TJ PARIS (18e ch. 1re sect.), 18 juillet 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 23135
TJ PARIS (18e ch. 1re sect.), 18 juillet 2024 : RG n° 23/11097 ; jugt n° 4
Publication : Judilibre
Extrait : « En l’espèce, il est apparu au cours du délibéré et à la lecture des écritures et des pièces versées aux débats par chacune des parties que cette affaire relève d’un groupe de dossiers sériels dont est saisie la 18ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris et qui fait l’objet d’un traitement et d’audiences de mise en état spécifiques, afin d’éviter tout risque de contrariété de décisions, tant au stade des incidents de la mise en état, qu’au stade des décisions sur le fond.
Dans ce contexte, il convient d’ordonner la réouverture des débats sur l’incident et de renvoyer les parties à la mise en état dans les termes du dispositif, afin que cette affaire soit traitée dans le même cadre que les autres dossiers sériels dont est saisi le tribunal. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS
DIX-HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT DU 18 JUILLET 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/11097. Jugement n° 4. N° Portalis 352J-W-B7H-C2WMF. Assignation du : 29 septembre 2022. Contradictoire.
DEMANDEURS :
Madame X. veuve Y.
[Adresse 2], [Localité 5]
Monsieur V. Y.
[Adresse 4], [Localité 7]
Monsieur Z.
[Adresse 3], [Localité 6]
Tous trois représentés par Maître Bertrand DE CAMPREDON de la SELARL GOETHE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0097
DÉFENDERESSE :
SAS PV-CP CITY
[Adresse 10], [Localité 8], représentée par Maître Jérémy GOLDBLUM de la SCP ATALLAH COLIN MICHEL VERDOT ET AUTRES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0008
MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT : Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président, assisté de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,
DÉBATS : A l’audience du 25 avril 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
ORDONNANCE : Rendue par mise à disposition au greffe, Contradictoire, en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte sous seing privé en date du 28 septembre 1998, H. Y. et Mme X., épouse Y., ont donné à bail à la SA SGRS, aux droits de laquelle se trouve la SAS PV-CP City, le lot n° 0237-01 de l’ensemble immobilier au sein duquel est exploitée la résidence services dénommée « Adagio Access La Défense [Adresse 11] », située [Adresse 1] à [Localité 9].
H. Y. est décédé et a laissé pour lui succéder Mme X., veuve Y. en qualité d’usufruitière, leur fils et petit-fils, M. V. Y. et M. Z. en qualité de nu-propriétaires du bien donné à bail.
Le bail a été renouvelé par acte du 27 mai 2007 pour une durée de 9 ans, du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2016, puis, par avenant du 1er octobre 2017, pour une durée de 9 ans du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2026.
Il a été consenti moyennant un loyer annuel de 3.784,40 euros hors taxes, payable par trimestre civil échu.
Par acte extrajudiciaire en date du 6 décembre 2021, les bailleurs ont fait délivrer à la société PV-CP City un commandement de payer la somme de 2.403,56 euros correspondant aux loyers et charges impayés au titre de la période du premier confinement en 2020, puis à compter du 1er novembre 2020.
Par acte extrajudiciaire en date du 10 août 2022, les bailleurs ont fait délivrer à la société PV-CP City un second commandement de payer, visant la clause résolutoire du bail, pour le même montant représentant les loyers impayés au 17 novembre 2021.
Par exploit du 29 septembre 2022, les bailleurs ont assigné la société PV-CP City devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins notamment de :
- constater l’acquisition de la clause résolutoire par l’effet du commandement du 10 août 2022,
- ordonner l’expulsion de la société PV-CP City sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
A titre subsidiaire,
- prononcer la résiliation judiciaire du bail signé le 27 mai 2007 et de son avenant prenant effet à compter du 1er octobre 2017, à compter de l’assignation, aux torts du preneur,
- condamner PV-CP City au paiement d’une indemnité d’occupation,
- dire que la société PV-CP City a usé de violence afin d’obtenir la signature de l’avenant au bail commercial du 1er octobre 2017,
- dire que le consentement des bailleurs a été vicié et en conséquence,
- annuler l’article 3 de l’avenant du bail prenant effet le 1er octobre 2017 pour vice du consentement,
A titre subsidiaire,
- dire que le contrat de bail commercial liant les parties est un contrat d’adhésion,
- constater que la clause prévue à l’article 3 de l’avenant de 2017 crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,
- juger réputée non écrite la clause prévue à l’article 3 de l’avenant de 2017,
En tout état de cause,
- condamner la société PV-CP City au paiement de la somme de 2.403,56 euros au titre des loyers et charges impayés, ainsi que ceux qui seraient dus au jour du jugement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation,
- condamner le défendeur à la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
[*]
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 17 janvier 2024, la société PV-CP City demande au juge de la mise en état, sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile, 1143 et 2224 du code civil, de :
« - JUGER que l’action en nullité de la « clause travaux », article 3 du Bail en raison de l’existence d’un prétendu vice de violence est prescrite depuis le 10 août 2022,
- JUGER que l’action en réputation non écrite de la « clause travaux », article 3 du Bail en raison de l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est prescrite depuis le 10 août 2022,
En conséquence,
- PRONONCER l’irrecevabilité de la demande aux fins d’annulation de l’article 3 du Bail conclu entre Madame X. veuve Y. et la société PV-CP CITY,
- CONDAMNER in solidum les Bailleurs à verser à la société PV-CP CITY la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »
La société PV-CP City fait valoir qu’en application des articles 2224 et 1144 du code civil, le délai de l’action en nullité court, en cas de violence, du jour où elle a cessé ; que s’agissant de la violence économique, la situation d’exploitation abusive de l’état de dépendance économique dans lequel s’est trouvé l’un des cocontractants et qui l’a conduit à conclure le contrat litigieux, cesse dès la signature du contrat, voire dès sa prise d’effet, les intérêts légitimes du cocontractant n’étant alors plus directement menacés ; que si la violence économique était caractérisée en l’espèce, elle aurait cessé dès la signature du nouveau bail assurant les revenus locatifs aux bailleurs, soit au plus tard le 10 août 2017, date de réception du contrat signé par les services de la société preneuse ; que l’action est prescrite depuis le 10 août 2022. Elle soutient que les bailleurs détenaient dès la signature du bail, intervenue avant le 10 août 2017, date de réception par les services du preneur du contrat signé, tous les éléments permettant de déterminer ce qui, selon eux, a créé un déséquilibre significatif entre les parties, à savoir l’insertion d’une clause travaux ; qu’en application de l’article 2224 du code civil, l’action des demandeurs tendant à voir réputée non écrite la clause travaux est prescrite depuis au moins le 10 août 2017.
[*]
Par dernières conclusions en réponse sur incident notifiées par voie électronique le 13 avril 2024, les consorts Y. demandent au juge de la mise en état, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile, 1140, 1143, 1144, 1171 et 2224 du code civil, de :
« - CONSTATER que le point de départ de la prescription de la demande de nullité pour violence économique de l’article 3 de l’avenant du 1er octobre 2017 court à compter du jour où la violence a cessé, soit le 30 septembre 2018 ou, au plus tôt, le 1er octobre 2017 ;
- CONSTATER que la demande tendant à voir réputé non-écrit l’article 3 de l’avenant du 1er octobre 2017 ne s’analyse pas en une demande de nullité, de sorte qu’elle n’est pas soumise à la prescription quinquennale ;
En conséquence :
- REJETER la demande de fin de non-revoir soulevée par la société PV-CP CITY tendant à ce que soit déclarée prescrite la demande de nullité de l’article 3 de l’avenant du 1er octobre 2017 pour violence économique telle que contenue dans l’assignation délivrée le 29 septembre 2022 ;
- REJETER la demande de fin de non-revoir soulevée par la société PV-CP CITY tendant à ce que soit déclarée prescrite la demande tendant à voir réputé non-écrit l’article 3 de l’avenant du 1er octobre 2017 telle que contenue dans l’assignation délivrée le 29 septembre 2022 ;
- DÉBOUTER la société PV-CP CITY de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER la société PV-CP CITY à verser à Madame X., veuve Y., Monsieur V. Y. et Monsieur Z.. »
Les bailleurs font valoir qu’en application de l’article 1144 du code civil, le point de départ de la prescription quinquennale de l’action en nullité pour violence doit être fixé au jour où la violence subie par Mme X., veuve Y., a cessé, c’est-à-dire au jour où elle s’est trouvée affranchie de la contrainte qui pesait sur elle ; que la société preneuse a conditionné la prolongation du bail à la signature d’un avenant prévoyant la prise en charge par la bailleresse de travaux de rénovation imposés par l’exploitant ; que Mme Y. a été contrainte d’accepter la prise en charge des travaux imposés par la société PV-CP City, contrainte qui n’a cessé qu’à compter du complet paiement des travaux, soit le 30 septembre 2018 ; qu’en tout état de cause, si la contrainte avait cessé comme le prétend la société preneuse à la prise d’effet du nouveau bail, soit le 1er octobre 2017, l’action introduite le 29 septembre 2022 n’est pas prescrite ; que le point de départ de la prescription ne peut être fixé à la date de réception par les services de la société preneuse de l’avenant signé par la bailleresse puisque la violence ne pouvait avoir cessé alors que la société PV-CP City n’avait pas signé le contrat elle-même. Ils soutiennent qu’en application de l’article 1171 du code civil, la demande visant à réputer non écrite l’article 3 de l’avenant de renouvellement du bail n’est pas soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil.
[*]
L’affaire a été appelée par le juge de la mise en état à l’audience d’incidents du 25 avril 2024 et mise en délibéré au 18 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l’article 444 du code de procédure civile, le président peut ordonner la réouverture des débats.
En l’espèce, il est apparu au cours du délibéré et à la lecture des écritures et des pièces versées aux débats par chacune des parties que cette affaire relève d’un groupe de dossiers sériels dont est saisie la 18ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris et qui fait l’objet d’un traitement et d’audiences de mise en état spécifiques, afin d’éviter tout risque de contrariété de décisions, tant au stade des incidents de la mise en état, qu’au stade des décisions sur le fond.
Dans ce contexte, il convient d’ordonner la réouverture des débats sur l’incident et de renvoyer les parties à la mise en état dans les termes du dispositif, afin que cette affaire soit traitée dans le même cadre que les autres dossiers sériels dont est saisi le tribunal.
En conséquence, le juge de la mise en état ordonne la réouverture des débats et renvoie l’affaire à la mise en état dans les termes du dispositif.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,
Ordonne la réouverture des débats relatifs à l’incident soulevé par la SAS PV-CP City par voie de conclusions notifiées électroniquement le 17 janvier 2024,
Renvoie l'affaire à l’audience de mise en état du 24 septembre 2024 à 11h00 pour suites à donner à l’incident et éventuelle nouvelle fixation,
Faite et rendue à Paris le 18 Juillet 2024.
Le Greffier Le Juge de la mise en état
Christian GUINAND Jean-Christophe DUTON