CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA DOUAI (pdt – réf.), 5 juillet 2024

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (pdt – réf.), 5 juillet 2024
Pays : France
Juridiction : Douai (CA)
Demande : 24/00077
Décision : 102/24
Date : 5/07/2024
Nature de la décision : Suspension
Mode de publication : Judilibre, Juris Data
Date de la demande : 11/12/2023
Numéro de la décision : 102
Référence bibliographique : JurisData n° 2024-013448
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 23033

CA DOUAI (pdt – réf.), 5 juillet 2024 : RG n° 24/00077 ; ord n° 102/24

Publication : Judilibre ; JurisData n° 2024-013448

 

Extrait : « Il est constant que le premier président, statuant sur l'article 514-3 du code de procédure civile, ne saurait se prononcer sur le caractère fondé ou non du moyen invoqué par M. X. à l'appui de sa demande, appréciation qui ne relève que de la cour d'appel saisie du recours.

Doit donc être considéré comme « moyen sérieux d'annulation ou de réformation » au sens de l'article précité, le moyen qui, en violation manifeste d'un principe fondamental de procédure, ou d'une règle de droit, serait retenu par la cour d'appel comme moyen d'infirmation de la décision de première instance sans contestation sérieuse sur le fond.

Compte tenu de la jurisprudence récente (2022 et 2023) de la cour d'appel de Douai et de la Cour de cassation visée (2022 et 2023) expressément par le conseil de M. X. et nonobstant les jurisprudences plus anciennes qui proviennent essentiellement de juridictions de première instance, citées par la société Locam, apparaissent comme des moyens sérieux de réformation les moyens soulevés par M. X. au terme desquels :

- il peut bénéficier des dispositions de l'article L 221-3 du code de la consommation et plaider la nullité du contrat souscrit avec la société Bforbiz,

- la nullité de ce contrat entraînera la caducité du contrat incluant une location financière, les deux contrats étant interdépendants. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 5 JUILLET 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/00077. Ordonnance n° 102/24. N° Portalis DBVT-V-B7I-VRIG.

 

DEMANDEUR :

Monsieur X. exerçant sous l'enseigne XTREM RENOV

né le [date] à [Localité 5], demeurant [Adresse 1], [Localité 3], Représenté par Maître Virginie LEVASSEUR, avocate au barreau de Douai

 

DÉFENDERESSE :

SAS LOCAM

dont le siège social est [Adresse 4], [Localité 2], ayant pour avocat Maître Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de Lille

 

PRÉSIDENTE : Hélène CHÂTEAU, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 22 décembre 2023 du premier président de la cour d'appel de Douai

GREFFIER : Christian BERQUET

DÉBATS : à l'audience publique du 17 juin 2024

Les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le cinq juillet deux mille vingt-quatre, date indiquée à l'issue des débats, par Hélène CHÂTEAU, Présidente, ayant signé la minute avec Christian BERQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

[minute page 2]

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. X., entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne Xtreme Renov, spécialisé dans les travaux d'installation d'eau et de gaz, selon le répertoire Sirène et dans les travaux de chauffage, sanitaire, placo-plâtre, maçonnerie et métallerie selon son cachet commercial, a commandé le 18 septembre 2020 à la société Bforbiz, exerçant sous l'enseigne commerciale Clikeo, une licence d'exploitation de son futur site internet. Ce contrat prévoit une durée d'engagement de 36 mois, avec des mensualités de 154, 55 euros HT et des frais de dossier de 149 euros HT.

Le même jour, M. X. a signé un contrat de location de site Web avec la société Locam au titre de la licence d'utilisation de son site, prévoyant les mêmes mensualités et la même durée d'engagement que le bon de commande, signé avec la société Bforbiz.

Le 23 novembre 2020, un procès-verbal de livraison du site internet et de conformité était signé par M. X. le locataire et la SARL Cliqueo le fournisseur, lequel indiquait que le premier loyer devenait dès lors exigible et assurait le transfert de propriété de l'architecture technique et visuelle du site internet de la société Bforbiz vers la société Locam, cette dernière s'acquittant ce même jour du règlement de la facture de cession émise par la société Bforbiz à hauteur de 4.730,15 euros TTC.

Le 25 novembre 2020, une facture de loyers était adressée par la société Locam à M. X. récapitulant les 36 loyers payables par prélèvement du 20 décembre 2020 au 20 novembre 2023 d'un montant mensuel de 185,48 euros.

M. X. a payé les loyers dus entre décembre 2020 et mai 2021 puis a cessé les règlements.

Le 17 septembre 2021, la société Locam a adressé à M. X. une mise en demeure sollicitant le paiement des loyers échus à hauteur en principal de 556,44 euros (loyers de juin, juillet et août 2021) et l'informait qu'à défaut de régularisation dans le délai de huit jours, la résiliation du contrat serait prononcée avec exigibilité immédiate de toutes les sommes dues.

Le 30 septembre 2021, M. X. informait les sociétés Bforbiz et Locam qu'il sollicitait l'anéantissement des contrats.

Par ordonnance du 8 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille a ordonné à M. X. de régler à la société Locam la somme de 5.564,40 euros au titre des loyers en principal, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2021 outre 556,44 euros au titre de la clause pénale et les entiers dépens.

M. X. a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer le 3 février 2022 ; le tribunal judiciaire s'est dessaisi au profit du tribunal de commerce de Lille Métropole.

M. X. a assigné en intervention forcée la société Bforbiz par exploit en date du 24 mai 2022.

Le 28 septembre 2022, le tribunal a ordonné la jonction avec l'affaire principale.

Le 24 novembre 2022, M. X. a signifié au liquidateur judiciaire de la société Bforbiz une assignation en intervention forcée.

Le 29 mars 2023, les trois affaires ont été jointes.

Par jugement du 7 novembre 2023, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a :

- débouté M. X. de l'intégralité de ses moyens, demandes, fins et conclusions, formulées à titre principal et à titres subsidiaire ;

- jugé que M. X. a résilié de façon fautive et anticipée les contrats ;

- condamné M. X. à payer à la société Locam la somme de 6.115,65 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure signifiée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 septembre 2021, et ce, jusqu'au parfait paiement ;

- condamné M. X. à payer à la société Locam la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- condamné M. X. aux entiers dépens exposés dans le cadre de la présente procédure et de la procédure d'injonction de payer, taxés et liquidés à la somme de 109,74 euros (en ce qui concerne les frais de greffe).

Par déclaration en date du 11 décembre 2023, M. X. a interjeté appel en visant chacun des chefs du jugement ainsi rendu.

Par acte en date du 14 mai 2024, M. X. a fait assigner la SAS Locam devant le premier président de la cour d'appel de Douai aux fins de voir arrêter l'exécution provisoire dont est assorti le jugement rendu le 7 novembre 2023.

L'affaire appelée à l'audience du 21 mai 2024 a été renvoyée à la demande des avocats des parties.

[minute page 3]

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES A L'AUDIENCE DU 17 JUIN 2024 :

M. X. demande au premier président de :

- arrêter l'exécution provisoire du jugement dont appel ;

- condamner la société Locam à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la présente procédure de référé.

- Sur les conséquences manifestement excessives :

Il indique que l'exécution du jugement le priverait des revenus pendant au moins un an, puisqu'il est condamné à payer au principal à la société Locam la somme totale de 8 225, 39 euros, et que ses revenus annuels tels qu'ils résultent des avis d'imposition de 2023, 2022 et 2021, ainsi que de sa déclaration de revenus faite à l'URSSAF au titre du premier trimestre de 2024 sont presque du même ordre que cette somme.

- Sur les moyens sérieux d'annulation :

M. X. indique avoir revendiqué le bénéfice de l'article L. 221-3 du code de la consommation, qui prévoit trois conditions pour l'extension du code de la consommation aux professionnels :

- le contrat doit avoir été conclu hors établissement,

- le contrat ne doit pas entrer dans le champ de l'activité principale du professionnel,

- le professionnel ne doit pas employer plus de 5 salariés.

S'agissant du contrat de la société Bforbiz, le tribunal a reconnu que le contrat a été conclu hors établissement et que M. X. n'employait pas plus de cinq salariés, de sorte que les deux premières conditions sont remplies. Toutefois, le tribunal a jugé que l'objet du contrat de création de site internet entrait dans le champ de l'activité principale de chauffagiste de M. X.

M. X. conteste ce dernier point, qu'il estime contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation et à la jurisprudence de la cour d'appel de Douai.

M. X. indique avoir soulevé la nullité des contrats en application des articles L. 242-1, L. 221-9, L. 221-5 et L. 111-1 du code de la consommation, les informations prévues par ces textes ne lui ayant pas été fournies.

Dès lors, il s'agit d'un moyen sérieux de réformation du jugement.

S'agissant du contrat avec la société Locam, le tribunal a jugé qu'il était un service financier excluant l'application du code de la consommation. Or, M. X. estime cette affirmation inexacte, en vertu de l'article 2 de la directive n° 2011/83/UE.

Par ailleurs, M. X. indique que l'anéantissement du contrat de la société Bforbiz entraîne automatiquement la caducité de son contrat de location, en témoignent l'article 1186 du code civil issu de la réforme de 2016 et la jurisprudence de la Cour de cassation, qui indiquent que les contrats incluant une location financière sont interdépendants nonobstant toute stipulation contraire, et que l'anéantissement de l'un des contrats entraîne par voie de conséquence la caducité de tous les autres.

Là encore, il s'agit d'un moyen d'annulation ou de réformation du jugement dont appel.

[*]

La SAS Locam demande au premier président de :

- débouter M. X. de sa demande tendant à obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 7 novembre 2023 ;

- condamner M. X. aux entiers frais et dépens de la présente procédure de référé ;

- condamner M. X. à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle précise que dès lors qu'elle est un établissement financier, les dispositions dont argue M. X. n'ont pas vocation à s'appliquer au contrat conclu entre elle et M. X., compte tenu de la nature même de l'opération en cause.

En l'occurrence, sont traitées dans le livre III du code monétaire et financier en qualité de services financiers « les opérations de location simple de biens mobiliers et immobiliers effectuées par les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail », c'est-à-dire précisément les opérations conduites par la société Locam et objet du contrat de location conclu avec M. X.

Ainsi, M. X. a effectivement signé un contrat portant sur un service financier fourni par un établissement habilité à effectuer des opérations de location financière, comme c'est le cas pour la société Locam, puisque celle-ci a donné en location ce site internet, contre le versement de loyers par M. X.

La société Locam indique ensuite que le site internet que M. X. a commandé était bien en rapport direct avec son activité professionnelle et entrait dans le champ de son activité professionnelle, dès lors qu'il entendait faire connaître son activité professionnelle et ses compétences, dans sa spécialité.

[minute page 4] Dès lors, M. X. ne peut considérer que la clause selon laquelle il a reconnu que le contrat a été conclu pour les besoins de son activité professionnelle lui serait inopposable.

Sur les conséquences manifestement excessives, la société Locam affirme d'une part être en mesure de rembourser les sommes versées par M. X. en cas d'infirmation du jugement de première instance, et d'autre part ne pas bénéficier des documents comptables propres à justifier de l'impécuniosité de M. X., puisque celui-ci ne fournit ni bilan ni compte de résultat.

En outre, la société Locam indique ne pas être opposée à l'octroi de délai de paiement, de sorte à permettre à M. X. de régler de manière échelonnée les sommes mises à sa charge.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire :

Il ressort des dispositions de l'article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l'espèce, qu'en cas d'appel, le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsque celle-ci risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives et lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision de première instance.

L'alinéa 2 du même article dispose que :

« La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ».

En l'espèce, il ressort de la lecture du jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 7 novembre 2023, que M. X. avait en première instance expressément demandé que soit écartée l'exécution provisoire de la décision qui devait être rendue, de sorte que les circonstances manifestement excessives nées antérieurement ou postérieurement au jugement peuvent être retenues.

 

Sur les moyens sérieux de réformation :

Il est constant que le premier président, statuant sur l'article 514-3 du code de procédure civile, ne saurait se prononcer sur le caractère fondé ou non du moyen invoqué par M. X. à l'appui de sa demande, appréciation qui ne relève que de la cour d'appel saisie du recours.

Doit donc être considéré comme « moyen sérieux d'annulation ou de réformation » au sens de l'article précité, le moyen qui, en violation manifeste d'un principe fondamental de procédure, ou d'une règle de droit, serait retenu par la cour d'appel comme moyen d'infirmation de la décision de première instance sans contestation sérieuse sur le fond.

Compte tenu de la jurisprudence récente (2022 et 2023) de la cour d'appel de Douai et de la Cour de cassation visée (2022 et 2023) expressément par le conseil de M. X. et nonobstant les jurisprudences plus anciennes qui proviennent essentiellement de juridictions de première instance, citées par la société Locam, apparaissent comme des moyens sérieux de réformation les moyens soulevés par M. X. au terme desquels :

- il peut bénéficier des dispositions de l'article L 221-3 du code de la consommation et plaider la nullité du contrat souscrit avec la société Bforbiz,

- la nullité de ce contrat entraînera la caducité du contrat incluant une location financière, les deux contrats étant interdépendants.

 

Sur les circonstances manifestement excessives :

Quand bien même la société Locam accorderait-elle des délais de paiement à M. X., sa situation financière, telle qu'elle résulte des pièces versées aux débats qui font apparaître un revenu fiscal de moins de 10.000 euros par an sur les dernières années et une dégradation de sa situation sur le premier trimestre 2024 où il a moins de 500 euros de chiffre d'affaires, ne lui permet pas de régler un centime, de sorte que le maintien de l'exécution provisoire entraînerait des conséquences manifestement excessives.

Il sera en conséquence fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par M. X.

[minute page 5]

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Arrête l'exécution provisoire de la décision du tribunal de commerce de Lille Métropole rendue entre M. X. et la SAS Locam, le 7 novembre 2023,

Dit que chaque partie conservera à sa charge ses frais et dépens,

Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier                                         La présidente

C. BERQUET                                  H. CHÂTEAU