et ce conformément à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 et de son annexe pris en application de l'article L. 667 du Code de la santé publique ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu'Axa fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir son assuré des condamnations prononcées contre lui, après avoir déclaré non écrite la clause litigieuse au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat, en date du 29 janvier 2000 déclarant illégale la clause type prévue à l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980, alors, selon le moyen :

1°/ que la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé les articles 2 et 1134 du Code civil, ensemble les principes susvisés ;

2°/ que ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1 et suivants de la directive 93/13 du 5 avril 1993 ;

3°/ que la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code civil, ensemble l'article L. 113-8 du Code des assurances, la cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu que l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que toute déclaration d'illégalité par le juge administratif, même prononcée dans le cadre d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut plus à l'avenir faire application du texte déclaré illégal ; que la cour d'appel en a exactement déduit que la clause litigieuse, génératrice d'une obligation sans cause et comme telle illicite en ce qu'elle tendait à réduire la durée de garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré, ne pouvait plus être invoquée ;

Et attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ;

Attendu, enfin, qu'ayant souverainement relevé l'absence, lors de la formation du contrat, de toute erreur portant sur la substance des droits en cause, viciant le consentement de l'assureur, l'arrêt, qui a exactement retenu que l'erreur ne pouvait être imputée à la déclaration d'illégalité, fût-elle intervenue postérieurement à la formation du contrat, a rejeté à bon droit la demande d'annulation de celui-ci ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD à payer à l'Etablissement français du sang la somme de 1.500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatre.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Axa France Iard.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la compagnie AXA ASSURANCES à garantir l'E.F.S. des condamnations prononcées au profit de M. Sxxxx et la CPAM de ROUEN ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS ADOPTES, D'UNE PART, QUE "sur la garantie de la société AXA : pour s'opposer à cette action, la société AXA prétend que la réclamation a été faite plus de cinq ans après la résiliation de la police ; que selon l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG la clause limitant dans le temps la garantie subséquente est illicite au regard de l'article 1131 du Code Civil ; que la police souscrite auprès de la société AXA a été résiliée le 31.12.1989 ; qu'elle contient une clause qui prévoit que la garantie E relative à la responsabilité civile après livraison des produits (sang et dérivés) s'applique aux réclamations se rattachant à des produits livrés pendant la durée du contrat, et portées à la connaissance de l'assuré dans un délai maximum de cinq ans après la date d'expiration des contrats ; que cette clause est conforme à la clause type contenue au dernier alinéa de l'article 4 de l'annexe à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, pris en application de l'article L.667 du Code de la Santé Publique, arrêté qui a étendu au profit des receveurs l'obligation d'assurance qui n'était prévue par l'article L.667 qu'au profit des donneurs ; que cet arrêté n'a pas été abrogé par celui du 29.12.1989 dont la portée est seulement de transférer certaines dispositions des conditions générales des polices dans leurs conditions particulières ; que par arrêt du 29.12.2000 le Conseil d'Etat, saisi par le juge judiciaire d'une question préjudicielle en appréciation de la validité de l'arrêté du 27 juin 1980, a déclaré que cet arrêté est entaché d'illégalité en ce que le dernier alinéa de l'article 4 de son annexe comporte une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion sanguine ; que la société AXA fait valoir que cette décision n'emporte pas annulation de l'arrêté, que la déclaration d'illégalité ne vaut que pour l'avenir et ne saurait avoir pour effet de remettre en cause la validité de la clause de réclamation convenue entre les parties sous l'empire du texte réglementaire en vigueur à l'époque de la formation du contrat alors que les obligations de l'assureur envers l'assuré sont définitivement éteintes, le délai de cinq ans ayant expiré avant que n'intervienne l'arrêt susvisé ; que le moyen n'est pas fondé ; qu'en effet toute déclaration d'illégalité par le juge administratif, même prononcée dans le cadre d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut plus à l'avenir faire application du texte déclaré illégal ; qu'il n'est donc pas possible, pour écarter le moyen de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG tiré du caractère illicite, au regard de l'article 1131 du Code Civil, de la clause de réclamation, d'invoquer, dans le cadre de la présente instance, l'application de l'arrêté du 27 juin 1980 en vertu duquel ladite clause a été stipulée ; que la société AXA objecte que le recours à la notion de cause pour écarter la clause de réclamation n'est qu'un habillage juridique, qu'il s'agit en réalité de sanctionner une clause considérée comme abusive, que le droit communautaire connaît lui aussi le système de l'éradication-sanction des clauses abusives ainsi que cela résulte de la directive nº 93-13 du 5 avril 1993 mais que ce texte pose plusieurs limites au pouvoir du juge national de déclarer non écrites les clauses abusives (contrat passé entre un professionnel et un consommateur, principe de sécurité juridique, mécanisme financier de l'opération), limites que la solution prônée par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG méconnaîtrait, d'où la demande de l'assureur au tribunal de questions préjudicielles à la Cour de Justice des communautés européennes ; que la solution critiquée n'est pas fondée sur le pouvoir général reconnu au juge de contrôler les clauses abusives mais sur le droit commun des obligations ; que certes elle revient de manière indirecte à priver d'effet une clause qui pourrait être qualifiée d'abusive mais le fondement juridique premier est la notion de cause : le paiement de la prime par l'assuré est causé par l'engagement de l'assureur de garantir le sinistre dont le fait générateur se situe pendant la période de validité du contrat ; que si la garantie se trouvait limitée dans le temps par l'effet de la clause de réclamation, l'obligation au paiement de la prime perdrait sa contrepartie et l'avantage ainsi conféré à l'assureur serait dépourvu de cause, d'où il suit que la clause est nulle en application de l'article 1131 du Code Civil ; qu'il n'y a donc pas lieu d'interroger la Cour de Justice des Communautés Européennes sur la conformité à la directive susvisée de la solution consistant pour le juge national à écarter ladite clause puisqu'elle ne s'inscrit pas dans le champ d'application de la norme européenne" ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1/. ALORS QUE la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la Cour d'Appel a violé les articles 2 et 1134 du Code Civil, ensemble les principes susvisés ;

2/. ALORS, EN OUTRE, QUE ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1 et suivants de la Directive 93/13 du 5 avril 1993 ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ET AUX MOTIFS ADOPTES, D'AUTRE PART, QUE "la société AXA soulève un dernier moyen ; qu'elle prétend en effet que si la clause de réclamation devait être déclarée nulle, il y aurait alors lieu de prononcer la nullité du contrat en son entier au motif que les parties ont contracté sous l'empire d'une cause dont la fausseté leur a été révélée vingt ans après par l'arrêt du Conseil d'Etat et qu'il s'agit d'une erreur sur la substance même de leur engagement ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG réplique à juste titre que l'erreur n'est cause de nullité des conventions que si elle porte sur la substance de la chose qui en est l'objet, que l'assureur ne démontre pas qu'il aurait refusé de contracter un engagement de garantie sans limitation de durée et que cet élément présentait pour lui un caractère déterminant alors qu'à l'époque de la formation du contrat, à laquelle il faut se placer, le virus de l'hépatite C n'était même pas identifié et la longueur de l'incubation était ignorée ; que la société AXA doit en conséquence de ce qui précède, garantir la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG envers M. Sxxxx, receveur de produits sanguins contaminés, le dommage trouvant son origine dans une transfusion subie pendant la période de validité du contrat" ;

ET AUX MOTIFS PROPRES ENCORE QUE "qu'il sera ajouté que le principe de non rétroactivité de la loi ne s'applique pas à l'arrêt rendu le 29 décembre 2000 par le Conseil d'Etat qui a déclaré illégal l'arrêté du 27 juin 2000 en ce que le dernier alinéa de l'article 4 de son annexe comporte une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion sanguine et que l'erreur de droit alléguée résultant d'une nouvelle jurisprudence ne saurait être cause de nullité" ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

3/. ALORS QUE la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code Civil, ensemble l'article L.113-8 du Code des Assurances, la Cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble.