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CA PARIS (8e ch. sect. A), 11 janvier 2007

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (8e ch. sect. A), 11 janvier 2007
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 8e ch. sect. A
Demande : 05/13210
Date : 11/01/2007
Nature de la décision : Confirmation
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2287

CA PARIS (8e ch. sect. A), 11 janvier 2007 : RG n° 05/13210

 

Extraits : 1/ « Considérant qu'ils font valoir que, pour déclarer irrecevables leurs contestations de ce contrat, formées plus de deux ans après sa souscription, le tribunal ne pouvait appliquer l'article L. 311-37 dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001 mais devait, en application des directives européennes et de la jurisprudence de la cour de justice de la communauté européenne en la matière, écarter ce délai de 2 ans ; Considérant qu'en réalité, la jurisprudence de la cour de justice de la communauté européenne qu'ils invoquent, notamment l'arrêt du 21 novembre 2002 dit Cofidis, concerne la question des clauses abusives ; Que les époux X. invoquent une seule clause qu'ils qualifient de frauduleuse et d'illégale, figurant au recto de l'offre sous l'intitulé possibilité de financement anticipé ; qu'à supposer abusive cette clause, la seule sanction serait son caractère non écrit, sans portée en l'espèce puisqu'il n'y a pas eu de financement anticipé »

2/ « Considérant que c'est à juste titre le premier juge, après avoir constaté que c'est par assignation du 10 juillet 2003 que les emprunteurs avaient contesté la régularité de l'offre préalable, a déclaré cette action irrecevable comme prescrite par application de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; Considérant qu'il résulte en effet de ce texte, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 11 décembre 2001, que le délai biennal de forclusion opposable à l'emprunteur qui conteste la régularité de l'offre préalable, par voie d'action ou d'exception, commence à courir à la date à laquelle le contrat est définitivement formé ; qu'en l'espèce, le contrat datant du 30 avril 2001, à la date du 10 juillet 2003, date de la contestation de sa régularité par voie d'assignation, la forclusion biennale était acquise ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, c'est vainement que les appelants soutiennent que tant les directives européennes que la jurisprudence de la cour de justice de la communauté en la matière, s'opposent à une réglementation interne qui permet au prêteur de se prévaloir d'une clause appliquant le délai de forclusion biennale aux actions en contestation de l'emprunteur alors qu'une irrégularité formelle du contrat ne constitue pas une clause abusive seule visée par la jurisprudence de la cour de justice européenne tandis qu'il n'est pas possible de déduire des directives rédigées en termes généraux, l'obligation pour le juge d'écarter la disposition de sa loi instituant un délai de forclusion dans l'ancien article L. 311-37 du Code de la consommation ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

HUITIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 11 JANVIER 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/13210. Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 mars 2005 - Tribunal d'Instance d'EVRY - R.G. n° 03/001148.

 

APPELANTS :

- Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité française, retraité

- Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], de nationalité française

demeurant tous deux [adresse] ci-devant et actuellement [adresse], représentés par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

 

INTIMÉE :

SA SOCIÉTÉ S2P PASS

prise en la personne de son Président et tous représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP TAZE-BERNARD-BROQUET, avoués à la Cour, assistée de Maître François MIGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2559, plaidant pour la SCP GAUTIER VALCIN GAFFINEL

 

COMPOSITION DE LA COUR : [minute Jurica page 2] Après rapport oral de Madame Viviane GRAEVE, l'affaire a été débattue le 21 novembre 2006, en audience publique, devant la cour composée de : Madame Hélène DEURBERGUE, présidente, Madame Viviane GRAEVE, conseillère, Madame Catherine BOUSCANT, conseillère, qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET

ARRÊT : CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile - signé par Madame Hélène DEURBERGUE, présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement contradictoire rendu le 10 mars 2005 par le tribunal d'instance d'Evry qui, saisi par les époux X. de demandes tendant, notamment, à voir prononcer la résolution de deux contrats de prêt à eux accordés par la SA S2P PASS les 30 avril 2001 et 22 octobre 2001 pour des montants respectifs de 100.000 Francs et 35.000 Francs et à obtenir la condamnation de la défenderesse à leur verser des dommages-intérêts, les a déboutés et, constatant que l'offre de prêt émise le 22 octobre 2001 n'était pas conforme aux prescriptions légales, en ce qui concerne les caractères d'imprimerie employés, les a condamnés solidairement à payer à la société de crédit, au titre du premier contrat de prêt, la somme de 16.605,37 € avec intérêts contractuels à compter du 4 juin 2003 sur la somme de 15.814,85 € et celle de 5.218,38 € avec déchéance du droit aux intérêts contractuels au titre du second contrat ;

Vu les dernières conclusions signifiées par les époux X. le 23 octobre 2006 et priant la cour, infirmant le jugement déféré en toutes ses dispositions :

- principalement, de déclarer irrecevable comme atteinte par la forclusion biennale visée par l'article L. 311-37 du Code de la consommation, l'action en paiement de la société de crédit,

- subsidiairement, de déclarer nulles les offres préalables et de prononcer en conséquence la résolution des contrats de crédit aux torts exclusifs de la société S2P et sans restitution à elle, des sommes prêtées,

- plus subsidiairement, de déchoir la société de crédit de son droit aux intérêts pour les deux prêts, au vu de leurs irrégularités formelles et clauses illégales,

- encore plus subsidiairement, de dire que le taux d'intérêt indiqué sur les deux offres n'est pas conforme aux dispositions d'ordre public du Code de la consommation et de déchoir en conséquence [minute Jurica page 3] la société de crédit de son droit aux intérêts conventionnels pour les deux prêts,

- en tout état de cause, de condamner la société de crédit à leur payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que leur a causé un octroi de crédit dans des conditions abusives et celle de 5.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2006 par la société S2P qui sollicite la confirmation de la décision déférée, à l'exception de sa disposition ayant prononcé la déchéance de ses droits aux intérêts conventionnels au titre du prêt du 30 avril 2001, et demande à la cour, statuant à nouveau de ce chef, de condamner solidairement les époux X. à lui payer la somme de 6.138,38 € avec intérêts au taux contractuel de 6,50 % l'an, avec application de l'article 1154 du Code civil ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Considérant que M. X. et son épouse Y. ont souscrit, auprès de la société S2P, le 30 avril 2001 un prêt personnel de 100.000 Francs remboursable en 60 mensualités et, le 22 octobre 2001 un prêt personnel de 35.000 Francs remboursable également sur 60 mois.

Considérant que la première échéance impayée non régularisée est, pour les deux prêts, celle du 3 janvier 2002 ;

Considérant que les époux X. ont, par acte d'huissier du 10 juillet 2003, saisi le tribunal d'instance d'Évry notamment d'une demande de résolution des deux contrats et de condamnation du prêteur à leur payer des dommages et intérêts ; que, reconventionnellement, la société de crédit a sollicité leur condamnation à lui payer les sommes restant dues au titre de ces deux prêts ;

 

- Sur la recevabilité de l'action en paiement de la société S2P :

Considérant que les époux X. soutiennent principalement que l'action en paiement de la banque est atteinte par la forclusion biennale visée par l'article L. 311-37 du Code de la consommation, les conclusions à eux signifiées par la société de crédit le 8 décembre 2003 et contenant sa demande reconventionnelle en paiement n'ayant pu interrompre le délai de 2 ans puisque non déposées au greffe, elles ne pouvaient constituer l'action visée par le texte ci-dessus cité ;

Considérant que dans le cadre d'une instance en cours, introduite par les époux X. (de sorte que, pour faire valoir ses prétentions, la société de crédit n'était pas tenue d'introduire une autre procédure) et se déroulant selon la procédure orale, la signification aux débiteurs, par la société de crédit, de ses conclusions par acte d'huissier du 8 juillet 2003 a interrompu le délai visé par l'article L. 311-37 du Code de la consommation ;

Considérant que l'action en paiement de l'intimée est donc recevable, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point ;

 

- Sur les contestations relatives au premier prêt du 30 avril 2001 :

Considérant qu'il convient de remarquer, à titre liminaire, que les développements des époux X. sur la distinction, en droit positif français, de l'ordre public de protection et de direction, est en l'espèce sans portée car la question de l'office du juge n'est pas posée dans cette affaire, les époux X., et non pas le premier juge, ayant relevé le caractère irrégulier, selon eux, des dispositions de l'offre du 30 avril 2001 ;

[minute Jurica page 4] Considérant que les époux X. ne contestent pas leur signature, n'invoquent donc pas l'inexistence du contrat ou un vice du consentement ;

Considérant qu'ils font valoir que, pour déclarer irrecevables leurs contestations de ce contrat, formées plus de deux ans après sa souscription, le tribunal ne pouvait appliquer l'article L. 311-37 dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001 mais devait, en application des directives européennes et de la jurisprudence de la cour de justice de la communauté européenne en la matière, écarter ce délai de 2 ans ;

Considérant qu'en réalité, la jurisprudence de la cour de justice de la communauté européenne qu'ils invoquent, notamment l'arrêt du 21 novembre 2002 dit Cofidis, concerne la question des clauses abusives ;

Que les époux X. invoquent une seule clause qu'ils qualifient de frauduleuse et d'illégale, figurant au recto de l'offre sous l'intitulé possibilité de financement anticipé ; qu'à supposer abusive cette clause, la seule sanction serait son caractère non écrit, sans portée en l'espèce puisqu'il n'y a pas eu de financement anticipé ;

Considérant que les contestations des époux X., portent sur la régularité formelle de ce contrat au regard des articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la consommation ; qu'ils invoquent le non-respect du délai de rétractation, non établi comme l'a dit le premier juge par des motifs pertinents, le caractère non conforme aux prescriptions réglementaires des bordereaux de rétractation, l'omission d'un tableau d'amortissement, au demeurant non obligatoire dans le cas d'espèce, et enfin l'indication d'un taux effectif global non conforme aux prescriptions légales au vu de calculs effectués par eux-mêmes et dont ils indiquent qu'ils doivent être pris « avec la plus grande réserve » ;

Considérant que c'est à juste titre le premier juge, après avoir constaté que c'est par assignation du 10 juillet 2003 que les emprunteurs avaient contesté la régularité de l'offre préalable, a déclaré cette action irrecevable comme prescrite par application de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ;

Considérant qu'il résulte en effet de ce texte, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 11 décembre 2001, que le délai biennal de forclusion opposable à l'emprunteur qui conteste la régularité de l'offre préalable, par voie d'action ou d'exception, commence à courir à la date à laquelle le contrat est définitivement formé ; qu'en l'espèce, le contrat datant du 30 avril 2001, à la date du 10 juillet 2003, date de la contestation de sa régularité par voie d'assignation, la forclusion biennale était acquise ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, c'est vainement que les appelants soutiennent que tant les directives européennes que la jurisprudence de la cour de justice de la communauté en la matière, s'opposent à une réglementation interne qui permet au prêteur de se prévaloir d'une clause appliquant le délai de forclusion biennale aux actions en contestation de l'emprunteur alors qu'une irrégularité formelle du contrat ne constitue pas une clause abusive seule visée par la jurisprudence de la cour de justice européenne tandis qu'il n'est pas possible de déduire des directives rédigées en termes généraux, l'obligation pour le juge d'écarter la disposition de sa loi instituant un délai de forclusion dans l'ancien article L. 311-37 du Code de la consommation ;

 

- Sur les contestations relatives au prêt en date du 22 octobre 2001 :

Considérant que ces contestations, effectuées dans les deux ans de la souscription du prêt, sont recevables ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la seule sanction des irrégularités formelles du contrat [minute Jurica page 5] de prêt est la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels ;

Considérant que c'est à bon droit que le premier juge a estimé que le verso du contrat de prêt, qui fait partie intégrante du document, n'est pas rédigé en caractère d'une hauteur au moins égale à celle du corps huit, en infraction avec les dispositions de l'article R. 311-6 du Code de la consommation ;

Considérant que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déchu le prêteur de son droit aux intérêts contractuels pour ce prêt ;

Considérant qu'il est dès lors sans intérêt d'examiner les autres contestations de la régularité formelle du contrat formées par les époux X. ;

Considérant que le montant des condamnations est justifié par les pièces versées aux débats ;

 

- Sur la demande de dommages-intérêts des époux X. :

Considérant que les époux X. ne démontrent pas que l'établissement de crédit a manqué à ses obligations professionnelles en leur accordant, avec légèreté, un crédit sans proportions avec leurs revenus et charges de l'époque ;

Considérant, en effet, que la société S2P produit les deux fiches point budget signées par les époux X. au moment de l'octroi des crédits, les 30 avril et 22 octobre 2001 ; que, sur les deux fiches, ils ont indiqué percevoir des pensions et retraites pour un montant total mensuel de plus de 19.000 Francs ; que sur la première, il n'ont indiqué aucune charge particulière tandis que sur la seconde ils ont mentionné 1.500 Francs par mois au titre des charges de logement et ont indiqué le montant mensuel du remboursement du premier prêt consenti par la société S2P soit 2.276 Francs par mois ;

Considérant que, s'agissant de retraités, les époux X. étant nés respectivement en 1941 et 1935, il ne peut être reproché à la société de crédit de n'avoir pas sollicité la communication des derniers bulletins de pension ; qu'elle n'avait pas davantage à vérifier l'absence d'autres charges de leurs clients qui ont certifié sur l'honneur l'exactitude des renseignements donnés par eux ; que le montant total de remboursement des prêts accordés, soit 3.323 Francs ou 506 € n'étant pas excessif par rapport à leurs revenus de l'ordre de 19.000 Francs par mois, aucun élément ne permettant à l'établissement de crédit de savoir que dans les mois qui ont précédé et suivi l'octroi des crédits litigieux, les époux X. en ont contracté d'autres au point de se trouver dans une situation de surendettement ;

 

- Sur les autres demandes :

Considérant que les époux X., qui succombent, supporteront la charge des dépens d'appel, l'équité ne commandant toutefois aucune application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'intimée ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant, ordonne la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne les époux X. aux dépens d'appels qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

[minute Jurica page 6]

LA GREFFIÈRE,        LA PRÉSIDENTE,