T. COM. CANNES, 24 juillet 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24162
T. COM. CANNES, 24 juillet 2025 : RG n° 2024F00163 ; jugt n° 2025F00217
Publication : Judilibre
Extrait : « Monsieur X. ne conteste ni la validité du prêt, ni sa signature, ni la mise en liquidation judiciaire de la société dont il était le gérant. Il ne soutient pas que l’engagement de caution aurait été souscrit dans des conditions viciées, ni que le montant garanti serait disproportionné à ses capacités financières au moment de la signature.
En revanche, il fait valoir que la clause 4 des conditions générales de l’acte de cautionnement, par laquelle il renonce à tout recours contre la SOCAMA, organisme de garantie ayant perçu une rémunération de 872,36 euros, est abusive, non négociable et contraire à l’ordre public, en violation des articles 2310, 1171, 1102 alinéa 2 et 6 du Code civil. Il reproche également à la banque de ne pas avoir actionné ladite garantie avant de se retourner contre lui, et réclame à ce titre la somme de 6.834,62 euros, correspondant à la moitié de la créance, que la SOCAMA aurait selon lui dû supporter. Il demande en outre 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour comportement fautif et dolosif de la banque.
Le Tribunal observe que la clause 4 invoquée n’est pas contraire à l’ordre public, qu’elle est formulée de manière claire et lisible, et qu’elle a été librement signée par Monsieur X., en qualité de professionnel averti, au moment de l’acte. Elle ne constitue pas une clause abusive au sens de l’article 1171 du Code civil, et ne méconnaît pas les dispositions protectrices de l’article 2310, qui concernent les co-cautions mais non les garanties indépendantes telles que celle souscrite auprès de la SOCAMA. La banque n’est pas tenue de faire appel à cette garantie subsidiaire avant d’agir contre la caution, dès lors que les conditions d’appel en garantie n’ont pas été atteintes. Aucun manquement contractuel ne peut donc lui être reproché.
Le montant de 6.834,62 euros revendiqué par Monsieur X., équivalent à une quote-part supposée d’intervention de la SOCAMA, ne repose sur aucun fondement juridique. Aucun texte ne permet de contraindre la banque à une répartition préalable de la dette entre elle et la SOCAMA, organisme tiers à la relation de cautionnement. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE COMMERCE DE CANNES
JUGEMENT DU 24 JUILLET 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G/ n° 2024F00163. Jugement n° 2025F00217.
Date des débats : 5 juin 2025
Délibéré annoncé au 24 juillet 2025 Prononcé par mise à disposition au Greffe
COMPOSITION LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Patrick FOGOLA, Président, Mme Céline BOUCHER-MARTIN, Mme Nathalie LE DIRACH, Assesseurs, Assistés de Mlle Mélanie CASTELLACCI Commis- Greffier de la SELAS VAN SANT, présent uniquement lors des débats.
La minute a été signée par M. Patrick FOGOLA Président du délibéré et Mlle Mélanie CASTELLACCI Commis-Greffier de la SELAS VAN SANT, présent lors du prononcé
DEMANDEUR(S) :
COBFAV BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE
[adresse], comparant par Maître Renaud ESSNER, [adresse]
DÉFENDEUR(S) :
M. X.
[adresse], comparant par Maître Nino PARRAVICINI, [adresse]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur X. a créé en 2011 une société à responsabilité limitée dénommée Entreprise X., spécialisée dans les travaux de plomberie, chauffage et traitement des fluides, dont il était le gérant et l’associé unique.
Le 25 février 2019, la Banque Populaire Méditerranée a consenti à cette société un prêt de 30.000 €, remboursable en 84 mensualités, au taux d’intérêt annuel de 1,22 %.
Le 1er mars 2019, Monsieur X. a signé un acte de cautionnement personnel et solidaire au profit de la Banque, à hauteur de 36.000 €, pour garantir le remboursement de ce prêt. La garantie portait sur une durée de 108 mois.
Le même jour, la société Entreprise X. a également souscrit une garantie SOCAMA auprès d’un organisme de cautionnement affilié au groupe Banque Populaire, moyennant le paiement d’une somme de 872,36 €.
Courant 2023, Monsieur X. a interrompu son activité professionnelle en raison de l’état de santé de son fils, atteint d’un cancer, ce qui a conduit à l’arrêt progressif des chantiers et à la perte d’activité de la société.
Le 21 novembre 2023, la société Entreprise X. a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Cannes. Maître H. a été désigné en qualité de mandataire liquidateur. La date de cessation des paiements a été fixée au 30 juin 2023.
Le 26 novembre 2023, la Banque Populaire Méditerranée a déclaré sa créance au passif de la procédure collective, pour un montant exigible de 13.669,23 € au titre du prêt de 2019.
Le 9 janvier 2024, Monsieur X. a été mis en demeure de régler les sommes restant dues en sa qualité de caution. Cette mise en demeure est restée sans réponse.
Par acte d’huissier en date du 12 juin 2024, la COBFAV BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE a fait assigner M. X., d’avoir à comparaître le 25 Juillet 2024 par devant les Magistrats composant le Tribunal de Commerce de Cannes.
[*]
Suivant dernières écritures, la COBFAV BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, sollicite :
- DÉBOUTER Monsieur X. de toutes ses demandes, fins et conclusions
- CONDAMNER Monsieur X. au paiement de la somme de 13.669,23 € augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,22% majoré de 3 points soit 4,22 % l’an calculés sur la somme de 12.814,33 € du 22.11.2023 jusqu’à parfait règlement dans la limite de son engagement de caution
- Condamner Monsieur X. au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens
[*]
Dans ses conclusions M. X., requiert du Tribunal qu’il lui plaise de :
VU le contrat de prêt de la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, VU le cautionnement préétabli par la BANQUE POPULAIRE MEDIRESSANEE signé par Monsieur X.,
VU les articles 2310, 1171, l’article 1102 al. 2 et de l’article 6 du Code civil,
VU l’article 1231-4 du Code Civil,
VU l’article 1343-5 du Code Civil,
VU l’article 514-1 du Code de Procédure Civile,
VU l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- ETANT RAPPELÉ QUE l’article 4 du cautionnement souscrit par Monsieur X. le 1er mars 2019 est libellé comme suit :
« dans l’hypothèse où l’obligation garantie serait également cautionnée par un organisme professionnel dont l’activité habituelle ou accessoire est de garantir le remboursement de concours financiers (société de cautionnement mutuel, société d’assurance, …) la Caution déclare expressément renoncer à son égard au bénéfice de l‘article 2310 du code Civil. Elle ne pourra donc s’opposer au recours qu’exercerait contre elle et pour le montant intégral, l’organisme qui aurait été amené à payer en lieu et place du Débiteur principal, ni engager un recours contre ledit organisme dans le cas où la dette aurait été acquittée par elle-même. »
- JUGER que l’article 4 des conditions générales de l’acte de cautionnement imposé par la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANNEE à Monsieur X. dans le cadre d’un contrat d’adhésion porte atteinte aux dispositions d’ordre public de l’article 2310 et est constitutif d’une clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif et qui de ce fait est réputée non écrite.
- ANNULER l’article 4 des conditions générales du cautionnement signé par monsieur X. le 1 er mars 2019.
- JUGER qu’en présence de deux cautions solidaires garantissant la même dette Monsieur X. pouvait légitimement espérer une prise en charge à hauteur de 50% par la SOCAMA ce qui n’est pas le cas. CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE à prendre à sa charge les sommes devant être payées par la SOCAMA, garantie dont Monsieur X. a été abusivement privé.
- EN CONSEQUENCE CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE au paiement d’une somme de 6.834,62 EUR outre les intérêts au taux contractuel soit 1.22% majorés de 3 points depuis le 22 novembre 2023.
- JUGER qu’en factura=nt une somme de 872,36 EUR (300 + 541,76 +30,6) pour une garantie qu’elle n’avait pas l’intention d’actionner la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE a commis une faute distincte. EN CONSEQUENCE CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, en raison de son comportement dolosif et de la volonté manifeste de percevoir des commissionnements pour des contrats partiellement INOPERANTS et en tout état de cause INUTILES à payer à Monsieur X. une somme de 5000 EUR à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
- ORDONNER la compensation des condamnations prononcées avec les sommes dues par Monsieur X. en vertu de son engagement de caution.
- JUGER l’exécution provisoire de droit incompatible avec la nature de l’affaire, au sens de l’article 514-1 du Code de procédure civile en l’état des contestations avancées par Monsieur X. CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE à lui payer une somme de 2000 EUR au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile. EN CONSEQUENCE
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L’affaire est renvoyée maintes fois, à la demande des parties, pour une ultime date d’audience le 5 Juin 2025.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LE TRIBUNAL, attendu que ;
Sur les demandes de la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE tendant à voir condamner Monsieur X. :
La BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE sollicite la condamnation de Monsieur X. en exécution de l’engagement de caution qu’il a souscrit le 1er mars 2019, à hauteur de 36.000 euros, en garantie d’un prêt professionnel consenti le 25 février 2019 à la SARL Entreprise X.
Le prêt était d’un montant de 30.000 euros, remboursable en 84 mensualités, au taux contractuel de 1,22 % l’an. L’engagement de caution porte sur une durée de 108 mois.
La banque verse aux débats le contrat de prêt, l’acte de cautionnement signé par Monsieur X., la mise en demeure en date du 9 janvier 2024, restée infructueuse, et la déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société intervenue le 21 novembre 2023.
Elle sollicite le paiement de la somme de 13.669,23 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel majoré de 3 points, calculés sur 12.814,33 euros à compter du 22 novembre 2023, date de la déclaration de créance.
Monsieur X. ne conteste ni la validité du prêt, ni sa signature, ni la mise en liquidation judiciaire de la société dont il était le gérant. Il ne soutient pas que l’engagement de caution aurait été souscrit dans des conditions viciées, ni que le montant garanti serait disproportionné à ses capacités financières au moment de la signature.
En revanche, il fait valoir que la clause 4 des conditions générales de l’acte de cautionnement, par laquelle il renonce à tout recours contre la SOCAMA, organisme de garantie ayant perçu une rémunération de 872,36 euros, est abusive, non négociable et contraire à l’ordre public, en violation des articles 2310, 1171, 1102 alinéa 2 et 6 du Code civil.
Il reproche également à la banque de ne pas avoir actionné ladite garantie avant de se retourner contre lui, et réclame à ce titre la somme de 6.834,62 euros, correspondant à la moitié de la créance, que la SOCAMA aurait selon lui dû supporter.
Il demande en outre 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour comportement fautif et dolosif de la banque.
Le Tribunal observe que la clause 4 invoquée n’est pas contraire à l’ordre public, qu’elle est formulée de manière claire et lisible, et qu’elle a été librement signée par Monsieur X., en qualité de professionnel averti, au moment de l’acte.
Elle ne constitue pas une clause abusive au sens de l’article 1171 du Code civil, et ne méconnaît pas les dispositions protectrices de l’article 2310, qui concernent les co-cautions mais non les garanties indépendantes telles que celle souscrite auprès de la SOCAMA.
La banque n’est pas tenue de faire appel à cette garantie subsidiaire avant d’agir contre la caution, dès lors que les conditions d’appel en garantie n’ont pas été atteintes.
Aucun manquement contractuel ne peut donc lui être reproché.
Le montant de 6.834,62 euros revendiqué par Monsieur X., équivalent à une quote-part supposée d’intervention de la SOCAMA, ne repose sur aucun fondement juridique. Aucun texte ne permet de contraindre la banque à une répartition préalable de la dette entre elle et la SOCAMA, organisme tiers à la relation de cautionnement.
Le préjudice moral allégué n’est pas justifié par une faute caractérisée de la banque ni par des éléments concrets. L’allégation de dol ou de perception injustifiée de commissionnements est insuffisante pour engager la responsabilité contractuelle du créancier.
Il y a lieu de juger que l’engagement de caution souscrit le 1er mars 2019 est régulier, valable, et pleinement opposable à Monsieur X. La BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE est en droit d’en demander l’exécution dans la limite des sommes garanties.
Il convient en conséquence :
De débouter Monsieur X. de sa demande tendant à voir déclarer non écrite ou annuler la clause 4 de l’acte de cautionnement ;
Débouter de ses demandes en paiement de 6.834,62 euros et 5.000 euros de dommages-intérêts ;
Condamner au paiement de la somme de 13.669,23 euros augmentée des intérêts au taux contractuel majoré de 3 points à compter du 22 novembre 2023.
Sur la demande de délais de paiement (article 1343-5 du Code civil) :
Monsieur X. sollicite un délai de 24 mois en invoquant une situation personnelle difficile due à la maladie grave de son fils, ce qui a entraîné l’interruption de son activité professionnelle.
Ce motif n’est pas contesté par la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE.
Toutefois, aucune pièce justificative n’est produite aux débats permettant d’évaluer objectivement la difficulté économique dans laquelle se trouve Monsieur X.
En application de l’article 1343-5 du Code civil, le tribunal peut accorder des délais de paiement à un débiteur compte tenu de sa situation.
En l’espèce, le motif invoqué est suffisamment sérieux, et l’absence d’opposition de la banque sur ce point justifie l’octroi de délais.
Il y a lieu d’accorder à Monsieur X. un délai de douze mois à compter de la signification du jugement, par le versement de douze mensualités constantes à date fixe.
En cas de défaut de paiement d’une échéance, la déchéance du terme sera acquise après mise en demeure restée infructueuse pendant quinze jours, et aucune mesure d’exécution forcée ne pourra être engagée durant la bonne exécution du plan.
Sur les dépens et les frais de l’instance exposés et non compris dans les dépens ;
En application de l’article 696 du Code de procédure civile, il y a lieu de condamner M. X. qui succombe aux dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 2 500 euros à la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Sur la qualification du présent jugement ;
Le présent jugement est contradictoire, les parties ayant régulièrement comparu conformément à l’article 467 du Code précité ;
C’est en premier ressort qu’il est prononcé en ce qu’il est susceptible d’appel, le montant de la demande excédant le seuil de l’article R.721-6 du Code de commerce.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
Vu les articles 6, 1102, 1171, 1231-4, 1343-5 et 2310 du Code civil, Vu l’engagement de caution signé en date du 1 mars 2019,
DÉBOUTE Monsieur X. de sa demande tendant à voir déclarer non écrite ou annuler l’article 4 des conditions générales de l’acte de cautionnement signé le 1er mars 2019 ;
DÉBOUTE Monsieur X. de sa demande tendant à voir condamner la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE à lui payer la somme de 6.834,62 euros au titre des sommes qui auraient dû être payées par la SOCOMA ;
DÉBOUTE Monsieur X. de sa demande tendant à voir condamner la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudices moral ;
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE la somme de 13.669,23 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,22 % majoré de 3 points, soit 4,22 % l’an, calculés sur la somme de 12.814,33 euros à compter du 22 novembre 2023 ;
ACCORDE à Monsieur X. un délai de douze mois à compter de la signification du présent jugement pour s’acquitter des sommes mises à sa charge, par le versement de douze mensualités constantes, exigibles chaque mois à date fixe ;
DIT que le non-paiement d’une seule échéance entraînera de plein droit la déchéance du terme, rendant immédiatement exigible l’intégralité du solde restant dû, après une mise en demeure restée infructueuse ;
CONDAMNE Monsieur X. aux entiers dépens ;
CONDAMNE Monsieur X. à verser à la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dépens : 66,13 €
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT