CA COLMAR (2e ch. civ. sect. B), 14 mars 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2249
CA COLMAR (2e ch. civ. sect. B), 14 mars 2008 : RG n° 06/03219 ; arrêt n° 261/2008
Extrait : « Attendu que les époux X. qui sont viticulteurs à [ville R.], agissant pour les besoins de leur exploitation, ont, le 14 mars 2002 commandé 25.000 dépliants avec prise de vue en juillet 2002 + album, format 21 x 29,7, au prix unitaire de 0,45€ et moyennant la gratuité des frais techniques, soit au total 11.243,11 € HT correspondant à 13.446,77 € TTC, montant sur lequel les époux X. ont payé à la commande un acompte de 1.526 € ;[…] ; Que les dispositions du Code de la Consommation relatives au démarchage à domicile ne trouvent pas à s'appliquer s'agissant d'un contrat ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle des époux X. ».
COUR D’APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION B
ARRÊT DU 14 MARS 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 2 B 06/03219. Arrêt n° 261/2008. Décision déférée à la Cour : 10 février 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAVERNE.
APPELANTE :
SARL INTER EDITION
représentée par son gérant M. Théodore ROUAS, dont le siège social est [adresse]. Représentée par Maître Martine RICHARD-FRICK, avocat au barreau de COLMAR. Avocat plaidant : Maître Geneviève CAMBERLEIN, avocat au barreau de STRASBOURG.
INTIMÉS :
1. Monsieur X.
2. Madame Y. épouse X.
demeurant ensemble, [adresse], représentés par la SELARL ARTHUS CONSEIL, avocats au barreau de COLMAR. [minute Jurica page 2] Avocat plaidant : Maître Michel FEUERBACH, avocat au barreau de STRASBOURG.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. LEIBER, Président, Mme FRATTE, Conseiller, Mme SCHIRER, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier ad'hoc, lors des débats : Madame DOLLE,
ARRÊT : - Contradictoire. - Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - Signé par M. Adrien LEIBER, président et Madame Astrid DOLLE, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. - Ouï Mme SCHIRER, Conseiller, en son rapport.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement du 10 février 2006, le Tribunal de Grande Instance de SAVERNE a déclaré nul le contrat passé entre les parties le 14 mars 2002 aux termes duquel M. et Madame X. avaient passé commande à la SARL INTER EDITION de 25.000 dépliants avec prise de vue et album, format 21 x 29,7 au prix unitaire de 0,45 €, soit un coût total de 13.446,77 € TTC.
Le Tribunal a en conséquence rejeté la demande de la société INTER EDITION en paiement du solde lui restant dû de 12.446,77 € ainsi que des intérêts et frais et a condamné la SARL INTER EDITION aux dépens.
LA SARL INTER EDITION a, le 30 juin 2006, interjeté appel de ce jugement.
Elle a conclu à l'infirmation du jugement entrepris et a demandé à la Cour, statuant à nouveau :
- de condamner solidairement M. et Madame X. à lui payer la somme de 12.446,77 € en exécution du contrat du 14 mars 2002 avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation,
- de les condamner solidairement à lui payer 2.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,
- de les condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel y compris les frais nés de l'article 10 du décret de 1996,
- [minute Jurica page 3] de rejeter l'appel incident,
- subsidiairement de dire que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de l'intervention de l'arrêt.
Elle expose :
- que le contrat conclu entre les parties s'analyse en une prestation de services, que le contrat n'est nullement indéterminé quant à son objet puisque les dépliants dans un format donné étaient prévus, leur quantité et prix unitaire fixés,
- que la première étape était nécessairement la réalisation de prises de vue, sans lesquelles aucune maquette ne peut être réalisée ; que les époux X. qui ont refusé la venue du photographe l'ont mise dans l'impossibilité de commencer son travail ; que ce n'est que lorsque les clients ont choisi les photographies et arrêté le texte, qu'elle prépare une maquette qui peut être modifiée autant de fois qu'il est nécessaire jusqu'à ce que le client soit satisfait et qui est alors imprimé après signature d'un bon à livrer ; que lors de la signature du contrat, des modèles ont été présentés,
- que le contrat conclu n'est en outre nullement affecté d'une condition potestative comme le prétendent les époux X.,
- que le contrat conclu échappe aux dispositions du Code de la Consommation sur le démarchage à domicile,
- que la loi du 29 janvier 1993 invoquée relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne trouve pas à s'appliquer,
- que les dispositions invoquées sur la publicité des boissons alcoolisées sont également inapplicables ; qu'en tous cas le texte est fourni par le client et il lui est donc loisible d'y inclure un message de caractère sanitaire.
M. et Madame X. ont formé un appel incident et ont sollicité la condamnation de la société INTER EDITION à leur payer la somme de 1.536 € avec intérêts légaux à compter du 14 mars 2002, représentant le remboursement de l'acompte versé.
Qu'ils ont conclu à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus et à la condamnation de la SARL INTER EDITION aux dépens et à leur payer 2.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ils exposent :
- que le contrat conclu est indéterminé quant à son objet,
- que cette indétermination rend l'exécution du contrat par INTER EDITION totalement potestative,
- que le contrat ne stipule aucun protocole de réalisation avec conception de maquette, choix des textes, bon à tirer...,
- que cette opération encourt la nullité prévue à l'article 1129 du Code Civil et celle de l'article 1174 du Code Civil,
- [minute Jurica page 4] qu'aucune garantie n'a été donnée s'agissant du contenu de la publicité et de sa conformité aux articles L. 121-1 et suivants du Code de la Consommation ou aux dispositions relatives à la publicité des alcools et boissons alcoolisées du Code de la Santé Publique,
- que l'argument d'une création unique est sans emport en l'absence de toutes stipulations à cet égard,
- que la législation sur le démarchage à domicile qui n'a pas été respectée, s'applique, le contrat n'ayant aucun lien direct avec leur activité professionnelle dont il n'assurait pas la promotion,
- que la législation sur la prévention de la corruption et la transparence économique s'applique,
- que la nullité du contrat doit conduire au remboursement de l'acompte versé, que la société INTER EDITION ne rapporte en tout état de cause pas la preuve d'un préjudice.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce,
Vu la décision entreprise,
Vu les conclusions des parties auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens invoqués devant la Cour,
Vu l'ordonnance de clôture du 8 novembre 2007,
Attendu que les époux X. qui sont viticulteurs à [ville R.], agissant pour les besoins de leur exploitation, ont, le 14 mars 2002 commandé 25.000 dépliants avec prise de vue en juillet 2002 + album, format 21 x 29,7, au prix unitaire de 0,45€ et moyennant la gratuité des frais techniques, soit au total 11.243,11 € HT correspondant à 13.446,77 € TTC, montant sur lequel les époux X. ont payé à la commande un acompte de 1.526 € ;
Que ce contrat s'analyse en un contrat de prestation de service, l'objet qui est déterminé étant la réalisation de 25.000 dépliants élaborés spécialement pour les époux X. pour un prix expressément précisé ;
Que le fait que la teneur même du dépliant restait à préciser n'est pas de nature à invalider la convention ; que s'agissant d'un travail de création élaboré spécifiquement pour les époux X., ce n'est qu'au cours du processus d'exécution que pouvait être arrêté définitivement le choix des textes et photographies, lequel nécessitait la participation active du client ;
Que dès lors que les frais techniques tels que définis aux conditions générales (photographies, clichés, typons, maquettes, bon à tirer...) n'étaient pas facturés en sus comme le prévoient les conditions générales à défaut d'accord des parties, le fait que les parties n'aient pas renseigné aux conditions particulières la case relative au bon à tirer ne signifie pas pour autant qu'un tel bon à tirer ne serait pas établi et ne prouve en tous cas pas que le choix final de la présentation et du contenu du dépliant ne revenait pas au client ;
Que les modalités techniques précitées ressortant des conditions générales produites par les époux X. eux-mêmes n'avaient précisément d'intérêt que pour permettre au client [minute Jurica page 5] de faire son choix ;
Que dans ces conditions, la Cour ne trouve dans le contrat du 14 mars 2002 aucune condition potestative faisant dépendre l'exécution de l'obligation contractée par les époux X. de la seule volonté de la société INTER EDITION ;
Que les dispositions du Code de la Consommation relatives au démarchage à domicile ne trouvent pas à s'appliquer s'agissant d'un contrat ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle des époux X. ;
Que le contrat synallagmatique signé entre INTER EDITION et ses clients, les époux X., ne relève pas davantage des dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;
Que s'agissant des dispositions invoquées du Code de la Santé Publique relatives à la publicité des boissons alcoolisées, c'est vainement que les époux X. exposent que la société INTER EDITION ne lui a donné aucune garantie de la conformité du dépliant aux dites dispositions sanitaires ; qu'ayant empêché toute exécution du contrat, n'ayant notamment jamais donné suite à la mise en demeure de la société INTER EDITION de prendre rendez-vous avec le photographe pour la réalisation des prises de vue, c'est pour le moins prématurément que les époux X. se prévalent de ces dispositions ;
Attendu qu'il n'existe dès lors aucune cause de nullité du contrat signé entre les parties ;
Mais que le contrat n'ayant pas été exécuté et la société INTER EDITION n'offrant d'ailleurs pas expressément son exécution laquelle s'avère d'ailleurs impossible au regard du caractère intuitu personae de la convention et à l'attitude de refus des époux X., la demande en paiement de l'appelante doit être réduite au préjudice que lui cause la rupture unilatérale du contrat par les intimés ; qu'eu égard à l'acompte déjà perçu qui lui reste acquis, le contrat signé étant pleinement valable, la Cour chiffre à la somme complémentaire de 2.500 € la perte financière subie par la société INTER EDITION, au paiement de laquelle sont condamnés les époux X.;
Attendu que l'issue du litige conduit en outre la Cour à condamner les époux X. aux entiers dépens d'instance et d'appel et au paiement à la société INTER EDITION de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
REÇOIT l'appel de la société INTER EDITION,
Au fond,
INFIRME le jugement entrepris du Tribunal de Grande Instance de SAVERNE du 10 février 2006,
CONDAMNE solidairement Monsieur X. et Madame Y. épouse X. à payer à la SARL INTER EDITION :
- [minute Jurica page 6] la somme de 2.500 € (deux mille cinq cents euros) à titre de dommages intérêts avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
DÉBOUTE M. et Madame X. de leur demande reconventionnelle,
CONDAMNE M. et Madame X. aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président.