T. COM. LILLE MÉTROPOLE, 20 mai 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24167
T. COM. LILLE MÉTROPOLE, 20 mai 2025 : RG n° 2024012142
Publication : Judilibre
Extrait : « La société MICRO 59 invoque un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce, sans pour autant identifier clairement les droits et obligations concernés ni démontrer en quoi l'équilibre général du contrat s'en trouverait affecté.
Or, la jurisprudence impose une appréciation globale et concrète du contrat (Cass, com. 3 mars 2015, n° 13-27.525), et non une analyse clause par clause, sauf stipulation manifestement abusive. La seule énumération de clauses prétendument désavantageuses, sans démonstration d'un déséquilibre réel et significatif, ne suffit pas. La clause de résiliation, loin d’être unilatérale, prévoit expressément la possibilité d'y recourir par les deux parties, après mise en demeure. Aucun déséquilibre manifeste ou absence de contrepartie ne ressort de 1'analyse globale du contrat. La société MICRO 59 échoue à démontrer un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-1, I. 2° du Code de commerce.
Dès lors, le Tribunal dit qu'en l'absence de preuve apportée, le déséquilibre significatif n'est pas caractérisé.
Par conséquent, le Tribunal déboute la société MICRO 59 de sa demande reconventionnelle de juger la clause de résiliation illicite pour déséquilibre significatif. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE COMMERCE DE LILLE MÉTROPOLE
JUGEMENT DU 20 MAI 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2024012142.
Composition du Tribunal lors des débats : M. Patrice ABELE Président de Chambre, MM. Edouard LEPAGE, Philippe VERMES Juges. Mme Laurence DUBOIS Commis Greffier.
Jugement contradictoire rendu par mise à disposition au Greffe le 6 mai 2025, prorogé au 20 mai 2025 par Monsieur Patrice ABELE, Président de Chambre, qui a signé la minute avec Mme Laurence DUBOIS Commis greffier.
ENTRE :
La SAS FUTUR DIGITAL
[Adresse 2] demanderesse à l'ordonnance d'injonction de payer et défenderesse à l'opposition ayant pour conseil Maitre Guilhem D`HUMIERES Avocat à [Localité 3] substitué par une collaboratrice
ET :
La SAS MICRO 59
[Adresse 1] défenderesse à l'ordonnance d'injonction de payer et demanderesse à l'opposition comparant par Maitre Myriam LATRECHE Avocate à [Localité 3].
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS :
La société FUTUR DIGITAL est spécialisée dans le développement de sites internet et d'applications mobiles. La société MICRO 59 est une société de commerce de détail en matériel informatique et logiciel.
La société MICRO 59 a sollicité la société FUTUR DIGITAL pour la création d'un site internet.
Le 27 juin 2019, un contrat de licence d'exploitation de site internet et de prestations de référencement était conclu entre les sociétés pour une durée de 48 mois moyennant le versement de 48 mensualités de 99.00 € HT. Le 15 novembre 2019, un procès-verbal de conformité et de réception est signé par la société MICRO 59.
Les factures adressées par la société FUTUR DIGITAL ne sont plus honorées par la société MICRO 59 & partir de septembre 2021.
Après différents relances et courriers à la société MICRO 59, la société FUTUR DIGITAL résiliait le 31 mai 2022, le contrat et la mettait en demeure de régler, sous huitaine, la somme de 3 277,56 € TTC.
Le 4 septembre 2023, la société FUTUR DIGITAL saisit le Tribunal de Commerce de Lille Métropole d'une requête portant injonction de payer à L’encontre de la société MICRO 59, ordonnance signifiée le 24 octobre 2023 sans que la société MICRO 59 ne soit touchée et l'acte déposé à l'étude. La société FUTUR DIGITAL a pratiqué une saisie attribution du compte bancaire de la société MICRO 59 le 12 mars 2024.
Suite à cette saisie et par acte du 10 avril 2024, la société MICRO 59 formait opposition à 1'ordonnance du 28 septembre 2023.
C'est en l'état que l'affaire se présente devant le Tribunal.
LA PROCÉDURE :
Par voie de conclusions récapitulatives n 2, la société FUTUR DIGITAL demande au Tribunal de :
Vu les articles 1101,1103, 1217,1229 e 1231-6 du Code civil,
DECLARER la société FUTUR DIGITAL recevable et bien fondée en l`ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions
DECLARER la société MICRO 59 irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions
CONSTATER que la société MICRO 59 n’a pas réglé les factures émises par la société FUTUR DIGITAL au titre du contrat de licence d’exploitation de site internet du 27 juin 2019 En conséquence,
RECEVOIR l'intégralité des moyens et prétentions de la société FUTUR DIGITAL
CONDAMNER la société MICRO 59 à payer à la société FUTUR DIGITAL au titre du Contrat de licence d'exploitation de site internet la somme de 3 277,56 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2022, date de la mise en demeure
CONDAMNER la société MICRO 59 à payer à la société FUTUR DIGITAL la somme de 1.500,00 € TTC en application de L’article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNER la société MICRO 59 en tous les dépens de la présente instance engagée entre les mêmes parties pour les mêmes faits. Par voie de conclusions, la société MICRO 59 demande au Tribunal de :
DIRE ET JUGER recevable la société MICRO 59 en son opposition à l'injonction de payer JUGER la clause de résiliation illicite pour déséquilibre significatif
DEBOUTER la société FUTUR DIGITAL de L’intégralité de ses demandes, fin et conclusions CONDAMNER la société FUTUR DIGITAL à payer & la société MICRO 59 la somme de 3 277,56 € au titre du préjudice matériel et financier
En ORDONNER l'éventuel compensation avec toutes sommes ou condamnations qui serait mises à la charge de la société MICRO 59
CONDAMNER la société FUTUR DIGITAL à payer à la société MICRO 59 la somme de 1.500,00 € au titre du préjudice moral
Subsidiairement,
RAMENER l'intégralité des dommages intérêts réclamés par la société FUTUR DIGITAL à la somme de 1,00 € au titre de l'article 1231-5 du code civil
Encore plus subsidiairement,
OCTROYER à la société MICRO 59 un délai de grâce et échelonner sur 2 ans toutes somme ou condamnations qui seraient mises à sa charge, au titre de l'article 1343-5 du code civil CONDAMNER la société FUTUR DIGITAL à payer à la société MICRO 59 la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 CPC
La condamner aux entiers frais et dépens.
Les parties ont été convoquées pour l'audience du 4 juin 2024. A la demande des parties, 1'affaire a fait l'objet de cinq remises. Elle a été plaidée à l'audience du 18 mars 2025 et mise en délibéré initialement le 6 mai 2025, prorogé au 20 mai 2025.
MOYENS DES PARTIES :
Pour la société FUTUR DIGITAL :
Se basant sur les articles 1128 et 1103 du Code Civil, la société FUTUR DIGITAL a exécuté ses obligations contractuelles, notamment la création, la mise en ligne et le référencement du site internet.
L'article 1103 du Code civil impose aux parties de respecter leurs engagements, la société MICRO 59 a cessé ses paiements dès septembre 2021, tout en continuant à bénéficier des prestations. Plusieurs relances et mises en demeure sont restées infructueuses. En conséquence, la société FUTUR DIGITAL a résilié le contrat et exigé le paiement des sommes dues, comme le permet l'article 1217 du Code civil.
L'article 19 des conditions générales de vente permet la résiliation de plein droit après une mise en demeure infructueuse. La résiliation entraine la déchéance du terme et l'application d'une pénalité de 10 % sur les sommes restant dues. Conformément aux articles 1217 et 1229 du Code civil, la société FUTUR DIGITAL a mis fin au contrat après non-paiement persistant de la société MICRO 59.
Concernant le déséquilibre contractuel, la société MICRO 59 ne démontre pas en quoi 1'article 19 des conditions générales crée un déséquilibre significatif. L'article 1171 du Code civil ne s'applique pas. Quant à la clause pénale, la société MICRO 59 demande sa modération au sens de l'article 1231-5 du Code Civil sans apporter aucune preuve de son caractère excessif.
Pour la société MICRO 59 :
Pour la société MICRO 59, l'ordonnance du 28 septembre 2023 n'a pas été signifiée à personne, justifiant l'opposition formée le 11 avril 2024.
La société FUTUR DIGITAL a agi de mauvaise foi en refusant d'aménager les mensualités malgré les difficultés financières de la société MICRO 59 (article 1104 du Code Civil).
L'article 19 des conditions générales permet à la société FUTUR DIGITAL de résilier unilatéralement le contrat sans réciprocité pour le client, ce qui constitue un déséquilibre significatif prohibé par l'article L. 442-1-2° du Code de commerce et l'article 1171 du Code civil.
Par ailleurs, la société FUTUR DIGITAL n'a pas respecté ses propres conditions générales en ne précédant pas la résiliation d'une mise en demeure avec un délai de 8 jours, ce qui constitue une entorse aux conditions générales de vente. Le site et les services ont été suspendus en mars/avril 2022, avant la résiliation formelle du 31 mai 2022, ce qui constitue une inexécution fautive de la société FUTUR DIGITAL.
La société MICRO 59 a été privée de son site internet, de son référencement et de son accès aux données clients, causant un dommage évalué à 3.277,56 € ainsi qu'un préjudice moral estimé à 1.500,00 €.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Entendu les parties à la barre, et vu les conclusions de chacune et les pièces versées à leurs dossiers,
Sur la recevabilité de L’opposition à L’ordonnance d'injonction de payer :
L'article 1416 du code de procédure civile stipule :
L'ordonnance d'injonction de payer a été rendue au profit de la société FUTUR DIGITAL par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole le 28 septembre 2023 mais elle n'a pas été signifiée à personne et l'acte a été déposé à l'étude du commissaire de justice conformément à 1'article 656 du CPC.
La société MICRO 59 qui n'a eu connaissance de l'ordonnance d'injonction de payer qu'à la suite de la saisie attribution sur ses comptes, y a fait opposition le 11 avril 2024.
Dès lors, le Tribunal dit recevable l'opposition à l'injonction de payer formée par la société MICRO 59, met à néant l'injonction de payer formée par la société FUTUR DIGITAL, y substituant le jugement suivant.
Sur la demande de paiement de 3.277,56 € TTC avec intérêts au titre du Contrat de licence d'exploitation de site internet :
Selon les dispositions de l'article 1103 du Code civil, et L’article 1104 du même code prévoit que
En l'espèce, un contrat de licence d'exploitation de site internet a été signé entre les parties le 27 juin 2019 prévoyant la création du site internet, la gestion du nom de domaine, la gestion des adresses email, L’hébergement et le référencement. Ce contrat a été signé pour 48 mois et prévoyait une mensualité de 99.00 € HT et le règlement des frais techniques pour 490.00 € HT.
Les mots clés ont été validés par la société MICRO 59 le 10 septembre 2019 et un procès-verbal de conformité de réception a été signé sans réserve le 15 novembre 2019 par la société MICRO 59 et le site mis en ligne à cette même date.
Les conditions générales de vente jointes au contrat et signées prévoient à l'article 19.1 intitulé : et à L’article 19.3.
Le contrat a suivi son cours sans incident jusqu'en septembre 2021, date à partir de laquelle la société MICRO 59 a cessé d’honorer ses mensualités et une première relance pour impayés a été envoyée le 14 décembre 2021 puis une seconde le 13 janvier 2022, une troisième le 14 février puis une autre par lettre recommandée avec accusé de réception le 15 mars pour une somme échue de 712,80 € TTC à cette date.
Une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception est envoyée le 4 mai 2022 précisant :
C'est par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2022 enfin que la société FUTUR DIGITAL résilie le contrat et demande le règlement de la somme de 3.277,56 € HT correspondant aux factures impayées, aux sommes dues au titre du contrat ainsi qu'à l’indemnité de résiliation prévue aux conditions générales de vente.
En cas d'inexécution du contrat par une des parties, celle envers laquelle L’engagement n'a pas été exécuté peut mettre fin au contrat.
Dès lors le Tribunal dit que la société FUTUR DIGITAL a exécuté ses obligations contractuelles contrairement à la société MICRO 59 qui a manqué à son obligation contractuelle de paiement.
Par conséquent, le Tribunal condamne la société MICRO 59 à payer à la société FUTUR DIGITAL la somme totale de 3.277,56 € TTC correspondant aux factures impayées, aux sommes dues au titre du contrat, ainsi qu'à l’indemnité de résiliation prévue aux conditions générales de vente.
Sur la demande reconventionnelle de juger la clause de résiliation illicite pour déséquilibre significatif :
Aux termes de l'article L. 442-1-2° :
1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie :
2 De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.>
La société MICRO 59 invoque un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce, sans pour autant identifier clairement les droits et obligations concernés ni démontrer en quoi l'équilibre général du contrat s'en trouverait affecté.
Or, la jurisprudence impose une appréciation globale et concrète du contrat (Cass, com. 3 mars 2015, n° 13-27.525), et non une analyse clause par clause, sauf stipulation manifestement abusive. La seule énumération de clauses prétendument désavantageuses, sans démonstration d'un déséquilibre réel et significatif, ne suffit pas. La clause de résiliation, loin d’être unilatérale, prévoit expressément la possibilité d'y recourir par les deux parties, après mise en demeure. Aucun déséquilibre manifeste ou absence de contrepartie ne ressort de 1'analyse globale du contrat. La société MICRO 59 échoue à démontrer un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-1, I. 2° du Code de commerce.
Dès lors, le Tribunal dit qu'en l'absence de preuve apportée, le déséquilibre significatif n'est pas caractérisé.
Par conséquent, le Tribunal déboute la société MICRO 59 de sa demande reconventionnelle de juger la clause de résiliation illicite pour déséquilibre significatif.
Sur la demande de la société MICRO 59 d'un délai de grâce et d'échelonner sur 2 ans toutes somme ou condamnations qui seraient mises à sa charge :
L'article 1343-5 du Code Civil dispose que :
En l’espèce, compte tenu des difficultés économiques de la société MICRO 59 et en tenant compte du délai de procédure dont elle a déjà bénéficié, le Tribunal assorti le règlement de la somme due de 3 277,56 € TTC d'un échéancier sur 12 mois à raison de 270,00 € par mois pendant 11 mois puis d`une dernière mensualité de 307,56 € TTC, dit que la première échéance est fixée au 1er juillet 2025, les autres le 1er de chaque mois suivant et dit que le non-paiement d'une échéance à bonne rendra le solde immédiatement et intégralement exigible.
Article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :
Pour faire reconnaitre ses droits, la société FUTUR DIGITAL a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ; le Tribunal condamne la société MICRO 59 à lui payer la somme de 1 000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Le Tribunal rappelle que L’exécution provisoire de droit.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, vidant son délibéré, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, en premier ressort,
Reçoit la société MICRO 59 en son opposition ;
au fond,
L’en déboute
Dit que le présent jugement se substitue à L’ordonnance d'injonction de payer n° 2023IP002699 en application de l'article 1420 du CPC
Constate que la société MICRO 59 n'a pas réglé les factures émises par la société FUTUR DiGITAL au titre du contrat de licence d'exploitation de site internet
Condamne la société MICRO 59 à payer à la société FUTUR DIGITAL la somme totale de 3.277,56 € TTC correspondant aux factures impayées, aux factures à régler jusqu'à la fin du contrat ainsi qu'à L’indemnité de résiliation prévue aux conditions générales de vente avec intérêt à taux légal à compter du 24 octobre 2023
Accorde un échéancier à la société MICRO 59 sur 12 mois à raison de 270,00 € par mois pendant 11 mois puis d'une dernière mensualité de 307,56 € TTC
Dit et juge que la première échéance est fixée au 1er juillet 2025, les autres le 1er de chaque mois suivant
Dit et juge que le non-paiement d'une échéance à bonne rendra le solde immédiatement et intégralement exigible
Déboute la société MICRO 59 de sa demande reconventionnelle de juger la clause de résiliation illicite pour déséquilibre significatif
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
Condamne la société MICRO 59 à payer à la société FUTUR DIGITAL la somme de 1 000,00 € au titre des dispositions de l`article 700 du CPC
Rappelle que L’exécution provisoire du présent jugement est de droit
Condamne la société MICRO 59 aux entiers frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 111,11 € en ce qui concerne les frais de Greffe, en ce compris les frais de l'ordonnance, de signification, d'opposition, du présent jugement et de ses suites.