CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

T. COM. BOBIGNY (5e ch.), 3 juin 2025

Nature : Décision
Titre : T. COM. BOBIGNY (5e ch.), 3 juin 2025
Pays : France
Juridiction : Bobigny (TCom) 5e ch.
Demande : 2024F00449
Décision : 2025F01530
Date : 3/06/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Numéro de la décision : 1530
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 24160

T. COM. BOBIGNY (5e ch.), 3 juin 2025 : RG n° 2024F00449 ; jugt n° 2025F01530

Publication : Judilibre

 

Extrait (arguments du défendeur) : « En conséquence, elle demande l’annulation du contrat de franchise signé avec Poulet Braisé Exploitation et l’obtention de dommages et intérêt en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi. Elle soutient enfin que le contrat signé procure un déséquilibre significatif à son détriment et qu’en tout état de cause, la somme demandée en conséquence de la résiliation doit être modérée en tant que clause pénale. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BOBIGNY

CINQUIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 3 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2024F00449. Jugement n° 2025F01530.

 

PARTIES A L'INSTANCE :

DEMANDEUR(S) :

SAS POULET BRAISE EXPLOITATION

[Adresse 4] Représentant légal : L.I.D CORPORATION, Président, [Adresse 4] comparant par Maître U. O. [Adresse 2]

 

DÉFENDEUR(S) :

SAS PB 92

[Adresse 6] Enseigne : POULET BRAISE Représentant légal : M. X. X., Président, [Adresse 5] comparant par Maître L. I. [Adresse 3] (75C0767)

Mme Y.

[Adresse 1] (Intervenant forcé) comparant par Maître L. I. [Adresse 3] (75C0767)

M. S. X.

[Adresse 5] (Intervenant forcé) comparant par Maître L. I. [Adresse 3] (75C0767)

M. X. X.

[Adresse 5] (Intervenant forcé) comparant par Maître L. I. [Adresse 3] (75C0767)

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats : M. DURAND, Juge Chargé d’instruire l’affaire. Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal.

DÉBATS : Audience publique du 20 mars 2025 devant le Juge chargé d’instruire l’affaire désigné par la formation de jugement.

JUGEMENT : Décision contradictoire et en premier ressort,

Prononcée par mise à disposition au Greffe du Tribunal le 3 Juin 2025

et délibérée le 15 mai 2025 par : Président : M. Pierre VILLAIN, Juges : M. Thierry FARSAT M. Jean-François DURAND

La Minute est signée électroniquement par M. Pierre VILLAIN, Président et par Mme Coumba DIALLO Commis Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS :

La SAS POULET BRAISE EXPLOITATION (RCS BOBIGNY N° XXX), entreprise de restauration portant sur la fabrication, la préparation et la vente sur place, à emporter ou en livraison de plats à base de poulet et notamment de poulet braisé, a décidé d’accélérer son développement en ouvrant en propre des restaurants et en franchisant son concept.

Par acte sous seing privé en date du 7 mars 2020, cette société a conclu un contrat de franchise d’une durée de sept ans avec la société PB92 (RCS NANTERRE N° YYY) représentée par sa présidente Madame Y. et Monsieur S. X., en qualité de directeur général.

Par ordonnances en injonction de payer en dates du 4 décembre 2023 puis du 26 février 2024 rendues par le Tribunal de commerce de Nanterre, la société PB92 a été condamnée à régler à la société Poulet Braisé Exploitation la somme totale en principal de 63.172,16 € (24.774,92 € + 38.397,24 €) au titre de redevances qu’elle a estimé lui être dues.

La société PB 92 a formé opposition à ces deux ordonnances et l’affaire a été renvoyée au fond auprès de la juridiction qu’elle estime compétente, à savoir le tribunal de commerce de Bobigny.

C’est ainsi qu’est née la présente instance.

 

PROCÉDURE :

En exécution de la décision du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 4 décembre 2024 donnant compétence au Tribunal de commerce de Bobigny, l’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 2024F00449 et les parties ont été convoquées à l’audience collégiale du 4 avril 2024 de la 2ème chambre de ce Tribunal. Elle a été appelée à quatre audiences du 4 avril 2025 au 5 septembre 2024. La société Poulet Braisé Exploitation a déposé à l’audience du 20 juin 2024 des « conclusions en demande n°1 ».

Le défendeur ne conclut pas.

Lors de l'audience du 5 septembre 2024, la formation de jugement a, conformément aux articles 861 et suivants du code de procédure civile, confié le soin d'instruire l'affaire à l'un de ses membres, et a convoqué les parties à l'audience de ce juge pour le 26 septembre 2024.

A cette date, les parties présentes ne s’y étant pas opposées, le juge chargé d'instruire l'affaire a, conformément à l'article 871 du code de procédure civile, tenu seul l'audience de plaidoirie, a entendu leurs dernières observations et leurs plaidoiries, a renvoyé l’affaire à l’audience collégiale de la 5ème chambre du 17 octobre 2024.

Par ordonnance en date du 14 mai 2024 (2024O14048), le président du Tribunal de commerce de Bobigny a autorisé la société Poulet Braise Exploitation à assigner à bref délai la société PB92, Madame Y., Monsieur S. X. et Monsieur X. X. à l’audience collégiale du 23 mai 2025 de la 5ème chambre de ce Tribunal.

Cette affaire qui a été enrôlée sous le numéro RG 2024F00963 a été appelée à quatre audiences du 23 mai 2024 au 17 octobre 2024. La demanderesse a conclu aux audiences du 23 mai et du 19 septembre 2025. Les défenderesses ont déposé leurs « Conclusions n°1 » à l’audience du 20 juin 2024.

A l’audience du 17 octobre 2024, le tribunal a prononcé la jonction de cette dernière affaire avec celle enrôlée sous le numéro RG 2024F00449 dont elle reprend le numéro.

L’affaire a été ensuite appelée aux audiences collégiales du 17 octobre 2024, 28 novembre 2024 et 12 décembre 2024.

A cette dernière audience, la formation de jugement a, conformément aux articles 861 et suivants du code de procédure civile, confié le soin d'instruire l'affaire à l'un de ses membres, et a convoqué les parties à l'audience de ce juge pour le 23 janvier 2025.

A cette date, le juge chargé d'instruire l'affaire a, conformément à l'article 871 du code de procédure civile, tenu seul l'audience de plaidoirie, les parties présentes ne s’y étant pas opposées. Il a entendu leurs explications, a régularisé de nouvelles conclusions en défense comprenant 36 nouvelles pièces. En conséquence, le juge a renvoyé l’affaire à l’audition de ce juge le 20 mars 2025.

Le 20 mars 2025, le juge chargé d'instruire l'affaire a, conformément à l'article 871 du code de procédure civile, tenu seul l'audience de plaidoirie, les parties présentes ne s’y étant pas opposées. Il a ensuite entendu leurs dernières observations et leurs plaidoiries, a accepté un complément d’informations de la part du demandeur concernant les preuves de courriers échangés entre POULET BRAISE EXPLOITATION et son franchisé PB95, ainsi que la liste des restaurants succursales et franchisés en Ile de France à fournir au moyen d’une note en délibéré avant le 4 avril 2025, note sur la base de laquelle le défendeur avait la possibilité de répondre jusqu’au 15 avril 2025. Il a ensuite déclaré les débats clos, mis l’affaire en délibéré et a annoncé que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025, en application du second alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 octobre 2024, la société Poulet Braisé Exploitation demande au Tribunal :

Vu les articles 1103, 1171, 1216, 1217, 1224 et 1231-5 du Code civil,

Vu le contrat de franchise,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées au débat,

RECEVOIR les prétentions et demandes de la société POULET BRAISE EXPLOITATION et la déclarer bien fondée ;

DEBOUTER la société PB 92 de toutes ses demandes et, fins et prétentions

PRENDRE ACTE de l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de franchise en date du 7 mars 2020 à compter du 3 avril 2024 ;

EN CONSEQUENCE,

CONDAMNER solidairement la société PB 92, Madame Y. [Z], Monsieur X. X. et Monsieur S. X. à verser à la société POULET BRAISE EXPLOITATION, la somme de 150 000 euros, au titre des redevances qui auraient été payées au Franchiseur à compter du 3 avril 2024, date de la résiliation jusqu'au terme prévu du contrat de franchise en date du 7 mars 2020 ;

CONDAMNER la société PB 92, sous peine d'astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter d'un délai de huit jours suivant la date du jugement à intervenir, à :

* Cesser l'utilisation des signes distinctifs, quelle qu'en soit la forme ou le support à savoir notamment :

o L'enseigne apposée sur la façade et à l'intérieur du restaurant ; o Les panonceaux à l'enseigne ; O Les agencements et le mobilier spécifique au réseau ; O Les références aux marques ou à l'enseigne et plus généralement aux signes distinctifs sur tout support à caractère commercial (internet, pages jaunes, annonces dans les journaux locaux, annuaires, flyers, affiches, etc.)

o Les services de commande en ligne mis à disposition par le franchiseur o Et de manière plus générale tout support à caractère commercial ou non, publicitaire ou non, portant sur tout ou partie des signes distinctifs, et notamment sur tous les moteurs de recherche et sur les pages jaunes, tous les matériels publicitaires, emballages et autres articles portant un o plusieurs signes distinctifs et/ou le nom du franchiseur.

* Retourner sans délai au franchiseur :

o La charte graphique, le manuel du savoir-faire et la charte architecturale, le plan de maîtrise sanitaire POULET BRAISE et les notes internes du réseau, le franchisé ne pouvant en conserver les copies.

O Les originaux et toutes les copies du logiciel et de la documentation logicielle. 0 Tout document relatif à l'utilisation des services de commande en ligne qui pourrait être en sa possession.

O Toute la documentation assistance.

* Détruire sans délai, tout document ou support, notamment commercial ou publicitaire sur lequel est apposé tout ou partie des signes distinctifs.

* Procéder aux modifications nécessaires, s'agissant de la façade et de l'agencement intérieur du restaurant, pour prévenir tout ressemblance ou confusion possible entre le restaurant du Franchisé et un restaurant sous enseigne.

* Rétrocéder au Franchiseur à leur valeur nette comptable, une partie ou l'ensemble des accessoires logotés PB POULET BRAISE et/ou du mobilier spécifique et/ou des produits logotés, des produits spécifiques en vigueur dans le réseau à condition qu'ils soient encore de qualité loyale et marchande. Le stock non repris par le franchisé devra être détruit par le franchisé, à ses frais. Concernant les banquettes, le franchiseur pourra les racheter à leur valeur vénale. Dans le cas contraire, le franchisé devra les retapisser ou les détruire ;

* Remettre à ses frais au franchiseur tous les éléments qui lui ont été transmis dans le cadre de l'exécution du contrat relatif au savoir-faire ou au réseau ;

* Remettre au Franchiseur l'enseigne ainsi que tous les matériels publicitaires, emballages, et autres articles portant un ou plusieurs signes distinctifs, et/ou le nom du franchiseur ainsi que tout document qui lui aurait été remis par le franchiseur en application de l'obligation d'assistance prévue par le contrat de franchise.

CONDAMNER solidairement la société PB 92, Mme Y. [Z], Monsieur X. X. et Monsieur S. X. à verser à la société POULET BRAISE EXPLOITATION, au titre des redevances dues à compter du mois de décembre 2022 jusqu’au 3 avril 2024 date de résiliation du contrat, la somme de 108 397,81 euros à parfaire décomposés de la manière suivante :

- 92.604,42 euros au principal, au titre des redevances dues à compter du mois de décembre 2022 jusqu’au 3 avril 2024 ;

- 5.932,95 euros à parfaire au titre des intérêts de retard égal à trois fois le taux d'intérêt légal ;

L'intégralité des frais bancaires résultant du défaut de paiement de la société PB 92 ; 600 euros au titre de la somme forfaitaire prévue par l'article D441-5 du code de commerce ;

9 260,44 euros au titre des pertes et frais engagés à hauteur de 10% du montant de la créance.

CONDAMNER solidairement la société PB 92, Madame Y. [Z], Monsieur X. X. et Monsieur S. X. à verser à la société POULET BRAISE EXPLOITATION la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER solidairement la société PB 92, Madame Y. [Z], Monsieur X. X. et Monsieur S. X. aux dépens.

[*]

En réponse, la société PB92, Madame Y., M. S. X. et M. X. X. aux termes de leurs dernières conclusions du 23 janvier 2025, demandent au Tribunal :

Vu les articles 42 et 48 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1112-1 du Code civil,

Vu les articles 1103, 1130, 1131, 1132 et 1137 et suivants du Code civil, Vu l’article 1231-5 du Code civil,

Vu l’article 1171 du Code civil,

Vu l’article L. 442-I 2° du Code de commerce,

Vu les pièces versées aux débats.

A titre principal,

Se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Commerce de NANTERRE,

A titre subsidiaire,

METTRE hors de cause Madame Y.

DEBOUTER la société POULET BRAISE EXPLOITATION de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

PRONONCER la nullité du contrat de franchise régularisé entre la société POULET BRAISE et la société PB 92 ;

CONDAMNER la société POULET BRAISE EXPLOITATION à rembourser à la société PB 92, l’ensemble des sommes perçues depuis la signature du contrat de franchise ;

Soit la somme de 1.013.851 €.

Dans l’hypothèse où le Tribunal ne prononcerait pas la nullité du contrat de Franchise et Compte tenu de la mauvaise foi de la société POULET BRAISE EXPLOITATION

CONDAMNER la société POULET BRAISE EXPLOITATION à payer à la société PB 92, la somme de 690.245 € à titre de dommages et intérêts

En tout état de cause,

CONDAMNER la société POULET BRAISE EXPLOITATION à payer à la Société PB 92 la somme de 10.000 (Dix mille) euros au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir

CONDAMNER la société POULET BRAISE EXPLOITATION en tous les dépens.

[*]

Le juge a fait rapport au Tribunal.

 

MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES :

A titre liminaire, avant tout débat au fond, les défendeurs soulèvent l'incompétence du tribunal de céans et désigne le tribunal de commerce de Nanterre comme seul compétent pour juger ce litige en vertu de l’article 42 du code de procédure civile qui dispose que le Tribunal compétent est celui du domicile du défendeur.

Le demandeur répond que l’article 22 du contrat de franchise, dûment accepté et signé par les deux parties, fixe la compétence en cas de litiges entre les parties au Tribunal de commerce du siège social du franchiseur, en l’espèce celui de Bobigny.

Sur le fond,

La société demanderesse, Poulet Braisé Exploitation, demande la résiliation de plein droit du contrat au 3 avril 2024. Le franchiseur indique, à l’appui de sa demande, que le franchisé a manqué aux obligations suivantes :

Non-respect des normes de sécurités et d’hygiène (article 6.6; du contrat de franchise), constaté par des audits le 4 octobre 2022, 15 février 2023, 7 juin 2023, 3 juillet 2023, 11 octobre 2023, 21 novembre 2023 et du 20 février 2024 ;

Non-respect de la politique d’approvisionnement telle que définie à l’article 7 du contrat de franchise dès 2020. Le franchiseur souligne que, lors d’une sommation interpellative délivrée le 11 mars 2024 à la société PB92, M. X. X. a expliqué qu’il fabriquait lui-même la sauce, que les poulets venaient du magasin METRO et que les emballages ne venaient pas de la centrale d’achat du franchiseur.

Non-paiement des redevances de franchise et de communication à compter du mois de décembre 2022, faisant apparaitre une dette de 63 172,16 € en aout 2023.

Non-respect de la clause d’agrément (article 13.3). Lors d’une AGE le 1er mars 2021, Mme Y. a cédé ses actions à M. S. X. et M. X. X.. Ce dernier est devenu le représentant légal de la société.

[*]

Le défendeur expose,

Sur la mise en cause de Madame Y., le défendeur confirme que celle-ci a bien été associée de PB92 à hauteur de 30% jusqu’au mois de mars 2021, qu’elle a cédé 15% de ses parts à M. X. X. et 15% à M. S. X.

Elle a mis fin à son mandat de Présidente et a été remplacée par M. X. X. Il estime de ce fait que Mme Y. doit être mise hors de cause.

Sur le contrat de franchise et les obligations du franchiseur, la société défenderesse, PB92, expose que le franchiseur avec lequel elle a contracté le 7 mars 2020 : Ne lui a pas donné toute l’assistance voulu en matière commerciale et technique grâce à des formations comme indiqué dans le contrat ; Ne lui a pas indiqué les « food costs » lui permettant de faire une bonne gestion de sa franchise et de ce fait n’a pas pu démontrer la profitabilité réelle de son concept ; A mené des audits d’hygiène en plein service dont elle conteste les mauvais résultats ; A appliqué des tarifs sur les approvisionnements de ses franchisés plus élevés d’une part que les prix pratiqués sur le marché, d’autre part que ceux accordés aux succursales Poulet Braisé.

En conséquence, elle demande l’annulation du contrat de franchise signé avec Poulet Braisé Exploitation et l’obtention de dommages et intérêt en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi. Elle soutient enfin que le contrat signé procure un déséquilibre significatif à son détriment et qu’en tout état de cause, la somme demandée en conséquence de la résiliation doit être modérée en tant que clause pénale.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LE TRIBUNAL :

Connaissance prise du rapport du juge chargé d'instruire l'affaire et des pièces versées aux débats ;

Il résulte de l'examen de l'acte introductif d'instance que celle-ci a été régulièrement engagée et que dès lors la demande doit être déclarée recevable ;

 

Sur l’exception d’incompétence territoriale :

Avant tout débat au fond, le défendeur soulève l’incompétence du Tribunal de commerce Bobigny et désigne le Tribunal des activités économiques de Nanterre comme seul compétent pour juger de ce litige.

Au soutien de sa demande, le défendeur invoque l’article 42 du code de procédure civile qui dispose que « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ».

Toutefois, en vertu de l’article 48 de ce même code, « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toute contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. »

Au cas présent, l’article 22 du contrat de franchise dûment signé par les parties, stipule de façon très apparente que « tout différend découlant de la conclusion, l’interprétation, l’exécution, la transmission, la cessation, ou les conséquences de la Cessation du Contrat sera, de convention expresse, soumis aux tribunaux compétents du siège social du franchiseur. »

Dans la présente instance, le franchiseur dont le siège social est situé à [Adresse 4] (93), est donc bien fondé à saisir le Tribunal de commerce de Bobigny.

En conséquence, le Tribunal

DEBOUTERA la société PB92 de sa demande visant à déclarer le Tribunal de commerce de Bobigny incompétent au profit du Tribunal des activités économiques de Nanterre.

 

Sur la demande de mise hors de cause de Mme Y. :

Les articles 1103 et 1104 du code civil disposent que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » et que ceux-ci « doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

Le contrat de franchise a été signé électroniquement le 7 mars 2020 par sa dirigeante à la date de la signature, Mme Y.

Il n’est pas contesté que Mme Y. a cédé ses parts le 1er mars 2021 à Monsieur S. X. et Monsieur X. X.

Le franchiseur fait valoir que cette modification contrevient aux dispositions contractuelles (article 13.1.1) en ce que Madame Y. n’a pas sollicité l’accord préalable de la société Poulet Braisé Exploitation et qu’en conséquence les trois dirigeants successifs doivent être mis en cause dans ce litige au même titre que la société PB92.

Toutefois, en vertu du principe selon lequel le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties, les tiers ne peuvent être rendus ni débiteurs, ni créanciers par un contrat auquel ils n’ont pas participé.

En l’espèce, le contrat objet du litige, a été conclu entre la société Poulet Braisé Exploitation et la société PB92.

La présidente, Madame Y., ne peut se voir reprocher le non-respect des obligations découlant d’un contrat de franchise, alors que celui-ci a été conclu entre la société demanderesse et une société dont la présidente est associée, et qu’aucune faute personnelle de Madame Y. et des dirigeants qui lui ont succédé est caractérisée.

En conséquence,

Le Tribunal rejettera l’ensemble des demandes à l’encontre de Madame Y., de Monsieur S. X. et de Monsieur X. X.

 

Sur la demande principale de l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de franchise :

En vertu de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

Les faits rapportés par la société demanderesse établissent le non-respect des normes de sécurités et d’hygiène (article 6.6; du contrat de franchise), constaté par des audits les 4 octobre 2022, 15 février 2023, 7 juin 2023, 3 juillet 2023, 11 octobre 2023, 21 novembre 2023 et 20 février 2024.

De plus, la société demanderesse prouve le non-paiement des redevances de franchise et de communication dues au titre de l’article 10.2 à compter du mois de décembre 2022 jusqu’au mois d’août 2023 inclus, puis de novembre 2023 à la date de résolution du contrat de franchise. En août 2023, la société demanderesse a proposé un protocole d’accord à la société PB92 pour s’acquitter des redevances dues.

PB92 n’y a pas donné suite.

Le décompte des sommes dues et demandées s’établit comme suit sur les bases des factures fournies par la société Poulet Braisé Exploitation (pièces 65 et 66).

Mois Redevances (E TTC)

déc-22 8453,26

janv-23 8192,63

févr-23 7418,18

mars-23 7099,01

avr-23 7234,16

mai-23 6396,37

juin-23 5894,47

juil-23 6403,13

aout-23 6080,95

sept-23 non fourni

oct-23 non fourni

nov-23 6770,57

déc-23 6306,8

janv-24 6103,78

févr-24 5523,44

mars-24 4142,78

avr-24 584,89

Enfin, la société demanderesse prouve le non-respect de la politique d’approvisionnement telle que définie à l’article 7 du contrat de franchise dès 2020. Le franchiseur souligne que, lors d’une sommation interpellative délivrée le 11 mars 2024 à la société PB92, M. X. X. a expliqué qu’il fabriquait lui-même la sauce, que les poulets venaient du magasin METRO et que les emballages ne venaient pas de la centrale d’achat du franchiseur.

Pour justifier ces manquements, la défenderesse oppose différents moyens de fait, notamment l’irrespect des obligations du franchiseur lors de la conclusion et de l’exécution du contrat.

Toutefois, la demanderesse verse aux débats les documents démontrant la remise du Document d’Information Précontractuel (DIP), les diligences entreprises en vue de la formation et du suivi du personnel de PB92 ainsi que ses démarches visant à accompagner le franchisé dans le respect des règles contractuelles, notamment en matière d’hygiène.

Il ressort de ce dossier que la défenderesse, en ne procédant que par affirmation, ne démontre pas de manquements dans les obligations à la charge du franchiseur.

L’ensemble de ces faits constatés pendant l’exécution du contrat de franchise, fait ressortir l’existence d’une situation incompatible avec l’exécution du contrat par le franchisé, justifiant la résiliation du contrat pour faute grave de celui-ci.

En conséquence de ces manquements contractuels imputables à la société PB92, le Tribunal,

- PRONONCERA la résolution du contrat de franchise liant Poulet Braisé Exploitation et PB92 à compter du 14 mai 2024, date de l’assignation ;

- CONDAMNERA la société PB92, à s’acquitter des redevances dues au titre des mois de décembre 2022 jusqu’au 3 avril 2024, soit la somme de 92 604,42 € augmentée du montant des intérêts de retard égal au taux de trois fois le taux d’intérêt légal à compter de la date du jugement à intervenir ;

- CONDAMNERA la société PB92 à s’acquitter de la somme forfaitaire de 600 € (15 factures par 40 €) conformément à l’article D441-5 du code de commerce ;

La société demanderesse rappelle que l’article 14.1.4. INTERET et PENALITE de RETARD, FRAIS de REJET et INDEMNITE de RECOUVREMENT stipule que

- d’une part « l’intégralité des frais bancaires résultant d’un défaut de paiement du franchisé (rejet de prélèvement, rejet de virement, etc.) seront à la charge du Franchisé »

- d’autre part « dans le cas où le Franchiseur serait obligé d’engager toute procédure de recouvrement judiciaire et/ou de procéder à tout acte d’exécution forcée (…) à l’encontre du Franchisé et/ou du Dirigeant, le Franchisé est tenu, de plein droit, de lui verser une indemnité couvrant toutes les pertes et frais engagés (…) à hauteur de 10 % du montant de la créance à recouvrir avec un minimum de 150 euros ».

La société demanderesse ne fournit aucune estimation des frais bancaires qu’elle aurait engagés du fait du défaut de paiement de la société défenderesse PB92.

Les sommes à recouvrer s’élèvent à 92.604,42 €.

En conséquence, le Tribunal

- DEBOUTERA la société Poulet Braisé Exploitation de sa demande non évaluée de remboursement des frais bancaires résultant des défauts de paiement du franchisé,

- CONDAMNERA la société PB92 à s’acquitter de la somme de 9 260,44 € au titre des indemnités de recouvrement

 

Sur les conséquences de la cessation du contrat de franchise :

L’article 1231-1 du code civil dispose que « lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. »

La société demanderesse Poulet Braisé Exploitation fait valoir que l’article 14.2.3. : conséquences de la résiliation imputable au franchisé, stipule que « En cas de résiliation du Contrat Imputable au Franchisé et/ou au Dirigeant et/ou à l’Associé Majoritaire, le Franchisé devra verser au Franchiseur une indemnité qui sera déterminée sur la base du montant estimatif des redevances qui auraient été payées au Franchiseur jusqu’au terme prévu du Contrat, sans que son montant puisse en toute hypothèse, être inférieur à cent cinquante mille (150.000) euros, sans préjudice de tout autre droit et recours du Franchiseur à leur encontre ».

Les défendeurs demandent au Tribunal de qualifier cette stipulation de clause pénale et en conséquence d’user de son pouvoir modérateur.

En l’espèce, le franchiseur précise que cette somme contractuelle correspond à son manque à gagner du fait de l’inexécution du contrat jusqu’à son échéance de mars 2027.

Les redevances mensuelles constatées s’élèvent en moyenne à 6 000 €. En conséquence, la somme de 150 000 € demandée pour les 36 mois restant à courir jusqu’à l’échéance du contrat, n’est pas manifestement excessive.

En conséquence le tribunal

- CONDAMNERA la société PB92 à payer à la société Poulet Braisé Exploitation l’indemnité de 150 000 € au titre de l’indemnité prévue au contrat de franchise du 7 mars 2020 ;

De plus, l’article 15 CONSEQUENCES DE LA CESSATION DE CONTRAT prévoit que « le franchisé cessera, immédiatement à compter de la cessation du contrat, toute utilisation des signes distinctifs, qu’elle soit la forme ou le support ». Il ajoute que « le Franchisé s’engage également à retourner sans délai au Franchiseur l’ensemble des éléments fournis (ie. Charte graphique, manuel du savoir-faire, charte architecturale, …).

Cette obligation doit être exécutée dans un délai de 8 jours suivant la cessation de contrat, à ses frais et sous astreinte de 1 500 € par jour de retard.

La société demanderesse ne fournit pas une liste exhaustive des éléments fournis au Franchisé lors de leur relation d’affaire et qui doivent faire l’objet d’une astreinte.

En conséquence, le Tribunal.

- CONDAMNERA la société PB92 à cesser toute utilisation des signes distinctifs de la marque Poulet Braisé, de retourner la charte graphique, le manuel du savoir-faire, la charte architecturale et plus généralement tous les documents transmis par la société Poulet Braisé

Exploitation et à faire disparaitre tout logo de la franchise Poulet Braisé, et ce à compter de la signification du jugement à intervenir ;

REJETTERA la demande d’astreinte.

 

Sur les demandes reconventionnelles de la société PB92 :

La défenderesse remet en cause la validité du contrat de franchise signé le 7 mars 2020. Elle soutient que son consentement a été vicié faute pour elle d’avoir été valablement informée de la profitabilité future de son restaurant.

Selon l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Il est de jurisprudence constante qu’il appartient à la partie qui invoque le dol de le démontrer, notamment d’en caractériser l’intentionnalité.

En l’espèce, nonobstant le fait que les reproches adressés au franchiseur portent essentiellement sur l’exécution du contrat, il convient de relever que le franchiseur démontre avoir accompli l’ensemble des obligations à sa charge, notamment celles découlant des dispositions de l’article L330-3 du code de commerce par la remise d’un document d’information précontractuelle.

La société POULET BRAISÉ EXPLOITATION démontre avoir fourni à la société PB92 ce document qui donne les informations qui a permis à cette dernière de s’engager en connaissance de cause. La défenderesse n’établissant pas l’insincérité des données communiquées,

Le Tribunal rejettera les demandes de la société PB92 visant à prononcer la nullité du contrat de franchise signé le 7 mars 2020.

 

Sur la demande de dommages et intérêts :

La société PB92 demande à titre subsidiaire la condamnation de la société POULET BRAISÉ EXPLOITATION à lui verser la somme de 690 245 €.

Les articles 1231-1 et suivants du code civil prévoient l’obtention de dommages et intérêts résultant de l’inexécution du contrat.

Comme il a été vu, la société PB92 à qui incombe la charge de démontrer les manquements imputables au franchiseur, échouent à le démontrer.

Bien au contraire les nombreux manquements du franchisé sont établis et ont justifié la résiliation du contrat de franchise au tort de la société PB92.

Dans ces conditions, la demande de dommages et intérêts telle que présentée par la défenderesse ne pourra qu’être rejetée.

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Le défendeur, PB92 ayant obligé le demandeur, Poulet Braisé Exploitation, à exposer des frais non compris dans les dépens pour recourir à la justice et obtenir un titre, le Tribunal,

- DIRA disposer d'éléments suffisants pour faire droit à la demande de la société Poulet Braisé Exploitation à hauteur de 4 000,00 € et la déboutera du surplus de sa demande.

Sur l'exécution provisoire

Vu l'article 514 du code de procédure civile, le tribunal

- RAPPELLERA que l'exécution provisoire est de droit.

 

Sur les dépens :

Attendu que la Société PB92 est la partie qui succombe dans la présente instance, le Tribunal

- la CONDAMNERA aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025 ;

- DÉBOUTE la société PB92 de sa demande visant à déclarer le Tribunal de commerce de Bobigny incompétent au profit du Tribunal des Activités Économiques de Nanterre ;

- MET HORS DE CAUSE Madame Y., Monsieur S. X. et Monsieur X. X. ; PRONONCE la résolution du contrat de franchise liant Poulet Braisé Exploitation et PB92 à la date du 14 mai 2024 ;

- CONDAMNE la société PB92, à s’acquitter des redevances dues au titre des mois de décembre 2022 jusqu’au 3 avril 2024, soit la somme de 92 604,42 € augmentée du montant des intérêts de retard égal au taux de trois fois le taux d’intérêt légal à compter de la date du jugement à intervenir ;

- DÉBOUTE la société Poulet Braisé Exploitation de sa demande de remboursement des frais bancaires résultant des défauts de paiement du franchisé ;

- CONDAMNE la société PB92 à s’acquitter de la somme de 9 260,44 € au titre des indemnités de recouvrement ;

- CONDAMNE la société PB92 à s’acquitter de la somme forfaitaire de 600 € ;

- CONDAMNE la société PB92 à payer à la société Poulet Braisé Exploitation l’indemnité de 150 000 € au titre de l’indemnité prévue au contrat de franchise du 7 mars 2020 ;

- CONDAMNE la société PB92 à cesser toute utilisation des signes distinctifs de la marque Poulet Braisé, à retourner la charte graphique, le manuel du savoir-faire, la charte architecturale et plus généralement tous les documents transmis par la société Poulet Braisé Exploitation et à faire disparaitre tout logo de la franchise Poulet Braisé, à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- REJETTE la demande d’astreinte ;

- CONDAMNE la société PB92 à payer à la société Poulet Braisé Exploitation la somme de 4 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

- CONDAMNE la société PB92 aux dépens ;

- LIQUIDE les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 131,14 euros TTC (dont 21,64 euros de TVA).

La Minute est signée électroniquement par M. Pierre VILLAIN, Président et par Mme Coumba DIALLO Commis Greffier.