CASS. CIV. 2e, 21 octobre 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 1976
CASS. CIV. 2e, 21 octobre 2004 : pourvoi n° 03-15358 ; arrêt n° 1653
Extrait : « manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 03-15358. Arrêt n° 1653.
DEMANDEUR à la cassation : société Axa France IARD anciennement dénommée Axa assurances
DÉFENDEUR à la cassation : 1°/ Etablissement français du sang 2°/ M. X. 3°/ Caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF 4°/ Société nationale des chemins de fer français (SNCF)
Président : M. DINTILHAC.L
Sur le pourvoi formé par la société Axa France IARD anciennement dénommée Axa assurances venant aux droits de l'UAP, société anonyme, dont le siège est [adresse], en cassation d'un arrêt rendu le 15 avril 2003 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre civile, section B), au profit : 1°/ de l'Etablissement français du sang, établissement public venant aux droits du Centre régional de transfusion sanguine de Montpellier (CRTS), dont le siège est [adresse], 2°/ de M. X., demeurant [...], 3°/ de la Caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF, dont le siège est [adresse], 4°/ de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), dont le siège est [adresse], défendeurs à la cassation ;
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 avril 2003), que M. X., a été contaminé par le virus de l'hépatite C du fait de la transfusion de produits sanguins fournis par le Centre régional de transfusion sanguine de Montpellier (le CRTS) ; que, la contamination ayant été révélée à l'occasion d'un test le 13 février 1991, M. X. a assigné les 10 et 14 octobre 1996 le CRTS, aux droits duquel est venu l'Etablissement français du sang (EFS), qui a appelé en garantie son assureur, la société UAP aux droits de laquelle vient la société Axa France IARD (Axa) ; que celle-ci a opposé le caractère tardif de la réclamation de la victime, et dénié sa garantie au motif que le contrat, résilié depuis le 31 décembre 1989, comportait une clause stipulant la cessation de la garantie au 1er janvier 1995, soit à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la résiliation du contrat d'assurance, et ce conformément à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 et son annexe pris en application de l'article L. 667 du Code de la santé publique ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'Axa fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré non écrite la clause litigieuse, au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 29 janvier 2000 déclarant illégale la clause type prévue à l'annexe de l'arrêté du 27 juin 1980, rejeté la demande en nullité du contrat, et dit qu'Axa était tenue à garantir l'EFS des sommes mises à sa charge en raison de la contamination de M. X. survenue en 1986 pendant la période de validité du contrat d'assurance, alors, selon le moyen :
1°/ que la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé les articles 2 et 1134 du Code civil, ensemble les principes susvisés ;
2°/ que ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1 et suivants de la directive 93/13 du 5 avril 1993 ;
3°/ que la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code civil, ensemble l'article L. 113-8 du Code des assurances, la cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l'arrêt énonce, au vu de la déclaration d'illégalité prononcée par le Conseil d'Etat le 29 janvier 2000, que la clause litigieuse qui ne s'appuie sur aucun texte légal et crée un avantage illicite comme dépourvu de cause au profit du seul assureur, doit être réputée non écrite ;
Et attendu que manque en fait le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu que, l'assuré n'étant ni un consommateur ni un non professionnel, la clause litigieuse ne relevait pas de la réglementation spécifique des clauses abusives ; que le rejet de ce grief prive de tout fondement la demande de renvoi préjudiciel pour saisine de la Cour de justice des Communautés européennes ;
Attendu, enfin, que l'arrêt relève que la clause litigieuse ne pouvait être reconnue comme constitutive d'une erreur affectant de manière substantielle un contrat dont l'objet essentiel était d'accorder une assurance en contrepartie du paiement de primes ; que c'est à bon droit, après avoir estimé que ne pouvait être retenu comme vice du consentement le fait que la compagnie d'assurances ait pu se croire autorisée à limiter sa garantie dans le temps, en dépit des dispositions de l'article 1131 du Code civil, et en se fondant sur un texte contraire à cet article, que la cour d'appel a rejeté la demande d'annulation du contrat ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD à payer à l'Etablissement français du sang la somme de 1.500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatre.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Axa France IARD.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré non écrite la clause de l'article 4 des conditions générales du contrat d'assurance stipulant que la garantie E visée à l'article 2 s'applique aux réclamations se rattachant à des produits livrés pendant la durée du contrat et portées à la connaissance de l'assureur dans un délai maximum de cinq ans après la date de l'expiration du contrat, rejeté la demande en nullité du contrat, et, par voie de conséquence, dit, que la S.A. AXA ASSURANCES est tenue à garantir l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG des sommes mises à sa charge en raison de la contamination de M. Cxxxx survenue en 1986 pendant la période de validité du contrat d'assurance, dans la limite du plafond prévu au contrat à hauteur de 2,5.000.000 F par année, quel que soit le nombre de victimes ou de sinistres concernant l'année considérée, en l'espèce, 1986 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS, D'UNE PART, QUE "par arrêt du 29 décembre 2000, le Conseil d'Etat, saisi d'un recours en interprétation pour apprécier la légalité de l'article 4 de l'annexe à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, a déclaré que l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 relatif aux contrats d'assurances souscrits par les centres de transfusion sanguine pour satisfaire à l'obligation établie par l'article L.667 du Code de la Santé Publique dans sa rédaction antérieure à l'arrêté interministériel du 29 décembre 1989 est entaché d'illégalité en ce que le dernier alinéa de l'article 4 de son annexe comporte une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion sanguine ; que quel que soit le recours formé devant le Conseil d'Etat, celui-ci a déclaré illégal l'arrêté en ce qui concerne l'article 4 de son annexe, c'est-à-dire la clause de réclamation invoquée par la S.A. AXA ASSURANCES et insérée dans le contrat de celle-ci ; que la déclaration d'illégalité a pour conséquence l'illégalité depuis son origine de cet article 4 ; que dès lors que la clause litigieuse, qui ne s'appuie sur aucun texte légal, crée un avantage illicite comme dépourvu de cause au profit du seul assureur et que cette clause doit être réputée non écrite, par application des dispositions de l'article 1131 du Code Civil ; que vainement la compagnie d'assurances soutient qu'elle avait l'obligation d'insérer cette clause dans son contrat ; que l'arrêté en cause a simplement pour objet de contraindre les parties à des exigences minimum en matière d'assurance, notamment pour les produits livrés, que la compagnie d'assurances n'avait aucune obligation d'insérer une telle clause dans son contrat ; qu'elle ne pourrait fonder sa demande sur les droits acquis que si un texte légal avait été par la suite abrogé, mais ne peut fonder de droits acquis, contraires aux dispositions de l'article 1131 du Code Civil, sur un texte déclaré illégal, peu important que la déclaration d'illégalité soit postérieure à la résiliation du contrat ; que la S.A. AXA ne peut être suivie quand elle indique que ses obligations étaient définitivement éteintes, dans la mesure où l'extinction de ses obligations ne pouvait survenir que si cette extinction était appuyée sur un texte légal, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que contrairement à ce qu'elle soutient, les obligations résultant du contrat ne sont pas définitivement expirées, que la présente décision n'a pas pour conséquence de faire revivre un contrat expiré, mais de contraindre la compagnie d'assurances à assurer les obligations découlant normalement de son contrat, en réglant les conséquences du sinistre, contreparties des primes qu'elle a reçu ; qu'en outre, contrairement à ce que prétend AXA, la garantie n'est pas illimitée dans le temps puisque celle-ci n'est tenue que pour les sinistres survenus pendant la période de validité du contrat d'assurances ; que la sanction consistant à réputer non écrites les clauses qui n'ont pas de cause, ne peut pas être confondue avec la réglementation des clauses abusives ; que dès lors les questions préjudicielles que la S.A. AXA demande à la Cour de poser, ne sont pas pertinentes, la présente décision étant rendue au visa des dispositions de l'article 1131 du Code Civil, antérieures à la signature du contrat d'assurances" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/. ALORS QUE la déclaration d'illégalité par la juridiction administrative d'une clause type réglementaire autorisant l'assureur à subordonner sa garantie aux seuls sinistres ayant fait l'objet d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation de la police, ne saurait, sans porter atteinte aux principes de respect des droits acquis et de sécurité juridique, priver rétroactivement d'efficacité la clause qui en est la reproduction, figurant dans un contrat passé et exécuté avant que le juge administratif ne déclare illégal l'arrêté sur la base duquel elle avait été stipulée ; qu'en jugeant le contraire la Cour d'Appel a violé les articles 2 et 1134 du Code Civil, ensemble les principes susvisés ;
2/. ALORS, EN OUTRE, QUE ne peut constituer une clause abusive ou illicite la clause figurant dans un contrat d'assurance conforme à une clause type dont l'usage était expressément autorisé par un arrêté en vigueur au moment où ledit contrat a été conclu et a produit ses effets ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles 1 et suivants de la Directive 93/13 du 5 avril 1993 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ET AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, QUE "à l'appui de sa demande reconventionnelle en nullité du contrat, la S.A. AXA ASSURANCES soutient que la clause de garantie était une condition substantielle du contrat, la clause de limitation dans le temps devant être considérée comme une fausse cause, le caractère substantiel de l'erreur résultant du fait que les assureurs n'avaient pas convenance à accorder une garantie illimitée dans un domaine tel que celui de la santé publique ; que la garantie n'est pas illimitée puisqu'elle est limitée aux sinistres survenus pendant la durée de validité du contrat ; qu'au surplus il n'est pas contesté que la S.A. UAP assurait précédemment l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG sans avoir prévu une clause de réclamation ; qu'une telle clause de réclamation, eu égard à sa durée, ne peut être reconnue comme une erreur affectant de manière substantielle le contrat, qui a pour objet essentiel d'accorder une assurance en contrepartie de paiement de primes ; que ne peut être retenu comme vice de consentement pouvant entraîner la nullité du contrat, le fait que la compagnie d'assurances a cru pouvoir être autorisée, en dépit des dispositions de l'article 1131 du Code Civil, et se fondant sur un texte contraire à cet article, à limiter sa garantie dans le temps ; que dès lors il convient de rejeter la demande reconventionnelle en nullité du contrat" ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
3/. ALORS QUE la clause limitant la garantie dans le temps de l'assureur de responsabilité (RC produits livrés) ayant nécessairement un caractère substantiel, puisque déterminant à la fois la durée des obligations et des engagements de l'assureur et, corrélativement, le montant des primes versées en contrepartie, viole les articles 1110 et 1131 du Code Civil, ensemble l'article L.113-8 du Code des Assurances, la Cour d'appel qui refuse de considérer que la nullité, à la suite de la déclaration de son illégalité survenue postérieurement à la souscription du contrat, de la clause type réglementaire d'un contrat d'assurance autorisant l'assureur à subordonner sa garantie à l'existence d'une réclamation portée à sa connaissance dans un certain délai à compter de la résiliation du contrat n'avait pas pour effet d'entraîner la nullité de la garantie dans son ensemble.