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CA ANGERS (ch. A civ.), 10 juin 2025

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. A civ.), 10 juin 2025
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), ch. civ.
Demande : 24/00806
Date : 10/06/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 24/04/2024
Décision antérieure : Cass. 14 mars 2024 : pourvoi n° 22-20959 - CA Poitiers, 14 juin 2022 : RG n° 21/1420 - T. com. La Rochelle, 9 avril 2021 : RG n° 21/354
Décision antérieure :
  • Cass. 14 mars 2024 : pourvoi n° 22-20959 - CA Poitiers, 14 juin 2022 : RG n° 21/1420 - T. com. La Rochelle, 9 avril 2021 : RG n° 21/354
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24041

CA ANGERS (ch. A civ.), 10 juin 2025 : RG n° 24/00806 

Publication : Judilibre

 

Extrait (arguments de l’appelant) : « Aux termes de ses dernières écritures n°2 déposées le 20 janvier 2025, l'assureur demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170, 1171 et 1192 du code civil, 122, 568 et 638 du code de procédure civile, L. 113-1 et L121-1 du code des assurances, de : […] - juger que cette clause d'exclusion ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de la société Le café du parc, de sorte qu'elle est conforme aux dispositions de l'article 1171 du code civil ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE A CIVILE

ARRÊT DU 10 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. 24/00806 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FJ55. Arrêt du 14 mars 2024 Cour de Cassation de PARIS N° M22-20.959 ; arrêt du14 juin 2022 Cour d'Appel de POITIERS RG N°21/1420 ; jugement du 9 avril 2021 TC LA ROCHELLE RG N°21/354.

 

APPELANTE DEMANDERESSE AU RENVOI :

SA AXA FRANCE IARD

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 4], [Localité 6], Représentée par Maître Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 246471 et par Maître Gunou CHOI, substituant Maître Pascal ORMEN de la SELARL ORMEN PASSEMARD, avocats plaidants au barreau de PARIS

 

INTIMÉE DÉFENDERESSE AU RENVOI :

SARL LE CAFÉ DU PARC

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 5], [Localité 7], Représentée par Maître Audrey PAPIN, substituant Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocats postulants au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71240090 et par Maître Xavier BOUILLOT, avocat plaidant au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 4 mars 2025 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et devant Mme GANDAIS, conseillère, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, Madame GANDAIS, conseillère, Monsieur WOLFF, conseiller.

Greffier : Monsieur DA CUNHA

ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement le 10 juin 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère, pour la présidente empêchée et par Tony DA CUNHA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL Le Café du Parc (ci-après l'assurée) exploite, depuis le 1er juillet 2007, un fonds de commerce de restaurant à [Localité 7] (17), sous l'enseigne '[8]'.

Elle a souscrit le 1er janvier 2014 auprès de la société AXA France Iard (ci-après l'assureur), un contrat d'assurance multirisque professionnelle garantissant notamment ses pertes d'exploitation. Le 6 décembre 2019, les parties ont convenu d'annuler et de remplacer ce contrat par un nouveau, portant le même numéro, à effet au 1er décembre 2019.

En page 6 des conditions particulières du contrat, cette garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l'assuré et qu'elle est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

À la suite de l'arrêté du 15 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19 qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, l'assurée a effectué, le 26 mars 2020, une déclaration de sinistre auprès de son assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application de la clause précitée du contrat.

Suivant courrier du 27 avril 2020, l'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait être mise en œuvre en raison de la clause excluant « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

C'est dans ce contexte que l'assurée, dûment autorisée à cette fin a, par acte d'huissier du 13 janvier 2021, assigné à bref délai son assureur devant le tribunal de commerce de La Rochelle aux fins notamment d'obtenir sa condamnation à mobiliser sa garantie à son profit et subséquemment à l'indemniser de la perte de marge brute subie au titre du premier confinement (à hauteur de 105.765 euros) et du second confinement (à hauteur de 107.103,80 euros à parfaire en fonction de la date de réouverture de l'établissement).

Par jugement du 9 avril 2021, le tribunal a :

- dit recevable la société AXA France Iard en ses demandes ;

- dit que les conditions de la garantie perte d'exploitation énoncées dans les conditions particulières sont remplies ;

- dit que la société AXA France Iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion ;

- dit que la société AXA France Iard a manqué à son obligation de conseil ;

- dit fondées partiellement les demandes de la société Le café du parc ;

- débouté la société AXA France Iard de ses demandes en principal ;

- condamné la société AXA France Iard à verser à la société Le café du parc à titre de provision dans l'attente des montants définitifs, les sommes suivantes :

* 63.500 euros au titre du premier confinement,

* 64.500 euros au titre du second confinement, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement ;

- ordonné une expertise et désigné à cet effet M. X. en vue notamment de fixer les pertes d'exploitations garanties en donnant son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture ;

- fixé à la somme de 2.500 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être versée par les soins de la société AXA France Iard,

- condamné la société AXA France Iard à payer à la société Café du Parc la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- constaté l'exécution provisoire de droit du jugement,

- condamné la société AXA France Iard au paiement des entiers dépens de l'instance.

Le 30 avril 2021, l'assureur a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Suivant arrêt rendu le 14 juin 2022, la cour d'appel de Poitiers a :

- dit que le jugement est affecté d'une omission de statuer du chef de la demande de l'assurée visant au bénéfice de la garantie 'perte d'exploitation suite à arrêté de péril ;

- débouté la SARL Le café du parc de sa prétention à voir juger que le bénéfice de la garantie « perte d'exploitation suite à arrêté de péril » lui est acquis ;

- confirmé le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit qu'AXA France avait manqué à son obligation de conseil ;

- débouté la SARL Le café du parc de sa prétention à voir juger que la société AXA France Iard a manqué à son devoir d'information précontractuelle et/ou à son devoir de conseil ;

- débouté la SA AXA France Iard de sa demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire ;

- débouté la SARL Le café du parc de sa prétention à voir ordonner une expertise complémentaire portant sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies pendant la période postérieure au 31 janvier 2021 ;

- rejeté la demande d'AXA France Iard tendant à voir ordonner une nouvelle expertise ou un complément d'expertise avec une mission modifiée ;

- constaté que le tribunal de commerce de La Rochelle demeure saisi, notamment pour chiffrer le montant de l'indemnité d'assurance dont il a retenu le principe ;

- déclaré irrecevables les demandes respectives de la société Le café du parc et de la société AXA France Iard tendant à voir chiffrer par la cour l'indemnité pour perte d'exploitation due à l'assurée ;

- débouté la SARL Le café du parc de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- débouté les parties de leurs demandes autres ou contraires ;

- condamné la société AXA France Iard aux dépens d'appel ;

- condamné la société AXA France Iard à payer à la SARL Le café du parc en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

- accordé à la SELARL Pairaud Avocat, le bénéfice de la faculté prévue à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour retenir la mobilisation de la garantie 'perte d'exploitation suite à fermeture administrative', la cour d'appel a considéré que ses deux conditions de mise en œuvre définies contractuellement étaient réunies. Elle a ensuite considéré que la clause d'exclusion qui satisfait à l'exigence posée à l'article L. 112-4 du code des assurances, ne permet pas à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie dont il bénéficie du fait du renvoi à des circonstances qui ne sont pas définies avec une précision suffisante. La cour a estimé que la clause d'exclusion litigieuse, ni explicite ni clairement délimitée, aboutit à neutraliser pratiquement toute garantie. Ainsi, elle a relevé que la plausibilité qu'aucun autre établissement ne fasse l'objet d'une fermeture administrative dans le même département en cas de propagation d'une maladie contagieuse à une portion significative du territoire départemental ou de la population départementale est infime, sinon théorique. Elle a encore souligné que les cas que l'assureur cite à l'appui de sa réfutation de ce constat, légionellose ou salmonellose dans un commerce ou un établissement, ne relèvent précisément pas d'une épidémie au sens commun. Aussi, elle en a déduit qu'une telle clause d'exclusion encourt l'annulation non seulement lorsqu'elle vide de sa substance la garantie mais aussi lorsqu'elle a pour effet de ne laisser la garantie s'appliquer que pour une catégorie de dommages très étroite.

Le 2 septembre 2022, l'assureur a formé un pourvoi en cassation, faisant grief à cet arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il dit qu'il ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion, dit fondées partiellement les demandes de la société Le café du parc, le condamne à verser à la société Le café du parc, à titre de provision, dans l'attente des montants définitifs, les sommes de 63.500 euros au titre du premier confinement et 64.500 euros au titre du second confinement, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement et ordonne une expertise.

Suivant arrêt rendu le 14 mars 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il dit que la société Axa France Iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion, dit les demandes de la société Le café du parc partiellement fondées, condamne la société Axa France Iard à verser à la société Le café du parc, à titre de provision dans l'attente des montants définitifs, les sommes de 63.500 euros au titre du premier confinement et 64.500 euros au titre du second, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement, ordonne une expertise et constate que le tribunal de commerce de La Rochelle demeure saisi, notamment pour chiffrer le montant de l'indemnité d'assurance dont il a retenu le principe, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers ;

- condamné la société Le café du parc aux dépens ;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande.

Pour statuer ainsi, elle a considéré que la cour d'appel a violé l'article L113-

1 du code des assurances dès lors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Suivant déclaration reçue le 24 avril 2024, l'assureur a saisi la cour d'appel de renvoi après cassation, intimant l'assurée.

Par acte de commissaire de justice en date du 26 juin 2024, l'assureur a fait signifier à l'intimée sa déclaration de saisine ainsi que ses conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2025 et l'audience de plaidoirie fixée au 4 mars de la même année conformément aux prévisions d'un avis délivré par le greffe aux parties le 30 septembre 2024.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières écritures n°2 déposées le 20 janvier 2025, l'assureur demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170, 1171 et 1192 du code civil, 122, 568 et 638 du code de procédure civile, L. 113-1 et L121-1 du code des assurances, de :

- déclarer recevable et bien-fondé son appel et, y faisant droit ;

à titre liminaire,

- juger que les demandes suivantes ont déjà été tranchées par l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers dont les chefs qui n'ont pas fait l'objet d'une cassation sont passés en force de chose jugée :

1. confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Axa France Iard pour manquement à son obligation d'information et de conseil ;

2. confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la clause d'exclusion ne répondait pas aux conditions de forme exigées par l'article L. 112-4 du code des assurances ;

3. infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie 'perte d'exploitation suite à arrêté de péril’n'est pas applicable ;

4. condamner AXA France à lui verser à la somme de 20.000 euros au titre de la résistance abusive ;

en conséquence,

- déclarer irrecevables la société Le café du parc en ses demandes suivantes :

* confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, à l'exception de celles faisant l'objet d'un appel incident ;

* recevoir la société Le café du parc en son appel incident, ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions, déclarés fondés ;

* infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie 'arrêté de péril’n'était pas applicable ;

* juger que la garantie 'perte d'exploitation suite à arrêté de péril’est acquise à la société Le café du parc pour les périodes suivantes :

- du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique,

- du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxièmes et troisièmes vagues épidémiques,

* condamner AXA France Iard à verser à la société Le café du parc la somme de 20.000 euros au titre de la résistance abusive ;

à titre principal,

- infirmer le jugement du 9 avril 2021 du tribunal de commerce de La Rochelle en toutes ses dispositions critiquées restant en cause ensuite de la cassation intervenue et particulièrement en ce qu'il a :

* dit que les conditions de la garantie perte d'exploitation énoncées dans les conditions particulières par la société AXA France Iard sont remplies,

* dit que la société AXA France Iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion,

* dit que la société AXA France Iard a manqué à son obligation de conseil,

* dit fondées partiellement les demandes de la société Le café du parc, il lui fait droit en partie,

* débouté la société AXA France Iard de ses demandes en principal,

* condamné la société AXA France Iard à verser à la société Le café du parc, à titre de provision, dans l'attente des montants définitifs, les sommes suivantes :

- 63.500 euros au titre du premier confinement,

- 64.500 euros au titre du second confinement, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement,

* ordonné une expertise et désigné à cet effet M. X. [H], ACR demeurant [Adresse 3] - [XXXXXXXX01] - [XXXXXXXX02] [Courriel 9], en qualité d'expert, qui aura pour mission, parties présentes ou dûment appelées, en entendant tous sachant de :

- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

- entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

- examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois,

- donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées,

- donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture,

* fixé à la somme de 2.500 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être versée par les soins de la société AXA France Iard dans un délai de quinze jours, à compter de la date ou la présente décision sera devenue définitive, au greffe du tribunal de commerce de La Rochelle, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,

* rappellé qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation sera caduque sauf prorogation de délai ou relevé de caducité qui pourrait être ordonné à la requête de l'une des parties se prévalant d'un motif légitime et l'instance poursuivie, par application de l'article 271 du code de procédure civile,

* dit que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties, et répondra à tous dires de leur part dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au greffe du tribunal, et ce dans le délai de trois mois consécutifs à la consignation des frais,

* condamné la société AXA France Iard à payer à la société Le café du parc, la somme justement appréciée de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* constaté l'exécution provisoire de droit du jugement,

* condamné, conformément à ce qu'indique l'article 696 du code de procédure civile, la société AXA France Iard, au paiement des entiers dépens de l'instance comprenant les frais du greffe s'élevant à la somme de 80 euros et 28 centimes TTC,

- infirmer le jugement du 9 avril 2021 du tribunal de commerce de La Rochelle en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion ;

statuant à nouveau,

- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

- juger que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du code des assurances ;

- juger que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L. 113-1 du code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de l'assureur de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil ;

- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est inscrite en des termes très apparents, de sorte que sa rédaction est conforme aux règles de formalisme prescrites par l'article L. 112-4 du code des assurances ;

- juger qu'il n'a pas manqué à son devoir d'information ou de conseil ;

- juger que la garantie perte d'exploitation suite à arrêté de péril n'est pas mobilisable ;

- juger que cette clause d'exclusion ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de la société Le café du parc, de sorte qu'elle est conforme aux dispositions de l'article 1171 du code civil ;

en conséquence,

- juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

- débouter la société Le café du parc de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 9 avril 2021 du tribunal de commerce de La Rochelle ;

- annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de La Rochelle ;

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement du 9 avril 2021 en ce qu'il l'a condamné à verser à la société Le café du parc les sommes de 63.500 euros et 64.500 euros à titre de provision et fixé la mission de l'expert judiciaire sans se référer exactement aux termes du contrat ;

- débouter la demande de la société Le café du parc tenant à voir ordonner une expertise complémentaire portant sur la période allant du 31 janvier 2021 au 30 juin 2021 ;

- débouter la demande de la société Le café du parc tenant à le voir condamné à la somme de 133.082 euros ;

- fixer la période de couverture au titre du second sinistre sur une période de 3 mois à compter du 29 octobre 2020 conformément aux termes du contrat et débouter la société Le café du parc de sa demande tendant à fixer la période d'indemnisation au-delà de 3 mois ;

- ordonner la fixation de la mission de l'expert désigné par le tribunal de commerce de La Rochelle comme suit :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées ;

* donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;

* donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020 ;

à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour était amenée à prononcer une condamnation, fixer le montant des pertes d'exploitation à la somme maximale de 5.467 euros au titre de la première période ;

en tout état de cause,

- débouter la société Le café du parc de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;

- condamner la société Le café du parc à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Aux termes de ses uniques écritures déposées le 26 août 2024, la société Le café du parc demande à la cour de :

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, à l'exception de celles faisant l'objet d'un appel incident ;

aux fins de précision, juger :

* que la date de la fin du second sinistre est le 30 juin 2021,

* que le covid ne peut être considéré comme un facteur externe dans le cadre du calcul de l'indemnité d'assurance,

* que les aides perçues de l'Etat n'ont pas à être déduites de l'indemnité d'assurance ;

- la recevoir en son appel incident, ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions, déclarés fondés ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie « arrêté de péril » n'était pas applicable ;

par conséquent, statuant à nouveau,

- juger qu'AXA ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion en litige et que la garantie « perte d'exploitation pour fermeture à raison d'une épidémie ou d'une maladie contagieuse » lui est acquise pour les périodes suivantes :

* du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique,

* du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxièmes et troisièmes vagues épidémiques,

- juger que la garantie « perte d'exploitation suite à arrêté de péril » lui est acquise pour les périodes suivantes :

* du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique,

* du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxièmes et troisièmes vagues épidémiques ;

par conséquent, à titre principal,

- condamner la société AXA France Iard à l'indemniser, sur le fondement de l'acquisition de la garantie ou sur celui de la perte de chance, de la perte de marge brute subie lors de ces périodes :

* à hauteur de 133.082 euros, pour les périodes comprises du 15 mars au 2 juin 2020 et du 1er novembre 2020 au 31 janvier 2021 ;

* pour le surplus, ordonner un complément d'expertise pour la détermination des pertes subies au-delà du 31 janvier 2021, et jusqu'au 30 juin 2021, en commettant l'expert X., d'ores et déjà saisi du dossier, sa mission étant identique à celle confiée par le tribunal de commerce, à l'exception des périodes d'indemnisation ;

en toute hypothèse,

- condamner AXA France Iard à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner AXA France Iard à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de la résistance abusive ;

- condamner la société AXA France Iard aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur le périmètre de cassation et l'irrecevabilité de demandes :

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur, rappelant les dispositions des articles 122 et 638 du code de procédure civile, indique que seules les questions de la validité de la clause d'exclusion et des conséquences qui en découlent sont soumises au réexamen de la cour d'appel de renvoi de sorte que les demandes étrangères à ces points, formées par l'intimée sont irrecevables. Il fait ainsi valoir que :

- les demandes qui ne portent pas sur la validité de la clause d'exclusion et sur ses conséquences ont déjà été jugées par la cour d'appel de Poitiers dans son arrêt du 14 juin 2022 et ces chefs n'ont pas été censurés dans l'arrêt du 14 mars 2024 rendu par la Cour de cassation ; la cour d'appel de Poitiers a ainsi rejeté les demandes formées par l'intimée relatives au devoir d'information et de conseil, au respect du formalisme de l'article L. 112-4 du code des assurances, au bénéfice de la garantie 'arrêté de péril', à la résistance abusive; la Cour de cassation ayant expressément limité la portée de la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers aux seules questions de la validité de la clause d'exclusion et des conséquences qui en découlent, toutes les autres dispositions sont définitives.

L'intimée n'a développé aucun moyen en réponse à ces demandes d'irrecevabilité.

Sur ce, la cour

Conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La cassation annule intégralement le chef de dispositif qu'elle atteint quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation et la cour de renvoi n'est pas liée par les motifs de l'arrêt cassé, étant tenue d'examiner tous les moyens soulevés devant elle.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 625 du même code que sur les points qu'elle atteint la décision replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

La cour de renvoi est ainsi saisie par l'acte d'appel initial, dans les limites du dispositif de l'arrêt de cassation.

Enfin, l'article 638 du même code dispose que l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

En l'espèce, la Cour de cassation, dans l'arrêt rendu le 14 mars 2024, a cassé et annulé 'mais seulement en ce qu'il dit que la société Axa France Iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion, dit les demandes de la société Le café du parc partiellement fondées, condamne la société Axa France Iard à verser à la société Le café du parc, à titre de provision dans l'attente des montants définitifs, les sommes de 63.500 euros au titre du premier confinement et 64.500 euros au titre du second, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement, ordonne une expertise et constate que le tribunal de commerce de La Rochelle demeure saisi, notamment pour chiffrer le montant de l'indemnité d'assurance dont il a retenu le principe', l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers.

Cet arrêt de la cour d'appel de Poitiers a débouté l'assurée de sa prétention tendant à voir juger que le bénéfice de la garantie « perte d'exploitation suite à arrêté de péril » lui est acquis et de sa demande indemnitaire pour résistance abusive.

Cet arrêt est définitif s'agissant du rejet de ces demandes, non atteint par la cassation. Dès lors, en application de l'autorité de chose jugée, il ne saurait être revenu sur ces points du litige qui ont un caractère définitif et dont la présente cour de renvoi n'est pas saisie. En conséquence, il convient de déclarer irrecevables les demandes présentées par la société Café du Parc visant à :

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie « perte d'exploitation suite à arrêté de péril » n'est pas applicable,

- juger que la garantie « perte d'exploitation suite à arrêté de péril » lui est acquise pour les périodes suivantes :

* du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique,

* du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxièmes et troisièmes vagues épidémiques ;

- condamner la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de la résistance abusive.

Par ailleurs, si l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers a, au contraire du jugement du tribunal de commerce de la Rochelle, écarté le moyen tenant au non-respect de l'exigence posée par l'article L. 112-4 du code des assurances, aucune disposition à ce titre ne figure au dispositif dudit arrêt et l'assurée ne peut dès lors demander, comme soutenu par l'assureur, la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que la clause d'exclusion ne répondait pas aux conditions de forme exigées par l'article L. 112-4 du code des assurances. Il s'agit en définitive d'un moyen au soutien de la demande de l'assurée tendant à faire échec à l'application de la clause d'exclusion litigieuse, ce dont la présente cour de renvoi est précisément saisie.

Enfin, la Cour de cassation n'a pas été saisie d'un pourvoi incident tendant à voir casser le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers qui, infirmant le jugement, a débouté l'assurée de sa prétention à voir juger que la société AXA France Iard avait manqué à son devoir d'information précontractuelle et/ou à son devoir de conseil.

Toutefois, le manquement allégué à l'obligation d'information et de conseil est indivisible de l'appréciation de la validité de la clause d'exclusion, qui a fait l'objet d'une cassation partielle de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers. La demande formée de ce chef par l'assurée est donc recevable.

 

II - Sur l'application de la clause d'exclusion de l'extension de garantie :

Le tribunal a dit que l'assureur ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie, laquelle ne satisfait pas aux conditions des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances et doit être réputée non écrite. Les juges consulaires ont ainsi retenu au visa du premier de ces textes que la clause litigieuse n'est pas rédigée en caractères très apparents, ces derniers n'étant ni gras, ni soulignés alors même que l'assureur connaît l'impératif de forme puisque d'une part, dans les conditions générales, il utilise un aplat bleu clair pour attirer l'attention sur les exclusions complémentaires aux exclusions communes et d'autre part, dans ses conclusions en réponse, il intègre des encadrés avec caractères gras pour faire valoir ses propres moyens devant le tribunal. Ils ont ensuite, au visa du second texte et de l'article 1170 du code civil, considéré que la rédaction de ladite clause est contradictoire et confuse dès lors qu'elle ne différencie pas l'épidémie des autres cas cités pour lesquels la garantie est acquise (maladie contagieuse, meurtre, suicide, épidémie ou intoxication), et qu'elle rend ainsi inopérante la garantie pour la vider de son contenu dès lors qu'elle ne serait mise en œuvre qu'en cas de fermeture d'un seul établissement par département.

L'assurée approuve le tribunal de commerce en ce qu'il a dénié à l'assureur le droit de se prévaloir de la clause d'exclusion de l'extension de garantie. Elle affirme d'une part que cette clause lui est inopposable en ce qu'elle contrevient aux dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances et d'autre part qu'elle n'est pas valide en ce qu'elle ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 113-1 du même code. Elle fait valoir que :

- la clause litigieuse, certes inscrite en caractères majuscules, ne ressemble aucunement aux autres clauses d'exclusion inscrites au contrat, lesquelles sont mentionnées, dans les conditions générales, en caractères gras, dans un encadré de couleur, de manière à attirer particulièrement l'attention du lecteur sur ces exclusions ;

- la clause litigieuse ne respecte pas le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du code des assurances dès lors que les parties s'opposent sur la définition à donner au terme « épidémie », reprochant à l'assureur de l'apprécier de manière très restrictive comme n'affectant qu'un seul établissement alors qu'il s'agit de l'extension d'une maladie contagieuse à une population ou à un grand nombre d'individus ; la lecture même de la clause litigieuse qui vise l'épidémie dépend de cette notion qui est précisément sujette à interprétation ;

- la clause litigieuse ne répond pas à l'exigence de précision et de limitation en l'absence notamment de définition du terme « établissement » et eu égard à son caractère général et non spécifique ; la notion de « cause identique » est également imprécise dès lors qu'elle peut se référer à une fermeture administrative quelque soit son origine ;

- les propositions d'avenant de la part de l'assureur sont l'évident aveu de la fragilité des polices initiales tout comme d'ailleurs la récente proposition de transaction ;

- l'intention des parties lors de la souscription de la police n'a pas été de couvrir les fermetures individuelles et non collectives, comme le prétend l'assureur et observe que les risques individuels sont dans leur grande majorité couverts par les termes 'maladie contagieuse’et 'intoxication ; l'ajout du terme « épidémie » ne peut qu'avoir été motivé par l'intention des parties de couvrir un événement de grande ampleur ;

- l'application de la clause d'exclusion conduit à vider la garantie de sa substance car le principe même d'une épidémie est d'affecter une population et pas un établissement unique, et qu'il est hautement improbable qu'un seul établissement puisse être fermé pour cause d'épidémie, l'assureur étant à cet égard bien en peine de produire des exemples probants et les rares exemples fournis concernent en réalité principalement non des épidémies mais des intoxications ou des maladies contagieuses ;

- la solution retenue par la Cour de cassation dans ses arrêts du 1er décembre 2022 et suivants, dont celui ayant conduit à la saisine de la cour de renvoi, est irrationnelle et dangereuse pour les assurés ; cette jurisprudence ouvre la voie à d'importantes dérives, autorisant les assureurs à vendre des garanties tout en les privant d'effet.

L'assureur sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a jugé inapplicable la clause d'exclusion qui assortit l'extension de garantie et en ce qu'il l'a condamné à verser à son assurée des sommes provisionnelles au titre de ses pertes d'exploitation. Il fait valoir que :

- la clause d'exclusion répond au formalisme exigé par l'article L. 112-4 du code des assurances, la notion de caractère très apparent ne pouvant que s'apprécier par rapport aux autres clauses qui l'entourent, à savoir celles des conditions particulières ; la jurisprudence n'impose aucune typologie spécifique et l'appréciation par les juges du fond du respect du formalisme reste souverain ; la rédaction de la clause en lettres majuscules, en grand format et détachée des paragraphes précédents attire suffisamment l'attention du souscripteur ;

- la Cour de cassation a opéré une harmonisation de la jurisprudence par quatre arrêts du 1er décembre 2022, réitérant depuis sa solution par sept arrêts rendus le 25 mai 2023, dans cinq arrêts rendus le 15 juin 2023, un arrêt rendu le 12 octobre 2023 et un arrêt rendu le 30 mai 2024 ; la haute juridiction reconnaît ainsi de manière constante que la clause d'exclusion litigieuse est formelle et limitée au sens des dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

- la clause d'exclusion est parfaitement formelle, sa lecture ne souffrant d'aucune interprétation et l'assurée en a par ailleurs parfaitement compris la portée ; la Cour de cassation a validé le caractère formel de la clause d'exclusion au sens de l'article L113-1 du code des assurances, en jugeant que la notion d'épidémie était sans incidence sur la compréhension de ladite clause qui porte seulement sur le risque assuré à savoir la fermeture administrative « individuelle » de l'établissement et non l'épidémie ; la prétendue ambiguïté du terme « épidémie » employé au titre des conditions de garantie, n'a donc aucun impact sur le caractère formel de la clause d'exclusion ; les trois critères d'application de la clause d'exclusion (critère de nombre, critère territorial et critère causal) ne souffrent d'aucune imprécision et sont compréhensibles de tout un chacun ;

- la proposition d'avenant faite par ses soins ne remet pas en cause la clarté de la clause d'exclusion ;

- la clause d'exclusion respecte le caractère limité exigé par l'article L. 113-1 du code des assurances et ne se heurte pas à l'article 1170 du code civil en vidant de sa substance l'obligation essentielle souscrite par l'assurée, car une épidémie peut être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement ; une épidémie n'implique pas nécessairement une grande étendue géographique de l'épidémie ou un grand nombre de personnes affectées ou encore une contagion d'un individu à l'autre ; le risque de fermeture « individuelle » d'un établissement pour cause d'épidémie est une réalité juridique confirmée par les textes eux-mêmes et par les exemples fournis par ses soins dont certains sont issus de décisions de justice et de rapports émanant d'autorités sanitaires autorisées et compétentes ; en cas d'épidémie, les autorités ont le pouvoir d'adopter des mesures de fermeture administrative 'isolée ;

- la Cour de cassation a jugé d'une part que ladite clause ne laissait pas subsister qu'une garantie dérisoire mais laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à d'autres causes (épidémie, maladie contagieuse, meurtre, suicide ou intoxication) de sorte que son caractère limité doit s'apprécier par rapport à l'ensemble des causes susceptibles d'engendrer une fermeture administrative et d'autre part que le caractère limité de la clause d'exclusion doit s'apprécier par rapport à une fermeture administrative survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, c'est à dire au regard des fermetures administratives dites individuelles.

Sur ce, la cour

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l'espèce, il est acquis aux débats que les conditions d'application de l'extension de garantie perte d'exploitation stipulée dans les conditions particulières sont réunies. En effet, le jugement qui a « dit que les conditions de la garantie perte d'exploitation énoncées dans les conditions particulières par la société Axa France Iard sont remplies », confirmé de ce chef par l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 14 juin 2022, n'a pas fait l'objet d'un pourvoi. Le jugement est donc définitif sur ce point et il convient par suite de déclarer irrecevable la demande formée par l'assureur tendant à infirmer le jugement du 9 avril 2021 en ce qu'il 'dit que les conditions de la garantie perte d'exploitation énoncées dans les conditions particulières par la société Axa France Iard sont remplies'.

Il convient, pour une meilleure compréhension du litige, de rappeler les termes de cette garantie.

Le contrat conclu le 6 décembre 2019, à effet du 1er décembre 2019, pour la période comprise entre sa date d'effet et la date de première échéance principale, reconduit tacitement d'année en année à partir de chaque échéance principale, est composé des conditions générales AXA référencées n°690200 Q, et des conditions particulières Multirisque Professionnelle.

Les conditions générales auxquelles il est fait référence dans les conditions particulières, prévoient en leur article 2.1 une garantie des pertes d'exploitation qui ne contient aucune disposition susceptible de mobiliser la garantie à la suite d'une fermeture administrative, objet du présent litige.

En revanche, il est prévu une extension de garantie pertes d'exploitation à la suite d'une fermeture administrative, rédigée de la façon suivante, en pages 6 et 7 des conditions particulières, au paragraphe 'Protection financière :

« PERTE D'EXPLOITATION SUITE A FERMETURE ADMINISTRATIVE

La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

Durée et limite de la garantie

La garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés ».

Cette extension de garantie est assortie de la clause d'exclusion suivante, figurant en page 7 des conditions particulières, suivant immédiatement la présentation de la garantie :

« SONT EXCLUES

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE. »

 

- Sur le formalisme de la clause

Aux termes des dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

En l'espèce, la clause d'exclusion litigieuse est rédigée en majuscules, en caractères très apparents, dans le même paragraphe que l'extension de garantie pour perte d'exploitation, sous un intitulé rédigé en caractère gras (Protection financière), le tout bordé d'une colonne de couleur grise formant un bloc. Elle apparaît dans une typographie différente du reste de la garantie.

Ladite clause est donc clairement apparente en ce qu'elle est identifiable du reste des stipulations particulières et parfaitement lisible.

En l'absence de forme d'impression ou typographie particulière prescrite par l'article précité, la clause litigieuse satisfait ainsi au formalisme légal de ce texte.

 

- Sur le caractère formel et limité de la clause d'exclusion

Il résulte de l'article L. 113-1 alinéa 1 du code des assurances que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

En l'espèce et en premier lieu, la cour rappelle qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

La cour constate que les termes utilisés, qui ne relèvent pas du vocabulaire spécialisé de l'assurance, ne prêtent à aucun contre-sens, sont compréhensibles et dépourvus de toute équivoque.

Les trois critères d'application de la clause d'exclusion permettent à tout assuré d'en comprendre le sens et la portée ainsi qu'il suit :

* critère de nombre : la clause d'exclusion s'applique dès lors qu'il y a plus d'un établissement qui fait l'objet d'une fermeture administrative ;

* critère territorial : le nombre d'établissements fermés s'apprécie à l'échelle d'un même département ;

* critère causal : les fermetures d'établissements intervenues au sein d'un même département doivent être consécutives à une 'cause identique'.

Comme l'a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 14 mars 2024 qui concerne le présent litige, c'est le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative de l'établissement assuré, à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, qui est garanti. Dès lors, l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » est sans incidence sur la compréhension, par l'assurée, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait.

La clause litigieuse exclut la garantie dans un seul cas précis clairement déterminé, pour n'en réserver le bénéfice que dans le cas d'une fermeture administrative « individuelle » de l'établissement assuré, c'est-à-dire lorsque cet établissement est le seul établissement du département concerné par une décision de fermeture administrative motivée par l'un des 5 cas prévus.

La mention « autre établissement », « quelle que soit sa nature et son activité » permet à l'assurée de comprendre l'étendue de l'exclusion, à savoir que la fermeture de tout autre établissement, quel qu'il soit, écartera l'application de la garantie lorsque cette fermeture, dans le même département, résultera d'une cause identique.

Le critère d'application de la « cause identique » est suffisamment clair et précis pour être compris par l'assurée. En présence d'une mesure imposée par l'arrêté du 14 mars 2020, puis par le décret du 29 octobre 2020, ayant interdit l'accueil du public sur l'ensemble des commerces non essentiels à la vie de la Nation situés sur le territoire national en raison de l'épidémie de la Covid-19, cette preuve de la cause identique est rapportée par l'assureur.

Il s'évince donc de cette clause non équivoque que la garantie perte d'exploitation pour fermeture administrative totale ou partielle de l'établissement assuré, pour l'une des cinq causes prévues (maladie contagieuse, meurtre, suicide, épidémie ou intoxication) est exclue au seul et unique motif de l'existence, au jour de la décision administrative totale ou partielle de fermeture, d'au moins un autre établissement, quelle que soit son activité, dans le même département fermé administrativement pour une cause identique, a fortiori en présence d'une pandémie. Elle n'est ainsi pas de nature à créer un doute sur la portée de l'exclusion et sur l'impossibilité de mobiliser la garantie en présence d'une fermeture administrative collective.

Enfin, il importe de souligner que lors de la souscription du contrat, une épidémie du type Covid-19 n'étant jamais survenue en France, la commune intention des parties ne pouvait pas être de couvrir le risque d'une fermeture généralisée à l'ensemble du territoire. L'assurée, en sa qualité de professionnelle de la restauration, avait seulement pour but de se prémunir contre les conséquences d'un risque propre à son exploitation. Elle avait à ce titre connaissance des périls sanitaires susceptibles de survenir dans le cadre de son activité par des épidémies « localisées », et par la fermeture administrative « individuelle » de son établissement eu égard aux impératifs sanitaires inhérents à son activité et à la présence d'une clientèle dans son établissement. L'assurée n'a donc pu se méprendre sur la portée de la clause d'exclusion qui est formelle.

En second lieu, la cour rappelle qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

De même, il est de principe que le caractère limité d'une clause d'exclusion doit s'apprécier non pas en considération de ce qu'elle exclut mais en considération de ce qu'elle garantit après sa mise en œuvre.

C'est donc en considération du risque d'une fermeture administrative, et non du risque épidémique que le caractère limité de l'exclusion visant une fermeture administrative dite « collective » doit être apprécié.

L'absence de caractère limité de la clause d'exclusion ne peut pas s'analyser au seul regard de la situation épidémique de la Covid-19. En effet, la garantie couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, à la fermeture administrative en raison non seulement d'une épidémie, mais aussi d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide ou d'une intoxication. Aussi, l'exclusion considérée, laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion.

En outre, l'assureur justifie qu'une épidémie peut ne toucher qu'un seul établissement notamment en cas de salmonellose, légionellose, listériose. A ce titre, il produit aux débats le rapport de Santé Publique France de 2019 qui rapporte plusieurs centaines de TIAC (Toxi-Infections Alimentaires Collectives) déclarées par des restaurateurs mais également le cas d'un traiteur parisien fermé pour cause d'épidémie de salmonellose, d'un boucher-charcutier- traiteur à [Localité 10] fermé pour cause d'épidémie de listériose, d'un établissement franc-comtois fermé pour cause d'épidémie de listériose et d'un restaurant parisien fermé pour cause de fièvre typhoïde. Ainsi, il est exact qu'une épidémie peut parfaitement n'affecter qu'un nombre limité de personnes au sein d'une collectivité et être ainsi la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement. De plus, les dispositions de l'article L 3131-1 du code de la santé publique permettent à l'autorité administrative de prendre des mesures individuelles en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, ce qui justifie également qu'une fermeture administrative individuelle peut être ordonnée si les autorités de l'Etat estiment qu'elle est suffisante pour enrayer la propagation d'une épidémie.

L'intimée ne peut ainsi soutenir qu'une fermeture administrative individuelle causée par une épidémie ne serait pas possible.

Si la clause litigieuse limite l'application géographique de la garantie à la survenance du risque (fermeture administrative pour l'un des 5 cas prévus) dans le seul établissement de l'assurée au niveau départemental, elle ne la supprime pas.

Ainsi, la fermeture administrative « individuelle » de l'établissement assuré pour l'un des cas énoncés dans l'extension de garantie reste un événement probable correspondant à un risque aléatoire assurable et pouvant mobiliser la garantie perte d'exploitation.

En conséquence, la clause d'exclusion litigieuse, opposable à l'assurée, est bien limitée et ne prive pas la garantie de sa substance, répondant ainsi aux exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances.

L'assureur est fondé à s'en prévaloir pour refuser la garantie perte d'exploitation suite à une fermeture administrative, dans la mesure où la fermeture dont a fait l'objet son assurée, résultant de l'arrêté ministériel du 14 mars 2020 et du décret du 29 octobre 2020 a affecté d'autres établissements dans le département de la Charente Maritime.

 

- Sur la violation du principe d'espérance légitime :

L'assurée fait valoir qu'elle est privée de l'espérance légitime de voir reconnaître sa créance protégée par l'article 1 du protocole additionnel n°1 à la convention européenne des droits de l'homme. Ainsi, elle soutient que :

- la position de la Cour de cassation s'est inscrite à contre-courant de la jurisprudence les tribunaux de commerce et cours d'appel qui avaient dans leur grande majorité donné tort à l'assureur ; la solution retenue par la Cour de cassation n'avait même pas été proposée par l'assureur dans ses conclusions et ce dernier, lui-même, ne croyait pas à la solidité de la clause litigieuse, raison pour laquelle il a préféré transiger et modifier l'ensemble de ses contrats ;

- la Cour de cassation l'a privée d'une espérance légitime de voir reconnaître sa créance compte tenu de la solidité des moyens qu'elle développe, de la jurisprudence massivement défavorable à l'assureur avant l'intervention de la Cour de cassation, de la fragilité de la position retenue par celle-ci.

L'assureur considère que son assurée n'a jamais pu avoir de quelconque « espérance légitime » d'obtenir une indemnisation alors qu'aucune base suffisante en droit interne retenant que la clause d'exclusion est invalide n'a été établie et qu'aucun revirement de jurisprudence n'a eu lieu, la position de la Cour de cassation ayant toujours été constante depuis ses arrêts du 1er décembre 2022. En outre, il ajoute que l'assurée ne saurait sérieusement lui reprocher d'avoir proposé de transiger des dossiers et ce dans le but de soutenir ses assurés.

Sur ce, la cour

Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la jouissance effective d'un droit de propriété doit être regardée comme un bien au sens de l'article 1 du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme.

S'il est exact que de nombreux litiges ont opposé les assurés à leur assureur relativement à la couverture du risque pertes d'exploitation du fait de la pandémie COVID 19, ces litiges ont porté sur la validité d'une clause d'exclusion contractuelle sur laquelle la Cour de cassation ne s'était jamais prononcée afin de déterminer si cette clause répondait aux critères de validité posés par l'article L. 113-1 du code des assurances. La cour de cassation a répondu par l'affirmative et ce, de manière constante depuis ses arrêts du 1er décembre 2022, sans apporter de modification à sa lecture de l'article L113-1 du code des assurances.

Les décisions rendues par la Cour de cassation ne constituent donc pas une modification du droit positif, un revirement de jurisprudence qui auraient une incidence sur une situation juridiquement acquise. Aussi, il n'apparaît pas que l'application au cas d'espèce de la jurisprudence de la Cour de cassation porte atteinte à un intérêt patrimonial protégé au sens de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne des droits de l'homme.

 

III - Sur la demande subsidiaire indemnitaire formée au titre du manquement à l'obligation d'information et de conseil :

Le tribunal a retenu que l'assureur n'a pas respecté son obligation d'information précontractuelle dès lors qu'il a fait signer à l'assurée concomitamment la fiche d'information précontractuelle et les conditions particulières le même jour, soit le 6 décembre 2019, après la prise d'effet du contrat. Le tribunal en a déduit que l'assureur ne peut se prévaloir des conditions restrictives qu'elle a fait signer à sa cliente sans l'en avoir préalablement informée comme l'article L. 112-2 du code des assurances l'y oblige. Il a ajouté que dans ces conditions, il ne peut qu'être constaté que l'assureur a également manqué à son obligation de conseil et qu'il doit garantir son assurée au titre de la perte d'exploitation.

L'assurée conclut à la confirmation du jugement au regard du manquement de l'assureur à son obligation d'information et de conseil qui fonde son droit à indemnisation au titre de la perte de chance. Elle fait valoir que :

- la fiche d'information préalable n'a pas été signée préalablement à la conclusion du contrat ;

- l'assureur devait spécifiquement attirer son attention sur les limites de la garantie « perte d'exploitation » dont elle pensait qu'elle couvrait tous les cas où un événement extérieur génère l'arrêt ou une baisse de son activité ; elle n'a pas été correctement informée sur l'étendue exacte de sa garantie ;

- le tableau des garanties figurant aux conditions particulières n'indique pas les exclusions de sorte que l'assuré souscrit un contrat qu'il pense protecteur pour ensuite se voir opposer un refus ; la rédaction même du contrat trahit donc ce manquement au devoir d'information et de conseil ;

- ce manquement intervient dès la phase précontractuelle puisque les documents précontractuels ne comportent aucune distinction ou précision sur la portée de la garantie 'perte d'exploitation', l'assuré étant simplement interrogé sur sa volonté d'être assuré en cas 'd'arrêt de l'activité’et peut donc très légitimement s'estimer couvert dans cette hypothèse ;

- dès lors qu'elle a entendu se couvrir pour ses pertes d'exploitation, il existe nécessairement une perte de chance résultant du défaut d'information dès lors que, correctement informée, elle aurait pu constater le champ très peu étendu de la garantie et chercher à être mieux couverte.

L'assureur, qui conclut à l'infirmation du jugement sur ce point, fait valoir qu'il a parfaitement respecté ses obligations et que le préjudice allégué par l'intimée, qui consisterait en une perte de chance de souscrire une garantie plus favorable, est inexistant. Il expose ainsi que :

- il a parfaitement respecté ses obligations dans la mesure où il a adressé à l'assurée une fiche d'information préalable qu'elle a signée ;

- en application de l'article L 521-4 du code des assurances et de la jurisprudence qui fixe l'étendue et les limites de l'obligation de conseil de l'intermédiaire en assurance par rapport à la clarté des informations reçues par l'assuré, le distributeur n'a pas à intervenir lorsqu'à la simple lecture de la police ou de l'avenant qu'il signe, l'assuré est en mesure de connaître les conditions précises du contrat ;

- la Cour de cassation reconnaît que la signature des conditions particulières contenant la clause d'exclusion par l'assuré, avant le sinistre, démontre que celui-ci en a connaissance et qu'il l'a acceptée ;

- le fait que la date de prise d'effet du contrat soit antérieure à la date de signature ne saurait exercer une quelconque influence sur l'analyse du respect de l'assureur de son devoir d'information et de conseil, dans la mesure où les parties peuvent parfaitement décider d'octroyer un effet rétroactif à leur contrat conformément au principe de liberté contractuelle ;

- l'assurée avait tout loisir de poser des questions et faire des demandes concernant la garantie perte d'exploitation ;

- sa responsabilité ne peut être retenue dans la mesure où le rejet des demandes principales de l'assuré implique nécessairement une absence d'ambiguïté sur la portée de la clause d'exclusion, étant rappelé que la compréhension et l'application de ladite clause ne repose pas sur le sens, quel qu'il soit, qui pourrait être donné au terme 'épidémie ;

- en présence d'un risque inédit, telles que les conséquences du Covid-19 qui est à l'origine d'un état d'urgence sanitaire nationale qui a conduit à un confinement général jamais connu, il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir attiré l'attention de son assurée sur l'absence de garantie d'un tel risque.

Sur ce, la cour

Aux termes de l'article L112-2 du code des assurances, l'assureur est tenu de remettre à l'assuré, avant la conclusion du contrat, un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l'assuré.

Il est de principe que l'assureur satisfait à son obligation d'information précontractuelle en remettant au souscripteur préalablement à la signature du contrat un exemplaire des conditions générales lorsque celles-ci sont suffisamment claires et précises et que leur seule lecture permet de connaître les conditions précises du contrat. Ainsi, l'assureur n'a pas à attirer l'attention de l'assuré sur une clause claire prévoyant un cas d'exclusion de la garantie souscrite.

En l'espèce, l'assureur produit la fiche d'information préalable à la proposition de signature du contrat, remise à l'assurée et signée par cette dernière le 6 décembre 2019 et établie par l'agent sur la base des besoins et exigences qu'elle a exprimés.

Il est tout aussi établi que le même jour, l'assurée a signé les conditions particulières du contrat, distinctes de la fiche d'information précitée.

En premier lieu, c'est très exactement que l'assureur relève que l'article L. 112-2 impose seulement que l'assuré soit informé des conditions essentielles du contrat avant la signature de celui-ci sans instituer de délai à respecter entre la remise de la notice et cette signature.

Aussi, la concomitance des signatures de la notice précontractuelle et du contrat d'assurance n'altère pas la régularité de l'information délivrée par l'assureur à son assurée, laquelle ne discute pas qu'elle a pu prendre un délai pour étudier cette notice avant de signer le contrat.

En outre, le fait que la date de prise d'effet du contrat soit antérieure à la date de signature du document d'information précontractuelle est sans incidence sur l'appréciation du respect de l'assureur de son devoir d'information dès lors que ce sont les parties elles-mêmes qui ont convenu de donner un effet rétroactif au contrat d'assurance.

En second lieu, la fiche d'information signée par l'assurée mentionne que cette dernière 'reconnaît qu'au cours des échanges avec mon agent général, j'ai exposé ma situation personnelle et communiqué les éléments nécessaires à l'établissement d'une proposition d'assurance en cohérence avec mes besoins et exigences'.

Aux termes du questionnaire de déclaration du risque préalable à la souscription du contrat d'assurance, l'intimée a indiqué vouloir se protéger contre les pertes d'exploitation et pertes de revenus.

Or, d'une part, le contrat souscrit répond à ces besoins puisque l'assurée bénéficiait de la garantie correspondante.

D'autre part, comme déjà indiqué par la cour, les stipulations du contrat afférentes à la garantie pertes d'exploitation sont claires et facilement compréhensibles par une lecture simplement attentive, de laquelle il ne peut qu'être déduit que le risque lié à la survenance d'une épidémie ou d'une pandémie n'était pas couvert.

La circonstance que la notion de fermeture collective ne fasse pas l'objet d'un signalement spécifique évoquée dans la clause d'exclusion, ne caractérise nullement un manquement de l'assureur à son devoir de conseil comme le prétend l'intimée, la clarté de la clause précitée devant s'entendre dans le seul contexte d'une perte d'exploitation individuelle telle que constatée ci-dessus et ne nécessitant pas la précision redondante d'une absence de garantie de perte d'exploitation en cas de fermeture collective. En limitant la garantie au seul risque individuel, le risque collectif était nécessairement exclu, sans qu'il faille de plus amples conseils ou explications au bénéfice de l'assurée.

En outre, cette dernière n'allègue ni ne démontre avoir manifesté son intention d'être garantie dans un tel cas (épidémie ou pandémie) et il ne peut être reproché à l'assureur en décembre 2019, lorsque l'avenant au contrat d'assurance a été conclu, de ne pas avoir attiré l'attention de l'intéressée sur le risque de survenue d'une épidémie mondiale telle que la covid-19, qui a présenté un caractère totalement inédit, et qui n'était du reste pris en compte à cette époque par aucune compagnie d'assurances.

Enfin et au regard des développements qui précèdent, la clause d'exclusion litigieuse, formelle et limitée, n'anéantissait pas la couverture du risque que l'assurée avait souhaité couvrir (les pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative pour de multiples causes, et non pas seulement la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative pour cause d'épidémie.)

Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que la société Axa n'a pas manqué à son devoir de conseil et d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de la Rochelle de ce chef.

* * *

De ce qui précède, la clause d'exclusion étant valable au regard des critères exposés ci-avant, le jugement du tribunal de commerce sera ainsi infirmé en ce qu'il a :

- dit que l'assureur ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion,

- dit fondées partiellement les demandes de l'assurée et lui a fait droit en partie,

- condamné l'assureur à verser à son assurée, à titre de provision, les sommes suivantes:

- 63.500 euros au titre du premier confinement,

- 64.500 euros au titre du second confinement, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement,

- ordonné une expertise aux fins d'estimation des pertes d'exploitation subies par l'assurée.

L'assurée sera déboutée de sa demande tendant à juger que la garantie perte d'exploitation pour fermeture à raison d'une épidémie ou d'une maladie contagieuse lui est acquise et de celle subséquente de condamnation de l'assureur à l'indemniser. La demande formée par l'assurée devant la présente cour tendant à ordonner un complément d'expertise pour la détermination des pertes d'exploitation subies au-delà du 31 janvier 2021 et jusqu'au 30 juin 2021 sera également rejetée.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'assureur tendant à annuler la mesure d'expertise ordonnée par le tribunal de commerce dans la mesure où le jugement qui a notamment ordonné cette mesure d'instruction, est réformé de ce chef.

Par ailleurs, le présent arrêt infirmatif constituant un titre ouvre droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement infirmé de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'assureur de restitution des sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 9 avril 2021.

 

IV- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Par application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée.

Au regard de la solution donnée au litige, il convient d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et de mettre ceux-ci ainsi que ceux afférents aux deux instance d'appel, à la charge de la partie perdante, la société le Café du Parc.

Il convient également d'infirmer la décision de première instance en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'assurée à payer à l'assureur la somme de 4.000 euros en application de ce texte sans que cette dernière puisse prétendre en bénéficier.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

DECLARE irrecevables les demandes présentées par la société Café du Parc visant à :

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie 'perte d'exploitation suite à arrêté de péril’n'est pas applicable,

- juger que la garantie 'perte d'exploitation suite à arrêté de péril’lui est acquise pour les périodes suivantes :

* du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique,

* du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxièmes et troisièmes vagues épidémiques ;

- condamner la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de la résistance abusive,

DECLARE recevable la demande indemnitaire subsidiaire présentée par la société Café du Parc sur le fondement de l'obligation d'information et de conseil,

DECLARE irrecevable la demande formée par la SA Axa France Iard tendant à infirmer le jugement du 9 avril 2021 en ce qu'il 'dit que les conditions de la garantie perte d'exploitation énoncées dans les conditions particulières par la société Axa France Iard sont remplies',

INFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement du tribunal de commerce de la Rochelle du 9 avril 2021 en ce qu'il a :

- dit que la société Axa France Iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion,

- dit que la société Axa France Iard a manqué à son obligation de conseil,

- dit fondées partiellement les demandes de la société Café du Parc et lui a fait droit en partie,

- condamné la société Axa France Iard à verser à la société Café du Parc, à titre de provision, les sommes suivantes :

- 63.500 euros au titre du premier confinement,

- 64.500 euros au titre du second confinement, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement,

- ordonné une expertise selon mission telle que précisée au jugement,

- condamné la société Axa France Iard à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la clause d'exclusion qui assortit l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est applicable,

DEBOUTE la société Le Café du Parc de sa demande indemnitaire formée à l'encontre de la SA Axa France Iard, au titre de la garantie relative aux pertes d'exploitation et au titre d'un manquement au devoir d'information et de conseil,

DEBOUTE la société Le Café du Parc de sa demande visant à ordonner un complément d'expertise,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de la SA Axa France Iard tendant à annuler l'expertise ordonnée aux termes du jugement du tribunal de commerce de la Rochelle du 9 avril 2021 et à obtenir la restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au même jugement,

CONDAMNE la société Le Café du Parc à payer à la SA Axa France Iard la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société Le Café du Parc de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Le Café du Parc aux dépens de première instance et à ceux des deux instances d'appel.

LE GREFFIER                                P/LA PRESIDENTE, empêchée

T. DA CUNHA                                 I. GANDAIS