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CA BORDEAUX (ch. soc. sect. B), 28 mai 2009

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (ch. soc. sect. B), 28 mai 2009
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), ch. soc. sect. B
Demande : 07/6322
Date : 28/05/2009
Nature de la décision : Confirmation
Date de la demande : 17/12/2007
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2235

CA BORDEAUX (ch. soc. sect. B), 28 mai 2009 : RG n° 07/6322

 

Extrait : « Pour autant, il est de jurisprudence constante que les frais professionnels exposés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent pouvoir lui être remboursés sans imputation sur sa rémunération, cette obligation étant d'autant plus impérieuse qu'en l'espèce la rémunération « fixe » de Madame X. se situait au niveau du SMIC et que le mécanisme d'imputation ci-dessus évoqué revenait, pour la salariée, à être parfois rémunérée sur une base inférieure à celle du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Il en résulte qu'avant février 2003, aucun frais professionnel n'était pris en charge par la société UFIFRANCE laquelle apparaît, dans ces conditions, particulièrement mal fondée à rappeler dans ses conclusions que les parties liées par un contrat de travail doivent l'exécuter de bonne foi. Au demeurant, l'accord de février 2003, s'il constitue une avancée en fixant désormais à 230 euros par mois le montant du remboursement des frais exposés par les salariés payés au SMIC maintenait en revanche le principe de l'intégration des frais professionnels dans les commissions à hauteur de 10 % pour les salariés réglés à la commission, pratique pourtant régulièrement condamnée, depuis 2001, par la Cour de Cassation. L'employeur pouvait d'autant moins ignorer cette jurisprudence que c'est dans le cadre d'une affaire où il était partie (arrêt BERNARD / UFIFRANCE) que la Cour de Cassation a entendu rappeler que les frais engagés sur un plan professionnel ne pouvaient être intégrés dans les commissions.

Au vu de ce qui précède, c'est avec pertinence que Madame X. soutient que la clause de forfait prévue à l'accord de 2003 est nulle et en tout cas ne lui est pas opposable au double motif qu'elle demeure moins favorable que les dispositions légales fixant le principe du remboursement intégral des frais professionnels et qu'elle prévoit toujours l'intégration des frais dans le paiement des commissions. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE SECTION B

ARRÊT DU 28 MAI 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/6322. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 novembre 2007 (R.G. n°F 04/208) par le Conseil de Prud'hommes de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 17 décembre 2007.

 

APPELANTE :

Madame X.

demeurant  [adresse], représentée par Maître Bruno SCARDINA, avocat au barreau d'ANGERS.

 

INTIMÉE :

S.A. UFIFRANCE PATRIMOINE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse], [minute Jurica page 2] représentée par Maître Joëlle RUIMY, avocat au barreau de PARIS.

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 novembre 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président,

Monsieur Claude BERTHOMME, Conseiller,

Monsieur Jean-François GRAVIE-PLANDE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal TAMISIER,

ARRÊT : - Contradictoire. - Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame X. était engagée par la Société UFIFRANCE PATRIMOINE, filiale de l'UNION FINANCIERE DE FRANCE, en qualité de démarcheur itinérant à compter du 6 Novembre 1998, par contrat à durée indéterminée.

Elle a d'abord travaillé avec une clientèle de particuliers puis en 2000 a accepté de devenir conseiller en entreprises ce qui devait lui permettre d'obtenir une rémunération supérieure.

Le 30 mai 2003, Madame X. adressait un courrier à la société UFIFRANCE PATRIMOINE aux termes duquel elle présentait sa démission.

Le 28 janvier 2004, elle saisissait le Conseil des Prud'hommes de Bordeaux pour qu'il soit jugé que sa démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture imputable à l'employeur, en raison de l'usage, par ce dernier, d'un certain nombre de clauses abusives, illégales, liées au contrat de travail et qui l'avaient contrainte à démissionner.

envoyée à l'audience de départition du 5 septembre 2007.

Par jugement de départage du 14 novembre 2007, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux requalifiait la démission de Madame X. en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il condamnait en conséquence la Société UFIFRANCE à payer à Madame X. les sommes suivantes :

* 2.308,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* [minute Jurica page 3] 230,82 euros à titre de congés payés y afférents

* 513,81 euros à titre d'indemnité de licenciement

* 19.190 euros à titre de frais professionnels

* 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 1153 du Code Civil.

Les clauses de non débauchage et de protection de clientèle étaient invalidées.

Le Conseil condamnait enfin la société UFIFRANCE à verser à Madame X. une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC et ordonnait l'exécution provisoire du jugement à hauteur d'une somme globale de 20.000 euros.

Madame X. a régulièrement interjeté appel de cette décision.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, Madame X. sollicite de la Cour qu'elle confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré illicite et inopposable la clause contractuelle d'intégration des frais dans les commissions insérées dans le contrat de travail d'origine,

- jugé que le non remboursement volontaire des frais professionnels relevait de la mauvaise foi contractuelle source d'un préjudice distinct relevant des dispositions de l'article 1153 du Code civil

- requalifié la démission en rupture imputable ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné UFIFRANCE au paiement de la somme de 2.308,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 230,82 euros au titre des congés payés sur préavis et de 513,81 euros à titre d'indemnité de licenciement

- jugé nulles les clauses de non concurrence et de non débauchage faute de contrepartie financière.

Pour le surplus, Madame X. demande l'infirmation du jugement déféré et que la Cour dise et juge :

- qu'est inopposable le forfait de remboursement de frais de 230 euros par mois prévu à l'accord d'entreprise de février 2003 moins favorable que le droit commun prévoyant un remboursement intégral des frais,

- qu'il y a eu dol de la part de l'employeur dans les rapports contractuels rendant inapplicable à ce dernier le bénéfice de la prescription quinquennale,

- que la salariée a droit au remboursement intégral des frais pour un montant de 44.104 euros,

- que la somme allouée en remboursement des frais soit exclue de l'assiette des cotisations sociales par application des dispositions de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale ;

 - [minute Jurica page 4] que la somme allouée à titre de dommages intérêts soit portée à 15.000 euros;

- que sont illicites les retenues faites sur les commissions aboutissant à priver la salariée de ressources au moins égales au SMIC ;

- qu'en conséquence, la société UFIFRANCE soit condamnée à verser à Madame X. les sommes de 6552,04 euros au titre des retenues abusives de salaire ainsi que 655,20 euros au titre des congés payés y afférents.

- que les sommes allouées à Madame X. sur le fondement des dispositions des articles 1153 du Code civil et L. 122-14-4 du Code du Travail soient portées respectivement à 4.000 et à 15.000 euros.

Madame X. demande enfin à la Cour de débouter la société UFIFRANCE de l'ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière au paiement d'une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, Madame X. reprend les différentes clauses du contrat de travail qui la liait à UFIFRANCE pour considérer que l'employeur avait fait, dans le cadre du contrat de travail, un usage tout à fait volontaire et abusif de clauses manifestement illégales.

Elle expose en particulier qu'il en était résulté un préjudice très important, notamment au niveau de sa rémunération puisque les frais et les dépenses qu'elle avait du exposer à titre personnel ne lui permettaient même plus de disposer d'un niveau de ressources correspondant au SMIC et que l'employeur avait pratiqué des retenues totalement irrégulières sur les commissions qu'elle percevait.

Elle stigmatise également la mauvaise foi de son employeur qui n'hésitait pas désormais à lui opposer la prescription quinquennale.

Elle estime dans ces conditions que les sommes qui lui avaient été allouées par le premier juge devaient être majorées et qu'elle n'avait eu d'autre choix que de démissionner, que cette démission doit s'analyser, ainsi que l'a estimé à juste titre le premier juge, comme une prise d'acte de la rupture.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la société UFIFRANCE sollicite au contraire de la Cour qu'elle infirme en totalité le jugement frappé d'appel, qu'elle déboute

Madame X. de l'intégralité de ses demandes et que cette dernière soit condamnée à lui restituer la somme versée au titre de l'exécution provisoire, soit 20 000 euros.

Elle forme également une demande reconventionnelle tendant à ce que Madame X. soit condamnée à lui verser une somme de 2 799,94 euros à titre d'acomptes non remboursés, et les sommes indûment versées dans le cadre de l'exécution provisoire.

A l'appui de ses demandes, la Société UFIFRANCE considère qu'elle a exécuté de parfaite bonne foi les termes du contrat de travail et que c'était de façon surprenante et pour des raisons vraisemblablement personnelles que Madame X. avait brusquement, en avril 2003, présenté sa démission.

A titre principal la société UFIFRANCE sollicite donc le débouté pur et simple des prétentions de Madame X.

A titre subsidiaire, l'employeur reprend, pour les contester, chacun des points évoqués par son ancienne salariée, les estimant infondés ou en tout état de cause estimant que les [minute Jurica page 5] montants réclamés doivent être ramenés à de plus justes proportions.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION DE LA COUR :

Il résulte du dossier que la société UFIFRANCE a pour activité le conseil en gestion de patrimoine, le courtage d'assurances et que pour l'exercer, cette société dispose de plusieurs agences réparties sur le territoire national dont l'agence de Bordeaux à laquelle Madame X. était administrativement rattachée.

Madame X. était engagée en qualité de démarcheur commercial.

A ce titre, elle était donc chargée de prospecter et de suivre les clients de la société étant précisé qu'elle devait respecter certains objectifs fixés au contrat de travail.

- par journée de travail, un minimum de quatre rendez-vous auprès de nouveaux prospects

- Par mois un minimum de quatre affaires auprès de quatre clients différents (nouveaux ou additionnels)

- un volume d'affaires représentant un commissionnement au moins égal à deux fois le SMIC pour chaque période de deux mois

- effectuer des visites de suivi clients

- par mois, participer à une journée d'accompagnement programmée avec le superviseur afin de contrôler le suivi des règles et méthodes de la société.

A compter du 28 août 2000, Madame X. était nommée, aux termes d'une annexe au contrat de travail, conseiller en entreprise et partenariat.

En cette qualité, elle avait désormais pour mission d'entrer en relation, au nom de la société UFIFRANCE, avec des personnes morales en vue d'obtenir de leur part la souscription aux formules de placement spécifiques mises au point, dans ce cadre, par la société.

Conformément aux dispositions du contrat de travail ainsi modifié, Madame X. devait désormais, aux termes mêmes des écritures de l'employeur :

- effectuer 16 rendez-vous par semaine, seule ou en accompagnement

- 4 rendez-vous « prescription » par semaine avec des collaborateurs du groupe

- réaliser chaque mois avec les collaborateurs du groupe de supervision un minimum d'un nouvel apporteur d'affaire et de deux affaires auprès de deux clients entreprise différents

- réaliser un volume d'affaires représentant un commissionnement au moins égal à deux mois de SMIC pour chaque période de deux mois

- réaliser 20 % du chiffre d'affaires annuel de l'équipe de prescription;

- réaliser un chiffre d'affaires entreprise annuel de 2MF multiplié par le nombre de collaborateurs du groupe présents au 1er janvier hors phase 1 et superviseurs.

En contrepartie de ses obligations contractuelles, Madame X. était rémunérée de la façon suivante : un traitement mensuel dit « fixe » égal au SMIC en vigueur majoré de [minute Jurica page 6] 1/10 ème au titre des congés payés ayant nature d'avance et donnant lieu à report et imputation les mois suivants sur la rémunération brute proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé à son initiative et calculé selon le barème incluant les congés payés.

A compter de sa nomination en qualité de conseillère en entreprise et en complément des dispositions prévues aux conditions générales du contrat initial, la rémunération de Madame

X. était déterminée selon les modalités suivantes :

- une rémunération brute proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé par le signataire ou réalisé en accompagnement,

- une rémunération brute proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé conjointement avec les collaborateurs de l'équipe en prescription dans la limite maximum de 20 % des commissions versées au superviseur.

Après avoir travaillé dans ces conditions jusqu'au mois de mars 2003 pour la société UFIFRANCE, c'est par un premier courrier en date du 30 mai 2003 que Madame X. a présenté sa démission au directeur de l'agence de Bordeaux, confirmé par un second courrier, remis en main propre le 3 juin suivant.

 

Sur la prise en charge des frais professionnels :

Aux termes des dispositions du contrat de travail initial et son avenant du 28 août 2000 dont l'essentiel des dispositions a été ci-dessus rappelé, il n'est pas discuté que la société ne prenait en charge que très exceptionnellement les frais liés à l'activité professionnelle de Madame X.

En fait, la participation financière de la société UFIFRANCE se limitait à des événements sans lien direct avec l'activité professionnelle quotidienne de son salarié, concernant la prise en charge de frais liés à l'organisation de congrès, de séminaires ou de stages.

Dès lors, il n'est pas sérieusement contestable comme résultant d'ailleurs des termes mêmes du contrat de travail signé par Madame X. que les traitements dits fixes et les commissions versés devaient, en réalité, contribuer à couvrir la totalité des frais professionnels de prospection et de suivi de clientèle que le salarié pouvait être amené à exposer.

Pour autant, il est de jurisprudence constante que les frais professionnels exposés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent pouvoir lui être remboursés sans imputation sur sa rémunération, cette obligation étant d'autant plus impérieuse qu'en l'espèce la rémunération « fixe » de Madame X. se situait au niveau du SMIC et que le mécanisme d'imputation ci-dessus évoqué revenait, pour la salariée, à être parfois rémunérée sur une base inférieure à celle du salaire minimum interprofessionnel de croissance.

Il en résulte qu'avant février 2003, aucun frais professionnel n'était pris en charge par la société UFIFRANCE laquelle apparaît, dans ces conditions, particulièrement mal fondée à rappeler dans ses conclusions que les parties liées par un contrat de travail doivent l'exécuter de bonne foi.

Au demeurant, l'accord de février 2003, s'il constitue une avancée en fixant désormais à 230 euros par mois le montant du remboursement des frais exposés par les salariés payés au SMIC maintenait en revanche le principe de l'intégration des frais professionnels dans les commissions à hauteur de 10 % pour les salariés réglés à la commission, pratique pourtant [minute Jurica page 7] régulièrement condamnée, depuis 2001, par la Cour de Cassation.

L'employeur pouvait d'autant moins ignorer cette jurisprudence que c'est dans le cadre d'une affaire où il était partie (arrêt BERNARD / UFIFRANCE) que la Cour de Cassation a entendu rappeler que les frais engagés sur un plan professionnel ne pouvaient être intégrés dans les commissions.

Au vu de ce qui précède, c'est avec pertinence que Madame X. soutient que la clause de forfait prévue à l'accord de 2003 est nulle et en tout cas ne lui est pas opposable au double motif qu'elle demeure moins favorable que les dispositions légales fixant le principe du remboursement intégral des frais professionnels et qu'elle prévoit toujours l'intégration des frais dans le paiement des commissions.

 

Sur le montant des frais professionnels dus par la société UFIFRANCE à Madame X. :

C'est à juste titre que les premiers juges ont rappelé que le remboursement des frais professionnels devaient être assimilés à des accessoires de salaire dans le cadre du contrat de travail et qu'à ce titre ils étaient nécessairement soumis à la prescription quinquennale.

La saisine du Conseil de Prud'hommes ayant eu lieu le 28 janvier 2004, les sommes éventuellement dues antérieurement au 28 janvier 1999 seront donc prescrites.

En revanche, l'accord d'entreprise de février 2003, pour les motifs ci-dessus exposés, ne saurait s'imposer à Madame X. contrairement à ce qu'a estimé le Conseil des Prud'hommes de Bordeaux.

Dès lors, la période indemnisable s'étend sur 49 mois (février 1999 à mars 2003), la salariée ayant été absente de son travail à la suite d'arrêt maladie durant le mois d'Avril et jusqu'à sa démission.

Madame X. détaille, dans ses conclusions et les très volumineuses pièces jointes, les principaux postes de dépense dont elle demande la prise en compte: (frais d'entretien de véhicule, de carburant, de péage, de stationnement, d'assurance professionnelle, frais de repas, de téléphone, de secrétariat).

La Société UFIFRANCE réplique que ces différents postes ne sont pas détaillés de façon suffisamment précise et qu'au surplus sa salariée ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle les ait exposés en totalité au bénéfice de l'employeur.

Pour autant, la Cour relève que l'activité de démarchage de Madame X. nécessitait contractuellement la tenue d'au moins seize rendez-vous par semaine et imposait nécessairement, à cet effet, des déplacements, des frais d'essence, d'autoroute et de repas pris à l'extérieur.

La salariée était tenue d'aller visiter ses clients à domicile ou sur le lieu de leur travail et elle devait également assister à des réunions hebdomadaires d'agence.

Cette activité faisait l'objet d'un contrôle régulier de l'employeur, lequel était donc parfaitement informé de la date des visites, du nom des clients, du lieu du rendez-vous.

Aucun secteur géographique particulier n'était attribué à la salariée qui pouvait donc effectuer, dans le cadre de son activité professionnelle, des déplacements de plusieurs centaines de kilomètres.

[minute Jurica page 8] Enfin il n'est pas discuté que Madame X. ne disposait pas de véhicule de fonction et a donc effectué, en 49 mois, la totalité de ses visites avec son véhicule personnel.

Il résulte des documents produits aux débats que la salariée effectuait environ 20 000 kilomètres par an.

Elle utilisait un véhicule Peugeot 205. Il lui sera attribué de ce chef de préjudice pour la période considérée une somme de 22.050 € (450 € mensuellement).

Elle a exposé des frais de stationnement qui peuvent être évalués à 150 euros par an et il sera fait droit à sa demande de remboursement des frais de péage, sollicitée sur la base de 120 euros par an.

Madame X. verse également aux débats ses factures de téléphone fixe et de portable étant rappelé que si l'agence de Bordeaux, à laquelle elle était rattachée administrativement, disposait bien de lignes téléphoniques, il est constant que Madame X. n'a jamais reçu de son employeur le moindre téléphone portable et qu'elle devait contacter sa clientèle avec son portable personnel, au gré de ses déplacements et des disponibilités horaires de ses clients.

Les dépenses de téléphone seules représentent en moyenne une somme justifiée au vu des pièces du dossier, d'environ 800 euros par an.

Constituent également des frais professionnels, les dépenses supplémentaires exposées par un salarié contraint de s'alimenter à l'heure habituelle du déjeuner en dehors de son domicile.

Au vu des pièces produites, Madame X. prenait 160 repas hors de son domicile, dont elle demande le remboursement sur une base de 10 euros par repas. Il sera fait droit à cette demande sur la base de 160 repas par an.

La salariée sollicite également la prise en compte des frais de papeterie, de stylos et de tout le petit matériel de bureau, étant précisé, ce qui n'est pas contesté par l'employeur, que ce dernier ne lui fournissait rien au niveau du matériel et que si des cartes de vœux professionnelles étaient effectivement disponibles, elles s'avéraient également payantes pour les salariés.

Dans ces conditions, la demande de Madame X. est justifiée, de ce chef de préjudice, pour un montant de 100 euros par an, de même que la demande de remboursement des frais postaux qui seront également évalués à 100 euros par an.

L'aménagement d'une pièce du domicile personnel de la salariée en bureau n'est en revanche pas en soi une contrainte justifiant d'un dédommagement spécifique contrairement à ce que soutient la salariée.

Au surplus, l'activité de conseiller en entreprise chez UFIFRANCE s'effectue en grande partie à domicile, ce que n'ignorait pas Madame X. et ce qui pouvait même être considéré comme un avantage non négligeable pour certains autres salariés d' UFIFRANCE.

En outre, l'employeur mettait à disposition des locaux que Madame X. elle-même reconnaît avoir peu utilisés pour des raisons, explique-t-elle, de confidentialité et de manque d'espace de rangement.

En tout état de cause, le préjudice allégué par la salariée n'est pas établi sur ce point.

[minute Jurica page 9] Au vu de ce qui précède, il sera alloué à Madame X. une somme de 27.889,50 € pour la période considérée, la Cour, comme le Conseil de Prud'hommes ayant également pris en compte, pour cette évaluation, l'avantage fiscal obtenu par Madame X. qui a, durant la même période, effectué une déclaration fiscale aux frais réels l'ayant amené, en tout cas sur l'année 2002, à être exonérée de tout paiement au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

 

Sur la faculté d'exclure les sommes ainsi versées en remboursement de frais professionnels des cotisations sociales :

L'article L. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale dispose que les sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail sont soumises à cotisations à l'exclusion des sommes représentatives de frais professionnels.

Les sommes arrêtées, par la Cour ayant été exposées au cours de l'exercice professionnel de Madame X. et dans l'intérêt de l'employeur, et devront donc être exclues de l'assiette des cotisations.

 

Sur le droit à réparation du préjudice subi du fait de la mauvaise foi de l'employeur par application des dispositions de l'article 1153 du Code civil :

Il est indiscutable que la persévérance mise par la société UFIFRANCE à proposer à ses salariés un système de rémunération peu compréhensible (voir le résumé des clauses contractuelles ci-dessus rappelées) et dont l'employeur n'ignorait pas le caractère irrégulier, notamment quant à son obligation de remboursement de frais professionnels, amènera la Cour à retenir la mauvaise foi de l'employeur dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point et la somme allouée en réparation de ce chef de préjudice portée à 5.000 €.

 

Sur la demande de l'employeur relative au remboursement d'une somme de 2.799,94 euros versée à titre d'acomptes :

La Société UFIFRANCE ne justifie en réalité d'aucun « acompte » versé à Madame X. sur ses revenus futurs.

Les seuls « acomptes » éventuellement dus par la salariée résultent de la simple application, par l'employeur de la clause du contrat de travail selon laquelle « le traitement fixe égal au SMIC a une nature d'avance sur les commissions donnant lieu à report ou imputation sur les commissions du mois suivant ».

Outre le fait qu'il devient dès lors impossible de connaitre, à la lecture de ce qui précède, le montant réel du salaire « fixe » qu'est en droit, mensuellement, de percevoir le salarié, il convient de relever que le SMIC, qui représente justement un salaire minimum « garanti » ne saurait être utilisé sous forme « d'avance » dont une partie pourrait être reprise, le mois suivant, sous forme de retenues, effectuées par l'employeur et imputées sur des commissions payables au salarié.

Dès lors cette clause ne saurait recevoir application et la société UFIFRANCE sera déboutée de cette demande;

[minute Jurica page 10] En revanche, Madame X. fait valoir que les retenues ainsi pratiquées par l'employeur sur son salaire, l'ont privée d'une partie importante de ses revenus.

Le calcul précis du montant de ces commissions, selon décompte détaillé mois par mois de Juin 1999 à Janvier 2003 dans les pièces soumis à l'appréciation de la Cour et qui ne fait l'objet d'aucune contestation sérieuse de la société UFIFRANCE sauf pour soutenir que ce système de rémunération serait parfaitement valable, s'élève à 6.552,04 euros.

La société UFIFRANCE sera donc condamnée à payer cette somme à Madame X. outre les congés payés y afférents pour un montant de 655,20 €.

 

Sur la démission de Madame X. et l'imputabilité de la rupture :

En cas de démission d'un salarié il appartient au juge d'apprécier si des circonstances antérieures ou contemporaines à la démission rendent celle-ci équivoque.

Dans l'affirmative, il convient d'analyser cette décision en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, celle-ci produisant alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.

Il résulte de l'analyse faite par la Cour des clauses du contrat de travail et des conditions dans lesquelles Madame X. a été amenée à travailler pour la société UFIFRANCE qu'il y a eu, de la part de l'employeur, des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.

La lecture de la lettre de démission de Madame X. évoque d' ailleurs « les peines professionnelles qui l'ont emporté sur les joies... »

La démission de Madame X. sera donc analysée, au vu de ce qui précède, comme une prise d'acte de la rupture au torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

 

Sur les conséquences de la rupture :

L'employeur ne fait valoir aucune observation sur le montant des sommes allouées à titre indemnitaire par les premiers juges et Madame X. en demande la confirmation pure et simple, sauf à ce que la somme allouée à titre de dommages intérêts soit portée à 15.000 euros.

Sur ces différents points, le conseil de Prud'hommes a évalué de façon pertinente et méritant confirmation les chefs de préjudice subis par Madame X.

Les sommes fixées par les premiers juges seront donc purement et simplement confirmées.

 

Sur les demandes d'annulation de la clause de protection de clientèle et de non débauchage :

Aux termes du libellé de la clause de protection de clientèle, figurant au contrat de travail de [minute Jurica page 11] Madame X., plus précisément en son article 2.6, il est indiqué « Après le départ de la société, le signataire s'interdit d'entrer en relation, directement ou indirectement et selon quelque procédé que ce soit, avec les clients de la société qu'il a démarché, conseillés ou suivis, en vu de leur proposer une formule de placement de quelque nature que ce soit, pendant une durée de 24 mois à compter de la cessation effective de son activité»

Cette clause revient donc à interdire à tout ancien salarié d' UFIFRANCE de faire des offres de placement aux clients ou même simplement aux personnes ayant été prospectées par son ancienne société, pendant une période de 24 mois;

La société UFIFRANCE ne démontre pas en quoi cette clause serait indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, alors d'une part qu'elle porte manifestement atteinte au principe de la libre concurrence et que d'autre part elle n'est assortie d'aucune contrepartie financière.

Enfin, Madame X. verse aux débats un mail de la propre responsable des ressources humaines de la société UFIFRANCE PATRIMOINE daté du 17 juillet 2002 constatant qu'à la suite du revirement de jurisprudence de la cour de Cassation « notre clause n'est plus valable et nous ne sommes plus fondés à présent à invoquer la violation de cette clause dans nos contentieux... »

C'est donc à bon droit qu'elle a été considérée comme illicite par les premiers juges.

Aux termes de l'article 1.8 du contrat de travail une clause de non débauchage était également incluse et rédigée comme suit; « Au cas où, après le départ du signataire de la société, il aurait la qualité d'associé ou une qualité semblable, ou un rôle de dirigeant de fait ou de droit dans une société concurrente, le signataire serait tenu personnellement et au nom de cette entreprise de ne pas engager dans cette entreprise du personnel de la société ou du personnel ayant travaillé au sein de la société au cours des douze derniers mois et cela pendant deux ans après son départ »

Le délai maximal d'impossibilité, pour un ancien salarié d'UFIFRANCE, de recruter au sein de sa propre entreprise une personne travaillant au sein de cette société, est donc de trois ans. (12 mois + 2 ans).

L'importance de ce délai, la généralité de l'interdiction, son absence de toute contrepartie ne saurait être justifiée par la protection des intérêts de la société UFIFRANCE au regard des difficultés actuelles du marché de l'emploi et de la liberté du travail.

Le jugement déféré sera donc, là encore confirmé.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en matière prud'homale, après en avoir délibéré et en dernier ressort,

Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Bordeaux sauf à condamner la société UFIFRANCE à payer à Madame X. :

* 27.889,50 euros à titre de remboursement de frais professionnels exposés, étant précisé que cette somme n'a pas vocation à être réintégrée dans l'assiette des cotisations sociales,

* 5.000 euros à titre de dommages intérêts en raison de la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail,

* [minute Jurica page 12] 6.552,04 euros en remboursement des retenues sur commissions effectuées par l'employeur outre les congés payés y afférents pour un montant de 655,20 euros.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la Société UFIFRANCE à payer à Madame X. la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la Société UFIFRANCE aux entiers dépens

Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. Tamisier      B. Frizon de Lamotte