TJ BOBIGNY (ch. 6 sect. 4), 4 avril 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 23079
TJ BOBIGNY (ch. 6 sect. 4), 4 avril 2024 : RG n° 22/08053 ; jugt n° 24/00203
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « A cet égard, il y a lieu de préciser que la clause d’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive, qu’il s’agisse de l’admission de la preuve par simple attestation du maître d’œuvre, ou du doublement du délai des périodes de suspension (voir en ce sens Cass. civ. 3e, 24 octobre 2012, n° 11-17.800 et 23 mai 2019, n° 18-14.212). […]
L’acte stipule en outre (pages 29 et 30) : « Ce délai serait différé en cas de force majeure ou d’une autre cause légitime. Pour l’application de cette disposition pourraient notamment être considérées comme causes légitimes de suspension de ce délai : les intempéries retenues par le maître d’œuvre, gênant les travaux ou l’exécution du corps d’état considéré, et dûment justifiées par un relevé de la station météorologique la plus proche de l’immeuble, (…) les difficultés d’approvisionnement, (…) les retards de la mise à disposition par les organismes concessionnaires des différents fluides, les retards provenant d’anomalies du sous-sol (telle que présence de source ou résurgence d’eau, découvert de site archéologique, de poche d’eau, tous éléments de nature à nécessiter des fondations spéciales ou particulières, découverte d’une pollution du sous-sol) et plus généralement tous les éléments dans le sous-sol susceptibles de nécessiter des travaux non programmés complémentaires ou nécessitant un délai complémentaire pour leur réalisation, injonctions administratives ou judiciaires de suspendre les travaux, (…) S’il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension du délai de livraison, l’époque prévue pour l’achèvement des travaux serait différée d’un temps égal à celui du double pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux. Pour appréciation des événements ci-dessus évoqués les parties d’un commun accord déclarent s’en rapporter, sauf en ce qui concerne le retard de paiement de l’acquéreur, dès à présent à un certificat établi par le maître d’œuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité ».
Cette clause de doublement du délai de report de la date de livraison ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de VEFA au détriment de l’acquéreur, dès lors qu’il est légitime de considérer qu’un événement qui suspend le cours du chantier perturbe, au-delà de sa durée, la poursuite des travaux ; elle n’est donc pas abusive et n’a pas lieu d’être réputée non écrite.
De même, la clause de référence à un certificat du maître d’œuvre d’exécution doit trouver application, en ce que le maître d’œuvre d’exécution est, sauf preuve contraire, non rapportée en l’espèce, un professionnel indépendant du vendeur et le mieux à même d’avoir un avis utile sur l’existence et la portée d’événements susceptibles d’affecter la date de livraison. »
2/ « Cela étant précisé, pour justifier du report de la date de livraison, la SCCV invoque :
- 69 jours d’intempéries, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif dont la nature et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution et une compilation par la FFB des relevés de la station météorologique de [Localité 7] sur la période en cause, dont le contenu n’est pas contesté – sont conformes au contrat ;
- 104 jours liés à l’impact des mesures gouvernementales décidées dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie de covid 19, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif dont la nature – injonctions administratives de suspendre les travaux et difficultés d’approvisionnement subséquentes – et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution – sont conformes au contrat ;
- 57 jours liés à la présence d’un tunnel du RER A en sous-sol, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif – élément dans le sous-sol nécessitant un délai complémentaire pour la réalisation des travaux, en l’espèce une visite préalable en présence de l’expert judiciaire – et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution – sont conformes au contrat, toutefois dans la limite de 26 jours, correspondant à la période séparant l’acte de VEFA du 19 octobre 2018 et la visite du sous-sol avec l’expert du 14 novembre 2018 ;
- 2 mois liés au retard de raccordement au réseau de gaz par GRDF, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif dont la nature – retard de la mise à disposition par les organismes concessionnaires des différents fluides – et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution – sont conformes au contrat, sans qu’il y ait toutefois lieu en plus à doublement, dès lors que le maître d’œuvre indique expressément que l’impact effectif sur le chantier est de deux mois ;
- 3 mois liés aux difficultés d’approvisionnement, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif dont la nature et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution – sont conformes au contrat, sans qu’il y ait toutefois lieu en plus à doublement, dès lors que le maître d’œuvre indique expressément que l’impact effectif sur le chantier est de trois mois. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
CHAMBRE 6 SECTION 4
JUGEMENT DU 4 AVRIL 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/08053. Jugement n° 24/00203. N° Portalis DB3S-W-B7G-WRXY.
DEMANDEUR :
Madame X.
née le [date] À [Localité 5], [Adresse 1], [Localité 4], représentée par Maître Jacques GELPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 0212
DÉFENDEURS :
La SCCV [Localité 6] ZAC MAILLE B4
[Adresse 2], [Localité 3], représentée par Maître Sorin MARGULIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1850
La SAS PROMOTION PICHET
[Adresse 2], [Localité 3], représentée par Maître Sorin MARGULIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1850
La SARL PROMOBAT
[Adresse 2], [Localité 3], représentée par Maître Sorin MARGULIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1850
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, statuant en qualité de Juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
DÉBATS : Audience publique du 4 mars 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 4 avril 2024.
JUGEMENT : Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, assisté de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte notarié reçu le 19 octobre 2018, la SCCV [Localité 6] ZAC Maille B4 a vendu en l’état futur d’achèvement, dans le cadre du dispositif fiscal LMNP Censi Bouvard, à madame X., un appartement (lot 19) dépendant d’un ensemble immobilier situé à [Localité 6], la livraison étant prévue au 4e trimestre 2020.
La livraison est intervenue le 2 novembre 2022.
C’est dans ce contexte que, par actes d’huissier enrôlés le 9 août 2022, madame X. a fait assigner la SCCV [Localité 6] ZAC Maille B4, la SAS Promotion Pichet la SARL Promobat devant le tribunal judiciaire de Bobigny.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 août 2023, madame X. demande au tribunal de :
- réputer non écrite la clause figurant à l’acte de vente doublant la suspension des délais ; condamner solidairement les sociétés [Localité 6] ZAC Maille B4, Promotion Pichet et Promobat à lui payer les sommes suivantes : 10.049 euros au titre de la perte locative ; 7.355,89 euros au titre du surcoût total à recouvrer par la banque ; 384 euros au titre du surcoût d’intérêts bancaires ; 10.000 euros au titre du préjudice moral ; ordonner la capitalisation des intérêts et l’exécution provisoire ; condamner solidairement les sociétés [Localité 6] ZAC Maille B4, Promotion Pichet et Promobat aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, elle soutient que la SCCV engage sa responsabilité, solidairement avec ses associées Promotion Pichet et Promobat au sens de l’article L. 211-2 du code de la construction et de l’habitation, pour manquement à son obligation de livrer l’immeuble dans le délai contractuellement prévu, conformément à l’article 1601-1 du code civil ; que les causes de retard invoquées en défense ne sont pas justifiées ; que les déclarations du maître d’œuvre, qui se trouve sous la dépendance économique du promoteur, ne sont à ce titre pas probantes, d’autant qu’elles ne sont accompagnées d’aucun justificatif ; que le contrat de VEFA est un contrat d’adhésion, dont les clauses abusives doivent être réputées non écrites au sens de l’article L. 212-1 du code de la consommation, dont celle relative au doublement de la suspension des délais, laquelle ne saurait en tout cas opérer de manière automatique ; que chaque cause de retard alléguée doit être de gravité suffisante pour pouvoir reporter la date de livraison, preuve non rapportée en l’espèce, s’agissant d’événements courants pour la vie d’un chantier ; qu’aucun relevé météorologique de la station la plus proche n’est communiqué pour justifier des intempéries ; que la crise sanitaire ne présente pas les caractères de la force majeure, si ce n’est sur une courte période courant 2020 ; que les retards de sociétés tierces ne sont pas plus établis, et les sociétés en cause, pas appelées en garantie ; que son préjudice correspond à la perte de chance de donner son bien en location sur la période de retard litigieuse (s’agissant d’un investissement LMNP Censi Bouvard avec location de son bien à l’une des entités du groupe Pichet), au surcoût lié au report de l’amortissement de son emprunt, et aux tracas liés au présent litige.
[*]
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2023, la SCCV [Localité 6] ZAC Maille B4, la SAS Promotion Pichet la SARL Promobat demandent au tribunal de rejeter les prétentions adverses, en tout cas en ce qu’elles sont dirigées contre les sociétés Promobat et Promotion Pichet, et de condamner madame X. aux dépens ainsi qu’à leur payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de leurs prétentions, elles soutiennent que l’existence d’un éventuel retard de livraison doit être déterminée à partir de la date de livraison mentionnée dans l’acte authentique de vente (soit le 31 décembre 2020) ; qu’il convient en outre de tenir compte des éventuelles causes légitimes de suspension du délai de livraison, telles que définies par le contrat, lequel précise en outre que ces causes peuvent être justifiées par simple lettre du maître d’œuvre, et qu’elles induisent un report du délai égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier ; que ce cadre juridique est validé par la jurisprudence, qui a écarté le moyen selon lequel il s’agirait de clauses abusives ; qu’en l’espèce, une information régulière des difficultés rencontrées a été donnée aux acquéreurs, certificats du maître d’œuvre Ecotech, indépendant, à l’appui ; que 69 jours d’intempéries sont ainsi justifiés, notamment avec les relevés météorologiques utiles ; que le confinement ordonné à l’occasion de la crise sanitaire a induit un retard de 104 jours ouvrés, s’agissant d’un cas de force majeure, le législateur ayant du reste accordé aux contribuables acquéreurs en VEFA un report de 261 jours pour continuer à bénéficier de la déduction fiscale promise ; que la présence du RER A en sous-sol du terrain a nécessité une visite préalable de la RATP qui n’est intervenue que le 14 novembre 2018 alors qu’elle avait été réclamée depuis juillet 2017, le fisc ayant reconnu un retard légitime de 220 jours à ce titre, soit un retard de 57 jours pour la VEFA litigieuse compte tenu de sa date ; que les travaux de raccordement du réseau de concessionnaire gaz ont également été décalés de 92 jours ; que des difficultés d’approvisionnement ont encore été rencontrées, induisant un retard de 42 jours ; que cumulés, ces jours de retard légitiment le retard de livraison subi ; que la perte de loyer est au moins partiellement compensée par le report de l’amortissement du prêt ; que le surcoût bancaire n’est pas suffisamment démontré dans son quantum par les pièces communiquées ; que le préjudice moral doit être écarté, dans la mesure où les acquéreurs ont été constamment accompagnés et informés ; que la responsabilité de Promotion Pichet et Promobat en leur qualité d’associées de la SCCV n’est que subsidiaire et ne peut ainsi être recherchée directement.
[*]
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties, il sera renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la mise en état a été fixée au 27 septembre 2023 par ordonnance du même jour.
A l'audience du 4 mars 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 4 avril 2024, date du présent jugement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur les demandes principales :
Sur la responsabilité de la SCCV :
L'article 1611 du code civil dispose que, dans tous les cas, en ce compris celui de la vente d'immeuble à construire prévu par l'article 1601-1 du même code, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.
A cet égard, il y a lieu de préciser que la clause d’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive, qu’il s’agisse de l’admission de la preuve par simple attestation du maître d’œuvre, ou du doublement du délai des périodes de suspension (voir en ce sens Cass. civ. 3e, 24 octobre 2012, n° 11-17.800 et 23 mai 2019, n° 18-14.212).
Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à l'acquéreur de rapporter la preuve du préjudice dont il se prévaut en lien avec le retard de livraison ; qu'il soit entier ou résulte d'une perte de chance, ce préjudice, pour être indemnisable, doit être certain, actuel et en lien direct avec le manquement commis ; la réparation de la perte de chance doit être mesurée en considération de l'aléa jaugé et ne saurait être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
En l’espèce, contrairement à ce qui est soutenu en demande, l’acte authentique de vente, produit par la SCCV, mentionne une date de livraison au 31 décembre 2020 au plus tard, à la fin du 4e trimestre 2020, terme qui, accepté par les deux parties, prévaut donc sur celui, antérieur, prévu par le contrat de réservation.
L’acte stipule en outre (pages 29 et 30) :
« Ce délai serait différé en cas de force majeure ou d’une autre cause légitime.
Pour l’application de cette disposition pourraient notamment être considérées comme causes légitimes de suspension de ce délai :
les intempéries retenues par le maître d’œuvre, gênant les travaux ou l’exécution du corps d’état considéré, et dûment justifiées par un relevé de la station météorologique la plus proche de l’immeuble, (…) les difficultés d’approvisionnement, (…) les retards de la mise à disposition par les organismes concessionnaires des différents fluides, les retards provenant d’anomalies du sous-sol (telle que présence de source ou résurgence d’eau, découvert de site archéologique, de poche d’eau, tous éléments de nature à nécessiter des fondations spéciales ou particulières, découverte d’une pollution du sous-sol) et plus généralement tous les éléments dans le sous-sol susceptibles de nécessiter des travaux non programmés complémentaires ou nécessitant un délai complémentaire pour leur réalisation, injonctions administratives ou judiciaires de suspendre les travaux, (…)
S’il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension du délai de livraison, l’époque prévue pour l’achèvement des travaux serait différée d’un temps égal à celui du double pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux.
Pour appréciation des événements ci-dessus évoqués les parties d’un commun accord déclarent s’en rapporter, sauf en ce qui concerne le retard de paiement de l’acquéreur, dès à présent à un certificat établi par le maître d’œuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité ».
Cette clause de doublement du délai de report de la date de livraison ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de VEFA au détriment de l’acquéreur, dès lors qu’il est légitime de considérer qu’un événement qui suspend le cours du chantier perturbe, au-delà de sa durée, la poursuite des travaux ; elle n’est donc pas abusive et n’a pas lieu d’être réputée non écrite.
De même, la clause de référence à un certificat du maître d’œuvre d’exécution doit trouver application, en ce que le maître d’œuvre d’exécution est, sauf preuve contraire, non rapportée en l’espèce, un professionnel indépendant du vendeur et le mieux à même d’avoir un avis utile sur l’existence et la portée d’événements susceptibles d’affecter la date de livraison.
Cela étant précisé, pour justifier du report de la date de livraison, la SCCV invoque :
- 69 jours d’intempéries, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif dont la nature et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution et une compilation par la FFB des relevés de la station météorologique de [Localité 7] sur la période en cause, dont le contenu n’est pas contesté – sont conformes au contrat ;
- 104 jours liés à l’impact des mesures gouvernementales décidées dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie de covid 19, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif dont la nature – injonctions administratives de suspendre les travaux et difficultés d’approvisionnement subséquentes – et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution – sont conformes au contrat ;
- 57 jours liés à la présence d’un tunnel du RER A en sous-sol, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif – élément dans le sous-sol nécessitant un délai complémentaire pour la réalisation des travaux, en l’espèce une visite préalable en présence de l’expert judiciaire – et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution – sont conformes au contrat, toutefois dans la limite de 26 jours, correspondant à la période séparant l’acte de VEFA du 19 octobre 2018 et la visite du sous-sol avec l’expert du 14 novembre 2018 ;
- 2 mois liés au retard de raccordement au réseau de gaz par GRDF, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif dont la nature – retard de la mise à disposition par les organismes concessionnaires des différents fluides – et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution – sont conformes au contrat, sans qu’il y ait toutefois lieu en plus à doublement, dès lors que le maître d’œuvre indique expressément que l’impact effectif sur le chantier est de deux mois ;
- 3 mois liés aux difficultés d’approvisionnement, qu’il y a lieu de retenir, s’agissant d’un motif dont la nature et la preuve – une attestation du maître d’œuvre d’exécution – sont conformes au contrat, sans qu’il y ait toutefois lieu en plus à doublement, dès lors que le maître d’œuvre indique expressément que l’impact effectif sur le chantier est de trois mois.
Au total, la SCCV justifie d’au moins 548 jours (5 mois + (69+104+26) x 2 jours) de report légitime de la date de livraison, sur les 671 jours séparant le 31 décembre 2020, date de livraison mentionnée au contrat de VEFA, et le 2 novembre 2022, date de la livraison effective.
La SCCV expose ainsi sa responsabilité contractuelle pour le surplus du retard de livraison non justifié, à hauteur de 123 jours.
S’agissant du préjudice, madame X. se prévaut :
d’un surcoût de son emprunt immobilier ; force est néanmoins de constater qu’elle ne réclame pas les intérêts intercalaires payés en plus sur la période de retard litigieuse, et que les autres sommes réclamées sont sans lien de causalité démontré avec le retard de livraison (est alléguée une différence entre le tableau d’amortissement prévisionnel et le tableau d’amortissement définitif, mais ces deux tableaux ne portent pas sur le même capital amorti, de sorte que la différence d’intérêts ne peut pas être reliée avec certitude, en tout cas pas dans son quantum, avec le retard de livraison) ; d’une perte locative ; à ce titre, il est démontré que madame X. avait déjà conclu un bail commercial avec la société Gestlegrand dès le 24 novembre 2018, pour un loyer annuel de 4.158 euros TTC, dont elle a été privée sur la période de retard litigieuse, pour une somme de 1.435,40 euros (4.158x126/365) ; il s’agit d’une perte définitive, qui n’est pas compensée par le fait que l’amortissement du prêt immobilier a été reporté à la date de livraison effective (ce qui est du reste contredit par le tableau d’amortissement communiqué) ; d’un préjudice moral ; à ce titre, il est évident que les tracas occasionnés par les reports successifs de la date de livraison et la nécessité d’une action en justice sont à l’origine d’un trouble moral, qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité de 1.500 euros.
La capitalisation annuelle des intérêts, qui est de droit, sera ordonnée, conformément à l’article 1343-2 du code civil.
Sur la responsabilité de Promotion Pichet et Promobat :
Il résulte des dispositions de l’article L211-2 du code de la construction et de l’habitation que les associés d’une SCCV, tenus du passif social à proportion de leurs droits sociaux, ne peuvent être poursuivis par les créanciers sociaux qu’à titre subsidiaire, et non de manière conjointe, encore moins solidaire, avec la société.
En l’espèce, et dans ces conditions, les demandes dirigées directement contre les sociétés Promotion Pichet et Promobat en leur qualité d’associées de la SCCV au titre d’une dette de responsabilité de cette dernière, sans titre ni mise en demeure préalable de la SCCV demeurée infructueuse, seront rejetées.
Sur les demandes accessoires :
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En application de l'article 700 du même code, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En conséquence, la SCCV, partie perdante, sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à madame X. une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens fixée, en équité et en l'absence de justificatif, à 1.500 euros.
Enfin, il y a lieu de constater l'exécution provisoire, qui est de droit, conformément à l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et rendu en premier ressort,
Déboute madame X. de sa demande tendant à ce que soit réputée non écrite la clause figurant à l’acte de vente doublant la suspension des délais ;
Condamne la SCCV [Localité 6] ZAC Maille B4 à payer à madame X. les sommes suivantes, avec capitalisation annuelle des intérêts au sens de l’article 1343-2 du code civil :
1.435,40 euros au titre de la perte locative ; 1.500 euros au titre du préjudice moral ;
Déboute madame X. de ses autres demandes de dommages et intérêts, y compris en ce qu’elles sont dirigées contre la SAS Promotion Pichet la SARL Promobat ;
Condamne la SCCV [Localité 6] ZAC Maille B4 aux dépens ;
Condamne la SCCV [Localité 6] ZAC Maille B4 à payer à madame X. la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La minute a été signée par Monsieur Gilles CASSOU DE SAINT-MATHURIN, Vice-Président, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT