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CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 22 mai 2008

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 22 mai 2008
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch. sect. civ et com.
Demande : 07/00478
Date : 22/05/2008
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2333

CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 22 mai 2008 : RG n° 07/00478

Publication : Jurica

 

Extrait : « La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.

Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.

Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales. En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 22 MAI 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/00478.

 

APPELANTE :

SA CETELEM

[adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués,  assistée de Maître Marie-Noëlle DESQUESNES PUYRAVAU, avocat au barreau de CAEN

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

[adresse], représenté par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués, assisté de Maître Isabelle ANDRIVON, avocat au barreau du MANS

Madame Y. divorcée X.

[adresse], non comparante, bien que régulièrement assignée.

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller, Madame VALLANSAN, Conseiller,

[minute Jurica page 2] DÉBATS : A l'audience publique du 8 avril 2008

GREFFIER : Madame ALLAIN, greffier

ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 mai 2008 et signé par Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, et Madame LE GALL, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SA CETELEM (la banque) a interjeté appel du jugement rendu le 18 octobre 2006 par le tribunal d'instance de MORTAGNE AU PERCHE dans un litige l'opposant à M. X. et Madame Y. divorcée X.

Aux termes d'une offre préalable acceptée le 12 juin 2001, la banque a consenti aux époux X. aujourd'hui divorcés un prêt d'un montant de 107.154 F (16.335,32 €) remboursable en cent vingt mensualités d'un montant unitaire de 2.578 F (393,01 €) au TEG de 9,56 %.

Les époux X. ont bénéficié le 17 septembre 2002 d'un plan conventionnel de réaménagement adopté par la commission de surendettement des particuliers de l'Eure, aux termes duquel la créance de la banque a été fixée à la somme de 29.991,31 € remboursable au taux annuel de 7 % en cent six mensualités d'un montant unitaire de 380,17 €.

Ces échéances étant demeurées impayées, par acte du 11 janvier 2006, la banque a, après mise en demeure du 4 novembre 2005 demeurée infructueuse, fait citer les ex-époux X. devant le tribunal afin d'obtenir paiement de la somme de 22.759,98 € avec intérêts au taux contractuel de 7 %, outre 550 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par le jugement déféré le tribunal a débouté la banque de ses demandes au motif que la forclusion était acquise.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les écritures signifiées :

* le 5 novembre 2007 par la banque qui conclut à l'infirmation du jugement et au bénéfice de son assignation devant le tribunal la somme réclamée en application de l'article 700 du Code de procédure civile étant cependant portée à 1.500 €,

* le 22 octobre 2007 par M. X. qui conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement à la déchéance du droit aux intérêts et à l'octroi de délais et demande paiement d'une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame X., régulièrement assignée le 14 juin 2007, n'a pas constitué avoué.

[minute Jurica page 3]

I - Sur la forclusion :

En application de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après l'adoption du plan conventionnel de redressement.

En l'espèce, le plan était applicable à compter du 17 octobre 2002. Alors qu'il prévoyait des échéances mensuelles de 380,17 €, la banque a opéré des prélèvements de 378,88 €.

S'il résulte des historiques produits que malgré les termes du plan, la banque a persisté dans la pratique regrettable de la « comptabilisation informatique des indemnités de retard qui intervient systématiquement en cas d'impayés » ainsi qu'elle le reconnaît, il ne saurait lui être reproché d'avoir ensuite annulé ces pénalités, ce fait ne constituant pas, contrairement aux termes du jugement, une opération artificielle destinée à différer le point de départ du délai de forclusion, mais l'exécution de l'obligation de se conformer au plan.

Ainsi, au vu des pièces produites, le premier incident de paiement non régularisé date d'avril 2004.

L'assignation ayant été délivrée le 11 janvier 2006, soit moins de deux ans après, l'action de la banque n'était pas forclose et le jugement sera infirmé.

 

II - Sur la régularité de l'offre préalable :

M. X. soutient qu'en violation des articles L. 311-15 et L. 311-17 du Code de la consommation aucun formulaire détachable de rétractation ne lui a été remis, et qu'en tout état de cause, la banque ne rapporte pas la preuve de la conformité de ces documents aux dispositions des articles R. 311-6 et R. 311-7 du Code de la consommation.

La banque prétend que ce moyen de contestation émis par M. X. est irrecevable comme atteint par la forclusion en application de l'article L. 311-37 du Code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001.

La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.

Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.

Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales.

En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive.

Dès lors, le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première [minute Jurica page 4] fois par M. X. dans ses écritures du 14 juin 2006 devant le tribunal, soit plus de deux ans après la formation du contrat, est irrecevable comme atteint de la forclusion.

 

III Sur le montant de la créance :

Au vu des pièces produites il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la somme de 22.759,98 € telle que réclamée par la banque en page 4 de ses écritures, cette somme correspondant au montant arrêté au plan, diminué des règlements reçus dans le cadre du plan soit 7.231,33 €.

 

IV Sur les délais :

M. X. qui, à la faveur de la procédure, a déjà bénéficié en fait de larges délais de paiement, indique dans ses écritures être dans l'incapacité financière de régler une somme quelconque.

En conséquence, il ne peut être fait application de l'article 1244-1 du Code civil et la réclamation de ce chef, infondée, sera rejetée.

 

V Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

La banque conservera en équité la charge de ses frais irrépétibles et sa réclamation de ce chef sera rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Infirme le jugement ;

- Condamne solidairement M. X. et Madame Y. divorcée X. à payer à la SA CETELEM la somme de 22.759,98 € avec intérêts au taux de 7 % ;

- Déboute M. X. de sa demande de délais de paiement ;

- Déboute la SA CETELEM de sa demande en application de l'article 700 du Code de procédure civile :

- Condamne solidairement les ex-époux X. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

N. LE GALL              M. HOLMAN