CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 22 mai 2025

- Cass. 17 mai 2023 : Dnd -CA Aix-en-Provence, 27 septembre 2018 : arrêt n° 2018/501 - TGI Grasse, 8 novembre 2016 : Dnd
- CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 27 septembre 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 24108
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 22 mai 2025 : RG n° 23/10463
Publication : Judilibre
Extrait : « Il a été jugé que la banque qui accordé un prêt libellé en devise étrangère est tenu d'un devoir d'information spécifique à l'égard de l'emprunteur : « Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger. » (Civ. 1re, 30 mars 2022, pourvoi n°19-17.996). Dans un arrêt du 10 juin 2021, la CJUE a retenu que les documents remis au consommateur pour lui permettre d'évaluer les conséquences économiques potentiellement significatives, de la clause autorisant le tirage du prêt dans une autre devise, doivent être constitués par des exemples chiffrés, des simulations et par toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale.
En l'espèce, le prêt conclu par Mme X. est un prêt multidevise à taux variable. Ainsi, le taux d'intérêt n'est pas plafonné et la monnaie de compte choisie était le franc suisse, mais avec cette particularité que le montant du prêt était ensuite converti et versé en euros, tout comme le remboursement.
Il n'est pas contesté que ces dispositions sont mentionnées clairement dans l'offre de prêt, ainsi que dans la déclaration de compréhension signée par Mme X. Celle-ci souligne, notamment, « qu'emprunter dans une devise étrangère peut être considéré comme risque élevé », que le placement effectué ne « garantira aucun rendement » et peut donner lieu à une perte en capital, et que le bien immobilier constitué en garantie « peut être en danger ».
Toutefois, à l'exception de ces mentions préimprimées, il apparaît que la banque n'a fourni à Mme X. aucun exemple concret pouvant permettre d'appréhender le mécanisme de variabilité du taux d'intérêt, mais aussi du taux de change. En effet, si elle produit une simulation avec un tableau d'amortissement qui est annexée à l'offre de prêt notarié, celle-ci est peu éclairante dès lors qu'elle est en euros, qu'elle s'appuie sur un taux fixe pendant 10 ans et sans référence au taux de change des monnaies. À l'inverse, bien qu'elle mentionne qu'elle est réalisée à titre purement indicatif, elle est de nature à induire en erreur dès lors qu'elle ne pourra en aucune mesure s'appliquer, la non variabilité de ces taux sur 10 ans étant économiquement improbable.
Par ailleurs, la qualité de non-avertie de Mme X. ne fait pas débat dès lors qu'après avoir été hôtesse de l'air, elle était mère au foyer depuis plus de 20 ans et n'avait donc aucune notion financière.
Ainsi, il convient de constater que la banque n'a fourni aucun document chiffré, explicite et non stéréotypé pouvant éclairer Mme X. sur la réalité économique du prêt qu'elle souscrivait, son fonctionnement concret et les risques économiques concrets en cas de dépréciation importante de la monnaie, étant rappelé qu'il s'agissait d'un montage financier que l'on ne peut que qualifier de complexe pour un emprunteur non averti. En conséquence, la SA Jyske bank a manqué à son obligation pré-contractuelle d'information qui engage sa responsabilité à l'égard de Mme X. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3-3
ARRÊT DU 22 MAI 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/10463 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLXWY. ARRÊT AU FOND. Arrêt en date du 22 mai 2025 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 mai 2023, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 2018/501 rendu le 27 septembre 2018 par la Cour d'Appel Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 8 novembre 2016.
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :
Madame X.
née le [Date naissance 1] à [Localité 4] (ANGLETERRE), demeurant [Adresse 3], représentée par Maître Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX-EN-PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
DÉFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :
Société JYSKE BANK A/S
Société de droit danois, prise en la personne de son directeur général, dont le siège social est sis [Adresse 6] (DANEMARK), prise en son établissement principal en France sis [Adresse 2], représentée par Maître Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Maître Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Aurélie BOULBIN de l'AARPI NGO JUNG & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 11 mars 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme VINCENT, conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la cour composée de : Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre, Mme Magali VINCENT, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025, Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon une offre du 4 septembre 2007 acceptée le 25 septembre suivant, mentionnant qu'elle est établie conformément aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation relatives au crédit immobilier, la Jyske bank A/S a consenti à Mme X., de nationalité anglaise, domiciliée à [Localité 5], un prêt in 'ne multi-devises de 250.000 euros « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, Dollars américains ou Yens japonais ».
L'offre a été réitérée par acte notarié du 10 décembre 2007.
Garanti par une hypothèque conventionnelle de premier rang sur la maison d'habitation dont Mme X. est propriétaire à [Localité 5], le prêt est consenti sur 10 ans à un taux variable indexé sur le « Jyske bank Funding Rate » majoré de 1,5 point. Il est remboursable en 40 échéances trimestrielles, 39 échéances d'intérêts et une échéance finale constituée d'un trimestre d'intérêts et du capital prêté. Au jour de l'offre, le taux conventionnel était de 6,32 %.
L'offre mentionne que le prêt est destiné à « dégager des liquidités en fonction » de l'immeuble appartenant à Mme X. Selon un montage usuel, il a été consenti pour un montant excédant les besoins de Mme X., limités à la somme de 70.000 € qu'elle destinait à des travaux de rénovation, le solde étant affecté, à concurrence de 10.000 € au paiement de frais et de 170.000 € à des investissements financiers dont la rentabilité devait assurer le paiement des intérêts et la valorisation le remboursement du capital à l'échéance du terme de dix ans.
Libellé en euros dans la convention, le prêt a été inscrit en compte en francs suisses, conformément à la demande de Mme X., laquelle disposait de la faculté, rappelée sur les arrêtés de compte trimestriels, d'opter à chaque échéance d'intérêts pour une autre devise. L'économie du prêt repose sur la distinction entre la monnaie de paiement, l'euro, et la monnaie de compte choisie par l'emprunteur dont la contrevaleur en euros fluctue en fonction du taux de change.
D'un montant de 412 650 CHF, le prêt a été versé le 6 décembre 2007 à concurrence de 402.993,99 CHF sur le compte ouvert au nom de Mme X. dans les livres de la Jyske bank, le solde étant affecté au paiement de frais de notaire et de frais bancaires. Le taux d'intérêt était alors de 4,4375 % ; il en résultait une échéance trimestrielle d'intérêts de 4.832,16 CHF.
La convention de prêt stipule à l'article 11 que dans le cas où, par l'effet de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 167.000 livres sterling, seuil intitulé « Limite de facilité Sterling », la banque dispose de la faculté discrétionnaire de convertir l'encours de prêt en livres sterling, au taux de change dont elle fait application au jour de la conversion, ou de réaliser les sûretés, ou de les appeler.
Le 20 septembre 2007, cinq jours avant l'acceptation de l'offre, Mme X. a signé une « Déclaration de compréhension » par laquelle elle reconnaît avoir pris connaissance des modalités du prêt, des risques découlant de l'évolution du taux de change et de la variation du taux d'intérêt et du « danger » encouru par le bien immobilier en cas de défaillance dans l'obligation de remboursement.
Par lettre du 13 janvier 2011, la Jyske bank a fait connaître à Mme X. qu'en raison du renforcement du franc suisse, elle avait l'intention, en cas de poursuite de cette évolution défavorable, de convertir le montant du prêt en euros, « conformément à l'article 11 », sauf remboursement anticipé ou constitution d'une garantie supplémentaire. La conversion en euros est intervenue le 9 août 2011.
Le 19 septembre 2012, Mme X. a fait assigner la Jyske bank, à titre principal, en résolution de la convention de prêt et en paiement de dommages-intérêts à raison de manquements à des obligations contractuelles, subsidiairement, en indemnisation du préjudice découlant de manquements à des obligations de conseil, d'information précontractuelle et de mise en garde et en nullité ou inopposabilité des clauses stipulant un taux variable et une faculté de conversion.
Par jugement contradictoire du 8 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- déclaré irrecevables comme prescrites la demande en nullité de l'article 4 de la convention de prêt et la demande en déchéance du droit aux intérêts pour violation du délai de réflexion ;
- dit que les dispositions des articles L. 312-8, L. 312-9, L. 313-1 du code de la consommation, 1907 du code civil et L. 533-13 du code monétaire et financier en vigueur lors de la formation du contrat ont été respectées ;
- dit que les dispositions de l'article L. 311-8 du code de la consommation, relatives aux crédits à la consommation, n'ont pas vocation à s'app1iquer ;
- dit que les articles 4 et 11 du contrat de prêt ne constituent pas des clauses abusives ;
- dit que la Jyske bank n'a pas respecté son obligation d'information et son devoir de mise en garde à l'égard de Mme X. ;
- condamné la Jyske bank à payer à Mme X. la somme de 125.000 € en réparation de la perte de chance découlant de ce manquement ;
- dit que la Jyske bank a manqué à ses engagements contractuels par la conversion opérée le 9 août 2011 en une monnaie autre que celle prévue à l'article 11 de la convention de prêt ;
- dit que la gravité du manquement exigée pour justifier la résolution du contrat n'est pas caractérisée ;
- dit que le solde du prêt est constitué de la somme, en francs suisses, due avant la conversion du 9 août 2011, assortie du taux d'intérêt variable applicable depuis lors, déduction faite des paiements réalisés par Mme X. à compter du 9 août 2011 ;
- ordonné la compensation des créances réciproques ;
- rejeté toute autre demande ;
- condamné la Jyske bank à payer à Mme X. la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens à la charge de la Jyske bank.
La Jyske bank et Mme X. ont relevé appel de ce jugement, respectivement les 3 et 12 avril 2017, sans limiter leurs recours.
Par arrêt en date du 27 septembre 2018, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :
- Confirmé le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a retenu des manquements aux obligations d'information et de mise en garde, a alloué des dommages-intérêts à Mme X., a fixé le montant de la créance, a ordonné une compensation de créances, a condamné la Jyske Bans A/S aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,
- Rejeté le grief de manquements à des obligations d'information, de conseil et de mise en garde,
- Rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts formée par Mme X.,
Y ajoutant,
- Dit que la créance de la Jyske bank A/S sur Mme X. est fixée à la contre-valeur en euros de la somme de 412 650 CHF, au taux applicable au jour du présent arrêt, diminuée du différentiel, s'il est favorable à Mme X., entre les intérêts payés à compter de la conversion en euros et ceux qui auraient dû être payés en l'absence de conversion,
- Condamné Mme X. à payer cette créance avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2018,
- rejeté la demande en octroi d'un délai de paiement formée par Mme X.,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné Mme X. aux dépens de première instance et d'appel.
Mme X. a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Par arrêt en date du 17 mai 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé « mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur un manquement de la banque à son devoir d'information, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamne Mme X. aux dépens, l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ».
Au visa de l'article 1147 ancien du code civil, la Cour de cassation a considéré que « Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger. »
Or, la cour d'appel n'ayant pas recherché « si la banque avait fourni à l'emprunteur des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte, elle n'a pas donné de base légale à sa décision. »
Mme X. a saisi la cour d'appel à la suite de l'arrêt de cassation par déclaration du 3 août 2023.
L'affaire a été fixée en application des dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile à la date du 9 avril 2024. L'ordonnance de clôture avait été rendue le 26 mars 2024. Le dossier a été mis en délibéré au 4 juillet 2024. Le délibéré a été prorogé. Le magistrat en charge du dossier ayant quitté ses fonctions sans avoir statué, la réouverture des débats a été ordonnée et l'affaire fixée au 11 mars 2025. L'affaire a été plaidée à cette date et mis en délibéré au 22 mai 2025.
L'arrêt rendu sera contradictoire.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Par conclusions d'appelant n°4 signifiées par RPVA le 26 mars 2024, Mme X. demande à la cour de :
Révoquer en tant que de besoin l'ordonnance de clôture du 26 mars 2024
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 8 novembre 2016 en ce qu'il a :
- reconnu l'irrespect de la Jyske bank de son obligation d'information et son devoir de mise en garde,
- condamné la Jyske bank à lui payer des dommages et intérêts au titre de la perte de chance causée par ce non-respect,
- dit que la Jyske bank a manqué à ses obligations contractuelles par la conversion opérée le 9 mai 2011 en une autre monnaie que celle prévue à l'article 11 du contrat de prêt.
Eu égard à l'absence d'information préalable n'ayant pas permis à Madame X. de contracter en toute connaissance de cause ;
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 8 novembre 2016 en ce qu'il n'a alloué à Madame X. qu'une somme de 125.000 € à titre de dommages et intérêts.
A titre principal, Madame X. sollicite la condamnation de la société Jyske bank au paiement d'une somme d'un montant de 421 082,77 €
Fixer le montant de sa perte de chance d'avoir contracté à la Jyske bank à la somme d'un montant de 421 082,77 € dont le détail suit ci-après
Si la Jyske bank avait fourni à Madame X. des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre les risques et le fonctionnement de ce contrat ‘investissements et prêt - pendant toute la durée, Madame X. n'aurait jamais signé le contrat avec la banque, qui peut s'évaluer précisément à la date du tirage du prêt selon les chiffres suivants :
Jour 1 ‘10.12.2007
SOMMAIRE
Débits
Crédits
UTILISATION
Tirage de prêt
250,000.00
170,000.00
Investissements à Jyske bank
71,646.61
Virement sur le compte de
Mme X. à la BNP
Paribas par la Jyske bank
8,353.39
Frais de Jyske bank
Total
‘250,000.00
‘250,000.00
Réclamations Janvier 2024
Perte (Euro)
Prêt ‘Perte encourue suite à la différence entre le prêt original de
250.000 € (B) et le prêt converti de 394 465.16 (C) = 144 465.16 € (C-B) Solde du prêt réduit (C'D) à 323 368,13 € (A) le 09 aout 2021 par la vente de tous les investissements, produit EUR 71.713,24 (D)
* 73 368.13
= A - B
Prêt intérêt et frais de la banque : intérêt couru mais non payé de 09 aout 2021 à 31 décembre 2023 21 896.53 + 1 492.72 à 1 mars 2024 Note : les intérêts courent de mois en mois, et le montant dû augmente
* 23 389.25
Perte au niveau des investissements - tous les investissements étaient vendus le 09 aout 2021 pour réduire le solde du prêt, et pour payer les intérêts dûs.
Le courriel de la banque concernant le produit Keyplan Mortgage vendu par la Jyske bank a déclaré que l'intérêt payé par les investissements serait de l'ordre de 6.3% p.a. pour payer les intérêts annuels du prêt. Cela ne s'est jamais réalisé et il a fallu vendre les investissements pour couvrir le déficit.
Montant original des investissements : EUR170.000.00
Valeur 10 aout 2021 = 0 ; tous vendus
Au début, la banque a exigé des frais bancaires de EUR 8 353.39.
170.000.00
8 353.39
Sous-total
275 110.77
Révision
Tribunal de Grande Instance de Grasse, jugement du 8 Novembre 2016 : DIT que Jyske bank A/S n'a pas respecté son obligation d'information et son devoir de mise en garde à l'égard de Madame
X. ;
CONDAMNE Jyske bank A/S à payer à Madame X. la somme de 125000’(CENT VINGT CINQ MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance causé par ce non-respect
Dommages et intérêts au titre du préjudice physique et moral subi par la demanderesse
Inaction par la Jyske bank à trouver une solution pendant 13 ans.
Etat de santé altéré gravement par le stress et l'inquiétude.
Madame X. en a été gravement malade et l'inquiétude, du début du contrat, causée par la présente procédure prolongée crée un risque sérieux de récidive (cf. 4 certificats médicaux versés au débat)
Impact sur les plans à agrandir son business de guérison naturel pendant la dernière période productive de sa vie, de 50 à 60 ans ; elle a maintenant 69 ans. Elle a été obligée d'utiliser les connaissances et l'expérience acquises au cours de son propre parcours de guérison pour éviter de retomber malade, alors qu'elles auraient pu servir à aider les autres et à créer une sécurité financière pour l'avenir. Voir www.meditate4life.co.uk
4.Elle n'a pas pu faire de projets pour son retraite ou son avenir, car toute sa sécurité financière est remise en question.
* 125.000
Frais et honoraires légaux jusqu'en septembre 2023
* 20 972 €
Total ‘Réclamations
421 082,77 €
Condamner la Jyske bank à payer à Madame X. la somme de 421 082,77 euros
Debouter la société Jyske bank de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamner la société Jyske bank à payer à Madame X. une somme d'un montant de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
[*]
Par conclusions signifiées par RPVA le 21 mars 2024, la SA Jyske Bank A/S demande à la cour de :
A titre liminaire,
Juger irrecevable la demande de Madame X. tendant à ce qu'il soit dit que Jyske Bank A/S a manqué à ses obligations contractuelles par la conversion opérée le 9 mai 2011 en une autre monnaie que celle prévue à l'article 11 du contrat de prêt pour autorité de la chose jugée ;
Sur le fond,
Reformer le jugement du Tribunal de grande instance de Grasse du 8 novembre 2016 en ce qu'il a :
- Dit que Jyske Bank A/S n'a pas respecté son obligation d'information et son devoir de mise en garde à l'égard de Madame X. ;
- Condamné Jyske Bank A/S à payer à Madame X. la somme totale de 125.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de contracter dans d'autres conditions ;
- Condamné Jyske Bank A/S à payer à Madame X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné Jyske Bank aux dépens.
Statuant à nouveau, Jyske Bank A/S demande à la Cour de :
Juger que Jyske Bank A/S n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde ;
Juger que Jyske Bank A/S a dûment exécuté les obligations d'information à laquelle elle était tenue ;
En conséquence,
Debouter Madame X. de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause,
Condamner Madame X. à payer à Jyske Bank A/S la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées pour l'exposé des moyens des parties.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'étendue de la saisine de la cour :
L'article 624 du code de procédure civile dispose que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
Ainsi, la cour d'appel de renvoi ne peut statuer sur les chefs non atteints par la cassation qui bénéficient de l'autorité de chose jugée (Civ. 1re, 3 février 2011, n° 09-71.179).
La banque soutient que la Cour de cassation n'a entendu renvoyer les parties devant la Cour de renvoi que sur les points relatifs au manquement de la banque à son devoir d'information et ses conséquences, outre la question de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens. Les autres chefs du dispositif de l'arrêt du 27 septembre 2018 rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ont donc acquis autorité de la chose jugée et ainsi, la demande de Madame X. relative à la conversion opérée le 9 mai 2011 est irrecevable.
Toutefois, Mme X. ne formule pas une telle demande dans ses dernières écritures.
A l'inverse, Mme X. soulève pour justifier de ses demandes indemnitaires, un manquement de la banque à son devoir de mise en garde et de conseil lié au risque d'endettement excessif. Or, la cassation intervenue ne porte que sur la demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur un manquement de la banque à son devoir d'information.
Dès lors, la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a rejeté le grief d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde et de conseil est devenue définitive. Ce moyen est donc irrecevable.
Sur l'obligation d'information du banquier :
Mme X. soutient qu'à aucun moment, alors qu'elle est une emprunteuse non avertie, la société Jyske bank ne lui a adressé et délivré une information préalable suffisante exacte lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier et d'évaluer les risques potentiellement négatifs du prêt libellé en devises étrangères stipulant que la devise étrangère est monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement. Elle explique que les documents produits ne reflétaient que des hypothèses où le taux de change entre l'euro et le CHF ne variait pas ou ne concernant pas son prêt.
La banque soutient qu'elle n'était tenue que d'une obligation d'information et non de mise en garde, le prêt n'étant pas un produit spéculatif.
Elle soutient que concernant le risque de change, elle a rempli son obligation d'information et notamment sur le risque d'augmentation du capital du prêt en cas de variation, notamment par le courrier du 4 avril 2017, par la déclaration de compréhension et ce, nonobstant leur caractère non personnalisé. L'emprunteur recevait par ailleurs des relevés annuels avec la contrevaleur en euros.
Mme X. réplique qu'il n'était pas seulement question du risque de change mais qu'il fallait prendre en compte aussi le risque de taux d'intérêt, le risque de retour sur investissement et le risque économique.
Il a été jugé que la banque qui accordé un prêt libellé en devise étrangère est tenu d'un devoir d'information spécifique à l'égard de l'emprunteur : « Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger. » (Civ. 1re, 30 mars 2022, pourvoi n°19-17.996)
Dans un arrêt du 10 juin 2021, la CJUE a retenu que les documents remis au consommateur pour lui permettre d'évaluer les conséquences économiques potentiellement significatives, de la clause autorisant le tirage du prêt dans une autre devise, doivent être constitués par des exemples chiffrés, des simulations et par toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale.
En l'espèce, le prêt conclu par Mme X. est un prêt multidevise à taux variable. Ainsi, le taux d'intérêt n'est pas plafonné et la monnaie de compte choisie était le franc suisse, mais avec cette particularité que le montant du prêt était ensuite converti et versé en euros, tout comme le remboursement.
Il n'est pas contesté que ces dispositions sont mentionnées clairement dans l'offre de prêt, ainsi que dans la déclaration de compréhension signée par Mme X. Celle-ci souligne, notamment, « qu'emprunter dans une devise étrangère peut être considéré comme risque élevé », que le placement effectué ne « garantira aucun rendement » et peut donner lieu à une perte en capital, et que le bien immobilier constitué en garantie « peut être en danger ».
Toutefois, à l'exception de ces mentions préimprimées, il apparaît que la banque n'a fourni à Mme X. aucun exemple concret pouvant permettre d'appréhender le mécanisme de variabilité du taux d'intérêt, mais aussi du taux de change. En effet, si elle produit une simulation avec un tableau d'amortissement qui est annexée à l'offre de prêt notarié, celle-ci est peu éclairante dès lors qu'elle est en euros, qu'elle s'appuie sur un taux fixe pendant 10 ans et sans référence au taux de change des monnaies. À l'inverse, bien qu'elle mentionne qu'elle est réalisée à titre purement indicatif, elle est de nature à induire en erreur dès lors qu'elle ne pourra en aucune mesure s'appliquer, la non variabilité de ces taux sur 10 ans étant économiquement improbable.
Par ailleurs, la qualité de non-avertie de Mme X. ne fait pas débat dès lors qu'après avoir été hôtesse de l'air, elle était mère au foyer depuis plus de 20 ans et n'avait donc aucune notion financière.
Ainsi, il convient de constater que la banque n'a fourni aucun document chiffré, explicite et non stéréotypé pouvant éclairer Mme X. sur la réalité économique du prêt qu'elle souscrivait, son fonctionnement concret et les risques économiques concrets en cas de dépréciation importante de la monnaie, étant rappelé qu'il s'agissait d'un montage financier que l'on ne peut que qualifier de complexe pour un emprunteur non averti.
En conséquence, la SA Jyske bank a manqué à son obligation pré-contractuelle d'information qui engage sa responsabilité à l'égard de Mme X.
Sur l'indemnisation des préjudices subis :
Mme X. sollicite la somme totale de 421 082,77 euros au motif qu'elle n'aurait jamais signé le contrat si elle avait été régulièrement informée. Cette somme correspondant à la perte encourue suite à la différence entre le prêt original de 250.000 euros et le prêt converti de 394 465, 16 euros, soit 144 465,16 euros mais dont le solde a été réduit à 73 368,13 euros avec la vente des investissements réalisés auprès de Jysk, aux intérêts et frais du prêt, à la perte des investissements réalisés auprès de la banque avec les frais bancaires correspondant et à des dommages-intérêts pour préjudice physique et moral outre les frais et honoraires légaux.
Elle se prévaut de deux arrêts récents de la cour d'appel de Lyon qui ont condamné la banque à restituer toutes les sommes perçues en exécution du prêt.
En réplique, la banque soutient que le préjudice né du manquement par une banque à son obligation d'information s'analyse en la perte de chance de ne pas contracter. Or, l'indemnisation allouée par le tribunal correspond à 87 % de la différence entre le montant initial du prêt et le montant du prêt après conversion. Or le tribunal n'a pas tenu compte de l'annulation de la conversion du 9 août. Elle fait valoir que la perte de chance est nécessairement inférieure à l'avantage que la victime escomptait retirer de l'événement en question et qu'il doit être tenu compte des frais supplémentaires que l'emprunteur aurait supportés en contractant un prêt classique en lieu et place du prêt litigieux. Ainsi, selon elle, les dommages-intérêts alloués à Mme X. ne pourraient tout au plus être qu'une fraction de la perte subie de 112.000 euros qui est la différence entre le montant initialement emprunté en euros et le montant dû tel que fixé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Par ailleurs, elle conteste la somme de 170.000 euros réclamée au titre de la perte des investissements dont les montants retenus sont incohérents, ainsi que la perte des intérêts qui est le résultat de la conjoncture économique.
Le non-respect de l'obligation d'information de la banque n'est sanctionné que par l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par lui et les arrêts de la cour d'appel de Lyon dont se prévaut Mme X. n'apparaissent pas pertinents dans la mesure où ils concernent des prêts annulés judiciairement.
Il a été jugé que le manquement de la banque à l'obligation d'information à laquelle elle est tenue à l'égard de son client prive seulement celui-ci d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé (Cass., com., 10 juillet 2012, n° 11-11.891), ce risque étant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt. (Cass., com 22 janvier 2020, n°17-20.819)
En l'espèce, Mme X. a perçu la somme de 250.000 euros, mais compte tenu de la dépréciation de l'euro par rapport au Franc suisse, à l'expiration du délai du prêt, elle était tenue de rembourser un capital de 394 465,16 euros, indépendamment des intérêts qu'elle a versé pendant cette période.
Il est établi que Mme X. était au moment du prêt, âgée de 52 ans, ne percevait qu'une pension alimentaire de 1.582 euros jusqu'en 2011 et sans qualification professionnelle. Son seul patrimoine était constitué par le bien hypothéqué et ses revenus actuels sont composés de la location de celle-ci à hauteur de 1.250 euros et d'une pension de retraite mensuelle de 738 euros.
Compte tenu de son âge à l'expiration du prêt et de ses capacités financières peu susceptibles d'évoluer, la complexité du prêt, de ses mécanismes et le risque élevé qu'elle ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes finalement exigibles étaient comme l'a relevé le premier juge, objectivement susceptibles de la dissuader de contracter ce type de prêt et de s'orienter vers un prêt « classique », étant précisé que la Jyske Bank ne rapporte pas la preuve que les frais de celui-ci auraient été beaucoup plus élevés. Ainsi, le préjudice de Mme X. doit être évalué à 90 % des sommes empruntées, soit 225.000 euros, cette somme comprenant la perte encourue à la suite de la variabilité du taux de change.
Son préjudice ne peut inclure à l'inverse, les intérêts contractuels courus depuis le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel.
Concernant sa demande au titre de la perte sur les investissements réalisés sur le produit Keyplan Mortgage, cet éventuel préjudice ne découle pas du manquement à l'obligation d'information du banquier au titre du prêt. En outre, Mme X. ne démontre pas d'une part, l'existence d'un préjudice financier et d'autre part, le non-respect par la banque de ses obligations contractuelles et notamment d'un engagement de rentabilité financière et de garantie du capital. Sa demande à ce titre sera rejetée.
Mme X. fait valoir qu'elle a subi un préjudice physique et moral du fait de la situation, son état de santé s'étant dégradé générant inquiétude et stress.
Il ne peut en effet, être sérieusement contesté que la situation financière dans laquelle s'est retrouvée Mme X. a dû lui causer une inquiétude certaine, à l'approche de sa retraite et avec des revenus très modestes peu susceptibles d'évoluer. Elle a donc subi un préjudice qu'il conviendra de limiter à un préjudice moral, sa maladie ne pouvant être attribuée à son litige avec la Jyske Bank. Il sera évalué à la somme de 10.000 euros.
Enfin, elle sera déboutée de sa demande non expliquée au titre des « frais et honoraires légaux ».
En conséquence, la société Jyske Bank sera condamnée à payer à Mme X. la somme totale de 235.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les demandes annexes :
Les dispositions de l'arrêt du 27 septembre 2018 sur ce point ont fait l'objet de la cassation. Il doit donc être statué sur ces points.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens doivent être confirmées.
Les dépens d'appel seront mis à la charge de la SA Jyske Bank.
La Jyske Bank sera condamnée à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déclare irrecevable le moyen soulevé par Mme X. relative au devoir de mise en garde ;
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 8 novembre 2016 sauf en ce qu'il a condamné la Jyske Bank à payer à Mme X. la somme de 125.000 euros au titre de sa perte de chance ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la Jyske Bank à payer à Mme X. la somme de 225.000 euros au titre de son préjudice de perte de chance ;
Condamne la Jyske Bank à payer à Mme X. la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice moral ;
Déboute Mme X. du surplus de sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte sur investissement, des intérêts, frais et honoraires légaux et préjudice physique ;
Condamne la Jyske Bank à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la Jyske Bank aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT