CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA ORLÉANS (ch. civ.), 1er juillet 2025

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS (ch. civ.), 1er juillet 2025
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA), ch. civ.
Demande : 22/02743
Date : 1/07/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 29/11/2022
Décision antérieure : TJ Orléans, 6 octobre 2022
Décision antérieure :
  • TJ Orléans, 6 octobre 2022
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 24144

CA ORLÉANS (ch. civ.), 1er juillet 2025 : RG n° 22/02743

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Il résulte de ces échanges que si le promoteur a préparé le projet de contrat, celui-ci a été communiqué à la société T. C. architecture qui a été en mesure de proposer des corrections. Dans son courrier électronique du 9 octobre 2017, l'architecte n'a cependant pas trouvé utile de proposer une modification des clauses concernant sa rémunération, alors même qu'il avait émis des réserves sur le coût de la construction jugé trop faible et qu'il avait connaissance que l'article 1.2 du contrat renvoyait aux honoraires négociés au cas où le coût d'objectif ne serait pas respecté et que le maître d'ouvrage décidait de poursuivre l'opération.

Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas établi que les clauses litigieuses portant sur la rémunération de l'architecte avaient été soustraites de la négociation ayant existé entre les parties, de sorte que le contrat de maîtrise d'œuvre de conception n'est pas un contrat d'adhésion.

La société T. C. architecture est donc mal-fondée à soutenir qu'il conviendrait de faire application de l'article 1171 du code civil précité et de réputer non-écrite la clause « honoraires négociés ». Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que l'application et la mise en 'uvre de la clause d'honoraires négociés stipulée au contrat de maîtrise d’œuvre de conception est régulière. »

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 1er JUILLET 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/02743. N° Portalis DBVN-V-B7G-GV5P. DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 10] en date du 6 octobre 2022.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 12652905XX2

SARL T. C. ARCHITECTE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2], [Localité 3], ayant pour avocat postulant Maître Alexis DEVAUCHELLE de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, ayant pour avocat plaidant Maître Guillaume BARDON de la SELARL CM&B COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET- ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS, D'UNE PART

 

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265291750YY7

SCCV ELEGANCIA

société civile immobilière de construction vente au capital de 1.000 € immatriculée au RCS d'[Localité 10] sous le n° XXX prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité au siège, [Adresse 1], [Localité 4], ayant pour avocat postulant Maître Ladislas WEDRYCHOWSKI de la SELARL WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, ayant pour avocat plaidant Maître Isabelle GUERIN de la SELARL ISALEX, avocat au barreau de CHARTRES, D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 29 novembre 2022.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 24 mars 2025

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats à l'audience publique du 24 avril 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de : Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre, Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

GREFFIER : Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT : Prononcé publiquement le 1er juillet 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 2 juillet 2018, la société Elegancia a conclu avec la société T. C. Architecture un contrat de maîtrise d'œuvre de conception en vue de la réalisation d'un immeuble.

Un litige a opposé les parties concernant le montant des honoraires du maître d’œuvre et celui-ci a fait assigner en référé la société Elegancia devant le tribunal de commerce d'Orléans aux 'ns d'obtenir notamment, le paiement d'une provision sur ses honoraires, et la suspension des travaux.

Par ordonnance de référé du 16 mai 2019, le président du tribunal de commerce d'Orléans a renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond, mais a octroyé à la société C. T. architecture, le versement d'une provision d'un montant de 50.000 euros.

Par jugement du 9 juillet 2020, le tribunal de commerce d'Orléans s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire d'Orléans.

Par jugement en date du 6 octobre 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- dit que l'application et la mise en œuvre de la clause d'honoraires négociés stipulée au contrat de maîtrise d'œuvre de conception est régulière ;

- débouté la société T. C. architecture de sa demande de paiement des honoraires forfaitaires conventionnels ;

- débouté la société T. C. architecture de sa demande de revalorisation des honoraires forfaitaires conventionnels ;

- débouté la société Elegancia et la société T. C. architecture de leur demande de dommages-intérêts ;

- condamné la société T. C. architecture aux dépens ;

- condamné la société T. C. architecture à payer à la société Elegancia la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 29 novembre 2022, la société C. T. architecture a interjeté appel de tous les chefs du jugement sauf en ce qu'il a débouté la SCCV Elegancia de sa demande de dommages et intérêts.

[*]

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 8 février 2024, la société T. C. architecture demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel ;

- déclarer mal fondé l'appel incident formé par la SCCV Elegancia ;

- débouter la SCCV Elegancia de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer le jugement en ses chefs visés à la déclaration d'appel ;

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- constater le caractère abusif de la clause « honoraires négociés » du contrat de maîtrise d’œuvre de conception du 2 juillet 2018 ;

- déclarer que ladite clause est réputée non écrite ;

- condamner en conséquence la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 126.000 € TTC au titre de ses honoraires, déduction faite de la provision de 50.000 € ;

- condamner la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 22 020 € TTC au titre de la revalorisation des honoraires de l'architecte ;

- condamner la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;

A titre subsidiaire,

- constater l'application déloyale de la clause « honoraires négociés » du contrat de maîtrise d’œuvre de conception du 2 juillet 2018 ;

- condamner en conséquence la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 126.000 € TTC au titre de ses honoraires, déduction faite de la provision de 50.000 € ;

- condamner la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 22 020 € TTC au titre de la revalorisation des honoraires de l'architecte ;

- condamner la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 126.000 € TTC au titre de ses honoraires, déduction faite de la provision de 50.000 € ;

- condamner la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 22 020 € TTC au titre de la revalorisation des honoraires de l'architecte ;

- condamner la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;

A titre très infiniment subsidiaire,

- condamner la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 50.000 € (somme allouée en provision par le tribunal de commerce d'Orléans) ;

En tout état de cause,

- condamner la SCCV Elegancia à lui verser la somme de 6.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 23 avril 2024, la SCCV Elegancia demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a : constaté que la SCCV Elegancia a produit les éléments justifiant du coût final de l'opération immobilière de [Localité 8] dont la société T. C. architecture a réalisé la mission de conception qui s'est élevé à 1 434.000 € HT ; débouté la société T. C. architecture de sa demande tendant à voir enjoindre à la SCCV Elegancia sous astreinte de 100 € par jour de retard, à produire le budget final du coût de l'opération ; jugé fondée la SCCV Elegancia à appliquer les dispositions contractuelles prévues à l'article VI « honoraires négociés » et IV « Offre de prix » 1.2 dernier alinéa du contrat ; débouté la société T. C. architecture de sa demande tendant à voir condamner la SCCV Elegancia à lui payer la somme de 76.000 € TTC au titre de ses honoraires ; débouté la société T. C. architecture de sa demande tendant à voir condamner la SCCV Elegancia à lui payer la somme de 22 020 € TTC au titre de la revalorisation des honoraires ;

- débouter la société T. C. architecture de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Sur son appel incident,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts et statuant à nouveau :

- juger que la société T. C. architecture a manqué à ses obligations contractuelles à raison de la conception d'un ensemble immobilier dont le coût d'édification n'a pas respecté le budget prévisionnel, lequel a excédé de plus de 20 % le budget prévu par le maître de l'ouvrage ;

- juger que la société T. C. architecture n'a pas respecté les délais de réalisation de sa mission « DCE » ;

- condamner la société T. C. architecture à lui payer en réparation du préjudice subi, la somme de 100.000 € au titre de dommages et intérêts

En tout état de cause,

- débouter la société T. C. architecture de toutes ses demandes ;

- condamner la société T. C. architecture à lui payer la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire n'y avoir lieu à suspendre l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur les demandes reconventionnelles ;

- condamner la société T. C. architecture aux entiers dépens.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

I- Sur la rémunération de l'architecte :

A- Sur le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties :

Moyens des parties :

La société T. C. architecture soutient qu'aux termes de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ; qu'il appartient au juge de contrôler les clauses abusives présentes dans les contrats d'adhésion ; qu'en l'espèce, le contrat de maîtrise d’œuvre de conception signé par les parties est un contrat d'adhésion, car il a été établi par le promoteur, de telle sorte que l'architecte n'a pu en modifier les termes ; que les conditions générales du contrat ont été soustraites à la négociation et ont été déterminées à l'avance par la SCCV Elegancia ; que le promoteur entend se prévaloir de l'application de la clause « 1.2 Réglement de la rémunération » qui renvoie à la clause « honoraires négociés » en rappelant que selon la première le règlement prend effet à partir de l'obtention des résultats de l'appel d'offres auprès des entreprises et conforme au prévisionnel de travaux, et que, dans l'hypothèse où le coût d'objectif ne serait pas respecté, soit le maître d'ouvrage renonce à l'opération et la rémunération se limite au stade de l'[5] des horaires négociés, soit le maître d'ouvrage décide de poursuivre l'opération et la rémunération ; que pourtant elle a alerté son cocontractant sur l'insuffisance de l'enveloppe financière du coût des travaux de construction ; que néanmoins, la SCCV n'a pas suivi les recommandations de l'architecte ; que l'hégémonie de la SCCV créée par le promoteur immobilier Exeo est de nature à renforcer sa domination et sa puissance économique sur la concluante ; que l'application de la clause abusive par la SCCV conduit à priver l'architecte d'une partie considérable de sa rémunération légitime, soit 76.000 € ; que la clause « honoraires négociés » est en elle-même manifestement abusive, en ce qu'elle est unilatéralement prévue par la société de promotion immobilière, et est rédigée de façon à ce qu'elle s'applique à son seul bénéfice nonobstant tout travail effectivement fourni par son cocontractant ; que la clause poursuit en prévoyant que la mission de l'architecte unilatéralement interrompue par le maître d'ouvrage sera rémunérée sous forme d'indemnisation au temps passé, mais de manière abusive, cette rémunération au temps passé est plafonnée ; que le déséquilibre significatif ne porte nullement sur l'adéquation du prix à la prestation mais sur les conditions de résiliation unilatérale du contrat ; qu'en effet, le déséquilibre significatif est constitué par le fait que la SCCV Elegancia a unilatéralement prévu dans le contrat d'adhésion, une clause potestative aux termes de laquelle elle s'octroie unilatéralement le droit de mettre fin à la mission pour « des raisons administratives, économiques ou commerciales » ; que cette clause, rédigée intentionnellement de manière obscure, n'apporte aucune véritable précision sur les raisons pouvant conduire le maître d'ouvrage à sa mise en 'uvre, et cette faculté crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties ; qu'il était particulièrement audacieux d'inclure une clause intitulée « honoraires négociés » dans un contrat privé de toute négociation effective ; que la clause « honoraires négociés » sera donc réputée non écrite et le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit cette clause régulière.

La SCCV Elegancia réplique qu'un contrat d'adhésion est un contrat comportant des conditions générales imposées au contractant et la cour pourra constater que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que d'une part, le contrat conclu entre les parties ne comporte pas de conditions générales et d'autre part, le contrat a été librement négocié entre les parties ; que la preuve de cette négociation est d'ailleurs indiscutable puisque par mail en date du 9 octobre 2017, la société T. C. architecture lui a adressé ses observations et corrections sur le projet de contrat qui lui avait été adressé et la transmission d'un projet utilisé habituellement par la SCCV ne signifie nullement qu'il s'agit d'un contrat cadre ; qu'un projet a été transmis à la société T. C. architecture qui l'a transmis à la MAF pour conseil juridique et lui a retourné avec des propositions de modification et des corrections ; que la société T. C. Architecture était tout autant libre de ne pas s'engager dans cette relation et M. T. s'est d'ailleurs lui-même engagé sur un budget à dépasser qu'il n'a pas respecté tout en sachant qu'en cas de dépassement dudit budget, elle serait en droit de solliciter l'application de la clause d'honoraires négociés ; que la société T. C. Architecture est donc mal fondée à prétendre que le contrat de maîtrise d’œuvre serait un contrat d'adhésion qui aurait été imposé ; qu'à titre subsidiaire, si la cour considérait que le contrat de maîtrise d’œuvre conclu devait être qualifié de contrat d'adhésion, il ne pourra qu'être constaté que la clause d'honoraires négociés ne peut être réputée non écrite ; que d'une part, la société T. C. architecture ne démontre pas quel déséquilibre significatif la clause d'honoraires négociés entraînerait entre les droits et obligations de chaque partie au contrat ; que le contrat de maîtrise d’œuvre prévoit un prix unitaire au m² de 1 250€ que la société T. C. Architecture s'est engagée à respecter en signant le contrat, et à défaut de respect de cette condition, il est convenu contractuellement une modification du calcul de la rémunération de l'architecte ; que si la société T. C. architecture avait respecté ses engagements contractuels, la SCCV Elegancia aurait évidemment respecté les siennes et n'aurait pas eu à faire usage de cette clause ; que d'autre part, la clause d'honoraires négociés que tente de faire réputer non écrite la société T. C. architecture porte expressément sur l'adéquation du prix à la prestation ; qu'en effet, M. T. s'est contractuellement engagé à respecter les contraintes du projet et a accepté, dans l'hypothèse où le coût objectif ne serait pas respecté, entraînant alors un surcoût de construction, que la rémunération prévue serait limitée à la clause d'honoraires négociés ; que la prestation de M. T. consistait dans la réalisation d'un projet avec une enveloppe déterminée et s'il a accepté c'est parce qu'il considérait que le projet était réalisable ; qu'il s'agissait de mettre en adéquation la réalité de la prestation ‘et non pas celle initiale que M. T. n'a pas respectée ‘au prix, or, l'alinéa 2 de l'article 1171 du code civil prévoit explicitement que le déséquilibre ne peut porter sur l'adéquation du prix à la prestation ; que dans ces conditions, la société T. C. architecture est mal fondée à solliciter que la clause d'honoraires négociés soit réputée non écrite et la cour ne pourra que la débouter de son argumentation, faute pour elle de rapporter la preuve d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Réponse de la cour :

L'article 1171 du code civil dispose : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation ».

L'article 1110 du code civil, dans sa version applicable lors de la conclusion du contrat dispose : « Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties.

Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties ».

En l'espèce, le contrat de maîtrise d’œuvre de conception ne comporte pas de conditions générales. Afin de déterminer s'il s'agit d'un contrat d'adhésion, il convient d'apprécier si les clauses litigieuses portant sur la rémunération de l'architecte ont été imposées et soustraites à toute négociation de la part de ce dernier.

Le contrat prévoit les conditions de rémunération suivantes au point 1.1 :

« Elle est calculée sur la base d'un objectif de coût des travaux fixé à 1 250 HT/m² habitable compris VRD, Espaces Verts et démolition soit pour 5 104 m² habitable, la somme de 6 380.000 euros H.T.

Dans ces conditions, la rémunération est fixée forfaitairement à 190.000 euros H.T., soit environ 3 % du coût des travaux des constructions ».

Le point 1.2. stipule :

« Dans l'hypothèse où le coût d'objectif ne serait pas respecté :

- Soit le Maître d'Ouvrage renonce à l'opération et la rémunération se limite au stade de l'[5] des honoraires négociés (cf. chap. VI).

- Soit le Maître d'Ouvrage décide de poursuivre l'opération et la rémunération se limite à la notion d'honoraires négociés (cf. chap. VI) ».

Le chapitre VI du contrat, intitulé « honoraires négociés » stipule :

« Dans l'hypothèse où le Maître d'Ouvrage, pour des raisons administratives, économiques ou commerciales, décide de la cessation de la Mission ; celle-ci sera rémunérée sous forme d'indemnisation au temps passé et, ne pourra en aucun cas être supérieur à :

1) - ESQ + APS + APD = 10.000 €uros

2) - Plans de vente = 20.000 €uros

3) - DCE + ACT = 50.000 €uros

La notion « honoraires négociés » ne peut pas être applicable après la phase ACT ».

Dans un courrier électronique du 10 juillet 2017, la société T. C. architecture a demandé à la société Exeo Promotion, associée de la SCCV Elegancia, de lui communiquer le contrat de maîtrise d’œuvre pour lecture. Le lendemain, la société Exeo Promotion a communiqué le contrat à l'architecte.

Le 9 octobre 2017, la société T. C. architecture a écrit à la société Exeo Promotion un courrier électronique rédigé comme suit :

« Dans le cadre de votre projet de [Localité 8], vous trouverez ci joint le contrat proposé, corrigé.

Comme à mon habitude, votre contrat a été adressé à la MAF pour validation.

A la suite de cet envoi, vous trouverez mes observations annotées faisant suite au conseil juridique de la MAF, qu'il est nécessaire de revoir ensemble avant tout dépôt des pièces complémentaires du permis de construire.

Je réitère le fait, et ce malgré mes différentes expériences en matière de construction de logements sur sous sol, que le ratio de 1 250 €/m² compris VRD, Démolition et espaces verts, n'est pas en adéquation avec le projet : d'autant plus que nous nous trouvons sur un terrain incliné de 3,60 m de pente en diagonale, ce qui va générer un budget de VRD important.

De plus à ce jour, vous ne nous avez pas fourni d'étude de sol ; Les démolitions vont nécessairement attaquer la structure porteuse du terrain (2 [Localité 6] minimum) ce qui a impliqué des adaptations de fondations.

Le plan de géomètre remis étant incomplet à hauteur de 25 % pour les côtes NGF.

Je vous laisse le soin de lire tranquillement mon envoi et je reste à votre disposition a'n de revoir l'ensemble de ces points indispensables ».

Il résulte de ces échanges que si le promoteur a préparé le projet de contrat, celui-ci a été communiqué à la société T. C. architecture qui a été en mesure de proposer des corrections. Dans son courrier électronique du 9 octobre 2017, l'architecte n'a cependant pas trouvé utile de proposer une modification des clauses concernant sa rémunération, alors même qu'il avait émis des réserves sur le coût de la construction jugé trop faible et qu'il avait connaissance que l'article 1.2 du contrat renvoyait aux honoraires négociés au cas où le coût d'objectif ne serait pas respecté et que le maître d'ouvrage décidait de poursuivre l'opération.

Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas établi que les clauses litigieuses portant sur la rémunération de l'architecte avaient été soustraites de la négociation ayant existé entre les parties, de sorte que le contrat de maîtrise d'œuvre de conception n'est pas un contrat d'adhésion.

La société T. C. architecture est donc mal-fondée à soutenir qu'il conviendrait de faire application de l'article 1171 du code civil précité et de réputer non-écrite la clause « honoraires négociés ». Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que l'application et la mise en 'uvre de la clause d'honoraires négociés stipulée au contrat de maîtrise d’œuvre de conception est régulière.

 

B- Sur la loyauté contractuelle :

Moyens des parties :

La société T. C. architecture soutient que c'est au mépris de la loyauté contractuelle que la SCCV Elegancia a fait application de la clause « honoraires négociés » la privant de la rémunération qui lui est légitimement due, alors même qu'elle l'avait alertée sur l'insuffisance de l'enveloppe financière ; que la SCCV Elegancia a manqué à son devoir de loyauté à toutes les étapes du contrat (négociation, formation et exécution) ; que la SCCV n'a pas été loyale puisqu'elle a imposé un contrat dont les conditions non négociables allaient nécessairement conduire à sa déconfiture ; que l'application de la clause « honoraires négociés » est irrégulière, car elle avait terminé ses missions au titre de la phase ACT depuis le 27 septembre 2018 ; que de plus, l'architecte ne saurait être soumis aux délais de réalisation des 13 missions ACT du maître d’œuvre d'exécution (MOE) qui sont sous son entière responsabilité ; que par conséquent, la SCCV Elegancia sera condamnée à lui verser la somme de 126.000 € TTC au titre du solde d'honoraires restant dû.

La SCCV Elegancia fait valoir que la preuve d'une déloyauté contractuelle n'est pas établie ; qu'elle était parfaitement en droit de définir un budget de réalisation à ne pas dépasser et la société T. C. architecture en tant que professionnelle de l'immobilier pouvait librement faire valoir sa position sur cette enveloppe financière ; que l'appelante pouvait tout autant refuser de s'engager dans cette relation contractuelle dont elle connaissait les conditions si elle estimait que le projet n'était pas réalisable aux conditions souhaitées ; que c'est en parfaite connaissance de cause que la société T. C. architecture a accepté de signer ce contrat après avoir recueilli l'avis de la Maf et après avoir faire valoir ses observations et corrections sur le projet ; que la cour ne pourra donc que débouter la société T. C. architecture de son argumentation ; que la phase ACT comprend notamment l'assistance du maître de l'ouvrage pour les appels d'offre auprès des entreprises, la négociation des marchés, les mises au point nécessaires pour permettre la passation des contrats de travaux par le maître d'ouvrage, la préparation des marchés ; que la phase ACT n'est achevée que par la conclusion de l'ensemble des marchés ; que dès le lancement des appels d'offre des lots principaux, alors que le budget de l'opération a été fixé en accord avec l'architecte à 6 380.000 € hors achat du foncier, il est apparu que les résultats de certains lots se sont avérés nettement supérieurs à ceux qui avaient été budgétés.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Il incombe à la société T. C. architecture d'établir un manquement de la SCCV Elegancia à son obligation de négocier, de contracter et d'exécuter le contrat de bonne foi.

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'architecte a pu faire valoir ses observations sur le projet de contrat qui a été librement négocié entre les parties, de sorte qu'il n'existe aucun manquement à l'obligation de contracter de bonne foi.

La clause portant sur les « honoraires négociés » prévoir une rémunération au titre des phases DCE et ACT et précise que la clause n'est pas applicable après la phase ACT. En conséquence, le fait que la phase ACT ait été achevée, selon les dires de l'architecte, ce qui est contesté par la SCCV Elegancia, n'est pas de nature à écarter l'application de la clause portant sur les honoraires négociés qui permet la rémunération du travail de l'architecte accompli au titre de cette mission.

La société T. C. architecture n'allègue ni ne démontre avoir réalisé les missions postérieures à la phase ACT, pour lesquelles la clause portant sur les honoraires négociés n'est pas applicable. En conséquence, l'appelante n'établit pas la déloyauté contractuelle alléguée de sa co-contractante.

 

C - Sur le montant de la rémunération :

Moyens des parties :

L'appelante soutient qu'elle est fondée à solliciter le solde des honoraires à hauteur de 126.000 euros, pour les motifs précités, et à obtenir une revalorisation de ces honoraires d'un montant de 22 020 € TTC ; qu'en effet, le contrat prévoit que les honoraires de l'architecte sont de 3 % du budget final de l'opération ; que le promoteur n'a jamais communiqué le budget final du coût de l'opération, et pour cause puisqu'en maintenant un coût total de travaux trop bas et donc irréalisable, le promoteur fait des économies très substantielles sur ces honoraires à devoir verser ; qu'il n'en reste pas moins qu'il y aura lieu de faire appliquer le contrat sur la réalité de l'opération ; que le prix de revient des travaux est de 6 825.000 euros HT pour la partie bâtiment tout corps d'état donc hors VRD et démolition et désamiantage ; qu'il convient d'ajouter aux 6 825.000 € le montant démolition et désamiantage de 120.000 €, ce qui porte le coût à 6 945.000 € ; que sur la base de cette somme, les honoraires applicables contractuellement de 3 % sont égaux à 208 350 € HT et non 190.000 € HT, ce qui fait une différence de 18 350 € HT ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.

La SCCV Elegancia explique que tirant argument de la coquille figurant en page 7 du contrat mentionnant un objectif de coût de 6 825.000 € HT soit 1 250 € HT/m² x 5 460 m², surface initialement envisagée par le maître de l'ouvrage qui n'a pas été retenue, l'appelante prétend obtenir le versement d'un honoraire complémentaire sur la base du budget représentant le coût entre la surface initialement envisagée par le maître de l'ouvrage ; que cependant, la surface du bâtiment objet du contrat qui résulte de la conception de M. T. est de 5 104 m² pour laquelle il a établi des plans, et qui est reprise en page 4 du contrat au paragraphe « Objet du marché » ; que dans ces conditions, la cour déboutera la société T. C. architecture de sa demande de paiement d'un honoraire complémentaire de 18 350 € HT ; que le terme « environ 3 % » figurant à la convention, correspond à la rémunération telle qu'elle a été considérée, non pas en pourcentage exact du montant des travaux, mais fixée forfaitairement à la somme de 190.000 €, indépendamment du coût final des travaux, représentant 2,98 % du coût estimé de la construction ; qu'elle produit le coût final de l'opération, comme pratiqué pour chaque programme, corps d'état par corps d'état, après l'achèvement des travaux ; que les parties ont convenu d'une rémunération sur une base forfaitaire ; que c'est donc en vain que la société T. C. architecture sollicite une revalorisation de ses honoraires, d'autant que le passage en honoraires négociés, résulte de sa propre défaillance dans la conception d'un projet compatible avec le projet qui avait été fixé par les parties.

Réponse de la cour :

Au regard de ce qui précède, la société T. C. architecture ne peut prétendre à obtenir une rémunération supérieure à celle prévue au contrat, au chapitre « honoraires négociés », dès lors que l'objectif du coût a été dépassé, et que le maître d'ouvrage a décidé de poursuivre l'opération.

Surtout, le contrat prévoit une rémunération forfaitaire au titre des honoraires négociés, cette clause étant applicable en l'espèce, sans possibilité de revalorisation du montant des honoraires. Il convient en outre de rappeler que ces honoraires négociés forfaitaires se sont appliqués du fait du non-respect de l'objectif de coût de l'opération par l'architecte, qui ne peut donc se prévaloir de ce dépassement pour voir revaloriser le montant de ses honoraires librement négociés et acceptés.

La société T. C. architecture sera donc déboutée de sa demande en paiement au titre des honoraires et de revalorisation de ces derniers.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société T. C. architecture de sa demande de paiement des honoraires forfaitaires conventionnels et de sa demande de revalorisation des honoraires forfaitaires conventionnels.

 

II- Sur les demandes indemnitaires :

A- Sur la demande de l'architecte :

Moyens des parties :

La société T. C. architecture soutient que le jugement doit être réformé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts ; qu'à titre principal, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, la résistance de la SCCV Elegancia à ne pas vouloir régler ses honoraires est abusive et constitue une inexécution contractuelle lui causant directement un préjudice financier dès lors qu'il se retrouve privé de ses honoraires contractuellement dus ; que le paiement des deux premières missions avec 6 et 3 mois de délai est abusif ; qu'outre les difficultés de gestion engendrées par une facture impayée, il a été contraint, dans le cadre du marché et du fait de ses responsabilités, de payer une assurance pour chacun de ses marchés de 5,55 % pour 1.000 euros de travaux soit 22 727 euros TTC ; que pour la mise en 'uvre de l'assurance, le maître d'ouvrage doit obligatoirement informer l'architecte de la date exacte de départ de chantier et du budget final du coût de l'opération retenu par le promoteur ; que le promoteur ne lui a jamais communiqué ces informations, l'exposant à être en infraction avec la loi et le contrat, puisque la déclaration d'assurance est une obligation légale ; que cette inexécution contractuelle cause un préjudice à l'architecte qui ne pourra être inférieur à la somme de 20.000 € ; qu'à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, le promoteur devra répondre du dommage causé puisqu'il agit en infraction avec les dispositions de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle qui pose le principe de la protection des plans, croquis, projets, ouvrages de l'architecte ; que ce sont ces plans que le promoteur utilise pour son opération de construction sans les avoir réglés ; que les pratiques déloyales du promoteur sont bien orchestrées, à savoir minimiser le prévisionnel des travaux pour limiter les honoraires de l'architecte qui sont fixés en fonction du coût des travaux, le défaut de communication du véritable prévisionnel des travaux, et l'honoraire négocié suppose la résiliation du contrat mais en ne résiliant pas ledit contrat, le promoteur continue son projet en utilisant les travaux de l'architecte en violation totale des droits de la propriété ; que ces procédés déloyaux sont constitutifs d'une faute qui cause un préjudice à l'architecte qui ne pourra être inférieur à la somme de 20.000 €.

La SCCV Elegancia réplique que sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, elle n'a commis aucune faute de sorte que la société T. C. architecture sera déboutée de ses demandes ; que sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les arguments sur lesquels l'appelante fonde la faute pour atteinte aux droits d'auteur de l'architecte, ne sont aucunement établis ; qu'il n'y a pas eu de minimisation du prévisionnel des travaux, les parties ayant par ailleurs conventionnellement fixé le budget dans le contrat d'architecte ; que la maîtrise d'ouvrage n'a jamais refusé de communiquer le coût réel de la réalisation du programme immobilier et n'a jamais caché un prévisionnel plus important que celui envisagé ; que la résiliation du contrat d'architecte et le passage en honoraires négociés, conformément aux stipulations contractuelles, n'emporte pas impossibilité pour le promoteur de poursuivre l'exécution du programme immobilier, la convention le prévoyant expressément et donc, d'utiliser les plans établis par l'architecte ; que la société T. C. architecture ne justifie pas en quoi le promoteur aurait violé les droits d'auteur ; que pour l'ensemble de ces motifs, la cour déboutera purement et simplement la société T. C. architecture de cette demande et confirmera la décision rendue par le tribunal.

Réponse de la cour :

L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

La SCCV Elegancia a rémunéré la société T. C. architecture conformément aux stipulations du contrat, sur le fondement des « honoraires négociés » dès lors que le coût d'objectif n'avait pas été respecté. Aucune faute contractuelle n'est donc établie à ce titre.

S'agissant du retard de paiement de factures d'honoraires, il convient de rappeler que l'article 1231-6 du code civil prévoit que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure, et que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

Or, d'une part la société C. T. architecture a sollicité des honoraires supérieurs à ceux contractuellement, et d'autre part, elle n'établit ni la mauvaise foi de la SCCV Elegancia ni l'existence d'un préjudice distinct qui ne serait pas déjà réparé par des intérêts moratoires.

Enfin, aucune clause du contrat ne prévoit l'obligation pour le maître d'ouvrage d'informer l'architecte de la date exacte de départ de chantier et du budget final du coût de l'opération retenu par le promoteur, de sorte qu'aucune faute ne peut être retenue à ce titre. En outre, l'architecte évoque un préjudice hypothétique, puisqu'il allègue seulement avoir été exposé « à être en infraction avec la loi et le contrat ».

Au regard de ces éléments, la responsabilité contractuelle de la SCCV Elegancia n'est pas engagée à l'égard de la société T. C. architecture qui sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La responsabilité contractuelle ne pouvant se cumuler avec la responsabilité délictuelle, la société T. C. architecture est mal-fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 1240 du code civil alors qu'elle a conclu un contrat avec la SCCV Elegancia, lequel prévoyait la possibilité de poursuivre l'opération de construction nonobstant la fin de mission de l'architecte. La demande de dommages et intérêts formée sur le fondement de l'article 1240 du code civil sera donc rejetée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société T. C. architecture de sa demande de dommages et intérêts.

 

B - Sur la demande du maître d'ouvrage :

Moyens des parties :

La SCCV Elegancia explique qu'elle est fondée à solliciter de la cour qu'elle infirme la décision rendue par le tribunal qui l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts ; que l'architecte a un devoir d'initiative sur le budget de construction et doit se renseigner sur les moyens financiers du maître d'ouvrage ; que si l'architecte et le maître d'ouvrage ont prévu une estimation de budget dans le contrat d'architecture, il revient à l'architecte de réaliser les plans en fonction des moyens financiers du maître d'ouvrage ; que de jurisprudence constante, dès lors que le maître de l'ouvrage a averti l'architecte de l'obligation de ne pas dépasser un coût prévisionnel de construction, commet une faute le maître d''uvre qui établit un projet entraînant un dépassement notable du coût prévisionnel ; que le contrat de maîtrise d’œuvre de conception prévoit un budget de 1 250 €/m² hors achat de foncier, soit un budget de 6 380.000 € HT ; qu'elle a supporté un surcoût de 1 434.000 € HT, soit plus de 20 % du montant du budget global envisagé hors achat du foncier ; que la société T. C. architecture a commis une faute en ne proposant pas au maître de l'ouvrage l'édification d'un ensemble immobilier dont le coût des travaux respectait la somme de 6 380.000 € HT imposé par le contrat ; que le contrat prévoyait que le DCE devait être lancé le 2 février 2018 pour une période de 8 semaines ; que M. T. n'a achevé sa mission DCE que le 18 juillet 2018 ; que ce délai n'a pas été respecté et a été très largement dépassé ; que nul n'était besoin de notifier à l'architecte un ordre de service qui n'est pas prévu au contrat et M. T. ne peut sérieusement soutenir que la mission DCE ne débutait qu'à l'expiration du délai de recours des tiers ; que ce retard dans la fourniture des plans, a décalé la procédure d'appel d'offre ; qu'afin de ne pas perdre le bénéfice des promesses de vente, elle a dû procéder à l'acquisition des 7 biens immobiliers sur lesquels était prévue la réalisation de l'opération de promotion immobilière ; que la déclaration d'ouverture de chantier n'a pu intervenir que le 17 décembre 2018 ; qu'elle n'a pu régulariser l'acte d'engagement pour le lot n° 1 « Débroussaillage, désamiantage, démolition, terrassement démolition [Localité 7] » que le 8 janvier 2019 et pour le lot n° 2 « Gros-oeuvre » que le 30 janvier 2019, à des conditions plus onéreuses ; que si la société T. C. architecture avait respecté le délai de réalisation de la mission DCE, elle aurait pu négocier dans des conditions plus favorables ; qu'elle est en conséquence fondée à solliciter, à raison du surcoût du coût de la construction, qui s'est élevé à la somme de 1 434.000 € HT, la condamnation de la société T. C. architecture à lui payer à titre de dommages et intérêts, la somme de 100.000 €.

La société T. C. architecture indique que l'estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux est une mission contractuelle à la charge du maître de l'ouvrage ; que le montant de cette estimation est transmis par le maître d'ouvrage qui a la charge de l'étude économique du projet sur la base des plans transmis par l'architecte à ce stade ; que M. T. a alerté le promoteur sur le coût global de l'opération et a signé le contrat en désaccord total avec l'enveloppe proposée par le maître d'ouvrage ; que le promoteur a signé également le contrat en validant le coût de construction et n'a pas plus stoppé l'opération sur la base des estimations du maître d’œuvre d'exécution, en phase APS puis en phase APD ; que la SCCV Elegancia était consciente du surcoût dans les travaux qui allait être engendré par les travaux du [Localité 9] [Localité 11], mais a préféré, malgré tout, minimiser volontairement le budget alloué pour créer de toute pièce le litige qui se présente devant la cour ; que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ; que la SCCV Elegancia se targue d'une prétendue faute de M. T. sans pour autant en démontrer l'existence et ne démontre aucunement l'existence d'un préjudice indemnisable ; que la cour ne pourra que confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCCV Elegancia de sa demande de dommages et intérêts ; que le contrat n'a été signé par les parties que le 2 juillet 2018, de sorte que la SCCV Elegancia ne peut valablement pas se prévaloir du respect des dispositions contractuelles d'un contrat signé 5 mois après le début de la mission DCE qui a été fixé arbitrairement par la SCCV ; que celle-ci soutient que ce prétendu retard lui aurait causé un préjudice dont elle ne rapporte pas la preuve ; qu'aucune faute ne peut ainsi valablement être imputée à M. T., aucun préjudice indemnisable ne peut être retenu et aucun lien de causalité n'est démontré ; qu'à titre subsidiaire, aucun planning n'a été communiqué à l'architecte ; qu'il appartient au promoteur de démontrer à partir de quelle date la mission DCE démarre et il lui appartiendra également de démontrer son préjudice à l'égard de son opération de construction ; que la cour observera qu'aucune clause de pénalités de retard n'existe dans le contrat ; que le promoteur sait parfaitement qu'au dépôt du permis de construire, la mission DCE ne débute qu'à l'expiration du délai de recours des tiers pour ne pas travailler pour rien ; que le permis de construire a été accepté par arrêté complémentaire le 9 février 2018 ; que compte-tenu du délai de recours des tiers, M. T. aurait dû commencer au 15 juin 2018 pour un rendu avec RICT du bureau de contrôle au 30 septembre 2018 ; que M. T. a envoyé le 24 septembre 2018 les plans en PDF et DWG ainsi que le RICT le 27 septembre 2018 ; que les délais contractuels ont été totalement respectés par l'architecte.

Réponse de la cour :

L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Le contrat de maîtrise d’œuvre de conception stipule que « le maître de l'ouvrage et la maîtrise d'œuvre définissent ensemble le coût d'objectif de l'opération », et mentionne un objectif de coût des travaux fixé à 1 250 HT/m2 habitable soit pour 5 104 m²/habitable, la somme de 6 380.000 euros HT.

En conséquence, l'architecte n'a pas défini seul le coût de l'opération, mais celui-ci résulte d'un accord des parties, de sorte que la SCCV Elegancia a également participé à la définition du coût prévisionnel de la construction.

Il résulte des échanges antérieurs à la conclusion du contrat que la société T. C. architecture avait alerté la SCCV Elegancia sur le coût sous-estimé des travaux.

Ainsi, par courrier électronique du 9 octobre 2017, la société T. C. architecture a écrit à la société Exeo Promotion un courrier électronique rédigé comme suit :

« Je réitère le fait, et ce malgré mes différentes expériences en matière de construction de logements sur sous sol, que le ratio de 1 250 €/m² compris VRD, Démolition et espaces verts, n'est pas en adéquation avec le projet : d'autant plus que nous nous trouvons sur un terrain incliné de 3,60 m de pente en diagonale, ce qui va générer un budget de VRD important ».

Par courrier électronique du 23 février 2018, l'architecte a écrit au maître d'ouvrage :

« Je rappelle que ton coût d'objectif de 1 250 euros HT/m² est trop faible avec deux niveaux de parkings et le dénivelé du terrain : c'est pourquoi cette approche SAD / structure me semble primordial pour minimiser les coûts ».

Ainsi, l'architecte a informé et alerté le maître d'ouvrage à plusieurs reprises sur la sous-estimation du coût prévisionnel des travaux. La SCCV Elegancia a préféré maintenir l'évaluation mentionnée dans le projet de contrat de maîtrise d’œuvre de conception.

En conséquence, il ne peut être retenu aucune faute de l'architecte quant au dépassement du coût prévisionnel des travaux, dont le risque était connu du maître d'ouvrage.

S'agissant du respect du délai pour l'exécution de la mission DCE, le contrat au titre du calendrier prévisionnel d'exécution de la mission « 8 semaines après OS ». Or, la SCCV Elegancia ne produit aucun ordre de service adressé à la société C. T. architecture, se bornant à soutenir dans ses conclusions qu'il n'était pas besoin de notifier à l'architecte un ordre de service qui n'est pas prévu au contrat. En outre, l'intimée n'établit pas que le retard allégué d'exécution de la mission DCE aurait conduit à un surcoût de l'opération dont elle demande réparation.

La SCCV Elegancia doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

 

III- Sur les frais de procédure :

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société T. C. architecture sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la SCCV Elegancia la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société T. C. architecture aux entiers dépens d'appel ;

CONDAMNE la société T. C. architecture à payer à la SCCV Elegancia la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER      LE PRÉSIDENT