CASS. CIV. 1re, 6 avril 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 2009
CASS. CIV. 1re, 6 avril 2004 : pourvoi n° 01-14486 ; arrêt n° 590
Extrait : « Attendu, cependant, qu'à la différence des dispositions concernant les conditions de fermeture de la maison définies par la clause « maison particulière équipée de protection moyenne contre le vol », les dispositions de la clause « maison particulière équipée de protection renforcée contre le vol » appelaient relativement à leur mise en oeuvre une interprétation de sorte qu'elles n'étaient ni formelles ni limitées, la cour d'appel a violé le texte susvisé [L. 113-1 C. assur.] ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 6 AVRIL 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 01-14486. Arrêt n° 590.
DEMANDEUR à la cassation : 1°/ SCI Les Quatre Saisons 2°/ Madame X. veuve Y.
DÉFENDEUR à la cassation : Compagnie d’assurances Groupama
Président : M. LEMONTEY
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux consorts X. de leur reprise d'instance ;
Sur la troisième branche du moyen qui n'est pas nouvelle :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article L. 113- 1 du Code des assurances ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion doivent être formelles et limitées ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que Madame X., gérante de la société civile immobilière Les Quatre Saisons (la SCI), a souscrit, le 4 septembre 1996, un contrat d'assurance auprès de la compagnie Groupama afin d'assurer une villa dont la SCI était propriétaire ; que ce contrat garantissait le risque de vol, et s'appliquait à « une maison particulière équipée de « protection moyenne », moyennant une prime annuelle de 2.043 francs HT ; qu'ayant fait renforcer la protection de la maison par une alarme et une télésurveillance, Mme X. a conclu, le 8 novembre de la même année, un nouveau contrat prenant en compte ces nouvelles protections, moyennant une prime annuelle de 1.984 francs HT ; qu'un vol de mobilier et d'objets de valeur a été commis le 26 août 1997 dans la journée, alors que Madame X. s'était absentée en fermant les portes et fenêtres, mais sans activer l'alarme ni la barrière infrarouge ; que l'assureur ayant refusé de prendre en charge ce sinistre en raison du non-respect des clauses contractuelles, Madame X. et la SCI l'ont assigné en paiement de l'indemnité, soutenant que les conditions générales n'exigeaient pas explicitement que l'alarme soit branchée en plein jour pour une absence de courte durée ; que les premiers juges ont rejeté cette demande ; que la cour d'appel a, par le premier arrêt attaqué avant dire droit (Basse-Terre, 11 septembre 2000), invité les parties à conclure sur le moyen de droit tiré de la protection des consommateurs contre les clauses abusives ;
que par le second arrêt (Basse-Terre, 26 mars 2001), la cour d'appel, écartant ce moyen, a confirmé le jugement entrepris ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que le contrat du 12 novembre 1996 tenait compte expressément de la clause « maison particulière équipée de la protection renforcée contre le vol », que cette clause claire et précise, mentionnée dans les conditions générales et les conditions particulières, au titre des exclusions de garantie, s'ajoutait aux conditions générales de préventions relatives au vol, mais ne prévoyait aucune atténuation des obligations de l'assuré, en période diurne ou selon la durée de l'absence ; que l'arrêt retient ensuite que la mention « observation des moyens de protection » ne peut s'interpréter sans dénaturation comme leur simple observation sans utilisation, c'est à dire sans connexion de l'alarme ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, cependant, qu'à la différence des dispositions concernant les conditions de fermeture de la maison définies par la clause « maison particulière équipée de protection moyenne contre le vol », les dispositions de la clause « maison particulière équipée de protection renforcée contre le vol » appelaient relativement à leur mise en oeuvre une interprétation de sorte qu'elles n'étaient ni formelles ni limitées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les deux premières branches du moyen :
CASSE et ANNULE en toutes leurs dispositions les arrêts rendus les 11 septembre 2000 et 26 mars 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne la compagnie d'assurances Groupama aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande formée par la compagnie d'assurances Groupama ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille quatre.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour la société Les Quatre Saisons et les consorts Lacour ;
MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt (26 mars 2001) attaqué d'avoir rejeté le moyen tiré du caractère abusif des clauses figurant dans le contrat d'assurance (nº 92/92 058 177/1003) conclu entre la SCI LES QUATRE SAISONS et GROUPAMA, en conséquence, débouté Madame LACOUR et la SCI de leur demande d'indemnisation du vol dont elles ont été victime le 26 août 1997 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE le fait que par suite du changement de son contrat le 8 novembre 1996 la SCI LES QUATRE SAISONS a eu pour obligation, sous peine de non garantie, d'actionner ''le système de protection électronique protégeant toutes les ouvertures donnant sur l'extérieur ou détectant la circulation d'une pièce à l'autre'' en sus de la mise en oeuvre de la protection moyenne consistant à ''fermer les portes à clé lorsque le bâtiment est inoccupé, même pour une courte durée, les portes à clé, les persiennes, volets et grilles pendant la nuit ou pendant une absence supérieure à 24 heures'', n'a pas eu pour effet de créer au détriment de la SCI un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dès lors que celle-ci a bénéficié d'une réduction de sa cotisation en contrepartie de la clause non obligatoire ''maison particulière équipée de protection renforcée contre le vol'' et a conservé contractuellement le droit à garantie en cas de non-respect des moyens de protection lorsque celui-ci n'avait pas d'incidence sur la réalisation des dommages ou résultait d'un cas de force majeure ; que les clauses ''maison particulière équipée de protection moyenne contre le vol'' et ''maison particulière équipée de protection renforcée contre le vol'' considérées isolément ou cumulativement ne sont pas abusives ;
Et AUX MOTIFS adoptés des premiers juges QUE le 26 août 1997 Nicole LACOUR a quitté son domicile vers 7 heures 30 après avoir déconnecté l'alarme intérieure et la barrière infrarouge protégeant l'accès à la porte d'entrée, afin de permettre à l'employée de maison de pénétrer et d'y remplir ses tâches ; que cette dernière ayant terminé son travail a quitté les lieux en fermant les portes à clef mais sans mettre la maison sous alarme ; que vers 13 heures des voleurs, après avoir forcé le portail automatique et la porte-fenêtre, s'emparaient des bijoux, argenterie, vêtements et divers matériels ; que les faits étaient constatés par Nicole LACOUR à son retour vers 14 heures 15 ; que le contrat du 12 novembre 1996 tient compte expressément de la clause ''maison particulière équipée de la protection renforcée contre le vol'' ; que cette clause, claire et précise, mentionne dans les conditions générales page 28 et les conditions particulières page 39, au titre des exclusions de garantie, s'ajoute aux conditions générales de prévention relatives au vol mais ne prévoie aucune atténuation des obligations de l'assuré, en période diurne ou selon la durée de l'absence ; que la mention ''observations des moyens de protection'' ne peut s'interpréter sans dénaturation comme le prétend l'assuré, comme leur simple installation sans utilisation, c'est à dire sans connexion de l'alarme ; qu'il n'est pas justifié d'un cas de force majeure ou d'un élément déterminant que le non-respect de ces moyens de protection n'a pu avoir d'incidence sur la réalisation du dommage ; que dès lors eu égard à l'application de la clause susdite, les parties demanderesses seront déboutées de toutes leurs demandes ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE d'une part dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que dès lors en l'espèce le cumul des clauses ''maison particulière équipée de protection moyenne contre le vol'' et ''maison particulière équipée de protection renforcée contre le vol'' qui oblige, à peine de non garantie, l'assurée non seulement à fermer portes et fenêtres mais en outre à actionner le système de protection électronique lorsque le bâtiment est inoccupé même pour une courte durée, ayant pour effet d'imposer à l'assurée des sujétions extrêmement contraignantes et démesurées à la moindre sortie et de permettre à l'assureur de se décharger systématiquement de la garantie en cas d'oubli d'une seule de ces mesures, en affirmant que ces clauses, qui confèrent à l'assureur un avantage manifeste au détriment de l'assuré, considérées cumulativement n'étaient pas abusives parce que l'assurée conservait le droit à garantie en cas de non-respect des moyens de protection lorsque celui-ci n'avait pas d'incidence sur la réalisation des dommages ou résultait d'un cas de force majeure, la Cour d'Appel a violé l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
ALORS QUE d'autre part la clause ''maison particulière équipée de protection renforcée contre le vol'' obligeant l'assurée à actionner le système de protection électronique même lors d'une absence de courte durée, à peine de non garantie, pour réduction de prime de 59 Francs seulement par rapport au contrat précédent qui n'exigeait, pour couvrir le risque vol dans les mêmes circonstances, que la mise en oeuvre des mesures de protection moyenne c'est à dire la fourniture des portes et des fenêtres ; dès lors en affirmant que cette clause n'était pas abusive parce que l'assurée avait bénéficié d'une réduction de sa cotisation en contrepartie de cette clause non obligatoire, la Cour d'Appel a de nouveau violé l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
Et ALORS QU'en toute hypothèse une clause d'exclusion de garantie doit être formelle et limitée ; que dès lors en se contentant, pour débouter la SCI LES QUATRE SAISONS et Madame LACOUR de leur demande à être garanties du vol par GROUPAMA, de déclarer par motifs adoptés, que l'alarme intérieure et la barrière infrarouge de la porte d'entrée n'ayant pas été connectées, il convenait d'appliquer la clause ''maison particulière équipée de protection renforcée contre le vol'' qui était claire et précise, sans rechercher si cette clause, qui ne définit pas expressément pour quelle durée d'absence ni à quel moment de la journée, contrairement à la clause maison particulière équipée de protection moyenne en ce qui concerne la fermeture des portes, fenêtres, volets et grilles, le système de protection électronique doit être actionné, était suffisamment formelle et limitée pour que l'assurée puisse connaître exactement l'étendue de sa garantie, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du Code des Assurances.