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T. COM. ÉPINAL, 16 décembre 2003

Nature : Décision
Titre : T. COM. ÉPINAL, 16 décembre 2003
Pays : France
Juridiction : Epinal (TCom)
Demande : 2001/0391
Date : 16/12/2003
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 23/10/2001
Décision antérieure : CA NANCY (2e ch. com.), 8 mars 2006
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 208

T. COM. ÉPINAL, 16 décembre 2003 : RG n° 2001/0391

(sur appel CA Nancy (2e ch. com), 8 mars 2006 : RG n° 04/00464 ; arrêt n° 871/06)

 

TRIBUNAL DE COMMERCE D’ÉPINAL

JUGEMENT DU 16 DÉCEMBRE 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2001/0391.

 

DEMANDEUR :

SA DIFFUS'EST

au capital de XX Francs, immatriculée au RCS de Saint Dié sous le numéro YY, siège à [adresse], Comparant par Maîtres LEROY JEANNEL, Avocats au barreau de Saint Dié.

 

DÉFENDEUR :

SA LORRAINE OR

au capital de ZZ euros, RCS EPINAL, WW, siège à [adresse], Comparant par Avocats Associés Spinaliens, Avocats au barreau d'Épinal.

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL Lors des débats et du délibéré (hors la présence du Greffier) : Monsieur Poirot, Président, Mrs Conjat et Etienne, Juges, assistés de Maître BABELOT, Greffier.

Lors du prononcé : Monsieur LECLERC, Président, Mrs Roumieu et Conjat, Juges, assistés de M° BABELOT, Greffier.

DÉBATS : Audience publique du 9 septembre 2003

JUGEMENT : Décision contradictoire en premier ressort, délibérée par les Juges cités ci-dessus.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les faits

[minute page 2] LORRAINE OR a passé un contrat avec DIFFUS'EST pour l'installation d'un système d'alarme électronique.

L'installation n'a pas été réalisée et DIFFUS'EST n'a pas été payé.

 

La Procédure

Par le ministère de Maître A., Huissier de justice à [ville], assignation a été donnée à LORRAINE OR, à la requête de DIFFUS'EST, à comparaître le 23 octobre 2001 devant le Tribunal de Commerce d'Épinal pour y entendre :

Constater la résiliation anticipée du contrat aux torts de LORRAINE OR.

Condamner LORRAINE OR à payer les sommes de :

- 223.891,20 Francs en réparation du préjudice subi ;

- 8.000 Francs en application des dispositions de l'article 700 du NCPC ainsi qu'au dépens.

Après renvois à la demande et avec l'accord des parties, l'affaire a été appelée et plaidée à l'audience du 9 septembre 2003. Le Président a fixé le terme du délibéré au 16 décembre 2003.

 

Moyens des parties

A l'appui de ses assignations, DIFFUS'EST expose :

Qu'elle a conclu le 22 mars 2001 un contrat de surveillance avec LORRAINE OR.

Qu'il lui était joint un contrat de location avec GRENKE LOCATION que LORRAINE OR a accepté sans réserve.

Que LORRAINE OR n'a pas fourni les documents justificatifs comptables réclamés par GRENKE (extrait K Bis et dernier bilan).

Que DIFFUS'EST en a déduit que LORRAINE OR n'entendait pas exécuter ses obligations. Que LORRAINE OR a invoqué des tarifs trop élevés et contraires aux pourparlers contractuels. Que la plaignante a répondu en rappelant à LORRAINE OR qu'elle avait accepté et signé un contrat qui a valeur de loi entre les parties.

Qu'en cas de résiliation anticipée unilatérale du contrat, le solde des mensualités de la période contractuelle en cours devient immédiatement et de plein droit exigible. Et, qu'elle entend se prévaloir de cette clause.

Qu'il s'agit de 48 mensualités de 4.664,40 Francs, soit 223.891,20 Francs. Cette somme devant porter intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 juin 2001.

Dans ses conclusions récapitulatives du 25 février 2003, DIFFUS'EST ajoute :

Que LORRAINE OR a été victime d'un cambriolage le 19 mars 2001 et son préjudice estimé à 152.450 €, indemnisé par son assureur.

Que M. B. de DIFFUS'EST n'a pas démarché M. C. de LORRAINE OR, mais que c'est M. C. sur les conseils de son voisin, qui a appelé DIFFUS'EST.

Qu'il est faux d'indiquer que M. C. a indiqué que la capacité financière de sa société n'autorisait pas un investissement supérieur à 22.867 €. Cette indication a été faite un mois et demi après la signature du contrat. D'ailleurs, M. C. a bien engagé sa société pour un montant supérieur.

l/ Concernant l'existence du contrat

Que le contrat a bien été accepté par LORRAINE OR, et son accord donné à GRENKE par télécopie du 9 mai 2001.

Que les documents réclamés étaient sollicités pour la bonne forme de l'opération contractuelle, mais en aucun cas pour la validité du contrat. Que les documents ont bien été sollicités le 30 avril 2001

Que le contrat de financement a bien été accepté et confirmé par fax le 9 mai 2001.

Que le matériel n'a pas été installé parce que LORRAINE OR s'y est opposé et a bloqué toute installation.

2/ Concernant la nullité du contrat

Qu'il n'y a pas eu de manœuvres dolosives :

- C'est M. C. de LORRAINE OR qui a fait appel à M. B.

- M. C. n'a pas été victime que d'un seul cambriolage.

- M. C. était assisté de ses deux fils lors de la signature du contrat.

[minute page 3] M. C. souhaitait être protégé rapidement. La proposition lui a été remise le 21 mars 2001, et acceptée le 22 mars 2001. Il y a eu un laps de temps de 24 h. durant lequel M. C. a pu réfléchir.

Que l'un des salariés de M. B. a bien enregistré un brevet d'invention accordé le 5 décembre 2000. Cette personne étant salariée de DIFFUS'EST depuis mars 2001.

Que DIFFUS'EST est bien un groupe, puisqu'elle est actionnaire majoritaire de FINANCIAL, organisme financier pour les systèmes de sécurité. Que cet élément n'a pas pu influencer le consentement de M. C.

Que M. C. possédait déjà un système de sécurité. En effet, il était tenu à cette obligation par ses assureurs. Il ne peut pas invoquer son absence de connaissance des systèmes de protection.

Que les dispositions du code de la consommation ne sont applicables qu'aux personnes physiques et en aucun cas aux personnes morales.

3/ Sur le montant des dommages et intérêts

La clause pénale s'applique du seul fait de l'inexécution, indépendamment du préjudice.

Que la défenderesse n'apporte pas la preuve d'une disproportion importante et flagrante entre la peine convenue et le préjudice réel.

Que le non respect de la parole donnée est inadmissible et porte atteinte à la sécurité juridique de toutes les conventions commerciales.

Elle demande au Tribunal :

- De la dire et juger recevable et bien fondée.

En conséquence,

- De constater la résiliation anticipée du contrat aux tords de LORRAINE OR

- De condamner LORRAINE OR à payer les sommes de

* 34.131,99 € en réparation du préjudice subi ;

* 1.219,59 € en application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

 

LORRAINE OR répond dans ses conclusions récapitulatives :

Que le 19 mars 2001, elle a été victime d'un vol avec effraction. Son préjudice, estimé à 1.000.000 Francs, n'a toujours pas été indemnisé.

Que M. C. et son épouse ont été éprouvés par le sinistre. Les cambrioleurs ayant également saccagé leur domicile.

Que dès le 21 mars 2001, M. B., PDG de DIFFUS'EST est venu leur proposer la vente et l'installation d'un système de protection de son invention.

Qu'il est faux d'affirmer que ce serait sur les conseils du beau père de M. C. qu'il se serait présenté.

Que M. C. devait préciser que la capacité financière de sa société n'autorisait un investissement qu'à hauteur de 150.000 Francs. Et, que cela a été précisé lors des entretiens. Que l'exercice 2000 devait dégager un résultat courant avant impôts négatif de 1.014.669 Francs.

Que M. B. réussissait à obtenir, compte tenu de l'émotion suscitée par le cambriolage, la signature de M. C. le 22 mars 2001 pour un contrat d'abonnement de surveillance électronique assorti d'un contrat de bon fonctionnement, d'une charte commerciale d'apporteur d'affaires et enfin, d'une demande de location longue durée au profit de GRENKE LOCATION.

Que la demande de location longue durée n'a pas été suivie d'effet, et le matériel n'a été ni livré, ni installé. Que la demanderesse n'apporte pas la preuve d'un refus de livraison.

Sur la prétendue résiliation

Que le contrat n'a pas pu être résilié puisqu'il n'était pas formé. Qu'il est écrit art 4 alinéa 1 des conditions du contrat Le présent contrat ne prendra effet qu'après l'acceptation du dossier de financement relatif au contrat par l'organisme financier intervenant.

Que le contrat n'a pas pu prendre effet à la date de signature, puisque le 23 mars 2001 [N.B. minute : 2002], la demande de location longue durée ne pouvait pas avoir été transmise à GRENKE.

Que GRENKE n'étant pas en possession des documents comptables, ne pouvait pas avoir accepté le dossier de financement.

Que GRENKE écrivait à DIFFUS'EST le 9 mai 2001 : « Nous procéderons à la mise en place du contrat dès lors que vous nous aurez transmis les informations énumérées ci-dessous :

- Votre facture adressée à GRENKE LOCATION

- Confirmation de livraison datée et signée

- Contrat de location daté et signé

- [minute page 4] Autorisation de prélèvement datée et signée

- Description détaillée du matériel

- Référence ou numéro de série du matériel »

Que la demanderesse ne peut pas justifier avoir accompli ces exigences, et que le contrat d'abonnement n'a pu être formé.

Que l'alinéa 2 de l'article 4 précise :

« A l'expiration d'un délai de 60 jours à compter de la signature du présent contrat, l'absence d'installation par DIFFUS'EST des matériels prévus vaudra notification implicite à l'abonné de la décision de rejet du dossier et le présent contrat sera réputé de plein droit de nul effet. »

Que les conditions prévues à l'art 4 du contrat n'ont pas été réunies. Que le contrat n'a donc pas pu être formé, et de ce fait ne peut pas être résilié.

 

Que si le Tribunal devait constater que le contrat avait été formé, il en prononcerait la nullité :

1- Sur les manœuvres dolosives de DIFFUS'EST

Que les agissements malhonnêtes tendant à surprendre une personne en vue de lui faire souscrire un engagement qu'elle n'aurait pas pris si on avait pas usé de la sorte envers elle, peuvent être qualifié de manœuvres dolosives.

- Que lors de la signature du contrat, M. C. venait d'être victime d'un cambriolage et se trouvait dans une situation de détresse.

- Que M. B. s'est présenté en tant qu'inventeur, concepteur et fabricant de système de protection. Que la société de M. B. a pour seul objet l'achat et la vente de systèmes de sécurité.

- Que M. B. a affublé sa société du nom de GROUPE DIFFUS'EST, laissant croire que son entreprise serait partie intégrante d'un ensemble plus puissant, afin de lui donner davantage de crédit. Que la société ne fait partie d'aucun groupe.

- Que la qualité d'inventeur est totalement usurpée.

Que ce sont ces éléments qui ont pu inciter M. C. à opposer sa signature sur le contrat.

2 - Sur le non respect de la législation en matière de démarchage à domicile

Que M. C., démarché dans son entreprise, n'a pas bénéficié du délai de réflexion de 7 jours.

Que la jurisprudence admet que tout professionnel peut, s'il est démarché dans son entreprise, bénéficier des règles protectrices du démarchage à domicile, dès lors que le matériel acheté n'a pas de rapport direct avec ses activités professionnelles.

Que M. C. est un fabricant de bijoux, et n'a pas de compétences en matière de systèmes de protection.

Sur le montant des dommages et intérêts ;

Que la demande est exorbitante, et que le juge a un pouvoir souverain d'appréciation du montant de la clause pénale.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Que LORRAINE OR est attraite aux termes d'une procédure mal engagée. Que DIFFUS'EST sera condamnée à lui payer 3.500 € pour procédure abusive.

Elle demande au Tribunal :

De constater que le contrat d'abonnement du 22 mars 2001 n'est pas formé, et de débouter DIFFUS'EST de l'ensemble de ses prétentions.

A titre subsidiaire :

- De constater que LORRAINE OR a été victime de manœuvres dolosives de la part de DIFFUS'EST.

- Déclarer nul et de nul effet le contrat d'abonnement du 22 mars 2001.

A titre infiniment subsidiaire, réduire à néant le montant de la clause pénale.

En tout état de cause :

- Condamner DIFFUS'EST à lui payer 3.500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Condamner DIFFUS'EST à lui payer 1.000 € au titre de l'article 700 du NCPC.

- Condamner DIFFUS'EST aux entiers dépens de l'instance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 5] Sur ce, le Tribunal :

Attendu que M. C., dirigeant de LORRAINE OR, a signé le 22 mars 2001, un contrat d'abonnement de surveillance électronique avec la société DIFFUS'EST.

Qu'il est précisé à l'article 4 du contrat, qu'il ne prendra effet qu'après acceptation du dossier de financement relatif au contrat par l'organisme financier intervenant. Et que après 60 jours à compter de la signature, l'absence d'installation par DIFFUS'EST des matériels prévus vaudra notification implicite à l'abonné de rejet du dossier de location et que le contrat sera réputé de plein droit de nul effet.

Que le 30 avril 2001, DIFFUS'EST écrivait à LORRAINE OR pour indiquer qu'il était prêt à réaliser l'installation, et demandait l'envoi des justificatifs comptables (Extrait K-Bis, dernier bilan) et précisait que GRENKE ne se prononçait pas, quant à l'approbation du dossier, sans ces documents.

Que LORRAINE OR répondait le 4 mai 2001, que la proposition qui avait été faite ne devait pas dépasser 150.000 Francs, et que le prix se situait à plus de 230.000 Francs. Elle proposait de fournir les documents demandés, si DIFFUS'EST revoyait sa proposition. Toutefois, le bilan ne pouvait pas être disponible avant fin mai.

Que GRENKE donnait le 9 mai 2001 son accord pour l'acceptation du contrat, et précisait qu'il serait mis en place après transmission des documents, dont la confirmation de livraison datée et signée.

Que les matériels devant assurer la protection n'ont pas été livrés, ni installés.

Que DIFFUS'EST n'apporte pas la preuve d'un refus formel de LORRAINE OR de l'installation du matériel.

Qu'en application de l'article 4 du contrat, celui-ci est réputé de nul effet si l'installation n'est pas réalisée dans un délai de 60 jours à compter de la signature.

En conséquence, le contrat n'a pas pu être formé.

Attendu que LORRAINE OR avait d'abord signé un contrat qui n'a pas été suivi d'effet, s'exposant ainsi aux poursuites de DIFFUS'EST.

Le Tribunal la déboutera de ses demandes en dommages et intérêts, ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC.

Attendu que DIFFUS'EST sera condamnée aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi.

Statuant en premier ressort par jugement contradictoire.

Constate que le contrat d'abonnement entre DIFFUS'EST et LORRAINE OR n'est pas formé, et déboute DIFFUS'EST de l'ensemble de ses prétentions.

Déboute LORRAINE OR de ses demandes à titre de dommages et intérêts et de l'article 700 du NCPC.

Condamne DIFFUS'EST aux dépens liquidés pour frais de greffe à la somme de 68,49 Euros.