CA GRENOBLE (ch. com.), 5 juin 2025
- T. com. Grenoble, 26 juillet 2023 : RG n° 2023JC1433
CERCLAB - DOCUMENT N° 24043
CA GRENOBLE (ch. com.), 5 juin 2025 : RG n° 23/02932
Publication : Judilibre
Extrait : « En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Enfin, l'article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, la demande en nullité de la clause relative à l'indemnité de résiliation soulevée par la société Etablissement Pélissard et par la Selarl AJ Partenaires, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise S., qui n'a pas été formulée devant le juge commissaire, ni dans les premières conclusions des intimées mais uniquement dans leurs dernières écritures, est irrecevable comme nouvelle en appel. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 5 JUIN 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/02932. N° Portalis DBVM-V-B7H-L5SI. Appel d'une décision (RG n° 2023JC1433), rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 26 juillet 2023, suivant déclaration d'appel du 2 août 2023.
APPELANTE :
SA BPIFRANCE (anciennement dénommée BPIFRANCE FINANCEMENT)
au capital de XXX euros, immatriculée au RCS de Créteil sous le n° YYY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 3], [Localité 8], représentée par Maître Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Maître Jacques TORIEL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Maître W., pris ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société S.
de nationalité Française, [Adresse 7], [Localité 5], représenté par Maître Philippe LAURENT de la SELARL LEXWAY AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
SELARL AJ PARTENAIRES
représentée par Maître J. ès qualité d'administrateur judiciaire de l'entreprise S., [Adresse 1], [Localité 4],
SAS ENTREPRISE S.
agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 6], représentés et plaidant par Maître Alain GONDOUIN, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre, M. Lionel BRUNO, Conseiller, Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
DÉBATS : A l'audience publique du 11 avril 2025, Mme FAIVRE, conseillère, qui a fait rapport assistée de Alice RICHET, greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et Me GONDOUIN en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon acte sous seing privé du 9 juin 2017, BpiFrance a conclu avec la société Entreprise S. un contrat n°CTR0162455 portant sur un Bull Komatsu type D61TXI-24.
A ce titre, un financement de 260.000 euros HT, soit 312.000 euros TTC a été consenti à la société Entreprise S. en contrepartie du règlement par le crédit-preneur de 84 loyers mensuels d'un montant de 3.190,18 euros HT, à l'issue desquels elle avait la possibilité de se porter acquéreur du matériel en levant l'option d'achat in fine, moyennant le paiement d'un prix égal à 1% HT du prix d'achat du matériel.
La société Entreprise S. a par la suite bénéficié d'une suspension d'exigibilité de ses loyers pendant 6 mois en raison de la crise sanitaire de COVID-19 selon avenant en date du 20 juillet 2020.
Le contrat a également fait l'objet d'un avenant n° 2 en date du 1er avril 2022, portant la durée du contrat de 84 à 96 mois.
Selon jugement du 2 novembre 2022, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé le redressement judiciaire de la société Entreprise S., désignant la société AJ Partenaires en qualité d'administrateur et Maître W. en qualité de mandataire judiciaire.
Selon courrier en date du 21 décembre 2022, la société Bpifrance a déclaré sa créance au titre du contrat de crédit-bail mobilier n° CTR0162455 pour un montant de 3.965,52 euros au titre des loyers impayés antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, outre à titre informatif une créance à naître de loyers postérieurs de 141.089,46 euros.
Selon courrier en date du 21 décembre 2022, la société Bpifrance a également mis en demeure l'administrateur judiciaire de se prononcer sur la poursuite dudit contrat.
Selon courrier en date du 19 décembre 2022, réceptionné le 20 décembre 2022, la Selarl AJ Partenaires a notifié à la société BPI Finance la résiliation de six contrats de crédit-bail dont le contrat de crédit-bail CTR0162455 portant sur un Bull Komatsu type D61TXI-2, à effet au 1er janvier 2023.
Le 17 janvier 2023, la société Bpifrance a régularisé une déclaration de créance rectificative d'un montant de 3.965,52 euros au titre des loyers impayés antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, outre à titre informatif une créance à naître de loyers postérieurs de 7.089,87 euros et une créance d'indemnité de résiliation de 133.999,59 euros.
Le matériel objet du contrat de crédit-bail a été restitué à la société Bpifrance et cédé par cette dernière pour un montant de 100.000 euros HT, soit 120.000 euros TTC, le paiement étant intervenu le 13 mars 2023.
Par courrier du 10 février 2023, Me W., ès-qualité de mandataire judiciaire a demandé à la société BpiFrance de lui faire parvenir une déclaration de créance rectificative déduction faite du prix de revente et a proposé le rejet de la créance déclarée.
La société Bpifrance a, selon courrier en date du 5 avril 2023, notifiée une troisième déclaration de créance rectificative, afin de déduire le prix de revente des sommes précédemment déclarées. Les sommes déclarées au titre de l'indemnité de résiliation ont ainsi été réduites à 35.439,59 euros.
Selon jugement en date du 3 mai 2024, le tribunal de commerce de Grenoble a homologué le plan de redressement par voie de continuation de la société Entreprise S. et a désigné la Selarl Administrateur Judiciaires Partenaires, représentée par Maître [Z] J. en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par ordonnance du 26 juillet 2023, le juge commissaire du tribunal de commerce de Grenoble a :
- rejeté la créance indemnitaire déclarée par BPI France,
- prononcé l'admission de sa créance au passif de la procédure collective de la société entreprise S. pour la somme de 3.965,52 euros à titre chirographaire au titre des loyers échus impayés au jour du jugement d'ouverture,
- alloué les dépens et frais privilégiés.
Par déclaration du 2 août 2023, la société Bpifrance a interjeté appel de cette ordonnance.
[*]
Prétentions et moyens de la société BpiFrance :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 30 octobre 2024, la société BPI France demande à la cour au visa des articles L.622-24, L.622-17, R.622-21, L.622-13 du code de commerce et des articles 1171 et 1231-5 du code civil de :
- dire et juger la société Bpifrance recevable en l'ensemble de ses demandes, fin et conclusions,
- débouter Maître W., ès qualité de mandataire judiciaire de la société Entreprise S., de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la société Entreprise S. et Maître J., ès qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise S., de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Grenoble, en date du 26 juillet 2023, enregistrée sous le numéro RG 2023JC01433, en ce qu'il a admis la somme de 3.965,52 euros correspondant aux impayés antérieurs au jugement déclaratif,
- infirmer l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Grenoble, en date du 26 juillet 2023, enregistrée sous le numéro RG 2023JC01433, en ce qu'il a rejeté la créance d'indemnité de résiliation d'un montant de 35.439,59 euros,
En conséquence,
- ordonner l'admission de la créance de la société Bpifrance, à titre chirographaire au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Entreprise S. :
*à hauteur de la somme de 3.965,52 euros au titre des impayés antérieurs au jugement déclaratif afférents au contrat de crédit-bail mobilier n°CTR0162455,
*à hauteur de la somme de 35.439,59 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail mobilier n°CTR0162455,
- condamner in solidum la société Entreprise S., Maître J., ès-qualité, et Maître W., ès qualité, à payer à la société Bpifrance la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société Entreprise S., Maître J., ès-qualité, et Maître W., ès qualité, aux entiers dépens.
Pour contester l'obligation d'attraire le commissaire à l'exécution du plan à la procédure, elle fait valoir que :
- le commissaire à l'exécution du plan n'a pas vocation à être mise en cause dès lors qu'il ne participe pas à la procédure de vérification des créances qui relève de la seule intervention du mandataire judiciaire qui demeure en fonction jusqu'à l'aboutissement de cette procédure,
- seul le mandataire judiciaire est tenu de s'assurer de l'existence et du montant des créances déclarées, puis à en établir la liste en vue de leur admission ou de leur rejet par le juge commissaire,
- il s'agit d'une mission classique du mandataire judiciaire consistant à agir dans l'intérêt collectif des créanciers.
Pour justifier de la recevabilité de ses demandes, la société Bpifrance expose que le moyen de la société Pélissard et de la Selarl AJ Partenaires selon lequel le fait qu'elle entend fonder son indemnisation uniquement sur l'article L.622-13 du code de commerce et non plus sur les stipulations contractuelles, dénature les termes du litige, entraînant l'irrecevabilité de sa demande comme nouvelle, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile est parfaitement erroné alors qu'elle s'est toujours prévalue de la validité de la créance d'indemnité de résiliation déclarée sur le fondement de l'article L.622-13-V du code de commerce et que ses demandes qui consistent en une admission de sa créance n'ont pas été modifiées.
Au soutien de sa demande d'irrecevabilité de la demande en nullité de la clause relative à l'indemnité de résiliation soulevée par la société Etablissement Pélissard et par la Selarl AJ partenaires, elle fait valoir que cette demande est nouvelle en appel puisqu'elle n'a pas été soutenue devant le juge commissaire et qu'elle ne figure pas dans les premières conclusions des intimées mais uniquement dans les dernières conclusions de la société Entreprise S..
Pour justifier du bien-fondé de la déclaration de la créance relative aux impayés antérieurs au jugement déclaratif, elle expose que :
- à la suite de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Entreprise S., elle a déclaré sa créance au titre du contrat de crédit-bail mobilier n°CTR0162455, au titre des loyers impayés au jour du jugement déclaratif, pour un montant de 3.965,52 euros,
- Maître W., ès-qualité, a contesté l'admission de cette créance, sans pour autant apporter la moindre justification, alors que cette créance a été déclarée en application des dispositions de l'article L.622-24 alinéa 1 du code de commerce et c'est d'ailleurs en ce sens que le juge commissaire a statué, ordonnant l'admission de la somme de 3.965,52 euros au titre des loyers impayés à l'ouverture de la procédure,
- les intimés considèrent qu'elle aurait reconnu que sa créance, éligible aux dispositions de l'article L.622-17-1 du code de commerce n'aurait pas été déclarée, mais cet argument est de pure opportunité dans la mesure où ces créances n'ont pas vocation à être déclarées et a fortiori admises au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre du Crédit-Preneur dès lors qu'elles doivent être réglées à leur échéance,
- les intimés soutiennent qu'elle ne justifie pas des créances qu'elle aurait déclarées au titre de l'article L.622-24 du code de commerce au moyen de factures alors que ces montants ont été justifiés par des factures, déjà adressées à la société Entreprise S.,
- de manière surabondante, les loyers de crédit-bail sont justifiés dans leur principe et leur quantum par le contrat versé aux débats et le tableau d'amortissement sans qu'il ne soit besoin de produire des factures.
Pour justifier de l'absence de déclaration des sommes éligibles aux dispositions de l'article L.622-17 du code de commerce, elle rappelle que :
- en application de ce texte, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance,
- ainsi les créanciers sont tenus de déclarer leurs créances nées antérieurement au jugement déclaratif, tandis que les créances nées postérieurement audit jugement sont réglées à leur échéance, si toutefois les conditions visées à l'article L.622-17-1 du code de commerce sont réunies,
- le caractère antérieur de la créance déclarée est déterminé par la date du fait générateur de la créance, peu importe que la créance soit exigible ou non au jour du jugement déclaratif et dans un contrat de crédit-bail, le fait générateur est l'utilisation du bien de sorte que le crédit-bailleur doit déclarer la créance échue uniquement, les sommes exigibles postérieurement au jugement déclaratif étant éligibles aux dispositions de l'article L.622-17-1 du code de commerce, si elles réunissent les conditions visées audit article,
- à la suite de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Entreprise S., elle a déclaré sa créance au titre du contrat de crédit-bail mobilier n°CTR0162455 et a indiqué, à titre informatif, sans que cette démarche ne vaille déclaration de créance, les montants exigibles postérieurement au jugement déclaratif, et éligibles aux dispositions de l'article L.622-17-1 du code de commerce, à savoir la somme de 7.089,87 euros,
- ainsi, contrairement à ce qu'affirme la société Entreprise S. et l'administrateur judiciaire, il ne s'agit pas d'une renonciation à cette déclaration de créance, puisqu'aucune créance n'avait initialement été déclarée à ce titre.
Pour contester l'irrecevabilité de ses déclarations de créance tirée de ce qu'aucun document juridique ne permet d'indiquer qu'il y aurait eu un pouvoir de signature, elle fait valoir que ce moyen est inopérant, alors qu'elle a annexé aux déclarations de créance un pouvoir de signature.
Pour s'opposer à la forclusion de sa déclaration de créance du 17 janvier 2023 elle expose que :
- cette déclaration rectificative fait suite à la mise en demeure de l'administrateur judiciaire de la société Entreprise S. d'avoir à se prononcer sur la poursuite ou non du contrat de crédit-bail, lequel l'a informée selon courrier en date du 19 décembre 2022, de sa volonté de résilier le contrat, à effet du 1er janvier 2023, de sorte que le contrat de crédit-bail s'est trouvé résilié à compter de cette date et qu'elle a déclaré la créance résultant de cette résiliation,
- le moyen tiré de l'absence de validité de la lettre de mise en demeure adressée à l'administrateur judiciaire motif pris de ce qu'elle ne mentionnerait pas l'intention du créancier de se prévaloir d'une clause indemnitaire est inopérant, alors que le créancier n'a nullement l'obligation d'informer l'administrateur judiciaire qu'il compte se prévaloir d'une quelconque clause indemnitaire puisque l'article L.622-13 du code de commerce, définissant la procédure devant conduire les organes de la procédure à se prononcer sur la poursuite éventuelle d'un contrat en cours, est vierge de toute exigence à ce titre,
- il est parfaitement classique en matière de crédit-bail que le crédit-bailleur déclare une indemnité de résiliation après résiliation du contrat par l'administrateur judiciaire de la société débitrice,
- en tout état de cause, elle ne s'est pas prévalue de la clause d'indemnité de résiliation insérée dans le contrat, puisqu'elle a déclaré sa créance d'indemnité de résiliation sur le fondement légal de l'article L.622-13-V du code de commerce, de sorte que le moyen tiré de l'absence de validité de la clause d'indemnité de résiliation est inopérant,
- quand bien même la mise en demeure qu'elle a adressée à l'administrateur judiciaire ne serait pas valable, ce qui est vivement contesté, la résiliation du contrat de crédit-bail n'en serait pas moins effective, dès lors qu'elle résulte de la position prise en ce sens par Maître J., ès-qualités, dans son courrier du 19 décembre 2022,
- la déclaration de la créance d'indemnité de résiliation est parfaitement valable, quand bien même serait-elle régularisée après le délai de deux mois visé à l'article L. 622-24 du code de commerce, dès lors qu'elle intervient dans le délai d'un mois à compter de la résiliation du contrat, et ce conformément aux dispositions de l'article R.622-21 du code de commerce, lequel, en cas de résiliation du contrat par l'administrateur judiciaire, dans les conditions de l'article L.622-13 du même code, prévoit un délai supplémentaire d'un mois pour déclarer la créance d'indemnité de résiliation,
- la jurisprudence permet au créancier de déclarer une créance d'indemnité de résiliation après l'expiration du délai d'un mois visé à l'article R.622-21, à condition toutefois que cette déclaration intervienne dans le délai de deux mois à compter de la publication au BODACC du jugement d'ouverture, en vertu des dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce (Cass, Com, 26 mars 2013, n°11-21.060),
- le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Entreprise S. a été publié au BODACC le 13 novembre 2022, de sorte qu'elle disposait d'un délai expirant le 13 janvier 2023 pour déclarer sa créance et elle a régularisé une première déclaration de créance le 21 décembre 2022, soit dans le délai légal qui lui était imparti, puis par la suite, l'administrateur judiciaire a, selon courrier en date du 19 décembre 2022, réceptionné le 20 décembre suivant, résilié le contrat de crédit-bail à effet du 1er janvier 2023 de telle sorte qu'en application des dispositions de l'article R.622-21 du code de commerce, elle disposait d'un délai expirant le 1er février 2023 pour déclarer sa créance d'indemnité de résiliation et qu'elle a régularisé une déclaration de créance rectificative selon courrier en date du 17 janvier 2023, soit dans le délai qui lui était légalement imparti pour ce faire.
Pour justifier de la validité de sa déclaration de créance du 17 janvier 2023, elle fait valoir que le principe d'égalité de traitement des créanciers applicable en matière de procédure collective, qui prohibe les clauses ayant pour conséquence de rendre les obligations du débiteur plus onéreuses n'a pas à s'appliquer s'agissant de la déclaration de l'indemnité de résiliation suite à la décision de l'administrateur judiciaire de ne pas poursuivre le contrat alors que cette possibilité est expressément prévue par l'article R.622-21 alinéa du code de commerce et que l'article L.622-13-V du même code permet au créancier de déclarer les éventuels dommages et intérêts résultant de la résiliation du contrat par l'administrateur judiciaire.
Pour justifier de sa réponse dans le délai de 30 jours prévu par les articles L.622-27 et R. 624-1 du code de commerce, à la contestation de la créance déclarée elle fait valoir que par courrier en date du 10 février 2023, Maître W., ès-qualité de mandataire judiciaire de la société Entreprise S., a contesté en totalité la créance déclarée, qu'elle a réceptionné ce courrier le 15 février 2023, de telle sorte qu'elle était tenue d'y répondre au plus tard le 17 mars 2023 et qu'elle y a répondu par courrier du 23 février 2023 à Maître W., lequel courrier a été réceptionné par le mandataire judiciaire le 6 mars 2023, tel que le prouve l'accusé de réception.
Pour justifier de ce que sa déclaration de créance tient compte du fait que le matériel a été revendu, elle expose que selon courrier en date du 21 décembre 2022, elle a régularisé une première déclaration de créance, que suite à la résiliation du contrat par l'administrateur judiciaire, selon courrier en date du 19 décembre 2022 elle a régularisé une déclaration de créance rectificative par courrier en date du 17 janvier 2023, afin de déclarer l'indemnité de résiliation, conformément aux dispositions des articles L. 622-24 alinéa 6 et R. 622-21 du code de commerce et que par la suite, le matériel a été revendu à un tiers, de telle sorte que, conformément aux dispositions contractuelles, et plus précisément l'article 12.5 des conditions générales du contrat), elle a déduit le prix de revente du montant de l'indemnité de résiliation.
Pour justifier des sommes déclarées au titre de l'indemnité de résiliation minorée du prix de revente du matériel, elle précise que :
- le matériel a été revendu pour un montant de 100.000 euros HT et qu'elle y a ajouté un montant de 1.440 euros TTC correspondant à des frais qu'elle a réglés au titre de ladite revente et ce conformément à l'article 12.5 du contrat de crédit-bail qui stipule que :« en cas de revente de l'équipement, le prix obtenu ne pouvant faire l'objet d'aucune contestation de la part du crédit-preneur, les sommes Hors Taxes effectivement perçues de l'acquéreur seront affectées au paiement des sommes dues au titre du présent article [i.e. «Résiliation du Contrat »], sous déduction de tous frais de réparation, conservation, transport, garage et autres que le crédit-bailleur devra payer à des tiers »,
- ces frais sont bien à la charge de la société débitrice alors que la jurisprudence considère de manière constante que les clauses contractuelles régissant la restitution d'un bien sont opposables aux organes de la procédure, même après option de non-continuation du contrat (Cass, Com, 18 septembre 2007, n°06-13.824) et qu'en l'espèce, l'article 12.5 susvisé prévoit explicitement la déduction des frais de revente du prix de revente,
-le contrat étant résilié, et étant seule propriétaire du matériel, elle n'avait pas à informer ou demander une quelconque autorisation aux organes de la procédure ou au débiteur pour le céder, dès lors que le crédit-preneur n'avait plus aucun droit sur le matériel,
- il est faux d'affirmer qu'elle aurait revendu le matériel litigieux à « vil prix » alors que ce prix a été obtenu dans le cadre d'une vente permettant précisément d'en tirer le meilleur prix, à l'issue des enchères organisées par un officier ministériel indépendant.
Pour justifier de la validité de la déclaration de créance comportant l'indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail, elle expose que :
- c'est à tort que le juge commissaire a retenu que les dommages et intérêts résultant de la résiliation du contrat sur le fondement de l'article L.622-13 du code de commerce doivent être expressément prévus par le contrat, alors que :
- ce faisant il conditionne l'application de dispositions légales à leur insertion dans un contrat,
- un créancier peut parfaitement déclarer une créance d'indemnité de résiliation quand bien même le contrat ne prévoirait pas expressément le cas d'une résiliation résultant de la décision de l'administrateur judiciaire de mettre fin au contrat dans les conditions de l'article L.622-13 du code de commerce,
- dans ce cas, le créancier est alors réputé avoir déclaré sa créance d'indemnité de résiliation sur le fondement de l'article L.622-13-V du code de commerce, s'il justifie toutefois de son préjudice,
- la jurisprudence a statué en ce sens (Cass, Com, 16 juin 2004, n°01-11.356), considérant que dès lors que la déclaration de créance d'indemnité de résiliation ne visait pas les dispositions contractuelles, le créancier était réputé avoir régularisé sa déclaration de créance d'indemnité de résiliation non pas sur un fondement contractuel, mais sur un fondement légal, à savoir l'article L.641-11-1 du code de commerce (correspondant à l'article L.622-13 en matière de liquidation judiciaire),
- dans un arrêt du 28 septembre 2023 la cour d'appel de Lyon (28 septembre 2023, RG 22/02390) a retenu que la notion d'indemnité de résiliation ne saurait relever exclusivement des cas de résiliation en application de stipulations contractuelles, sauf à priver les parties d'indemnisation dans un cas de résiliation légale et qu'en conséquence, la créance d'indemnité de résiliation résultant d'une résiliation du contrat par l'administrateur judiciaire en vertu des dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce est parfaitement valable, quand bien même elle ne serait pas expressément prévue par le contrat, dès lors qu'elle est fondée sur l'article L.622-13-V du code de commerce,
- la jurisprudence retient qu'en revanche, il est parfaitement possible d'appliquer les dispositions contractuelles relatives aux modalités de calcul de l'indemnité de résiliation, déclarée en vertu des dispositions légales (Cour d'appel de Lyon, 28 septembre 2023, RG 22/02390 ; Cour d'appel de Paris, 27 janvier 2015, RG 13/24781).
[*]
Prétentions et moyens de Me W., ès-qualité de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société Entreprise S.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 21 mars 2024, Me W., ès-qualité de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société Entreprise S. demande à la cour au visa de l'article L.622-13 du code de commerce et des articles 1231-5 et 1304-2 du code civil de :
A titre principal,
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- rejeter la créance déclarée par BPI France,
A titre subsidiaire,
- constater que l'indemnité de résiliation contractuellement convenue s'analyse en une clause pénale,
- en ramener le montant à l'euro symbolique,
- ordonner l'admission de la créance de la société BPI France à titre chirographaire au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Entreprise S. à hauteur de la somme d'un euro symbolique au titre du contrat de crédit-bail mobilier numéro CTR0162455,
- statuer sur les dépens comme en matière de procédure collective.
Au soutien de sa demande principale en rejet de la créance, il expose que :
- selon l'article 12.1 des conditions générales du contrat de crédit-bail « le contrat de crédit-bail pourra être résilié par le crédit-bailleur 8 jours après une notification faite au crédit preneur par lettre recommandée AR sans qu'il soit besoin d'aucune autre formalité judiciaire en cas de non-respect à l'échéance d'un seul terme de loyers, même partiel ou en cas de non-respect par le crédit preneur d'une seule des obligations mises à sa charge aux conditions générales ou particulières de la location, notamment dans l'hypothèse où la garantie ne pourrait être valablement conférée ou recueillie ou dans les cas expressément définis par la loi.
Le contrat pourra également faire l'objet d'une résiliation dans les cas suivants :
- décès du crédit-preneur,
- cessation d'activité ou d'exploitation,
-cession du fonds de commerce,
- fusion, scission, dissolution,
- cession, transfert ou toute autre mise à disposition sans l'accord préalable du crédit bailleur».
- l'article 12.2 stipule « qu'en cas de résiliation à l'exception du cas prévu à l'article 10 al 5, le crédit preneur devra restituer immédiatement l'équipement au crédit bailleur... lui verser le montant des loyers échus et impayés et de tous les accessoires et à titre d'indemnité à raison du préjudice subi une somme égale à la totalité des loyers hors taxes restant à échoir à la date de résiliation augmentée de la valeur de résiliation indiquée aux conditions particulières ».
- il sera précisé, au vu de ce qui précède, que l'indemnité contractuelle n'est applicable que dans l'hypothèse de la résiliation du contrat à l'initiative du crédit bailleur, soit pour :
- défaut d'exécution par le crédit preneur d'une seule de ses obligations,
- décès du crédit preneur,
- cessation d'activité du crédit preneur,
- cession de son fonds de commerce,
- fusion, scission, dissolution,
- cession de l'actionnariat du crédit preneur.
- en aucun cas, le règlement d'une indemnité de résiliation n'est prévu en cas de résiliation du contrat, soit à l'initiative du crédit preneur, soit des organes de sa procédure collective.
Au soutien de sa demande subsidiaire, elle expose qu'il résulte des articles 11-1 à 11-5 du contrat que l'indemnité déclarée au passif, qualifiée de résiliation aux conditions générales est en réalité une clause pénale, dès lors que :
- au-delà de la stricte indemnisation du préjudice subi par le crédit bailleur, elle présente les caractéristiques d'une clause sanctionnant la résiliation du contrat à l'initiative du preneur,
- ainsi, en est-il des stipulations de l'article 11-3 aux termes duquel «l'indemnité portera intérêts aux taux des avances sur titre de la banque de France applicable aux entreprises habilitées à traiter des opérations sur le marché monétaire majoré de 500 points de base sans que ce taux puisse être inférieur au taux légal en vigueur, en application de laquelle le crédit bailleur se garantit en toutes hypothèses l'attribution d'un taux d'intérêt déterminable à l'avance sans qu'il puisse, en toutes hypothèses, être inférieur au taux légal »,
- article 11-3 stipule in fine que « la pénalité sera majorée de toute taxe éventuellement applicable », mention qui démontre bien l'intention sanctionnatrice de la défaillance du crédit preneur, de l'application de cette clause,
- l'article 11-4, stipule que « le crédit preneur étant seul propriétaire, il pourra rendre le bien sans qu'il soit nécessaire de soumettre le prix obtenu à l'agrément du crédit preneur défaillant », ce qui démontre qu'en cas de résiliation anticipée du contrat par le crédit preneur, le crédit bailleur se réserve la possibilité de vendre ou ne pas vendre le matériel, et ce n'est que dans l'hypothèse de sa revente que l'indemnité de résiliation en est amputée de la valeur, rien n'empêchant, en l'absence de vente, le crédit bailleur après récupération du bien financé, de le louer à nouveau et ainsi de percevoir immédiatement de nouveaux loyers alors même que le crédit preneur est tenu de les régler sous forme « d'indemnité » jusqu'à l'issue théorique du contrat, offrant ainsi, par cette stipulation singulièrement sanctionnatrice, au crédit bailleur, au gré de sa fantaisie, la possibilité de percevoir double loyer jusqu'à l'issue théorique du contrat résilié,
- l'article 11-5 est encore révélateur de l'intention sanctionnatrice de la clause qui, dans l'hypothèse de la revente de l'équipement, le prix obtenu par le crédit bailleur ne pourra faire l'objet d'aucune contestation de la part du crédit preneur,
- la société BPI France ne justifie pas par la production de ses pièces de ce que son préjudice correspond à la somme arithmétique des loyers dus jusqu'au terme du contrat dès lors qu'elle avait la possibilité soit, de relouer le bien, soit de le conserver par-devers elle,
- l'ensemble des clauses sus-analysées ne constitue pas une indemnité de résiliation, mais tout au plus une clause pénale nécessairement réductible,
- l'estimation faite du préjudice par BpiFrance se base sur l'application de stipulations frappées de nullité, car léonine.
[*]
Prétentions et moyens de la société Entreprise S. et la Selarl AJ Partenaires, représentée par Maître J. es-qualité d'administrateur judiciaire de l'Entreprise S. :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 7 janvier 2025, la société Entreprise S. et la Selarl AJ Partenaires, représentée par Maître J. es-qualité d'administrateur judiciaire de l'Entreprise S., demande à la cour au visa des articles L.622-13, L631-14, L.622-17, L.622-24 alinéa 1 er, L.622-17-1, L.622-2 du code de commerce et des articles 1231-5, 1304-2 ancien et 1174 du code civil de :
- confirmer l'ordonnance du juge commissaire de rejet de la déclaration de créances,
- juger qu'il n'y a pas lieu à admission des indemnités de résiliation puisque la clause de résiliation des contrats de la société BpiFrance ne visait pas expressément les dispositions des résiliations par les administrateurs judiciaires conformément au dispositif légal de l'article L.622-13 de code de commerce et que dès lors les demandes d'admission ne peuvent qu'être rejetées intégralement,
- juger, vu l'absence de toute stipulation dans les clauses de résiliation de la possibilité de faire état des indemnités de résiliation au cas où l'administrateur judiciaire décide la non-continuation du contrat, qu'il ne peut pas y avoir, cette hypothèse contractuelle n'ayant jamais été expressément prévue, la moindre indemnité de résiliation qui soit due, débouter la société BpiFrance de sa demande,
- débouter en conséquence la société BpiFrance de l'intégralité de ses demandes d'admission,
- rejeter la déclaration de créances au visa de la jurisprudence de la Cour de cassation, la confirmation de cette ordonnance de rejet s'impose et la société BpiFrance sera déboutée de l'intégralité de ses demandes d'admission vu les articles L.622-13, L.631-14 du code de commerce et 1103 du code civil ensemble conformément à la jurisprudence de 2019 et du 29 juin 2022,
- débouter la société BpiFrance de sa demande d'admission tant en la forme qu'au fond et annuler et dire non écrites les clauses de résiliation insuffisantes légalement et mises en 'uvre en toute mauvaise foi sans contradictoire à l'encontre de la société S.,
- juger qu'il n'y a pas lieu à admission des créances,
- juger irrecevables et mal fondées toutes les demandes d'admission comme étant tardives, manifestement abusives et devant être à tout le moins réduites à 1 euros symboliques conformément à la jurisprudence constante et aux précédentes conclusions déposées ci-dessous récapitulées,
- déclarer forcloses les déclarations de créances rectificatives et juger qu'il y a eu une faute de la société BpiFrance qui a bradé le matériel sans rechercher une valorisation effective,
- juger en conséquence totalement abusives et irrecevables en la forme les déclarations de créances complémentaires qui ne sont pas fondées contractuellement,
- juger que les moyens développés par l'Entreprise S. et son administrateur judiciaire sur les nouveaux moyens de contestations devant le juge commissaire étaient parfaitement fondés,
- confirmer en conséquence les décisions de rejet des indemnités de résiliation,
- juger nulles, sans justification de la qualité du signataire et tardives les déclarations de créances, en conséquence les rejeter conformément aux dispositions du code de commerce précitées et notamment aux dispositions propres de l'article L.622-21 alinéa du code de commerce, L.622-13 et L.622-17 du code de commerce puisqu'à l'origine les indemnités de résiliation n'ont jamais été déclarées et que dès lors le délai complémentaire d'un mois ne pouvait pas être ouvert faute de déclaration de créance initiale sur les indemnités de résiliation,
- juger non écrites les clauses pénales puisque la société BpiFrance ne joint pas les tableaux d'amortissement comptable du matériel, et qu'elle ne peut dès lors pas déterminer quelle serait l'exactitude au surplus d'un prétendu préjudice qu'elle aurait elle-même généré,
- débouter la société BpiFrance de toutes ses demandes d'admission et juger conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du code civil qu'elles sont purement léonines puisqu'est nulle toute obligation contractée sous la condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur,
- confirmer l'ordonnance de Madame la juge commissaire au redressement judiciaire de la Société Entreprise S. et le rejet des « déclarations » de créances de la société BpiFrance,
- juger tardives les déclarations de créances, les déclarer forcloses puisque effectuées après le 13 janvier 2023,
- juger vu la publication au BODACC du 13 novembre 2022 du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'Entreprise S. (sic),
- juger vu l'insuffisance et l'absence totale de déclaration de créance sur une prétendue indemnité de résiliation (sic),
- déclarer forclose la déclaration de créance tardive effectuée,
- déclarer forclose la déclaration de créance comme tardive puisqu'effectuée concernant l'indemnité de résiliation dont le principe n'avait jamais été antérieurement déclaré postérieurement au délai de deux mois après la publication au BODACC,
- dire en conséquence forclose la déclaration de créance,
- juger vu l'ordonnance de Madame le juge Commissaire et sa parfaite motivation, qu'il y a lieu de la confirmer par adoption de motifs,
- juger irrecevable et mal fondé l'appel adverse,
- juger vu l'article L.621-40 du code de commerce la règle de l'arrêt des poursuites individuelles,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée, aucune clause de résiliation ne visant la résiliation faite par l'administrateur judiciaire,
- rejeter la déclaration de créance de la société BpiFrance au titre des indemnités de « rupture »,
- juger vu le caractère irrégulier et incomplet de la déclaration de créance d'origine qui ne faisant mention d'aucune indemnité possible de résiliation et d'aucune liquidation de celle-ci, ni des modalités de calcul de celle-ci, vu les contestations régulières du mandataire judiciaire, déclarer forclose la société BpiFrance conformément aux dispositions de l'article R.622-21 alinéa 2 du code de commerce, aucune déclaration suffisante de créance initiale n'ayant été effectuée conformément aux dispositions de l'article R.622-24 du code de commerce,
- juger vu l'article 564 du code de procédure civile que les demandes de la société BpiFrance sont nouvelles en appel concernant d'éventuels dommages et intérêts non déclarés et par tant irrecevables,
- déclarer irrecevables les nouvelles prétentions comme nouvelles en appel de la société BpiFrance tendant à voir fixer une indemnité sur un fondement quasi-délictuel en réparation d'un prétendu préjudice dont elle n'administre en pratique aucune preuve, aucune faute n'ayant été commise par l'administrateur judiciaire qui a régulièrement résilié, conformément à la loi, ladite convention de crédit-bail, voir par exemple pour le rejet de telles indemnités arrêt du 21 octobre 2020 n° 19-12-292,
- juger vu l'arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2019, régissant le principe du rejet de la déclaration de créance en l'absence de stipulation contractuelle,
- juger que les résiliations faites par l'administrateur judiciaire conformément à l'article L.622-13 du code de commerce et à la demande de la société BpiFrance ne peuvent pas donner lieu à des dommages et intérêts dont le préjudice n'est pas démontré,
- juger vu les dispositions d'ordre public de l'article L.622-13-5 du code de commerce que la clause de résiliation ne peut pas s'appliquer et est abusive car elle aggrave les charges financières du débiteur,
- juger vu le défaut d'acceptation expresse des conditions générales par la société S., des clauses de résiliation les conditions générales n'étant pas signées et ne comportant aucune modalité contractuelle, en cas de résiliation fondée sur l'article L.622-13 du code de commerce,
- rejeter l'admission de créance de la société BpiFrance à titre chirographaire au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Entreprise S. :
- à hauteur de la somme de 3.965,52 euros au titre des impayés antérieurs au jugement déclaratif afférents au contrat de crédit-bail mobilier n° CTR0162455,
- à hauteur de la somme de 35.439,59 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail mobilier n°CTR0162455 aucun justificatif réel comptable n'étant fourni sur l'amortissement ou le prix réel d'achat HT,
- vu au surplus que ces conditions générales ne permettent pas de s'opposer à la résiliation faite par l'administrateur judiciaire, et que dès lors aucune créance d'indemnité ne peut être générée et juger une telle clause abusive et en écarter l'application,
- rejeter de ce premier chef, conformément à ses compétences juridictionnelles, l'intégralité des déclarations de créance de la société BpiFrance au titre des contrats régulièrement résiliés par l'administrateur judiciaire qui ne peuvent générer aucune indemnité de résiliation, et dire nulles les déclarations de créances,
Subsidiairement,
- constater le caractère manifestement abusif au sens des articles 1231-5 et 1171 du code civil, et le caractère manifestement disproportionné et abusif de ces clauses pénales qui doivent manifestement être réduites conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du code civil à 1 euro symbolique,
- juger en l'état de ce qu'il est prouvé que le matériel a été dûment restitué et a été vendu aux enchères publiques par Maître [M] et qu'en conséquence il ne saurait y avoir lieu à une quelconque indemnité de résiliation non stipulée pour l'intégralité de ces matériels vendus dont au surplus la société BpiFrance n'a pas correctement décompté les prix de vente ni les frais, ce qui conduit de plus fort au rejet de la créance non sérieusement justifiée, rejeter la déclaration de créance comme non fondée et non justifiée subsidiairement,
En conséquence
- réduire à 1 euros symbolique la clause manifestement excessive selon l'article 1231-5 du code civil voir jurisprudence sur la clause pénale qui impose sa réduction,
- juger vu l'article 1231-5 du code civil, que les clauses et demandes de la société BpiFrance non déclarées sont totalement abusives et doivent être réduites à 1 euros,
- limiter les clauses pénales à 1 euro symbolique en l'état de ce constat et ramener les déclarations de créance à 1 euro symbolique,
- constater par ailleurs que concernant les contrats de crédits-baux poursuivis, le crédit-bailleur indique qu'il n'y a pas lieu à déclaration de créance,
- sur l'appel incident de la Société S. et de Maître J. AJ Partenaires es-qualités,
- réformer la décision en ce qu'elle n'a pas alloué l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile à l'Entreprise S. et la société d'administrateur judiciaire AJ Partenaires,
- condamner la société BpiFrance à payer ensemble à l'Entreprise S. et la société administrateur judiciaire AJ Partenaires la somme de 6.000 euros soit 3.000 euros pour les frais de représentation en première instance et de 3 000 euros pour les frais de représentation en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leur demande de nullité de la déclaration de créance pour indemnité de rupture, la société Entreprise S. et la Selarl AJ Partenaires, représentée par Me J., ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise S., font valoir qu'aucune pièce ne permet d'établir qui avait le pouvoir de signer la déclaration de créance.
Au soutien de leur demande d'irrecevabilité de la demande indemnitaire de la société BpiFrance au titre de l'indemnité de rupture du contrat de crédit-bail, elles font valoir que cette demande est nouvelle en appel, dès lors qu'en première instance, il était demandé l'application de la clause du contrat fixant une indemnité de résiliation et en appel, l'appelante fonde sa demande sur l'article L.622-13 du code de commerce et non plus sur le fondement des stipulations contractuelles.
Au soutien de leur demande de forclusion de la déclaration de créance au titre de l'indemnité de résiliation, elles exposent que si la résiliation du contrat intervient à l'intérieur du délai de droit commun de deux mois, l'éventuel délai supplémentaire d'un mois prévu par l'article R.622-21 du code de commerce ne s'applique pas. Elles estiment qu'en l'espèce, le jugement de redressement judiciaire de la société Entreprise S. a été publié au Bodacc le 13 novembre 2022, de sorte que le délai de deux mois pour déclarer les créances expirait le 13 janvier 2023 et que, la résiliation du contrat de crédit-bail étant intervenue le 19 décembre 2023, soit à l'intérieur du délai de deux mois, il appartenait à la société BpiFrance de faire une déclaration de créance au titre de l'indemnité de résiliation dans ce délai de deux mois, ce qui n'a pas été le cas.
Au soutien de leur demande de rejet de la déclaration de créance au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail, elles se prévalent de la jurisprudence de la Cour de cassation du 15 mai 2019 n°19-14.352 et font valoir que le juge commissaire a parfaitement motivé sa décision au visa de cet arrêt en rappelant que les clauses indemnitaires sont d'interprétation stricte de sorte que les dommages et intérêts résultant de la résiliation du contrat de crédit-bail ne peuvent être obtenus sur le fondement de l'article L.622-13 du code de commerce que s'ils sont expressément prévus au contrat, de sorte que si le contrat ne prévoit pas l'hypothèse de résiliation de plein droit du contrat résultant de la non continuation d'un contrat en cours par l'administrateur judiciaire sur le fondement de ce texte, aucune créance de résiliation ne peut être admise.
Au soutien de leur demande subsidiaire visant à déclarer abusive la clause de résiliation figurant au contrat de crédit-bail, elles exposent que cette clause revient à payer plus cher sans avoir le matériel et ajoute au caractère onéreux du contrat, ce qui est prohibé.
[*]
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 11 avril 2025 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 5 juin 2025.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir «constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des «demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Sur l'irrecevabilité de la demande en nullité de la clause relative à l'indemnité de résiliation :
En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Enfin, l'article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, la demande en nullité de la clause relative à l'indemnité de résiliation soulevée par la société Etablissement Pélissard et par la Selarl AJ Partenaires, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise S., qui n'a pas été formulée devant le juge commissaire, ni dans les premières conclusions des intimées mais uniquement dans leurs dernières écritures, est irrecevable comme nouvelle en appel.
Sur l'irrecevabilité de la demande d'admission de la créance au titre de l'indemnité de résiliation :
Conformément à l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
En l'espèce, la demande de la société BpiFrance d'admission de sa créance d'indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail a déjà été formulée en première instance devant le juge commissaire de sorte qu'elle n'est pas nouvelle en appel, le fait que l'appelante soutienne désormais que sa demande est fondée sur l'article L.622-13 du code de commerce et non pas sur les stipulations contractuelles, constituant seulement un moyen nouveau recevable conformément aux dispositions précitées. Le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société Etablissement Pélissard et la Selarl AJ Partenaires, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise S. ne peut donc prospérer.
Sur la forclusion de la déclaration de créance rectificative relative à l'indemnité de résiliation :
En application de l'article R.622-21 du code de commerce, les cocontractants mentionnés aux articles L.622-13 et L.622-14 bénéficient d'un délai d'un mois à compter de la date de la résiliation de plein droit ou de la notification de la décision prononçant la résiliation pour déclarer au passif la créance résultant de cette résiliation. Il en est de même des créanciers d'indemnités et pénalités mentionnées au 2° du III de l'article L.622-17 en cas de résiliation d'un contrat régulièrement poursuivi.
Il résulte de la combinaison les articles L.622-24, L.622-26, L.641-3 et L.641-12 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et les articles R.622-21, alinéa 2, R.622-24 et R.641-25 du même code que n'encourt pas de forclusion le bailleur qui, dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, a déclaré une créance résultant de la résiliation du bail décidée par le liquidateur en application de l'article L.641-12 du code de commerce, peu important que ce délai ait expiré postérieurement à celui imparti par l'article R. 622-21, alinéa 2, du même code (Cass., Com., 26 mars 2013, pourvoi n° 12-18.99).
En cas de résiliation anticipée du bail en cours par le liquidateur, le bailleur n'est donc pas forclos à déclarer la créance de dommages-intérêts résultant de cette résiliation après l'expiration du délai d'un mois à compter de la date de résiliation de plein droit ou de la notification de la décision prononçant la résiliation, imparti par le 2e alinéa de l'article R. 622-21 du code de commerce, mais avant celle du délai de droit commun de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc de déclaration des créance.
De même, n'est pas forclos le cocontractant mentionné à l'article L.622-13 du code de commerce qui a déclaré une créance d'indemnité de résiliation du contrat, fût-elle éventuelle, avant que le délai prévu par l'article R.622-21, alinéa 2, du même code, applicable à la déclaration d'une telle indemnité, n'ait commencé à courir (Com. 5 nov. 2013, n° 12-20.263).
Ainsi, dès lors que la déclaration du cocontractant est effectuée dans le délai de deux mois du BODACC, peu importe que celle-ci intervienne alors que le délai d'un mois est déjà expiré, ou, à l'inverse, alors que ce délai d'un mois n'a pas encore commencé à courir.
En l'espèce, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Entreprise S. a été publié au Bodacc le 13 novembre 2022 et selon courrier en date du 21 décembre 2022, la société Bpifrance a déclaré sa créance au titre du contrat de crédit-bail mobilier n° CTR0162455 pour un montant de 141.089,46 euros.
Selon courrier en date du 19 décembre 2022, réceptionné le 20 décembre 2022, l'administrateur judiciaire a notifié à la société Bpifrance la résiliation du contrat de crédit-bail mobilier n° CTR0162455, à effet au 1er janvier 2023 et la société Bpifrance a régularisé le 17 janvier 2023 une déclaration de créance rectificative d'un montant de 3.965,52 euros au titre des loyers impayés antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, et une créance d'indemnité de résiliation de 133.999,59 euros.
Par courrier du 10 février 2023, Me W., ès-qualité de mandataire judicaire a demandé à la société BpiFrance de lui faire parvenir une déclaration de créance rectificative déduction faite du prix de revente du matériel et selon courrier en date du 5 avril 2023, la société BpiFrance lui a notifiée une troisième déclaration de créance rectificative, afin de déduire le prix de revente des sommes précédemment déclarées, ramenant le montant de la déclaration au titre de l'indemnité de résiliation à 35.439,59 euros.
Il résulte de ces éléments que la société BpiFrance, bailleresse, a déclaré le 17 janvier 2023 une créance résultant de la résiliation du bail décidé par Me W., ès-qualités, avec effet au 1er janvier 2023, soit dans le délai d'un mois à compter du 20 décembre 2022, date de la notification de la décision de résiliation, de sorte qu'il importe peu, contrairement à ce que soutiennent les intimés, que la partie de déclaration de créance relative à l'indemnité de résiliation ne soit pas intervenue dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc, aucune des dispositions légales précitées et des solutions jurisprudentielles dégagées en application de ces textes, n'enfermant le délai d'un mois de l'article R.622-21, alinéa 2 dans le délai de deux mois de l'article L. 622-24 alinéa 1er du code de commerce. Le moyen de forclusion doit ainsi être écarté.
Sur la nullité de la déclaration de créance au titre de l'indemnité de résiliation pour défaut de justification de la qualité du signataire :
La société BpiFrance verse aux débats la délégation de pouvoir accordée le 15 juin 2022 à Mme [C] [B] aux fins d'exercer toutes actions judiciaires pour la SCI BpiFrance et y défendre, de sorte que la déclaration de créance d'indemnité de résiliation du 17 janvier 2023, rectifiée le 5 avril 2023, signée par Mme [C] [B] n'encoure aucune nullité pour défaut de pouvoir du signataire. Il convient donc de débouter la société Etablissement Pélissard et de la Selarl AJ Partenaires, ès-qualités de cette demande de nullité, le défaut de pouvoir du signataire n'étant pas démontré.
Sur le bien fondé de la déclaration de créance au titre de la créance relative aux impayés antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective :
Conformément à l'article L.622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, toutes les créances antérieures au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans les délais fixés par décret en conseil d'état.
Par ailleurs, selon l'article L.622-17-1 du même code, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
En l'espèce, outre que le moyen tiré de la violation de l'article L.622-24 précité du fait de l'absence de déclaration de créance au titre de l'article L.622-17-1 du même code, développé dans les conclusions n°2 de la société Entreprise S. et de la Selarl AJ Partenaires, ès-qualités, ne sont pas expressément reprises dans leurs dernières écritures n°3, ce moyen est en tout état de cause inopérant, alors que ces dispositions régissent pour la première les créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective et pour les secondes les créances postérieures qui n'ont pas à être déclarées.
En tout état de cause, la société BpiFrance qui justifie de la facture de loyers pour la période du 30 septembre 2022 au 30 octobre 2022, laquelle est corroborée par le contrat de crédit-bail et l'échéancier de paiement également versés en procédure, est bien fondée à solliciter l'admission de sa créance à hauteur de 3.965,52 euros au titre des loyers impayés antérieurs au jugement d'ouverture, dont elle justifie parfaitement. Il convient donc de confirmer l'ordonnance déférée sur ce point.
Sur le bien-fondé de la déclaration de créance rectificative relative à l'indemnité de résiliation :
L'article L.622-13 du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L.631-14 du même code
I. Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut
d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.
II. L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant.» S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
III. Le contrat en cours est résilié de plein droit:
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;
2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.
IV. A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
V. Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.
En outre selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon le premier de ces textes, si la décision de l'administrateur judiciaire de mettre fin à un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, lorsqu'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant, peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit du cocontractant, il résulte du deuxième, que leur montant ne peut être déterminé en application des clauses du contrat qu'autant que celles-ci l'auront expressément prévu pour le cas de résiliation en cause (Cass., Com, 15 mai 2019, n°18-14.352 ; Cass, com, 29 juin 2022, n°21-11.674).
En l'espèce, le 17 janvier 2023, la société BpiFrance a déclaré au passif de la société Etablissement S. une créance au titre d'une indemnité de résiliation de 133.999,59 euros, rectifiée le 5 avril 2023 à la somme de 35.439,59 euros.
A ce titre, si comme le soutient justement la société BpiFrance, elle peut déclarer une créance d'indemnisation quand bien même le contrat ne prévoit pas expressément le cas d'une résiliation résultant de la décision de l'administrateur judiciaire de mettre fin au contrat dans les conditions de l'article L.622-13 du code de commerce, en revanche, il résulte des dispositions précitées telles qu'interprétées et appliquées par la Cour de cassation, que contrairement à ce qu'elle soutient encore, il n'est possible d'appliquer les modalités de calcul de l'indemnité de résiliation contractuelle
à la détermination des modalités de calcul de l'indemnité de résiliation déclarée en vertu des dispositions légales qu'à la condition que les clauses du contrat prévoient l'hypothèse d'une résiliation décidée par l'administrateur judiciaire.
Or, il ressort des termes de la déclaration de créance du 17 janvier 2023, rectifiée le 5 avril 2023, que la somme déclarée par la société BpiFrance au titre d'une indemnité de résiliation se décompose ainsi qu'il suit :
- loyer TTC du 30 décembre 2022,
- 29 loyers TTC du 30 janvier 2023 au 30 mai 2023,
- 6 loyers TTC suspendus Covid du 30 juin 2015 au 30 novembre 2025,
- option d'achat TTC au 30 décembre 2025,
- déduction du prix de revente du matériel HT.
Il en résulte que le préjudice ainsi déclaré par la société BpiFrance est expressément calculé par référence et par application de l'article 12 du contrat de crédit-bail régularisé avec la société Etablissement S. lequel dispose en effet ainsi qu'il suit dans son alinéa 12.2 : « en cas de résiliation à l'exception du cas prévu à l'article 10 alinéa 5, (en cas de sinistre total ou de vol), le crédit preneur devra restituer immédiatement l'équipement au crédit bailleur dans les conditions de l'article 14 et lui verser le montant des loyers échus et impayés et de tous leurs accessoires et, à titre d'indemnité de résiliation, en raison du préjudice, subi une somme égale à la totalité des loyers hors-taxes, restant à échoir à la date de résiliation, augmenté de la valeur résiduelle, (option d'achat) indiqué aux conditions particulières » et en son alinéa 12.5 que « en cas de revente de l'équipement, le prix obtenu ne pourra faire l'objet d'aucune contestation de la part du crédit preneur, les sommes hors-taxes effectivement perçue de l'acquéreur seront affectées au paiement des sommes dues au titre du présent article sous déduction de tout frais de réparation, conservation, transport, garage et autres, que le crédit-bailleur bailleur devrait payer à des tiers ». Au demeurant, la société BpiFrance, qui détaille dans ses écritures le montant réclamé en se prévalant des dispositions de l'article 12 du contrat le reconnaît ainsi expressément.
Or, l'alinéa 12.1 du contrat de crédit-bail stipule que « le contrat de crédit-bail pourra être résilié de plein droit par le crédit bailleur huit jours après une notification faite au crédit preneur par lettre recommandée avec accusé de réception, sans qu'il ne soit besoin d'aucune autre formalité judiciaire en cas de non-paiement à échéance d'un seul terme de loyer, même partiel, ou en cas de non-respect par le crédit preneur d'une seule des obligations mise à sa charge aux conditions générales ou particulières de la location ou dans les cas, expressément défini par la loi. Le contrat pourra également faire l'objet d'une résiliation dans l'un des cas susvisés :
- cessation d'activité ou d'exploitation,
- cessation du fonds de commerce,
- fusion, scission, dissolution,
- cession, transfert ou tout autre mise à disposition sans l'accord préalable du crédit-bailleur, de tout ou partie des actions parts ou droits de vote de la société crédit-preneur ou de l'une de ses filiales ».
Il en résulte que l'article 12.1 du contrat de crédit-bail ne vise que l'hypothèse d'une résiliation de ce contrat décidée par le bailleur et non celle d'une résiliation décidée par l'administrateur judiciaire du crédit-preneur, de sorte que la société BpiFrance n'est pas fondée à évaluer et déterminer son préjudice réclamé sur le fondement de l'article L.622-13 précité du code de commerce, par application de l'article 12. 2 et 12.5 du contrat de crédit-bail.
En conséquence, la société BpiFrance qui se réfère uniquement à la clause contractuelle d'indemnité de résiliation pour le calcul de son préjudice, ne justifie pas de la réalité de celui-ci. Il convient donc de confirmer l'ordonnance déférée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :
Les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective. Il convient également de condamner la société BpiFrance à payer à la société Entreprise S. et à la Selarl AJ Partenaires, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise S. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d'appel. Il y a également lieu de débouter la société BpiFrance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare irrecevable comme nouvelle en appel la demande de la société Entreprise S. et de la Selarl AJ Partenaires, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise S., en nullité de la clause relative à l'indemnité de résiliation,
Déclare recevable la demande d'admission de la créance de la société BpiFrance au titre de l'indemnité de résiliation,
Déboute la société Entreprise S. et la Selarl AJ Partenaires, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise S. de leur demande en nullité de la déclaration de créance de la société BpiFrance au titre de l'indemnité de résiliation,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Ajoutant,
Condamne la société BpiFrance à payer à la société Entreprise S. et la Selarl AJ Partenaires, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société Entreprise S. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d'appel,
Déboute la société BpiFrance de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective.
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente