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TJ PARIS (9e ch. 2e sect.), 27 juin 2025

Nature : Décision
Titre : TJ PARIS (9e ch. 2e sect.), 27 juin 2025
Pays : France
Juridiction : T.jud. Paris
Demande : 24/06424
Date : 27/06/2025
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 2/05/2025
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24104

TJ PARIS (9e ch. 2e sect.), 27 juin 2025 : RG n° 24/06424

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Dans son arrêt du 26 janvier 2022, n° 20-16.782, la chambre commerciale de la Cour de cassation énonce : « 5. Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation. »

Au cas particulier, il est constant que Madame X. a la qualité de consommateur au sens de l'article 1er du code de la consommation, eu égard au contrat de prêt la liant au Crédit Lyonnais.

Par suite, la défenderesse ne peut se prévaloir tout à la fois des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation et de celles de l'article de l'article 1171 du code civil pour quereller la clause de déchéance du terme en litige. En effet, en vertu de la règle specialia generalibus derogant, seul doit s'appliquer dans le présent litige le régime des clauses abusives prévu dans le code de la consommation.

2/ « Ceci étant précisé, en application de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Au cas particulier, l'article 5.1 des conditions générales du prêt litigieux stipule : « LCL aura la faculté de rendre exigibles par anticipation, toutes les sommes dues au titre du prêt, tant en principal qu'en intérêts et accessoires, dans l'un quelconque des cas suivants : […] - inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt, résultant de manœuvres frauduleuses imputables à l'un et/ou l'autre des Emprunteurs, portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l'octroi du prêt … ». Il sera relevé que cette clause permet au Crédit Lyonnais de prononcer la résiliation du contrat en cas de fourniture par l'emprunteur de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l'octroi de prêt.

A cet égard, le Crédit Lyonnais produit aux débats notamment les pièces suivantes reçues de Madame X. préalablement à l'octroi du prêt : […]. Il est constant que ces éléments, portant tout à la fois sur l'identité de Madame X., la nature et la consistance de son patrimoine et de ses revenus, ont permis au Crédit Lyonnais d'apprécier sa solvabilité avant l'octroi du prêt.

La résiliation anticipée prononcée sur le fondement du caractère inexact et mensonger de ces éléments sanctionne l'obligation de l'emprunteur de contracter de bonne foi au moment de la souscription de l'emprunt. La clause prévoyant pareille résiliation ne prive en rien Madame X. d'avoir recours à un juge pour contester son application à son égard. En outre, cette clause a été mise en œuvre après un préavis de 30 jours laissé à Madame X. pour s'expliquer sur la teneur des documents ainsi produits. Madame X. n'apporte pas la preuve d'avoir mis à profit ce délai pour fournir au Crédit Lyonnais les explications sollicitées, ne démontrant pas davantage avoir fourni ces explications entre l'épuisement du délai, intervenu le 19 mai 2023 et la déchéance du terme du prêt prononcée le 12 septembre 2023. Par ailleurs, il n'est ni allégué, ni établi par Madame X. qu'elle ait saisi un juge pour contester la régularité de cette résiliation, ayant attendu la présente procédure initiée contre elle pour régler le solde de son emprunt, après résiliation, pour se prévaloir du caractère abusif de la clause résolutoire en litige.

Par suite, la clause de résiliation anticipée figurant à l'article 5 du contrat de prêt litigieux n'a pas créé de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

NEUVIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

ARRÊT DU 27 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/06424. N° Portalis 352J-W-B7I-C4OZR. Assignation du : 2 mai 2024.

 

DEMANDERESSE :

SA LE CRÉDIT LYONNAIS

[Adresse 1], [Localité 2], représentée par Maître Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0010

 

DÉFENDERESSE :

Madame X.

[Adresse 6], [Localité 4] / [pays], représentée par Maître William HABA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0220

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Gilles MALFRE, 1er Vice-Président adjoint, Augustin BOUJEKA, Vice-Président, Monsieur Alexandre PARASTATIDIS, Juge, assistés de Diane FARIN, Greffière.

DÉBATS : A l’audience du 23 mai 2025 tenue en audience publique devant, Augustin BOUJEKA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 27 juin 2025.

JUGEMENT : Rendu publiquement par mise à disposition au greffe, Contradictoire, En premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon offre acceptée le 17 février 2021, la société anonyme Le Crédit Lyonnais a consenti à Madame X. un prêt immobilier « solution projet immo à taux fixe », d'un montant de 208.609,29 euros, d'une durée de 25 ans, remboursable mensuellement, au taux fixe de 1,56 % l'an, au taux effectif global de 2,25 % l'an, destiné au financement de l'acquisition d'un appartement à usage de résidence principale situé à [Localité 3].

Par courrier électronique du 22 août 2022, la société Caisse d'Epargne de Normandie a indiqué au Crédit Lyonnais que les relevés de compte produits par Madame X. lors de la demande de ce prêt immobilier étaient « entièrement faux ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 avril 2023, le Crédit Lyonnais a demandé à Madame X. de lui fournir des explications, dans un délai de 30 jours, sur les renseignements ou justificatifs inexacts ayant accompagné la demande de prêt, faute de quoi elle prononcerait la déchéance du terme de ce crédit en application de l'article 5 des conditions générales du contrat.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mai 2023, le Crédit Lyonnais a notifié à Madame X. la fin des relations commerciales entre les deux parties avec clôture des comptes de sa cliente ouverts dans ses livres, après un préavis de 2 mois.

Par une autre lettre recommandée en date du 12 septembre 2023, le Crédit Lyonnais a notifié à Madame X. la déchéance du terme du prêt, en l'absence de réponse satisfaisante à la demande d'explications du 19 avril 2023, avec mise en demeure de régler, dès réception, le capital restant dû, l'indemnité de résiliation de 7 % et les intérêts au taux conventionnel, soit la somme totale de 205.525,58 euros.

C'est dans ce contexte que par acte du 2 mai 2024, signifié selon les voies internationales, le Crédit Lyonnais a fait assigner Madame X. pour demander à ce tribunal, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, de :

« - CONDAMNER Madame X. à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 205.078,34 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de 1,56 % sur la somme de 190.928,61 € à compter du 7 décembre 2023 jusqu'à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 13.445,60 € à compter de la même date jusqu'à parfait paiement,

- CONDAMNER Madame X., à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- RAPPELER que l'exécution provisoire de la décision est de droit conformément à l'article 514 du Code de procédure civile, nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie. »

Par jugement réputé contradictoire en date du 13 décembre 2024, le tribunal de céans a :

- Déclaré irrégulière en l'état l'assignation faite par la société anonyme Le Crédit Lyonnais le 2 mai 2024 à Madame X. à [Localité 4] ;

- Renvoyé l'affaire à l'audience de la 2ème section de la 9ème chambre de ce tribunal du vendredi 28 mars 2025 à 9h30, la société anonyme Le Crédit Lyonnais devant avoir justifié avant cette date des diligences prévues à l'article 5 de la Convention du 9 septembre 1991 ;

- Réservé les dépens.

La clôture a été prononcée le 28 mars 2025, l'affaire étant appelée à l'audience du 23 mai 2025 et mise en délibéré au 27 juin 2025.

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la révocation de clôture :

Par écritures signifiées le 8 mai 2025, réitérées en dernier lieu le 20 mai 2025, Madame X. demande à ce tribunal, au visa des articles 1104, 1231-1 et 1343-5, l'ancien article 1152 du code civil, l'article liminaire du code de la consommation, les articles L. 212-1, L. 218-2, L. 312-16 et L. 341-2 du code de la consommation, de :

« DÉCLARER recevable et bien-fondé Madame X. en ses demandes ;

À titre liminaire,

RÉVOQUER l'ordonnance de clôture de la mise en état ;

À titre principal,

JUGER que Madame X. est un consommateur ou un profane ;

JUGER que la clause de déchéance du terme inscrite au contrat de prêt du 17 février 2021 crée un déséquilibre significatif au détriment de Madame X. ;

JUGER que la clause de déchéance du terme inscrite au contrat de prêt du 17 février 2021 est abusive ;

JUGER réputée non écrite la clause de déchéance du terme inscrite au contrat de prêt du 17 Février 2021 ;

JUGER que Madame X. est de bonne foi ;

JUGER nulle et de nul effet l'assignation délivrée à Madame X. en l'absence d'une déchéance du terme ;

En conséquence,

DÉBOUTER la société Le Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes de paiement à l'encontre de Madame X. au titre un prêt immobilier prêt n°50014739L39Q11AH du 17 Février 2021 ;

ORDONNER la reprise du prêt selon les échéances convenues dans le contrat de prêt ;

À plus titre subsidiaire,

JUGER que le prêteur de deniers ne justifie pas de la consultation du fichier national des incidents de remboursement de crédits aux particuliers, ni de la satisfaction à l'obligation d'information précontractuelle à l'égard de Madame X. ;

En conséquence,

DÉCHOIR le prêteur de deniers du droit à l'intégralité des intérêts, frais et accessoires ainsi que de l'indemnité contractuelle au titre prêt immobilier prêt n°50014739L39Q11AH du 17 Février 2021 ;

CANTONNER la créance de la société Le Crédit Lyonnais à la somme de 118.702,15 € au prêt immobilier n°50014739L39Q11AH du 17 Février 2021, après déduction des intérêts et de l'indemnité légale ;

FIXER la créance de la société Le Crédit Lyonnais à la somme de 118.702,15 € au prêt immobilier n°50014739L39Q11AH du 17 Février 2021 ;

REJETER toutes les demandes de capitalisation des intérêts au taux légal ou conventionnel ;

En toute hypothèse,

ACCORDER les plus larges délais de paiement à Madame X. à hauteur de 416,18 € par échéance mensuelle ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,

DÉBOUTER la société Le Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre Madame X. ;

CONDAMNER la société Le Crédit Lyonnais à verser à Madame X. la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

ÉCARTER l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

CONDAMNER la société Le Crédit Lyonnais aux entiers dépens. "

[*]

Par dernières écritures signifiées le 21 mai 2025, le Crédit Lyonnais demande à ce tribunal, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, de :

« - CONDAMNER Madame X. à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 196.396,29 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de 1,56 % sur la somme de 182.950,69 € à compter du 27 mars 2025 jusqu'à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 13.445,60 € à compter de la même date jusqu'à parfait paiement.

- CONDAMNER Madame X., à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- RAPPELER que l'exécution provisoire de la décision est de droit conformément à l'article 514 du Code de procédure civile, nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie. »

Sur ce,

En application des dispositions de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Il est constant que le Crédit Lyonnais justifie des diligences qu'elle a accomplies, conformément au jugement rendu par ce tribunal le 13 décembre 2024.

En outre, Madame X., à qui l'acte d'assignation a pu être remis alors qu'elle réside à l'Emirat de [Localité 4], a été mise en mesure de constituer avocat, lequel a sollicité la révocation de clôture à laquelle le Crédit Lyonnais ne s'oppose pas.

Par suite, les parties ayant été entendues à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2025, il y a lieu de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 28 mars 2025, de recevoir les parties en leurs dernières écritures et de clôturer les débats.

 

2. Sur les demandes principales :

Le Crédit Lyonnais se prévaut des conditions générales du prêt qu'il a consenti à Madame X. pour soutenir que la déchéance du terme a été prononcée régulièrement, en raison du manquement à l'une des obligations essentielles du contrat, consistant dans le défaut de loyauté de l'emprunteur dans la fourniture, par celui-ci, de documents et renseignements inexacts lors de la souscription du crédit. Il précise qu'une réponse de la Caisse d'Epargne Normandie démontre que les relevés de compte ouverts dans les livres de cet établissement par Madame X. ont été contrefaits relativement aux salaires y figurant, les bulletins de salaire de Madame X. ayant été probablement aussi contrefaits, ce d'autant plus que lesdits salaires n'ont jamais été versés sur le compte en question. Il estime possible de penser que ces faux relevés de compte ont eu pour but de dissimuler des incidents de paiement, faire apparaître des soldes créditeurs majorés ou faire disparaître des soldes débiteurs, afin de fausser l'appréciation du prêteur de la solvabilité de Madame X. Il souligne que le prêt a été consenti le 8 mars 2021 sans que Madame X. acquière le bien qui en était l'objet. Elle affirme que Madame X. n'a pas répondu à la demande d'explication qu'il lui a adressée alors qu'elle a disposé du temps nécessaire pour le faire, de telle sorte que le concluant, dans l'incapacité de connaître les sources de revenus de l'emprunteur, a dû prononcer la déchéance du terme.

Le Crédit Lyonnais conteste le moyen invoqué par Madame X. tenant au caractère abusif de la clause de déchéance du terme du prêt, en se fondant tout à la fois sur le droit de la consommation et le droit civil, Madame X. se bornant à citer un arrêt de la Cour de cassation (Civ. 2ème, 3 octobre 2024, n°23-25.823) sans plus de motivation. Il souligne qu'une clause de déchéance du terme d'un prêt n'est pas abusive par nature, la clause en cause étant claire, la jurisprudence invoquée par Madame X. n'étant pas transposable au présent litige. Il estime bien au contraire que la jurisprudence pertinente est en sa faveur. Il note que les documents remis par Madame X. lors de la souscription du prêt étaient essentiels et donc déterminants en ce qu'ils permettaient d'apprécier la solvabilité de l'emprunteur. Il relève que ces éléments portaient sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l'octroi du prêt, résultant en outre de faux constitutifs de manœuvres frauduleuses de l'emprunteur. Il estime que Madame X. a eu la possibilité de remédier aux conséquences de la déchéance du terme puisque la clause litigieuse lui laissait 30 jours pour s'expliquer, ce qu'elle n'a pas fait, ce dispositif étant soumis à l'appréciation du juge.

Le Crédit Lyonnais conteste également l'argument de Madame X. tenant à ce que celle-ci aurait eu recours à un courtier qui aurait reçu d'elle des documents authentiques, sa bonne foi étant dès lors établie. Il souligne que l'intervention d'un courtier dans l'opération n'est pas prouvée, les échanges produits par Madame X. avec ce prétendu courtier qu'elle désigne par son seul prénom et le prétendu conseiller, démontrant au contraire que la défenderesse n'ignorait rien du caractère faux des documents litigieux. Il relève que Madame X. a déclaré lors de la souscription du prêt des revenus qu'elle reconnaît désormais comme faux, afin d'obtenir le prêt, l'intéressée produisant à présent une déclaration d'impôt mentionnant un revenu annuel de 9.597 euros dont elle avait nécessairement conscience de l'insuffisance pour obtenir un prêt d'acquisition de sa résidence principale avec un amortissement mensuel de 891 euros. Il note que dans sa demande de délai, Madame X. affirme ne pouvoir régler que 416 euros d'échéance mensuelle.

Le Crédit Lyonnais sollicite en outre le rejet de la demande de déchéance des intérêts au taux conventionnel demandée par Madame X. Il indique sur ce point que l'article L. 312-14 du code de la consommation invoqué au soutien de cette demande prend place dans le chapitre de ce code dédié au crédit à la consommation, inapplicable aux crédits immobiliers tel celui en litige. Il affirme en tout état de cause avoir respecté son obligation à ce propos. Le Crédit Lyonnais expose enfin que Madame X. doit être déboutée de sa demande de délai de paiement, estimant que celle-ci a trompé celui-là lors de l'octroi du crédit, ajoutant que l'intéressée prétend rembourser mensuellement la somme de 416,18 euros par mois alors que l'amortissement mensuel convenu au contrat est de 891 euros, Madame X. ne précisant pas comment elle remboursera le solde à l'issue du délai, estimant que la vente du bien financé s'impose.

En réplique, Madame X. se prévaut des dispositions de l'article préliminaire et de l'article L.212-1 du code de la consommation, ainsi que de l'article 1171 du code civil, pour soutenir que la clause d'exigibilité anticipée dont s'est prévalu le Crédit Lyonnais est abusive et doit être déclarée non écrite, conformément à la jurisprudence, le juge devant relever d'office un tel moyen. Elle précise que sa qualité de consommateur ne fait aucun doute, affirmant avoir remis à un courtier des documents authentiques, n'étant intervenue par elle-même en aucune manière dans la fraude lors même qu'elle n'était pas informée de la connivence existant entre le courtier, auquel elle a eu recours pour obtenir le prêt, et le conseiller bancaire du Crédit Lyonnais. Elle estime que c'est ce conseiller qui la dédouane de toute manœuvre frauduleuse, le Crédit Lyonnais devant être tenu pour responsable des agissements de son propre conseiller, celui-ci ayant failli à ses obligations d'information et de vérification de la solvabilité de la concluante. Elle souligne que le courtier, prénommé A., qui l'a accompagnée dans l'obtention du prêt, a été mis en contact avec elle par un de ses amis prénommé B. dont on ignore le nom de famille, ce courtier lui ayant demandé ses bulletins de salaire et l'accès à son espace en ligne pour obtenir son avis d'imposition dans le contexte de la souscription du crédit auprès du conseiller du Crédit Lyonnais. Elle indique être de bonne foi, ayant été manipulée par le conseiller et le courtier. Elle sollicite dès lors que la clause d'exigibilité anticipée soit déclarée nulle, réputée non écrite et que soit ordonnée la reprise de l'exécution du prêt selon les conditions contractuelles.

Madame X. sollicite, à titre subsidiaire, la déchéance du Crédit Lyonnais de son droit aux intérêts au taux conventionnel, en application des dispositions des articles L. 312-14, L. 312-16 ainsi que celles des articles L. 751-1, L. 751-6 et L. 341-2 du code de la consommation. Elle affirme que le Crédit Lyonnais ne rapporte pas la preuve d'avoir vérifié la solvabilité de la concluante avant l'octroi du prêt litigieux, ni celle de la consultation du fichier prévue à l'article L. 751-1 du code de la consommation, ne justifiant pas non plus du motif d'une quelconque consultation, pas davantage de la référence précise du crédit visé ou du résultat de la consultation effectuée. A l'argument adverse tenant à ce que l'article L. 312-14 du code de la consommation ne viserait que le crédit à la consommation, Madame X. réplique que les fautes commises par le Crédit Lyonnais lors de la vérification de la solvabilité de la concluante avant l'octroi du crédit sont telles qu'une déchéance totale, voire partielle du crédit pour ce qui est des intérêts, ou même la privation du droit à l'indemnité légale, au montant de 13.445,20 euros, ne serait que la conséquence d'une application juste et équitable de la loi. Madame X. sollicite par ailleurs l'octroi d'un délai de paiement de 24 mois, en application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, avec un échéancier de 416,18 euros par mois.

Sur ce,

Sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme :

Dans son arrêt du 26 janvier 2022, n° 20-16.782, la chambre commerciale de la Cour de cassation énonce :

« 5. Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation. »

Au cas particulier, il est constant que Madame X. a la qualité de consommateur au sens de l'article 1er du code de la consommation, eu égard au contrat de prêt la liant au Crédit Lyonnais.

Par suite, la défenderesse ne peut se prévaloir tout à la fois des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation et de celles de l'article de l'article 1171 du code civil pour quereller la clause de déchéance du terme en litige.

En effet, en vertu de la règle specialia generalibus derogan t, seul doit s'appliquer dans le présent litige le régime des clauses abusives prévu dans le code de la consommation.

Ceci étant précisé, en application de l'article L.212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Au cas particulier, l'article 5.1 des conditions générales du prêt litigieux stipule :

« LCL aura la faculté de rendre exigibles par anticipation, toutes les sommes dues au titre du prêt, tant en principal qu'en intérêts et accessoires, dans l'un quelconque des cas suivants :

[…]

- inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt, résultant de manœuvres frauduleuses imputables à l'un et/ou l'autre des Emprunteurs, portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l'octroi du prêt … »

Il sera relevé que cette clause permet au Crédit Lyonnais de prononcer la résiliation du contrat en cas de fourniture par l'emprunteur de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l'octroi de prêt.

A cet égard, le Crédit Lyonnais produit aux débats notamment les pièces suivantes reçues de Madame X. préalablement à l'octroi du prêt :

- un relevé bancaire, attribué à la Caisse d'Epargne Normandie, établissant au 15 janvier 2021 des soldes créditeurs de 38.509,53 euros sur le compte de dépôt et de 16.150 euros sur le livret A de Madame X. ;

- un relevé bancaire, attribué à la Caisse d'Epargne Normandie, établissant au 14 décembre 2020 des soldes créditeurs de 37.880,61 euros sur le compte de dépôt et de 15.950 euros sur le livret A de Madame X. ;

- un relevé bancaire, attribué à la Caisse d'Epargne Normandie, établissant au 15 octobre 2020 des soldes créditeurs de 38.277,51 euros sur le compte de dépôt et de 16.110 euros sur le livret A de Madame X. ;

- un relevé bancaire, attribué à la Caisse d'Epargne Normandie, établissant au 14 septembre 2020 des soldes créditeurs de 37.924,31 euros sur le compte de dépôt et de 15.950 euros sur le livret A de Madame X. ;

- un avis d'imposition sur le revenu de Madame X. pour l'année 2019 présentant un revenu fiscal de référence de 32.863 euros ;

- un bulletin de salaire de Madame X. mentionnant comme employeur la société Burger King pour le mois de décembre 2020 avec un salaire net avant impôt sur le revenu de 3.415,56 euros ;

- un bulletin de salaire de Madame X. mentionnant comme employeur la société Burger King pour le mois de novembre 2020 avec un salaire net avant impôt sur le revenu de 3.116,56 euros ;

- un bulletin de salaire mentionnant de Madame X. comme employeur la société Burger King pour le mois d'octobre 2020 avec un salaire net avant impôt sur le revenu de 3.106,45 euros.

Il est constant que ces éléments, portant tout à la fois sur l'identité de Madame X., la nature et la consistance de son patrimoine et de ses revenus, ont permis au Crédit Lyonnais d'apprécier sa solvabilité avant l'octroi du prêt.

La résiliation anticipée prononcée sur le fondement du caractère inexact et mensonger de ces éléments sanctionne l'obligation de l'emprunteur de contracter de bonne foi au moment de la souscription de l'emprunt.

La clause prévoyant pareille résiliation ne prive en rien Madame X. d'avoir recours à un juge pour contester son application à son égard.

En outre, cette clause a été mise en œuvre après un préavis de 30 jours laissé à Madame X. pour s'expliquer sur la teneur des documents ainsi produits.

Madame X. n'apporte pas la preuve d'avoir mis à profit ce délai pour fournir au Crédit Lyonnais les explications sollicitées, ne démontrant pas davantage avoir fourni ces explications entre l'épuisement du délai, intervenu le 19 mai 2023 et la déchéance du terme du prêt prononcée le 12 septembre 2023.

Par ailleurs, il n'est ni allégué, ni établi par Madame X. qu'elle ait saisi un juge pour contester la régularité de cette résiliation, ayant attendu la présente procédure initiée contre elle pour régler le solde de son emprunt, après résiliation, pour se prévaloir du caractère abusif de la clause résolutoire en litige.

Par suite, la clause de résiliation anticipée figurant à l'article 5 du contrat de prêt litigieux n'a pas créé de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

 

Sur le bien-fondé de la déchéance du terme :

Madame X. ne remet pas en cause le caractère faux des pièces énumérées plus avant et fournies avant la souscription du crédit immobilier litigieux, se bornant à affirmer avoir confié à un courtier, prénommé A., dont elle ignore le nom de famille, des documents authentiques, attribuant la falsification des originaux à ce courtier.

A ce propos, elle produit aux débats la capture de messages électroniques sur l'application Whatsapp avec une personne dont l'identité n'est pas précisée, à des dates non précisées, autant d'éléments non probants à caractériser l'existence d'un courtier et plus généralement les allégations de Madame X. s'agissant de ce courtier.

De plus, Madame X. expose qu'un préposé du Crédit Lyonnais, Monsieur X., conseiller en charge de son dossier de prêt, était en relation avec le courtier et a nécessairement dû prendre connaissance des pièces falsifiées, son employeur, demandeur à l'instance, devant être tenu responsable du manquement imputé à la défenderesse.

Sur ce point, Madame X. produit aux débats des messages SMS mentionnant comme émetteur/destinataire Monsieur C.

Pour autant, ni l'identité de l'interlocuteur supposé de ces messages, ni les dates des messages en cause ne sont mentionnées, les contenus des échanges en question ne caractérisant pas en outre l'existence des faits dont se prévaut Madame X. tant à propos de la falsification des documents que de leur connaissance avérée par un préposé dont la qualité est au demeurant contestée par le Crédit Lyonnais, de telle sorte que Madame X. ne démontre pas davantage la connaissance de l'existence des faux documents par le prêteur avant la conclusion du contrat.

Par ailleurs, Madame X. produit aux débats un document qu'elle présente comme son avis de dégrèvement établi en 2021 au titre de ses revenus de 2019, présentant un revenu brut global de 9.597 euros et un revenu imposable d'égal montant.

Le Crédit Lyonnais ne conteste pas la véracité de ce document qui, selon lui, justifie d'autant plus la résiliation anticipée du prêt que s'il en avait eu connaissance, il se serait abstenu d'octroyer le crédit, compte tenu de l'insuffisance des ressources de Madame X. à faire face aux échéances du concours tel qu'il lui a été octroyé.

Par ailleurs, dès lors que Madame X. ne démontre pas l'intervention d'un courtier dans l'octroi du crédit en litige et son ignorance du caractère faux de ces documents lors de l'octroi du prêt, il sera retenu qu'elle a délibérément fourni au prêteur des documents permettant à celui-ci de porter une appréciation erronée sur la solvabilité de l'emprunteur, étant relevé que Madame X. produit aux débats son véritable avis d'imposition de l'année 2019 démontrant l'existence de revenus trois fois et demi moindre que ceux présentés au moyen des faux documents.

Par suite, c'est à juste titre que le Crédit Lyonnais a prononcé la déchéance du terme du prêt litigieux.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts au taux conventionnel :

En application des articles L.312-14 et L.312-16 du code de la consommation, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 312-12.

Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.

En l'espèce, Madame X. se prévaut de ces textes pour solliciter la déchéance du Crédit Lyonnais de son droit aux intérêts au taux conventionnel pour défaut de vérification conforme de la solvabilité de l'emprunteur.

Cependant et ainsi que l'affirme à juste titre le demandeur, ces textes, qui figurent dans le chapitre du code de la consommation relatif au crédit à la consommation, ne s'appliquent pas au crédit immobilier et par voie de conséquence au prêt en litige.

Si Madame X. soutient qu'il convient tout de même de faire droit à sa demande en vertu d'une application juste et équitable de la loi, il sera observé qu'elle ne justifie pas de la loi dont elle demande au tribunal d'assurer l'effectivité.

Par suite, la demande, infondée, doit être rejetée.

 

Sur la demande en paiement :

En application des dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Au soutien de sa demande, le Crédit Lyonnais produit notamment les pièces suivantes :

- l'offre de prêt acceptée par Madame X. le 17 février 2021 et le tableau d'amortissement correspondant ;

- la lettre recommandée avec accusé de réception de demande d'explications du 19 avril 2023 ;

- la lettre recommandée avec accusé de réception prononçant la déchéance de terme du prêt ;

- un décompte de créance actualisé au 26 mars 2025.

Dès lors, Madame X., qui ne conteste pas le principe de sa créance mais seulement le quantum en vertu d'un moyen de déchéance des intérêts qui a été rejeté plus avant, sera condamnée à payer au Crédit Lyonnais la somme de 196.396,29 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 1,56 % sur la somme de 182.950,69 euros à compter du 27 mars 2025 jusqu'à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 13.445,60 euros à compter de la même date jusqu'à parfait paiement.

 

Sur la demande de délais de paiement :

En application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, il sera relevé que du fait de la présente procédure, Madame X. a déjà bénéficié de larges délais de paiement.

En outre et ainsi que le relève le Crédit Lyonnais, Madame X. prétend honorer les échéances de son prêt pendant deux ans à hauteur de 416,18 euros alors que l'échéance contractuellement prévue est de 891 euros, sans justifier de surcroît comment elle entend régler le solde de la dette après l'écoulement de la période biennale.

Par suite, la demande de délai de paiement, qui manque en faits et en droit, doit être rejetée.

 

3. Sur les demandes annexes :

Succombant, Madame X. sera condamnée aux dépens et à payer au Crédit Lyonnais la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

- RÉVOQUE la clôture prononcée le 28 mars 2025, reçoit les parties en leurs dernières écritures et clôture de nouveau ;

- DÉBOUTE Madame X. de l'ensemble de ses demandes ;

- CONDAMNE X. à payer à la société anonyme Le Crédit Lyonnais la somme de 196.396,29 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 1,56 % sur la somme de 182.950,69 euros à compter du 27 mars 2025 jusqu'à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 13.445,60 euros à compter de la même date jusqu'à parfait paiement ;

- CONDAMNE Madame X. aux dépens ;

- CONDAMNE Madame X. à payer à la société anonyme Le Crédit Lyonnais la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à [Localité 5] le 27 Juin 2025

LA GREFFIÈRE                                         LE PRÉSIDENT