CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 14 juin 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 2381
CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 14 juin 2007 : RG n° 05/21016 ; arrêt n° 2007/289
Publication : Jurica
Extrait : « que l'article L. 132-1 du Code de la consommation ne peut s'appliquer à une clause insérée dans un contrat conclu entre deux professionnels ; qu'en l'espèce M. X., en tant que concessionnaire, ne peut être considéré comme un non professionnel ; qu'à ce titre la clause inscrite dans l'article 17 du contrat de concession en date du 22 novembre 1999 selon laquelle « le concessionnaire s'interdit, en cas de cessation de son contrat, d'exercer directement ou indirectement ou par personne interposée, une activité concurrente à celle du concédant pendant un an à compter de la date de la fin du contrat » dans les régions Provence Alpes Côte d'Azur, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon, ne peut s'analyser en une clause abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 14 JUIN 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 05/21016. Arrêt n° 2007/289. ARRÊT AU FOND DU 14 JUIN 2007. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE en date du 10 octobre 2005 enregistré au répertoire général sous le n° 2005/07737.
APPELANTE :
SAS AGENDA FRANCE,
prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [adresse], représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour, plaidant par Maître Stéphane AGUIRAUD, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMÉ :
Monsieur X.
faisant élection de domicile au dit siège sis [adresse], représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour, plaidant par Maître Raymond LAMBALLAIS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
[minute Jurica page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 mai 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Robert SIMON, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour composée de : Monsieur Robert SIMON, Président, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, Monsieur André JACQUOT, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 juin 2007.
ARRÊT : Contradictoire. Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 juin 2007. Signé par Monsieur Robert SIMON, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Europe Market Office, devenue la SAS AGENDA France, a élaboré, dans le cadre de sa marque déposée « AGENDA », des activités d'expertise immobilière et d'état des lieux.
Elle a développé un réseau d'experts présents sur tout le territoire français, auxquels elle est liée soit par des contrats de concession, soit par des contrats de franchise. Aux termes de deux contrats, la SAS AGENDA France a concédé à Monsieur X. le droit d'exploiter la marque AGENDA. Selon le premier contrat, en date du 22 novembre 1999, il lui était concédé un droit d'exploitation exclusif dans le département du GARD pour une durée de cinq ans. Un avenant, en date du 9 février 2000, modifie les secteurs géographiques en ce qu'il a exclu les cantons de Pont Saint-Esprit et de Bagnol sur Cèze. Le second contrat du 27 novembre 2001 lui concède la même exclusivité sur le département du VAUCLUSE, à l'exception des cantons d'Apt et de Pertuis. L'article 17 du contrat de concession du 22 novembre 1999 prévoit une clause de non-concurrence s'appliquant aux régions Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur. En octobre 2004, la SAS AGENDA France découvre que Monsieur X. a créé une entreprise individuelle concurrente exerçant sous le nom commercial ASSE EXPERTISES, dont le siège se trouve à Fos Sur Mer. La SAS AGENDA France a alors procédé à la résiliation des contrats de concession. Par ordonnance du 8 février 2005, la Tribunal de commerce d'Aix en Provence a ordonné à M. X., sous astreinte provisoire, à cesser son activité concurrente. La [minute Jurica page 3] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 28 février 2006, a considéré que le juge des référés aurait dû se déclarer incompétent, et que la SAS AGENDA France ne justifiait pas d'un trouble manifestement illicite.
Par jugement contradictoire, en date du 10 octobre 2005, le Tribunal de Commerce d'Aix en Provence a débouté la SAS AGENDA France de sa demande en constatation de la violation de ses engagements contractuels par M. X., a déclaré les clauses de non-concurrence, contenues dans les contrats de concession, manifestement abusives et a, néanmoins, fait interdiction à M. X. d'exercer son actuelle activité sur les départements du GARD, à l'exception des cantons de Pont Saint-Esprit et de Bagnol sur Cèze et sur le département du VAUCLUSE, à l'exception des cantons d'Apt et de Pertuis, a condamné à la SAS AGENDA France à payer à M. X. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SAS AGENDA France a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délais légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 964 du Nouveau Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de la SAS AGENDA France dans ses conclusions récapitulatives en date du 14 mars 2007 tendant à faire juger :
* que M.X. Jean Luc a enfreint les engagements contractuels de non concurrence souscrits, alors que conformément à l'article 1134 du Code Civil, M.X. était tenu de respecter le contrat et de l'exécuter de bonne foi, qu'en outre, il n'a jamais contesté la clause de non-concurrence de ses contrats avant que la SAS AGENDA France lui demande en justice de cesser son activité coupable,
* que constitue une clause abusive la clause insérée dans un contrat conclu entre d'une part, un professionnel et d'autre part, un non professionnel ou un consommateur, or, M.X. ne peut prétendre être un non professionnel ou être un consommateur,
* que les clauses de non-concurrence insérées dans les contrats de concession sont valides en ce qu'elles sont limitées dans le temps et dans l'espace et proportionnées aux intérêts légitimes du concédant,
* que M.X. ne saurait se prévaloir du règlement d'exemption communautaire du 22 décembre 1999 en ce qu'il n'a vocation à s'appliquer que lorsque est en cause « le commerce entre Etats membres » et « le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun », qu'il convient donc de faire interdiction à M .X. d'exercer pour une année toute activité de rédaction de constats d'état des lieux,
* qu'à titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la période d'un an est désormais écoulée et qu'elle ne peut plus faire interdiction à M .X. de cesser toute activité de rédaction de constats d'état des lieux et d'expertise immobilière, elle devra juger que la SAS AGENDA France a subi un préjudice du fait de l'activité illicite exercée par M.X. pendant l'année où il aurait dû s'abstenir d'exercer dans le périmètre géographique interdit, de le condamner à une somme de 1.000 euros par jour d'exercice de son activité concurrente, depuis la fin de son contrat et jusqu'à la fin de la période contractuelle de non-concurrence, le 1er novembre 2005, donc, de le condamner à payer à la SAS AGENDA France une somme de 365.000 euros à titre de [minute Jurica page 4] dommages et intérêts.
Vu les prétentions de Monsieur X. dans ses conclusions en date du 12 avril 2007 et tendant à faire juger :
* que les clauses de non-concurrence portées aux contrats de concession signés par M.X. sont illégales au regard du règlement d'exemption communautaire du 22 décembre 1999, qui interdit toute clause obligeant un concessionnaire à une non-concurrence au-delà des locaux et terrains à partir desquels l'acheteur ou le concessionnaire a opéré pendant la durée du contrat,
* que conformément à une jurisprudence constante, il appartient aux juges du fond de rechercher en présence d'une clause de non-concurrence contestée, fût-elle limitée dans le temps et dans l'espace, si, au regard de l'objet du contrat, elle est proportionnée aux intérêts légitimes du créancier de l'obligation,
* que les effets de ces contrats ont pour conséquence d'interdire à M. X. d'exercer son activité sur les régions PACA, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon, alors que les contrats lui concédaient un droit d'exploitation exclusif dans le département du GARD à l'exception des cantons de Pont Saint-Esprit et de Bagnol sur Cèze et dans le département du VAUCLUSE, à l'exception des cantons d'Apt et de Pertuis,
* que la SAS AGENDA France ne démontre pas la réalité d'un quelconque préjudice à hauteur de 365.000 euros.
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 12 mars 2007.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS ET DÉCISION :
Attendu que les contrats en date des 22 novembre 1999 et 27 novembre 2001 conclus entre Monsieur X. et la SAS AGENDA France doivent s'analyser en des contrats de concession conclus pour une durée de cinq ans ; que ces contrats ont été résiliés par la SAS AGENDA France, par lettre recommandée avec accusé de réception, le 19 octobre 2004 à effet au 16 novembre 2004 ;
1. La question de l'application du règlement communautaire
Attendu que le règlement communautaire en date du 22 décembre 1999 a pour objet d'exclure certains accords entre entreprises du champ d'application de l'article 81 du Traité CE ; que cet article 81 prohibe certaines pratiques anticoncurrentielles et précise que « sont incompatibles avec le marché commun et interdits, tous accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre états membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher 'le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun » ;
Attendu que cet article n'a vocation à s'appliquer que lorsque est en cause le commerce entre Etats membres et le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; qu'il s'agit en l'espèce d'un litige opposant une SAS de droit français et un concessionnaire français, ayant une activité limitée au territoire national français ; que le règlement n'a donc pas vocation à s'appliquer ;
2. La question des clauses de non-concurrence
[minute Jurica page 5] Attendu que la notion de clause abusive est clairement définie par les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation qui précisent que « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnel ou consommateur, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ; que l'article L. 132-1 du Code de la consommation ne peut s 'appliquer à une clause insérée dans un contrat conclu entre deux professionnels ; qu'en l'espèce M. X., en tant que concessionnaire, ne peut être considéré comme un non professionnel ; qu'à ce titre la clause inscrite dans l'article 17 du contrat de concession en date du 22 novembre 1999 selon laquelle « le concessionnaire s'interdit, en cas de cessation de son contrat, d'exercer directement ou indirectement ou par personne interposée, une activité concurrente à celle du concédant pendant un an à compter de la date de la fin du contrat » dans les régions Provence Alpes Côte d'Azur, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon, ne peut s'analyser en une clause abusive ;
Attendu que pour être valable une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l'espace ; qu'en l'espèce la clause insérée dans les contrats de concession est limitée à une année et à trois régions, la région PACA, la région Rhône Alpes, la région Languedoc-Roussillon ; qu'elle doit être proportionnée aux intérêts légitimes de la SAS AGENDA France au regard de l'objet du contrat ; qu'elle doit satisfaire à l'équilibre entre les intérêts légitimes de la SAS AGENDA France, notamment celui de protéger sa clientèle sur la zone qu'elle avait concédée en exclusivité à Monsieur X., celui d'organiser librement les modalités de son activité sur les territoires concédés et celui de défendre les exclusivités consenties aux autres concessionnaires ; qu'à l'inverse M.X. dispose de la liberté d'entreprendre et faire du commerce ; que la clause de non-concurrence doit lui permettre d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle d'expert en immobilier, ayant suivi un stage au centre d'Etude Supérieure Industrielle de Toulouse (état parasitaire, risque de l'amiante, accessibilité au plomb) ;
Attendu qu'il apparaît que la clause ainsi rédigée « le concessionnaire s'interdit, en cas de cessation de son contrat d'exercer pour quelque cause que ce soit, directement ou indirectement ou par personne interposée, une activité concurrente de celle du concédant, pendant un an à compter de la fin du contrat sur l'ensemble du territoire qui lui avait été consenti et sur les régions limitrophes, à savoir : Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur » doit être regardée comme disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes du créancier de la clause au regard de l'objet du contrat ; que la clause litigieuse a pour effet d'interdire à Monsieur X. sur un trop vaste territoire à forte activité économique en matière de transactions immobilières comme excédant de beaucoup les limites du territoire qui lui avait été concédé, l'exercice d'une professionnel pour laquelle il avait suivi une formation spéciale de « diagnostiqueur » et avait acquis une expérience professionnelle certaine ; que la proportionnalité de l'interdiction par rapport aux intérêts respectifs des parties doit s'apprécier globalement au regard des stipulations contractuelles lorsqu'elles ont été convenues et indépendamment du lieu où Monsieur X. a effectivement installé son activité, après la cessation des contrats ; qu'il n'appartient pas aux juridictions de réduire le champ géographique de l'interdiction faite à Monsieur X. de s'installer ou de s'intéresser directement ou même indirectement à une activité concurrente, mais seulement d'apprécier la licéité de la clause de non-concurrence en considérations des intérêts légitimes et contraires des parties tels que celles-ci les appréhendaient au moment de la conclusion des contrats pour aménager entre elles la clause de non-concurrence ;
Attendu que la SAS AGENDA France ne forme pas de demande particulière visant à obtenir, le cas échéant, réparation du préjudice qui découlerait d la violation par Monsieur X. des ses obligations contractuelles en matière d'exclusivité pendant l'exécution des contrats en question ;
[minute Jurica page 6] Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile,
Reçoit l'appel principal de la SAS AGENDA France comme régulier en la forme.
Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf celle ayant fait interdiction à Monsieur X. jusqu'à « l'issue des deux contrats en cours », d'exercer son activité sur les parties des départements du GARD et du VAUCLUSE qui lui avaient été concédées.
Statuant à nouveau, précise le jugement en ce que les clauses de non-concurrence dont s'agit seront déclarées illicites et dit qu'il n'y a pas lieu de faire une quelconque interdiction à Monsieur X. d'exercer son activité professionnelle.
Condamne la SAS AGENDA France aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'Avoués BOISSONNET ROUSSEAU sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
La Greffière. Le Président.
- 5919 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : autres contrats
- 5942 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Commercialisation et distribution