CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 mai 2025
- TJ Paris (9e ch. 2e sect.), 16 décembre 2022 : RG n° 20/02013
CERCLAB - DOCUMENT N° 23822
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 mai 2025 : RG n° 23/02146
Publication : Judilibre
Extrait : « En application de l'article liminaire du code de la consommation, le « consommateur » est toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, le « non-professionnel » est toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles, et le « professionnel » est toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel Cass., 1re civ 18 septembre 2024 pourvoi 23-14.947.
2 - Au cas présent il s'agit donc de déterminer si la société civile immobilière LTBC One, personne morale, en concluant avec la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France le 5 mars 2012, a agi à des fins professionnelles, ce qu'elle conteste, en sorte qu'elle ne pourrait se prévaloir des dispositions précitées du code de la consommation relatives au caractère abusif d'une clause contractuelle.
- En l'espèce, les statuts de la société civile immobilière LTBC One, établis le 12 décembre 2011, définissent en ces termes, son objet social : « ARTICLE 2 – OBJET - La Société a pour objet : * La propriété, la gestion, l'exploitation par bail, location ou autrement de biens immobiliers, * l'acquisition par voie d'achat ou d'apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, la construction, l'aménagement, l'administration et la location de tous biens et droits immobiliers Et ce, soit au moyen de ses capitaux propres soit au moyen de capitaux d'emprunt, ainsi que de l'octroi, à titre accessoire et exceptionnel, de toutes garanties à des opérations conformes au présent objet civil et susceptibles d'en favoriser le développement. * Emprunter dans le cadre de l'objet social. * La mise à disposition gratuite d'un bien immobilier appartenant à la société aux seuls associés. * Et, plus généralement toutes opérations, de quelque nature qu'elles soient, se rattachant directement ou indirectement à cet objet, dès lors que ces actes ou opérations ne portent pas atteinte à la nature civile de cet objet ; la société peut, notamment, constituer hypothèque ou toute sûreté sur les biens sociaux. »
- Il n'est pas contestable qu'une opération d'acquisition d'immeuble entre bien dans le périmètre de l'objet social défini par les statuts de la société civile immobilière LTBC One.
- Or, l'offre de prêt bancaire qu'elle a acceptée le 5 mars 2012 : - ne comporte aucune stipulation dont il ressortirait que les parties auraient entendu soumettre leur convention aux dispositions du code de la consommation, - stipule que le calcul des intérêts conventionnels sera effectué sur la base d'une année lombarde, qui est permise dans les prêts professionnels et dont l'emprunteur en l'espèce ne discute pas la régularité, - dans le paragraphe relatif à la souscription d'une assurance décès et PTIA sur la tête des cautions chacun à hauteur de 50 % des sommes du prêt, fait référence à un « investissement locatif ». - Aussi, il est de principe que constitue une activité professionnelle celle d'une personne morale qui, en vertu de son objet social, procure sous quelque forme que ce soit des immeubles en propriété ou en jouissance, le nombre des immeubles sur lesquels s'exerce cette activité étant indifférent. - Ainsi, les sociétés civiles immobilières ne bénéficient pas des dispositions protectrices du droit de la consommation dès lors que les prêts immobiliers consentis sont voués à financer une activité professionnelle même accessoire au regard des statuts.
- Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société civile immobilière LTBC One, société civile immobilière dotée de la personnalité morale et qui avait, notamment, pour objet la mise en location d'un ou plusieurs appartements, exerçait une activité professionnelle de sorte que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables au prêt litigieux. 3 - Pour l'ensemble de ces raisons il y a lieu d'écarter l'application du code de la consommation et de débouter la société civile immobilière LTBC One de ses demandes s'y rapportant, relativement au caractère abusif de la clause de déchéance du terme par application de les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 14 MAI 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/02146 (16 pages). N° Portalis 35L7-V-B7H-CHBAM. Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 décembre 2022 - Tribunal judicaire de Paris 9ème chambre 2ème section - RG n° 20/02013.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [Date naissance 2] à [Localité 10], [Adresse 1], [Adresse 1] (Etats-Unis)
Madame Y. épouse X.
née le [Date naissance 3] à [Localité 10], [Adresse 1], [Adresse 1] (Etats-Unis)
SCI LTBC ONE
[Adresse 6], [Adresse 6], N°SIREN : XXX, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège, Représentés par Maître Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : L0010
INTIMÉES :
SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS - CE GC SA
[Adresse 4], [Adresse 4], N° SIREN : YYY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, Représentée par Maître Christofer CLAUDE de la SELAS REALYZE, avocat au barreau de Paris, toque : R175
SCOP SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE
[Adresse 5], [Adresse 5], N° SIREN : ZZZ, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Bertrand CHAMBREUIL, avocat au barreau de Paris, toque : B0230, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 11 mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Marc BAILLY, président de chambre, Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère chargée du rapport, Mme Laurence CHAINTRON, conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 janvier 2023, M. X., Mme Y. épouse X., et la société civile immobilière LTBC One, ont ensemble interjeté appel du jugement rendu le 16 décembre 2022 en ce que le tribunal judiciaire de Paris saisi par voie d'assignation délivrée à leur encontre à la requête de la société Compagnie européenne de garanties et cautions, après que la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France eut été appelée en intervention forcée a statué ainsi :
« Déboute la société civile immobilière LTBC ONE, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamne la société civile immobilière LTBC ONE, à payer à la Compagnie européenne de Garanties et Cautions la somme de 113.634,37 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;
Condamne solidairement Monsieur X. et la société civile immobilière LTBC ONE à payer à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions la somme de 37.878,12 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;
Condamne solidairement Madame Y., épouse X., et la société civile immobilière LTBC ONE à payer à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions la somme de 37.878,12 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;
Condamne in solidum la société civile immobilière LTBC ONE, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., aux dépens, dont distraction au profit de Maître Bertrand Chambreuil ;
Condamne in solidum la société civile immobilière LTBC ONE, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., à verser à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions et à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France, chacune, la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. »
***
À l'issue de la procédure d'appel clôturée à l'audience du 11 mars 2025 après que l'ordonnance de clôture du 4 mars 2025 a été révoquée, les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 7 mars 2025, les appelants présentent, en ces termes, leurs demandes à la cour :
« Vu les dispositions des articles 564 et suivants du Code de procédure civile,
Vu les dispositions des articles 2306 et suivants du code civil,
Vu les dispositions du code de la consommation relatives au cautionnement dans leur version applicable au litige,
Vu la jurisprudence constante en la matière,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est demandé à la Cour :
(...)
À titre principal,
D'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Et statuant à nouveau, de :
À titre préliminaire,
- Dire et juger que la SCI LTBC ONE ayant agi à des fins non-professionnelles en souscrivant le prêt litigieux destiné à l'acquisition d'un immeuble conformément à son objet social, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation alors en vigueur lui étant parfaitement applicables.
- Procéder en conséquence à l'examen d'office du caractère éventuellement abusif de la clause de déchéance du terme ;
En tout état de cause,
- Dire et juger que la demande de nullité de l'engagement de caution n'a pas le caractère d'une prétention nouvelle prohibée en appel, et la déclarer parfaitement recevable ;
- Débouter la CEGC de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et de condamnation avec intérêt au taux conventionnel et capitalisation ;
- Débouter la Caisse d'Épargne de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Constater la nullité de l'engagement de caution de Monsieur X. ;
- Constater la disproportion manifeste du cautionnement souscrit ;
- Décharger purement et simplement Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de l'engagement de caution souscrit ;
- Condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE à garantir les époux X. de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre à la requête de la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIE ET DE CAUTION, et à défaut opposer à la CEGC la perte d'effet à son égard du contrat de cautionnement ;
À titre subsidiaire si la Cour devait confirmer le jugement prononcé le 16 décembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de Paris :
- Octroyer les plus larges délais pour permettre aux appelants de s'acquitter de leur dette ;
En tout état de cause,
Dispenser la société LTBC ONE, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de tout règlement au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens d'instance. »
[*]
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 3 mars 2025, la société Compagnie européenne de garanties et cautions, intimé
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
« Vu les articles 2305 et 2308 du Code Civil, dans leurs versions applicables au litige,
Subsidiairement, vu l'article 1346-1 du Code civil,
Il est demandé à la Cour d'appel de Paris de :
RECEVOIR la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS en ses présentes écritures,
Y faisant droit,
DECLARER irrecevables les demandes de Monsieur [H], [B] X. relatives à la nullité de son engagement de caution ;
CONFIRMER le jugement rendu le 16 décembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;
DEBOUTER SCI LTBC ONE, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
CONDAMNER solidairement SCI LTBC ONE, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel en vertu de l'article 696 du CPC dont distraction en vertu de l'article 699 du CPC. »
[*]
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 21 février 2025, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France, intimé présente en ces termes ses demandes à la cour :
Vu L'article 564 du code de procédure civile L 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable au litige
Il est demandé à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
À titre préliminaire,
Dire et juger que la SCI LTBC ONE ayant agi à des fins professionnelles en souscrivant le prêt litigieux destiné à l'acquisition d'un immeuble conformément à son objet social, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation alors en vigueur ne lui sont pas applicables.
Ecarter en conséquence tout examen d'office du caractère éventuellement abusif de la clause de déchéance du terme
Déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de Monsieur X. tendant à voir constater la nullité de son engament de caution
En toute hypothèse, l'en débouter.
Dire et juger que Monsieur et Madame X. échouent à démontrer que leurs engagements de caution auraient été manifestement disproportionnés lors de leur souscription.
Dire et juger en tout état de cause que Monsieur et Madame X. sont aujourd'hui en mesure de faire face à leurs engagements de caution.
Les débouter en conséquence de leur demande visant à les voir décharger de leurs engagements de caution
Les débouter également en toute hypothèse de leur demande de garantie et de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions dirigées à l'encontre de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
Condamner solidairement Monsieur et Madame X. à payer à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ILE DE FRANCE la somme de 3.000 ‘sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Bertrand CHAMBREUIL, avocat au Barreau de Paris dans les conditions de l'article 699 du code civil. »
[*]
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon offre préalable émise par la banque le 27 février 2012 et acceptée le 5 mars suivant par l'emprunteur, la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France a consenti à la société civile immobilière LTBC One, en vue de financer l'acquisition d'un appartement avec travaux, un prêt immobilier d'un montant de 175 000 euros, d'une durée de 180 mois hors période de préfinancement, et stipulé au taux d'intérêt conventionnel de 4,200 % l'an.
Ce prêt a été garanti, le même jour, par les cautionnements solidaires de M. X. et de Mme Y., son épouse, mariés sous le régime de la séparation des biens et associés à parts égales de la société civile immobilière LTBC One, chacun dans la limite de la somme de 227 500 euros. Le prêt était en outre garanti par le cautionnement solidaire de la société SACCEF aux droits de laquelle vient désormais la société Compagnie européenne de garanties et cautions.
Par courrier daté du 12 février 2019 envoyé en recommandé avec demande d'avis de réception et doublé d'un envoi par lettre simple, la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France a mis en demeure la société civile immobilière LTBC One ainsi que MMme X. (courriers expédiés à leur adresse états-unienne) pris en leur qualité de caution, d'avoir à lui régler sous quinzaine les échéances impayées des mois de septembre 2018 à janvier 2019, pour un montant total de 5 695,09 euros, à peine de voir prononcer la déchéance du terme du prêt.
Le 13 mars 2019, selon les mêmes modalités, la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France a prononcé la déchéance du prêt consenti à la société civile immobilière LTBC One, et a mis en demeure celle-ci ainsi que MMme X., d'avoir à lui payer la somme totale de 121 265,95 euros comprenant les échéances impayées, le capital restant dû, l'indemnité de résiliation anticipée et les accessoires.
Par courrier du 10 avril 2019, la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France a sollicité en paiement la Compagnie européenne de garanties et cautions qui lui a réglé, au titre du crédit consenti à la société civile immobilière LTBC One, la somme globale de 113 634,37 euros, ce règlement étant constaté par une quittance établie le 19 juin 2019.
Par la suite, la société Compagnie européenne de garanties et cautions a réclamé paiement à la société civile immobilière LTBC One, et à M. X. d'une part et Mme [V] épouse X. d'autre part, par lettres recommandées séparées, avec demande d'avis de réception, les 24 juillet 2019 (en France), et les 29 novembre 2019 et 20 janvier 2020 (aux Etats-Unis), sans succès.
C'est dans ces conditions que, par exploit d'huissier de justice en date du 11 février 2020 et par deux autres, en date du 17 février 2020, signifiés selon les voies internationales, elle a fait assigner la société civile immobilière LTBC One ainsi que MMme X., et que le jugement déféré a été rendu.
*****
Sur l'application du code de la consommation :
En cause d'appel, MMme X. demandent à la cour de juger que la société civile immobilière LTBC One a agi à des fins non-professionnelles en souscrivant le prêt litigieux destiné à l'acquisition d'un immeuble conformément à son objet social, et les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation alors en vigueur lui étant dès lors parfaitement applicables, de procéder à l'examen d'office du caractère éventuellement abusif de la clause de déchéance du terme.
À l'appui de leurs prétentions, les appelants soutiennent que la société civile immobilière LTBC One ne peut être qualifiée de professionnelle au sens du droit de la consommation, dans la mesure où la mention dans son objet social de « l'acquisition et la gestion d'immeubles » ne suffit pas à établir cette qualité. En effet, celle-ci doit être appréciée au regard de la pratique de la société. Or, la société civile immobilière LTBC n'a pas recours à une structure commerciale, à l'embauche de personnel, ou au déploiement de moyens spécifiques pour effectuer ses acquisitions. Elle ne possède pas de succursale ouverte au public, de personnel ou de signe caractéristique d'une organisation commerciale, et n'a vocation qu'à donner à bail des locaux. Son activité est celle d'une structure de gestion civile, s'inscrivant dans une logique d'investissement passif ou patrimonial propre aux particuliers, de sorte que les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses déséquilibrées lui sont applicables.
La Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France soutient que la société civile immobilière LTBC One a souscrit l'emprunt litigieux en qualité de professionnel. Il s'ensuit qu'elle n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation. La qualité de professionnel, au sens de cet article, n'était pas définie par la loi avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016. Aussi s'appréciait elle au regard du rapport existant entre le contrat litigieux et l'activité de la partie en cause. Ainsi, une société civile immobilière souscrivant un prêt pour financer l'acquisition d'immeuble, cela conformément à son objet social, devait être considérée comme un professionnel. Tel est le cas de la société civile immobilière LTBC One dans le cadre du prêt qui lui a été consenti le 5 mars 2012 en vue de l'acquisition d'un bien immobilier, étant à rappeler que précisément, son objet social mentionne cette activité. En conséquence, l'article L. 132-1 du code de la consommation ne lui est pas applicable et la cour ne pourra pas examiner d'office le caractère éventuellement abusif de la clause de déchéance du terme.
Sur ce
1 - L'article L. 132-1 du code de la consommation [devenu l'article L. 212-1 du même code depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016] dont la société civile immobilière LTBC One entend se prévaloir, dans sa rédaction applicable au temps de la conclusion du contrat disposait que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En application de l'article liminaire du code de la consommation, le « consommateur » est toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, le « non-professionnel » est toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles, et le « professionnel » est toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel Cass., 1re civ 18 septembre 2024 pourvoi 23-14.947.
2 - Au cas présent il s'agit donc de déterminer si la société civile immobilière LTBC One, personne morale, en concluant avec la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France le 5 mars 2012, a agi à des fins professionnelles, ce qu'elle conteste, en sorte qu'elle ne pourrait se prévaloir des dispositions précitées du code de la consommation relatives au caractère abusif d'une clause contractuelle.
- En l'espèce, les statuts de la société civile immobilière LTBC One, établis le 12 décembre 2011, définissent en ces termes, son objet social :
« ARTICLE 2 - OBJET
La Société a pour objet :
* La propriété, la gestion, l'exploitation par bail, location ou autrement de biens immobiliers,
* l'acquisition par voie d'achat ou d'apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, la construction, l'aménagement, l'administration et la location de tous biens et droits immobiliers
Et ce, soit au moyen de ses capitaux propres soit au moyen de capitaux d'emprunt, ainsi que de l'octroi, à titre accessoire et exceptionnel, de toutes garanties à des opérations conformes au présent objet civil et susceptibles d'en favoriser le développement.
* Emprunter dans le cadre de l'objet social.
* La mise à disposition gratuite d'un bien immobilier appartenant à la société aux seuls associés.
* Et, plus généralement toutes opérations, de quelque nature qu'elles soient, se rattachant directement ou indirectement à cet objet, dès lors que ces actes ou opérations ne portent pas atteinte à la nature civile de cet objet ; la société peut, notamment, constituer hypothèque ou toute sûreté sur les biens sociaux. »
- Il n'est pas contestable qu'une opération d'acquisition d'immeuble entre bien dans le périmètre de l'objet social défini par les statuts de la société civile immobilière LTBC One.
- Or, l'offre de prêt bancaire qu'elle a acceptée le 5 mars 2012 :
- ne comporte aucune stipulation dont il ressortirait que les parties auraient entendu soumettre leur convention aux dispositions du code de la consommation,
- stipule que le calcul des intérêts conventionnels sera effectué sur la base d'une année lombarde, qui est permise dans les prêts professionnels et dont l'emprunteur en l'espèce ne discute pas la régularité,
- dans le paragraphe relatif à la souscription d'une assurance décès et PTIA sur la tête des cautions chacun à hauteur de 50 % des sommes du prêt, fait référence à un 'investissement locatif'.
- Aussi, il est de principe que constitue une activité professionnelle celle d'une personne morale qui, en vertu de son objet social, procure sous quelque forme que ce soit des immeubles en propriété ou en jouissance, le nombre des immeubles sur lesquels s'exerce cette activité étant indifférent.
- Ainsi, les sociétés civiles immobilières ne bénéficient pas des dispositions protectrices du droit de la consommation dès lors que les prêts immobiliers consentis sont voués à financer une activité professionnelle même accessoire au regard des statuts.
- Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société civile immobilière LTBC One, société civile immobilière dotée de la personnalité morale et qui avait, notamment, pour objet la mise en location d'un ou plusieurs appartements, exerçait une activité professionnelle de sorte que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables au prêt litigieux.
3 - Pour l'ensemble de ces raisons il y a lieu d'écarter l'application du code de la consommation et de débouter la société civile immobilière LTBC One de ses demandes s'y rapportant, relativement au caractère abusif de la clause de déchéance du terme par application de les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Sur la demande de nullité du cautionnement de M. X. :
Les appelants demandent à la cour de 'constater la nullité de l'engagement de caution de M. X.', prétention que les intimés considèrent comme irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel.
Sur la recevabilité de la demande de nullité de l'engagement de caution de M. X.
Les intimés estiment que la demande de nullité du cautionnement de M. X., fondée sur l'article L. 341-2 du code de la consommation, est nouvelle en cause d'appel, étant donné qu'en première instance, MMme X. ont seulement demandé à être déchargés de leurs engagements de caution. La Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France relève que cette prétention ne peut avoir pour objet de faire écarter les prétentions adverses, puisqu'il s'agit d'un moyen de défense formulé par M. X., dont la qualité est celle de demandeur à l'instance, et à l'encontre duquel la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France n'a pas formé de demandes reconventionnelles, auxquelles il aurait pu avoir à répondre.
MMme X. et la société civile immobilière LTBC One soutiennent qu'au regard des dispositions des articles 564 et 565 du code de procédure civile, cette demande n'est pas nouvelle en cause d'appel, dans la mesure où elle poursuit le même objectif que la demande initiale de décharge du cautionnement fondée sur sa disproportion. En effet, il s'agit simplement de deux fondements juridiques distincts visant à faire obstacle aux demandes en paiement de la Compagnie européenne de garanties et cautions et à obtenir la libération de M. X. En outre, quand bien même il s'agirait d'une demande nouvelle, celle-ci serait recevable puisqu'elle vise à faire écarter les prétentions adverses, en cherchant à faire déclarer nul l'acte sur lequel les demandes de la Compagnie européenne de garanties et cautions reposent, et non à obtenir un avantage supplémentaire. En tout état de cause, les dispositions relatives à la protection du consentement de la caution relèvent de l'ordre public de protection, de sorte qu'elles sont sanctionnées par une nullité absolue et peuvent être soulevées à tout moment de la procédure. Enfin, la qualité de demandeur à l'instance de M. X. à l'égard de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France ne l'empêche pas de soulever la nullité de son engagement de caution à l'encontre de la Compagnie européenne de garanties et cautions, en tant que défendeur au fond sur ce point.
Sur ce
En vertu des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. En outre, selon l'article 565 du même code les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges.
La demande de nullité de M. X. s'analysant en défense au fond, l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 564 du code civil doit donc être rejetée.
Sur le mérite de la demande de nullité de l'engagement de caution de M. X.
MMme X. et la société civile immobilière LTBC One font valoir, au visa des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, que :
« La mention manuscrite rédigée par M. X. n'est pas conforme à celle prévue par les dispositions du code de la consommation. En effet, il indique s'engager à couvrir : 'le paiement principal des intérêts’et non : 'le paiement du principal, des intérêts...',
‘Le montant cautionné présente également une erreur, M. X. ayant reproduit en lettres le montant de 227 000 euros au lieu de 227 500 euros.
Ces irrégularités révèlent une absence de vérification par le banquier, un manquement à son devoir d'information, ainsi que l'absence de compréhension de la caution. En conséquence de ces irrégularités portant sur des éléments essentiels du cautionnement que sont l'assiette et le montant de l'engagement, cet acte doit être déclaré nul.
La banque considère que les différences constatées entre la mention manuscrite rédigée par M. X. et les dispositions du code de la consommation ne sont pas de nature à entraîner la nullité de son engagement. En premier lieu, l'omission du terme 'du’est une omission purement matérielle, n'ayant aucune influence sur la compréhension de son engagement par la caution : M. X. était une caution avertie, compte tenu de sa profession de chargé d'affaires en fusion-acquisition, et du fait qu'il avait constitué avec son épouse une société à responsabilité limitée ayant pour activité la réalisation d'opérations financières. De plus, la mention litigieuse a été rédigée sur une seconde version de l'acte alors qu'elle avait été correctement rédigée dans une première version. En second lieu, le montant écrit en chiffres est '227 500 '', la différence avec le montant rédigé en lettres résulte d'une omission matérielle, M. X. avait parfaitement conscience de s'engager à hauteur de 227 500 euros. Aussi, cette différence ne saurait avoir des conséquences sur la validité du cautionnement, celui-ci devant tout au plus être ramené au montant inscrit en lettres.
La Compagnie européenne de garanties et cautions conclut que les erreurs dans la mention rédigée par M. X. ne sont pas de nature à entraîner la nullité du cautionnement. Il ne démontre pas en quoi ces erreurs ont affecté sa compréhension du sens et de la portée de l'engagement, dans la mesure où la mention demeure intelligible et qu'il se présente comme spécialiste du financement des entreprises.
Sur ce
Les articles L. 341-2 et L. 341-3 [devenus à droit constant L. 331-1 et L. 331-2, L. 341-2 et L. 343-2] du code de la consommation imposent des règles de formalisme particulières.
‘L'article L. 331-1 dispose : 'Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :
‘En me portant caution de X.............. dans la limite de la somme de............ couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités, ou intérêts de retard et pour la durée de.............., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X............... n'y satisfait pas lui-même'.
‘En vertu de l'article L. 331-2, 'Lorsque que le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :
'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X.................., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuivre préalablement X................'.
Par application des articles L. 341-2 et L. 343-2 du code de la consommation, les formalités ainsi définies sont prévues à peine de nullité.
Ces textes visent à garantir que la caution soit entièrement et exactement informée de la nature et de l'étendue de son engagement, par ces mentions manuscrites obligatoires, qui pour cette raison doivent être transcrites avec une parfaite rigueur.
En l'espèce M. X. a écrit :
'En me portant caution de LTBC One dans la limite de la somme de 227 500 ‘soit deux cent vingt sept mille euros couvrant le paiement principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 240 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si LTBC One n'y satisfait pas elle-même.
En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec LTBC One je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement LTBC One',
le tout étant suivi de la mention 'Fait à Paris le 05/03/2012', et de la signature de M. X..
Pour autant, les imperfections exposées par M. X. sont sans conséquences s'agissant de la compréhension de son engagement, puisque :
- L'acte de cautionnement qu'il a paraphé en chacune de ses pages stipule : 'Je reconnais avoir reçu un exemplaire de l'offre de prêt accompagné des conditions générales, en avoir pris connaissance et en accepter les termes. Je m'engage en conséquence à rembourser le montant du prêt en principal, commissions, frais et accessoires et le cas échéant, pénalités ou intérêts de retard, dans les conditions prévues aux conditions particulières, spécifiques ou générales de l'offre de prêt(s) en cas de défaillance de LTBC ONE dans l'exécution de leurs obligations'. Il n'a donc pu se méprendre sur le sens de son engagement, à telle enseigne qu'il n'a pas réagi en recevant la mise en demeure de payer en sa qualité de caution le 12 février 2019, d'avoir à régler les échéances impayées des mois de septembre 2018 à janvier 2019 pour un montant total de 5 695,09 euros, puis la somme totale de 121 265,95 euros comprenant les échéances impayées, le capital restant dû, l'indemnité de résiliation anticipée et les accessoires ;
- L'erreur commise sur la somme en lettres est manifestement une simple erreur de plume, compte tenu du fait que l'acte de cautionnement que M. X. a paraphé en chacune de ses pages stipule : 'Je m'engage à garantir le prêteur, au titre du crédit susvisé, à concurrence d'un montant limité à 227 500,00 EUR soit deux cent vingt sept mille cinq cents Euros', et qu'il a exactement reproduit cette dernière somme, en chiffres, dans la mention manuscrite, juste avant la mention en lettres qui omet les mots 'cinq cents'. En outre, et il ne peut sérieusement être retenu qu'une différence de 500 euros sur une somme de 227 000 euros aurait amené M. X. à se méprendre sur l'étendue de son cautionnement.
Par conséquent, aucune nullité n'est encourue.
En vertu de l'article 1326 ancien du code civil, M. X. sera tenu dans les termes de son engagement de caution, à garantir la dette de la société cautionnée à concurrence de la somme figurant en toutes lettres de 227 000 euros.
Sur la disproportion :
En droit (selon les dispositions de l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.
A) La proportionnalité du cautionnement s'appréciera donc en l'espèce au 5 mars 2012, date des engagements de caution pris par M. X. d'une part, et par Mme Y. épouse X. d'autre part, en garantie du prêt consenti le même jour à la société civile immobilière LTBC One par la banque Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 227 500 euros pour Mme X. et de 227 000 euros pour M. X., chacun, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 240 mois.
La preuve de la disproportion et de son caractère manifeste incombe alors à la caution, et non pas à la banque.
Il convient de rappeler que l'absence d'établissement par la banque envisageant de solliciter le cautionnement d'une personne physique, d'une fiche de renseignement patrimoniale, ne dispense aucunement la caution de rapporter la preuve de la disproportion manifeste dont elle se prévaut. Cette absence a simplement pour conséquence de laisser la caution libre de faire cette démonstration en produisant les éléments de preuve qu'elle estime pertinents.
Les appelants estimant que leurs cautionnements étaient disproportionnés eu égard à leurs capacités financières, font valoir, pièces idoines à l'appui, que pour l'année 2011, MMme X. présentaient respectivement des revenus de 61 763 euros et de 39 800 euros, et pour l'année 2012, de 61 129 euros et 30 682 euros ; dans le même temps, ils supportaient la charge du remboursement de trois emprunts, le premier de 105 000 euros, le deuxième présentant un reste à payer de 92 000 euros et le troisième un reste dû de près de 120 000 euros ; ils conviennent que la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France n'ayant pas eu connaissance de ce dernier prêt, et le deuxième correspondant à un investissement locatif dont les revenus et avantages fiscaux compensent la charge d'emprunt, il convient de ne pas en tenir compte ; ils indiquent qu'ils étaient titulaires d'un compte Livret AXA, présentant le 6 février 2012 un solde créditeur de 18 660 euros, soit un revenu supplémentaire de 9 330 euros chacun ; dès lors, leurs revenus respectifs pour l'année 2010 s'élevaient à 71 093 euros pour M. X., soit 31,24 % de son engagement, et de 49 130 euros pour Mme X., soit 21,59 % de son engagement, de sorte que ceux-ci étaient disproportionnés.
Ce sont pour l'essentiel justement ces éléments, qui ont été retenus par le tribunal.
S'agissant des prêts en cours de remboursement au jour de la signature du contrat de cautionnement, le premier juge indique que MMme X. produisent aux débats le tableau d'amortissement d'un prêt souscrit en 2010 auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France en vue du financement d'un investissement locatif, et un autre, souscrit en 2011 aux mêmes fins, mais auprès de la société AXA Banque, et si la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France admet avoir eu connaissance du premier, elle conteste avoir été informée du second, dès lors que MMme X. ne démontrent pas avoir l'en avoir avisée il n'en sera pas tenu compte dans l'appréciation de la disproportion invoquée ; le premier juge a estimé qu'il ne doit pas davantage être tenu compte du prêt souscrit par MMme X. en 2010 auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile de France dans la mesure où, s'agissant du financement d'un investissement locatif procurant des loyers mensuels de 480 euros aux emprunteurs et un avantage fiscal établi pour l'année 2010 à 4 145 euros, il sera considéré que la charge d'emprunt de ce prêt, d'un montant de 150 772 euros, hors assurance, et les revenus et avantages fiscaux en résultant se compensent.
S'agissant des revenus de MMme X., le tribunal a retenu que pour l'année 2010, ceux de M. X. s'établissaient à 61 763 euros, plus 9 330 euros soit 71 093 euros tandis que ceux de Mme X. s'élevaient à 39 800 euros, plus 9 330, soit 49 130 euros. Dès lors que les revenus de M. X. représentaient, au jour de son engagement de cautionnement, 31,24 % du montant de son engagement de garantie, et ceux de Mme X. 21,59 % de son engagement de garantie, il sera retenu que leurs cautionnements étaient disproportionnés par rapport à leurs revenus et patrimoine.
La Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France soutient que les engagements pris par MMme X. n'étaient pas disproportionnés par rapport à leurs revenus et patrimoines. MMme X. ne fournissent pas d'avis d'imposition pour l'année 2012, et les avis des années précédentes montrent des revenus confortables, de 61 763 euros pour monsieur et de 39 800 euros pour madame. Si M. X. était entré dans une période de chômage il n'en a pas avisé la banque, et le couple a déclaré pour l'année 2012 des revenus d'un montant total de 102 012 euros. Le couple disposait également de revenus locatifs mensuels de 480 et 578,08 euros, provenant de deux biens immobiliers estimés à 115 000 euros en 2007 et 145 001 euros en 2010, d'une épargne de 18 660 euros chacun, ainsi que des 9 999 euros apportés par M. X. lors de la constitution de leur société commerciale. Ils n'ont porté à la connaissance de la banque qu'un prêt souscrit en 2007 dont les charges s'élevaient à 640,30 euros par mois. En conséquence, même en prenant en compte leurs deux autres emprunts, leur reste à vivre s'élevait à 6 804,55 euros (2 487,15 euros pour madame, 4 320,13 euros pour monsieur X.) soit un montant suffisant pour assurer les mensualités du prêt cautionné, à hauteur de 1 355,82 euros ‘il doit être relevé l'erreur de raisonnement de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France, puisqu'il faut en réalité, en droit, se rapporter au montant du cautionnement lui-même et non pas aux mesualités du prêt cautionné.
La Compagnie européenne de garanties et cautions fait valoir qu'au moment de la conclusion de leurs cautionnements, MMme X. présentaient des revenus de 101 563 euros pour l'année 2011, étaient propriétaires de trois biens immobiliers et M. X. constituait plusieurs sociétés ayant pour activité le conseil et la gestion financière. De plus, leur patrimoine actuel leur permettrait de supporter la charge des demandes formées à leur égard, leurs trois biens étant évalués à environ 470 000 euros. La Compagnie européenne de garanties et cautions qui certes ne fait pas la même erreur que la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de- France, se méprend en ce qu'elle ne tient pas compte de la valeur nette des biens immobiliers et qu'elle fait masse des revenus du couple sans même les mettre en miroir avec le montant de l'engagement de chacun des époux, alors que c'est a bon droit que le jugement déféré a retenu qu'en application de l'article L. 341-4 du code de la consommation, la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels, devant en outre être observé que la disproportion dont il s'agit opère dans les rapports entre cofidéjusseurs dans l'exercice des recours après paiement, et au cas particulier, il est constant que MMme X. étaient mariés, à la date de souscription de leur cautionnement respectif, sous le régime de la séparation de biens (comme mentionné aux status de la société civile immobilière LTBC One) de telle sorte que la disproportion éventuelle de leur engagement doit être appréciée enconsidération des biens personnels de chacun.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce que le tribunal a retenu la disproportion manifeste des cautionnements à la date de leur signature.
B) Néanmoins, l'article L. 341-4 du code de la consommation exclut de décharger la caution dans la mesure où son patrimoine au moment où elle est appelée lui permet de faire face à ses obligations.
L'assignation étant en date du 17 février 2020, c'est à ce jour qu'il y a lieu de se placer pour se livrer à cette appréciation. La somme réclamée à MMme X. par la société Compagnie européenne de garanties et cautions étant alors, hors intérêts, de 37 878,12 euros correspondant à la part de chaque cofidéjusseur.
C'est alors au prêteur qu'il revient de faire la démonstration de ce que la caution est présentement en capacité de faire face à son obligation en s'acquittant de la dite somme.
À cet égard la banque fait valoir qu'au jour de l'appel en paiement, aucune disproportion ne peut être constatée. MMme X. vivent en Floride, dans une villa estimée à 1 055 000 $, et la valeur de leur patrimoine n'a fait qu'augmenter depuis la souscription de leurs cautionnements. Leurs biens immobiliers situés à [Localité 8] et à [Localité 9] ont été estimés à 54 149,72 euros et 57 369,10 euros en juillet 2023, et leur bien situé à [Localité 7] à 85 000 euros, leur patrimoine immobilier est donc d'une valeur totale de 196 518,82 euros. De plus, le couple détient, par l'intermédiaire de la société IE Capital, 50 % des parts sociales de la société Effective Capital Group dont le capital social est de 101 000 euros. Enfin, MMme X. n'apportent aucun élément sur les sûretés qui grèveraient leurs biens, et les mises en demeures qu'ils produisent ne font état que d'arriérés de taxes foncières d'un montant de 3 161 euros.
MMme X. rappellent que le tribunal a considéré que le couple disposait de biens immobiliers correspondant, après amortissement, à un patrimoine de 180 000 euros, soit 90 000 euros chacun. Or, ni les hypothèques et privilèges grevant ces biens, ni l'endettement des époux n'ont été pris en compte. Ils ajoutent avoir été condamnés par une décision rendue le 29 novembre 2022, dont ils ont interjeté appel, à payer les sommes de 124 719,55 euros et celle de 378 797,05 euros. Ils ne sont pas propriétaires de la villa en Floride contrairement à ce qui est avancé par la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France, et touchent des revenus trop modestes pour être imposables. La santé de M. X. s'est gravement dégradée depuis février 2023, l'empêchant d'exercer son activité professionnelle. En conséquence, la demande de condamnation solidaire à hauteur de 37 878,12 euros chacun était disproportionnée par rapport à leurs facultés, au jour de l'appel en paiement.
Le tribunal pour juger qu'il y avait 'retour à meilleure fortune', a retenu : que la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France produit aux débats des éléments démontrant qu'au jour de signification de ses écritures, MMme X. disposent de biens immobiliers qui, après amortissement des emprunts souscrits pour assurer leur financement, donnent un patrimoine global de 180 000 euros, soit 90 000 euros pour chacun des époux tandis qu'en réponse, MMme X. se bornent à affirmer que leurs biens immobiliers sont grevés de privilèges et hypothèques ; que la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de France ajoute que MMme X. vivent en Floride dans une villa dont la valeur est estimée à 2 775 000 dollars, MMme X. opposant qu'ils n'y vivent plus ; qu'à l'appui de leurs affirmations, MMme X. se bornent à produire deux attestations de leur comptable pour les exercices des années 2020 et 2021, consistant dans deux courriers électroniques succincts en langue anglaise dépourvus de la moindre traduction, même libre, de telle sorte qu'ils ne sont pas probants.
Il doit être rappelé que la capacité de paiement des cautions en l'espèce doit s'apprécier au 17 février 2020, et par conséquent les arguments développés par MMme X. sur l'évolution de leur situation financière postérieurement à cette date sont inopérants.
En définitive, MMme X. produisent pour répondre à leurs contradicteurs et contemporainement à la date à laquelle ils sont recherchés en paiement, uniquement (étant fait observer qu'ils ne fournissent pas leur avis d'imposition sur les revenus de l'année 2019) les comptes annuels de la société civile immobilière LTBC One de l'année 2019. Or, cette pièce n'apporte aucun enseignement nouveau sur la situation financière des cautions dans la mesure où le bilan, qui tout de même fait état de capitaux propres au 31 décembre 2019 de 78 392 euros, mentionne au passif un montant de 115 422 euros d'emprunt bancaire (ce qu'on savait déjà) et 13 237 euros d'autres dettes, et que le compte de résultats révèle un résultat d'exploitation de 9 975 euros et un résultat de 7 807 euros après déduction des charges financières. Par ailleurs, les attestations établies par le comptable de MMme X., désormais accompagnées d'une traduction libre, indiquant qu'ils n'étaient pas imposables au titre de leurs revenus aux Etats-Unis compte tenu de leur faible montant, à défaut d'autre précision portent sur leur situation de revenus au 31 octobre 2020 et au 25 janvier 2022.
Par suite, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce que MMme X. ont été déboutés de leur demande de décharge des engagements de cautionnement.
Il le sera également en ce que le tribunal a en conséquence rejeté la demande de garantie, dans la mesure où ne concerne que le cas où il y aurait décharge pour disproportion, les prétentions de MMme X. et de la société civile immobilière LTBC One soutenant que la décharge des cautions en raison de la disproportion de leurs engagements prive le contrat d'effet à l'encontre du créancier et des autres cautions, en sorte que la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France étant privée de son recours contre MMme X., la Compagnie européenne de garanties et cautions n'est pas en mesure d'exercer à leur encontre un recours subrogatoire. Il n'y a pas lieu d'examiner les moyens des parties, s'y rapportant, la cour jugeant en sens contraire.
Enfin, il sera fait observer qu'aucune des parties ne critique le jugement déféré en ce qui concerne le montant de la créance ni sa répartition entre les cofidéjusseurs.
Le jugement déféré est par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les délais de paiement :
À titre subsidiaire il est demandé à la cour d'octroyer les plus larges délais de paiement. En effet, bien qu'étant de bonne foi, ils ne sont pas en mesure de s'acquitter de leur dette, la société civile LTBC One n'ayant pas d'activité et MMme X. étant endettés.
En vertu de l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Tel aménagement de la dette n'est envisageable que si son montant le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur et si les propositions faites pour son apurement permettent à celui-ci de s'en acquitter dans le respect des droits du créancier. En outre, l'octroi d'un délai de paiement, qui n'est pas de plein droit, ne peut bénéficier qu'au débiteur de bonne foi.
Cependant, une demande de report de paiement de la dette pour être reçue doit être appuyée par des éléments suffisamment précis, tangibles, et certains, permettant de croire à un désintéressement du créancier à l'expiration du délai de grâce, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, MMme X. ne fournissant aucune explication à ce sujet.
D'ailleurs, la société Compagnie européenne de garanties et cautions relève, à juste titre, qu'ils n'apportent pas la preuve du fait qu'ils seraient en mesure de désintéresser leurs créanciers dans un délai de vingt quatre mois, faute d'amélioration de leur situation financière, devenue encore plus difficile selon leurs dires, et que par ailleurs, ils ne proposent aucun échéancier.
Au vu de ces éléments, en l'état, la demande de délai de grâce telle que formulée par les appelants ne peut qu'être rejetée.
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Sur les dépens et les frais irrépétibles
MMme X., qui échouent en toutes leurs prétentions, doivent supporter la charge des entiers dépens puisqu'il n'existe aucune raison valable de les en dispenser, et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit aux demandes des intimés, formulée sur ce même fondement, pour la somme réclamée de 3 000 euros, chacun.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant,
REJETTE les demandes de la société Compagnie européenne de garanties et cautions et de la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France tendant avoir déclarer irrecevable comme étant nouvelle, la demande de nullité de l'engagement de caution de M. X. ;
DÉBOUTE M. X., Mme Y. épouse X., et la société civile immobilière LTBC One,
- de leur demande de dire et juger que la société civile immobilière LTBC One ayant agi à des fins non-professionnelles en souscrivant le prêt litigieux destiné à l'acquisition d'un immeuble conformément à son objet social, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation alors en vigueur lui sont applicables et procéder en conséquence à l'examen d'office du caractère éventuellement abusif de la clause de déchéance du terme ;
- de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'engagement de caution de M. X. ;
- de leur demande de délais de paiement ;
CONDAMNE in solidum M. X., Mme Y. épouse X., et la société civile immobilière LTBC One à payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, à la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France, et à la société Compagnie européenne de garanties et cautions, la somme de 3 000 euros, chacune ;
DÉBOUTE M. X., Mme Y. épouse X., et la société civile immobilière LTBC One de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;
CONDAMNE in solidum M. X., Mme Y. épouse X., et la société civile immobilière LTBC One aux entiers dépens d'appel et admet au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats constitués, qui en font la demande.
Le greffier Le président