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TJ CHARTRES, 25 juillet 2025

Nature : Décision
Titre : TJ CHARTRES, 25 juillet 2025
Pays : France
Juridiction : Chartres (T. Jud.)
Demande : 24/02437
Date : 25/07/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 8/08/2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24276

TJ CHARTRES, 25 juillet 2025 : RG n° 24/02437 

Publication : Judilibre

 

Extrait (rappel de procédure) : « Par jugement avant dire droit en date du 24 janvier 2025, le juge de l'exécution a ordonné la réouverture des débats et : […] ; - Invité les parties à formuler leurs observations sur l'éventuel caractère abusif de la clause « CAS D'EXIGIBILITE ANTICIPEE – DECHEANCE DU TERME » du contrat de prêt immobilier, en tant qu'elle prévoit l'exigibilité immédiate et intégrale des sommes empruntées en principal, intérêts et accessoires en cas de défaillance des emprunteurs, sans mise en demeure préalable, et sur ses conséquences éventuelles sur le montant de la créance invoquée à l'encontre de M. et Mme X. ».

Extrait (motifs) : 1/ « Si le jugement d'orientation du juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière a, en principe, autorité de la chose jugée au principal en ce qu'il fixe notamment la créance du poursuivant (Cass. avis. 12 avril 2018, n°18-70.004), le juge de l'exécution, à la demande d'une partie ou d'office, est tenu d'apprécier, y compris pour la première fois, le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles qui servent de fondement aux poursuites sauf lorsqu'il résulte d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen. (Cass. com., 8 février 2023, n°21.17-763)

En l'espèce, il ne ressort pas du jugement d'orientation du 29 août 2019 que le juge de l'exécution, chargé d'évaluer la créance détenue par le Crédit Foncier de France, se soit prononcé sur le caractère éventuellement abusif de la clause de déchéance du terme prévue au contrat. Il ne peut être déduit du silence du jugement sur ce point l'existence d'un contrôle implicite. Dès lors, l'autorité de la chose jugée attachée au jugement d'orientation du 29 août 2019 ne fait en principe pas obstacle à ce que le juge de l'exécution connaisse, dans le cadre de la présente instance et pour la première fois, du caractère abusif de la clause de déchéance du terme.

La Cour de justice de l'Union européenne a toutefois précisé que, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu'une bonne administration de la justice, il importe que les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour l'exercice de ces recours ne puissent plus être remises en cause (CJUE, 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, aff. C-40/08, points 35 et 36, et 26 janvier 2017, Banco Primus, aff. C-421/14, point 46). La Cour a également retenu que dans une situation dans laquelle la procédure d'exécution hypothécaire a pris fin et les droits de propriété à l'égard de ce bien ont été transférés à un tiers, le juge, agissant d'office ou sur demande du consommateur, ne peut plus procéder à un examen du caractère abusif de clauses contractuelles qui conduirait à l'annulation des actes transférant la propriété et à remettre en cause la sécurité juridique du transfert de propriété déjà opéré envers un tiers. Le consommateur doit néanmoins, dans une telle situation, être en mesure, conformément à l'article 6, paragraphe 1, et à l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d'effectivité, d'invoquer dans une procédure subséquente distincte le caractère abusif des clauses du contrat de prêt hypothécaire afin de pouvoir exercer effectivement et pleinement ses droits au titre de cette directive, en vue d'obtenir réparation du préjudice financier causé par l'application de ces clauses. (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, Aff. C-600/19, points 57 et 58)

Au cas d'espèce, la société Hoist finance fait valoir que le contrôle du caractère abusif de la clause de déchéance du terme serait de nature à remettre en cause le transfert de propriété survenu par l'effet de l'adjudication du bien dont M. et Mme X. étaient propriétaires par jugement du 09 décembre 2019. Or, et ainsi que le font valoir les demandeurs, le jugement d'adjudication, rendu en premier et dernier ressort, n'est plus susceptible de recours. S'il est admis que le jugement d'adjudication, lorsqu'il a mis fin à la procédure de saisie immobilière, constate un contrat judiciaire dont la nullité peut être demandée devant le tribunal judiciaire, il résulte de l'article 2224 du code civil que le délai de prescription de l'action en nullité est de 5 ans de sorte qu'au jour du présent jugement, un tel recours n'est plus envisageable. En outre, l'éventuel caractère abusif de la clause d'exigibilité immédiate du prêt à l'origine de la créance ayant conduit le créancier poursuivant à mettre en œuvre une procédure de saisie immobilière n'a aucune incidence sur les conditions de formation ou de validité du contrat et ne peut, dès lors, être regardé comme une cause de nullité.

Ainsi, la demande tendant à ce que les comptes soient faits entre les parties suite à la délivrance d'un commandement aux fins de saisie-vente n'a ni pour objet, ni pour effet de remettre en cause la sécurité juridique du transfert de propriété intervenu suite à l'adjudication du 09 décembre 2019.

Il en résulte que malgré cette adjudication, le juge de l'exécution peut, dans le cadre de la présente instance, procéder à un examen du caractère abusif de la clause contractuelle relative à la déchéance du terme. »

2/ « Il est admis que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, (Cass. 1ère civ. 22 mars 2023, n° 21-16.044), ou celle prévoyant la résiliation de plein droit en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date sans mise en demeure ou sommation préalable de l'emprunteur ni préavis d'une durée raisonnable (Cass. 1ère civ., 22 mars 2023, n° 21-16.476). En outre, si la clause contractuelle stipulant l'exigibilité immédiate du prêt en cas de défaillance de l'emprunteur ne prévoit aucune mise en demeure pour prononcer la déchéance du terme, la clause, alors abusive, doit être réputée non écrite, même lorsque le prêteur a, en fait, envoyé une mise en demeure avant de prononcer la déchéance du terme (Cass. 2ème Civ., 3 octobre 2024, n° 21-25.823).

En l'espèce, la clause de déchéance du terme de ce contrat est ainsi formulée : « A la discrétion du Prêteur, le prêt pourra être résilié et les sommes empruntées, en principal, intérêts et accessoires, deviendront immédiatement et intégralement exigibles de plein droit, sans autre formalité qu'une lettre recommandée avec accusé de réception, dans l'un des cas suivants : (…) - Défaut de paiement à bonne date de tout ou partie des échéances, d'une fraction du capital venant à échéance ou de toutes sommes avancées par le Prêteur, tant sur le présent prêt qu'au titre de l'un quelconque des prêts finançant le bien objet de la présente offre (…) »

Une telle clause doit être regardée comme abusive dès lors qu'elle permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme sans mise en demeure préalable de régulariser la situation d’impayé.

Si la société Hoist Finance fait valoir que, dans les faits, des mises en demeure ont été adressées aux emprunteur par courrier recommandé avec accusé de réception le 13 septembre 2018 leur laissant un délai de 30 jours pour régulariser la situation, il convient de retenir, d'une part, que la société Hoist finance ne rapporte pas la preuve de ses prétentions dès lors qu'elle ne produit pas ces mises en demeure (la pièce n°11 visée dans le bordereau de pièces annexé à ses conclusions n'étant pas jointe à son dossier de plaidoirie) et, d'autre part, qu'à la supposer établie, une telle circonstance reste sans incidence sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme, lequel doit être apprécié au regard de la formulation de la clause et non au regard de sa mise en œuvre effective.

Il convient ainsi de déclarer abusive la clause de déchéance du terme précitée laquelle est, en conséquence, réputée non écrite. »

3/ « La jurisprudence reconnaît qu'une partie à un contrat peut le résilier unilatéralement, à ses risques et périls, en cas de faute grave de la part de l'autre partie. Il appartient alors au juge qui serait saisi d'apprécier si la faute invoquée était suffisamment grave pour permettre la résiliation unilatérale. (Cass. com. 22 novembre 2023, n°22-16.514). Enfin, en application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, si la société Hoist finance fait valoir, d'une part, que par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 13 septembre 2018, les emprunteurs ont été mis en demeure de régulariser une situation d'impayé et, d'autre part, que par courriers du 26 novembre 2018, elle a valablement prononcé la résiliation unilatérale du contrat, elle ne produit aucun de ces courriers, les pièces 11 et 12 visées dans le bordereau de pièces annexé à ses conclusions n'étant pas jointes à son dossier de plaidoirie. La société Hoist finance échoue en conséquence à démontrer qu'elle a unilatéralement prononcé la résiliation du contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CHARTRES

JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT DU 25 JUILLET 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/02437. N° Portalis DBXV-W-B7I-GLYZ.

 

DEMANDEURS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 1] en [pays], demeurant [Adresse 4], Représenté par Maître Marc MONTI, de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocats au barreau de Chartres, Toque 34.

Madame X.

née le [Date naissance 2] en [pays], demeurant [Adresse 4]

Représentée par Maître Marc MONTI, de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocats au barreau de Chartres, Toque 34.

 

DÉFENDERESSE :

Société HOIST FRANCE

Dont le siège social est sis [Adresse 3], Représentée par Maître Odile BORDIER, avocat au barreau de Chartres, Toque 6.

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Benjamin MARCILLY

Greffier : Bénédicte SPENCER

DÉBATS : A l'audience publique du 27 juin 2025. A l’issue des débats, la décision a été rendue par mise à disposition le 25 juillet 2025.

JUGEMENT : - Mis à disposition au greffe le VINGT CINQ JUILLET DEUX MIL VINGT CINQ – Contradictoire - En premier ressort - Signé par Monsieur MARCILLY, Juge, et Madame SPENCER, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant acte notarié reçu le 28 mai 2010, le Crédit foncier de France a consenti à M. X. et Mme X. (ci-après désignés « M. et Mme X. ») un prêt immobilier « Foncier liberté » n°4041335 pour un montant de 150.100 euros remboursables suivant 300 mensualités au taux fixe de 4,70 % et au taux effectif global de 5,84 % l'an.

Par jugement d'orientation du 20 août 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Quentin a notamment constaté que la créance du Crédit Foncier de France était, au 11 mars 2019, d'un montant de 152.301,07 euros et ordonné la vente forcée d'un immeuble dont M. et Mme X. étaient propriétaires.

Cet immeuble a été adjugé le 09 décembre 2019 au prix de 34.200 euros.

Par acte en date des 25 et 28 mars 2024, la société Hoist finance Aktiebolag (Publ) (ci-après désignée la société « Hoist finance »), indiquant venir aux droits de la société Crédit foncier de France, a fait signifier à M. et Mme X. une cession de créance intervenue le 09 février 2021 ainsi qu'un commandement aux fins de saisie-vente en vue du recouvrement de la somme de 99.671,21 euros.

Par acte en date du 8 août 2024, M. et Mme X. ont fait assigner la société Hoist finance devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chartres, lui demandant notamment de déclarer irrecevable la demande en paiement de la société Hoist Finance et de faire les comptes entre les parties.

Par jugement avant dire droit en date du 24 janvier 2025, le juge de l'exécution a ordonné la réouverture des débats et :

- Invité les parties à préciser si la déchéance du terme a été prononcée en raison de manquements des emprunteurs à leur obligation de paiement des échéances du prêt immobilier ;

- Invité les parties à formuler leurs observations sur l'éventuel caractère abusif de la clause « CAS D'EXIGIBILITE ANTICIPEE – DECHEANCE DU TERME » du contrat de prêt immobilier, en tant qu'elle prévoit l'exigibilité immédiate et intégrale des sommes empruntées en principal, intérêts et accessoires en cas de défaillance des emprunteurs, sans mise en demeure préalable, et sur ses conséquences éventuelles sur le montant de la créance invoquée à l'encontre de M. et Mme X. ;

- Invité la société Hoist finance à produire un décompte détaillé actualisé des sommes dues au titre des échéances exigibles car échues du prêt litigieux.

Appelée sur réouverture des débats à l'audience du 14 mars 2025, l'affaire a été renvoyée à plusieurs reprises et en dernier lieu à l'audience du 27 juin 2025 au cours de laquelle elle a été retenue pour être plaidée, les parties étant représentées par leurs conseils respectifs.

*

Aux termes de leurs conclusions soutenues oralement à l'audience, M. et Mme X. demandent au juge de l'exécution de :

A titre liminaire :

- Déclarer la demande de paiement présentée par la société Hoist finance irrecevable ;

A titre principal :

- Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de la société Hoist finance,

- Réputer la clause de déchéance du terme non écrite,

- Soumettre à la cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : “dans le contexte du recouvrement d'un crédit à la consommation et du réputé non écrit qui frappe une clause de déchéance du terme abusive (CJUE, Cour, 8 décembre 2022, C-600/21, QE contre [Adresse 5], 8 décembre 2022, Cass. 1ère Civ. 22 mars 2023, n°21-16.476, publié au bulletin, Cass. 2ème civ., 11 juillet 2024, n°24-70.001, Publié au bulletin), le juge de l'exécution a-t-il la possibilité de substituer la résolution conventionnelle à la résolution judiciaire au regard du principe d'effectivité de la sanction (CJUE, Cour, 27 mars 2014, C-565/12) pour autoriser la poursuite de la procédure civile d'exécution?”

A titre subsidiaire :

- Faire les comptes entre les parties ;

Dans tous les cas :

- Condamner la société Hoist finance au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Pour conclure à l'irrecevabilité de l'action en recouvrement de la société Hoist finance, ils font valoir, au visa de l'article L.218-2 du code de la consommation, que le délai de prescription était expiré à la date de la signification du commandement aux fins de saisie-vente. M. et Mme X. précisent que la société Hoist finance n'a jamais sollicité le paiement des échéances postérieures au prononcé de la déchéance du terme de sorte que ces paiements n'ont pas eu d'effet interruptif de prescription.

Ils soutiennent également que la cession de créance intervenue entre la société Crédit foncier de France et la société Hoist finance est irrégulière dès lors qu'il n'est pas justifié de la validité de la signature électronique de l'acte, qu'il n'est pas justifié du contrat de cession de créances, mais uniquement d'un document de synthèse et qu'il n'est pas justifié du procès-verbal de constat des créances cédées.

Ils relèvent en outre, au visa des articles 1104, 1171 du code civil et L.241-1 du code de la consommation, que la clause de déchéance du terme insérée au contrat est abusive dès lors qu'aucun délai n'est prévu pour permettre à l'emprunteur de régulariser la situation d'impayé. Ils ajoutent que si le juge de l'exécution a précédemment vérifié que le créancier était titulaire d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ayant conduit à la vente forcée d'un bien leur appartenant, il ne s'est pas prononcé sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme de sorte que la société Hoist finance n'est pas fondée à invoquer l'autorité de la chose jugée. Ils ajoutent que l'analyse du caractère abusif de la clause litigieuse est sans incidence sur la validité du jugement d'adjudication qui est définitif.

Les demandeurs relèvent également que la société Hoist finance n'est pas fondée à invoquer une résiliation unilatérale du contrat en présence d'une clause de déchéance du terme abusive et, en conséquence, réputée non écrite, dès lors que cet argument reviendrait à priver d'effet la sanction attachée au caractère abusif d'une telle clause.

Au soutien de sa demande tendant à ce qu'une question préjudicielle soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne, les demandeurs font valoir, au visa de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'il importe d'assurer l'effectivité de la sanction attachée au caractère abusif d'une clause de déchéance du terme.

Pour conclure à ce que les comptes soient faits entre les parties, les demandeurs relèvent, au visa des articles 4 du code civil et L.213-6 du code de l'organisation judiciaire que le juge de l'exécution ne peut refuser de faire les comptes entre les parties en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies. Ils ajoutent que les comptes présentés par la société Hoist finance sont erronés, les intérêts prescrits n'étant pas dus.

*

Aux termes de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, la société Hoist finance demande au juge de l'exécution de :

- déclarer les consorts X. irrecevables ou, à défaut, mal fondés en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions et les en débouter ;

- déclarer valables et réguliers les commandements de saisie-vente des 24 mars 2024 et 28 mars 2024, les valider en modifiant le quantum de la créance pour le recouvrement de laquelle ils ont été délivrés porté à la somme de 146.778,67 euros outre intérêts contractuels à compter du 09 août 2024 jusqu'au parfait paiement ;

- déclarer qu'il ne saurait être procédé à l'analyse du caractère éventuellement abusif de la clause de déchéance du terme en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement d'orientation du 29 août 2019 mais également eu égard à l'adjudication d'ores et déjà intervenue le 09 décembre 2019 ;

- déclarer à titre subsidiaire que la clause de déchéance du terme ne revêt aucun caractère abusif ;

- constater à titre plus subsidiaire la résolution unilatérale valablement prononcée et, partant, valider et déclarer réguliers les commandements de saisie-vente des 25 et 28 mars 2024 ;

- à titre encore plus subsidiaire, valider et déclarer réguliers les commandements des 24 et 28 mars 2024 à hauteur de la somme de 57.781,28 euros correspondant aux arriérés constatés ;

- rejeter la demande de soumission d'une question préjudicielle à la CJUE et, s'il devait être fait droit à cette demande, formuler la question comme suit : “lorsqu'il a à connaître d'une contestation portant sur une mesure d'exécution mise en œuvre en suite de mises en demeure préalables de régler délivrées en application d'une clause de déchéance du terme figurant dans un contrat de prêt qui viendrait à être considérée comme abusive, le Juge saisi de la contestation dispose-t-il, à l'aune des dispositions de son droit national, du pouvoir juridictionnel de considérer que la résiliation et/ou la résolution du contrat de prêt peut se trouver quoi qu'il en soit acquise dès lors qu'il est en mesure de caractériser un manquement grave et répété de l'emprunteur à son obligation essentielle résultant de l'octroi du contrat de prêt (lequel, pour rappel, subsiste en toutes ses autres stipulations), à savoir le remboursement à échéances convenues?” ;

- condamner les consorts X. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens.

En réponse au moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement de sa créance, elle fait valoir, au visa des articles R.332-1 et L.218-2 du code des procédures civiles d'exécution et 2231 du code civil, que l'effet interruptif de la procédure de saisie immobilière n'a pris fin que 15 jours après la remise du prix de l'adjudication, soit le 14 avril 2022.

S'agissant de la régularité de l'acte de cession de créance, elle fait valoir que le moyen tiré de l'absence de signature électronique de l'acte est inopérant. Elle ajoute que la réalité de l'acte de cession est établie par la production aux débats du procès-verbal de constat du 10 février 2021, précisant que ses mentions font foi jusqu'à inscription de faux. Elle fait également valoir qu'aucune disposition n'imposait la notification du contrat de cession aux débiteurs et que la cession de créance a valablement été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 février 2021 puis au moment de la délivrance des commandements de payer.

Sur le fond, elle fait valoir que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement d'orientation du 29 août 2019 fait obstacle à l'examen du caractère éventuellement abusif de la clause de déchéance du terme du contrat de prêt, dès lors que le juge de l'exécution a nécessairement procédé à l'examen de la régularité de la clause de déchéance du terme pour déterminer si le créancier poursuivant justifiait d'une créance exigible et en déterminer le montant. Elle ajoute que le juge ne peut se livrer à l'examen du caractère abusif de la clause de déchéance du terme dès lors qu'une telle analyse serait de nature à remettre en cause l'adjudication intervenue le 09 décembre 2019.

Pour conclure à la régularité de la clause de déchéance du terme, la société Hoist finance fait valoir que cette clause n'exclut pas l'envoi d'une mise en demeure préalable à la déchéance du terme et précise que l'absence de délai contractuel pour régulariser une situation d'impayé n'implique pas le caractère abusif de cette clause, ce d'autant que la mise en demeure adressée aux débiteurs laissait à ces derniers un délai de 30 jours pour régulariser la situation, un tel délai devant être regardé comme raisonnable.

Elle relève qu'à supposer que la clause soit considérée comme abusive, le prêteur a pu valablement, sur le fondement de l'article 1184 du code civil applicable au présent litige, procéder à une résiliation unilatérale du contrat après mise en demeure infructueuse. Elle précise que si le juge de l'exécution ne peut procéder à une résolution judiciaire du contrat, il peut constater la résolution unilatérale du contrat. Elle relève ainsi qu'après mises en demeure du 13 septembre 2018, la résolution unilatérale du contrat a pu valablement être prononcée le 26 novembre 2018, justifiant l'exigibilité des échéances impayées, du capital restant dû, des intérêts au taux contractuels et d'une indemnité d'exigibilité en application de l'article R.313-28 du code de la consommation. Elle précise qu'au regard de la gravité du manquement contractuel des demandeurs, le prêteur pouvait se dispenser de l'envoi de toute mise en demeure.

En réponse à la demande de question préjudicielle formulée par les demandeurs, elle fait valoir que la question posée n'entre pas dans le champ de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Elle ajoute que telle que proposée par les demandeurs, la question n'est pas pertinente pour la solution du litige, dès lors qu'il n'est pas demandé au juge de l'exécution de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt mais de constater la résiliation prononcée unilatéralement par l'établissement prêteur.

S'agissant des conclusions tendant à ce que le juge de l'exécution établisse les comptes entre les parties, elle fait valoir que le décompte repris dans le commandement litigieux est erroné, sans que cette erreur ne soit une cause de nullité. Elle ajoute que le montant de la créance mentionné par le juge de l'exécution dans le jugement d'orientation du 29 août 2019 est revêtu de l'autorité de la chose jugée de sorte qu'il ne peut plus être remis en cause. Elle relève qu'en réalité sa créance à l'égard de M. et Mme X. doit être arrêtée à la somme de 146.778,67 euros outre intérêts contractuels à compter du 9 août 2024.

*

Les débats clos, l'affaire a été mise en délibéré au 25 juillet 2025 par mise à disposition au greffe.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes aux fins de « déclarer » ne constituent pas des prétentions saisissant le juge au sens de l'article 4 du code procédure civile dès lors qu'elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert et qu'elles ne constituent qu'un rappel des moyens invoqués à l'appui de prétentions par ailleurs formulées. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif du présent jugement.

 

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Aux termes de l'article L. 218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

L'effet interruptif de prescription d'une instance de saisie immobilière se poursuit soit jusqu'à une ordonnance d'homologation du projet ou de l'accord de répartition du prix de vente de l'immeuble, soit jusqu'à un état de répartition établi par le juge, ou, lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier répondant aux critères de l'article L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution, jusqu'à l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement ou, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai. (Cass. 2ème Civ. 02 mars 2023, n°20-20.776)

En l'espèce, au regard de ce qui précède, c'est à tort que les demandeurs font valoir qu'interrompu par la mise en œuvre d'une procédure de saisie immobilière, le délai de prescription à recommencé à courir à compter de l'audience d'adjudication.

Il n'est pas contesté que le prix de l'adjudication a été versé au créancier poursuivant le 30 mars 2022, de sorte que le délai de prescription a recommencé à courir à compter du 14 avril 2022.

Le délai de prescription biennal n'était dès lors pas acquis au moment de la délivrance des commandements de payer aux fins de saisie-vente des 25 et 28 mars 2024.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en recouvrement ne peut, en conséquence, qu'être écartée.

 

Sur la validité de l'acte de cession de créance :

Aux termes de l'article 1367 du code civil, la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.

Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'article 1181 du code civil prévoit par ailleurs que la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.

En l'espèce, M. et Mme X. font valoir que dès lors qu'il n'est pas justifié du dossier de preuve permettant d'établir la validité de la signature électronique apposée sur l'acte de cession, celui-ci est nul.

L'irrégularité de la signature d'un contrat constitue une cause de nullité relative.

En conséquence, tiers au contrat de cession de créance, les demandeurs ne sont pas fondés à invoquer l'irrégularité de la signature du contrat. Le moyen ne peut en conséquence être accueilli.

 

Sur l'opposabilité de l'acte de cession de créance :

En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il résulte des articles 1321 et suivants du code civil que la cession de créance peut porter sur une ou plusieurs créances présentes ou futures, déterminées ou déterminables ; elle s'étend aux accessoires de la créance ; le consentement du débiteur n'est pas requis, à moins que la créance ait été stipulée incessible.

 

S'agissant des conditions de forme de la cession de créance, elle doit être constatée par écrit, à peine de nullité.

L'article 1323 du code civil précise qu'entre les parties, le transfert de la créance s'opère à la date de l'acte. Il est opposable aux tiers dès ce moment. En cas de contestation, la preuve de la date de la cession incombe au cessionnaire, qui peut la rapporter par tout moyen.

Le transfert d'une créance future n'a lieu qu'au jour de sa naissance, tant entre les parties que vis-à-vis des tiers.

Selon l'article 1324, pour être opposable au débiteur, la cession doit lui avoir été notifiée ou il doit en avoir pris acte.

Même sous l'empire des textes antérieurs au 1er octobre 2016, il n'a jamais été exigé que l'acte de cession de créance soit adressé intégralement, ni même par extraits, au débiteur de la créance cédée. Il suffit que celui-ci soit suffisamment informé du transfert de créances opéré et du changement de créancier (Cass. 1ère Civ., 11 septembre 2013, n°12-17.173).

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats qu'un acte de cession de créances entre le Crédit Foncier de France et la société Hoist finance a été constaté par procès-verbal de commissaire de justice du 10 février 2021. En annexe de ce constat, le commissaire de justice a joint un extrait de la liste des créances cédées mentionnant le crédit n°4041335 accordé à M. et Mme X.

Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, la société Hoist finance verse aux débats l'intégralité procès-verbal de constat du 10 février 2021, et non uniquement son annexe, étant précisé, s'agissant de cette annexe, que pour justifier la réalité de la cession de la créance détenue à l'encontre de M. et Mme X., la reproduction de la liste intégrale des créances cédées est inutile, seule la mention de la ligne de créance concernant les demandeurs étant nécessaire.

Il est par ailleurs justifié de la signification de la cession de créance :

- À M. X. par acte de commissaire de justice du 25 mars 2024 portant également commandement aux fins de saisie-vente ;

- À Mme X. par acte de commissaire de justice du 28 mars 2024 portant également commandement aux fins de saisie-vente.

Si ces actes ne contiennent pas la copie de l'acte de cession, ni la copie intégrale du procès-verbal de constat du 10 février 2021, ils font état de renseignements précis sur la cession de créance en mentionnant sa date, le nom de l'ancien créancier et celui du nouveau, ainsi que la référence de la créance concernée qui correspond à la référence du crédit accordé par le Crédit Foncier de France.

Les informations données sont suffisamment précises pour que cette cession de créance soit opposable à M. et Mme X. étant rappelé qu'aucun texte n'exige une notification de la cession de créance préalablement à la délivrance d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente, une notification concomitante étant admise dès lors qu'un tel commandement n'a aucun effet attributif immédiat.

Il s'ensuit que la cession de créance invoquée par la société Hoist finance est opposable à M. et Mme X. et qu'elle a valablement été signifiée en même temps que les commandements de payer aux fins de saisie-vente contestés pour le recouvrement de la créance cédée.

 

Sur les causes des commandements de payer valant saisie-vente :

Il résulte de l'article 4 du code civil et de l'article L. 213-6 du code de l'organisation juridique que lorsque le montant de la créance du poursuivant est contesté, le juge est tenu de le déterminer et, à cette fin, de faire, s'il y a lieu, les comptes entre les parties, sans pouvoir s'y refuser en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies. (Cass. 2ème civ, 15 avril 2021, n°20-13.953)

En demandant au juge de l'exécution de faire les comptes entre les parties, les demandeurs, qui agissent suite à la délivrance d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente, doivent être regardés comme sollicitant que les causes de ce commandement soient limitées aux seules sommes restant dues, ce qui implique de faire les comptes entre les parties.

Il résulte des pièces du dossier que suivant acte notarié reçu le 28 mai 2010 le Crédit foncier de France a consenti à M. et Mme X. un prêt immobilier « Foncier liberté » n°4041335 pour un montant de 150.100 euros remboursables suivant 300 mensualités au taux fixe de 4,70 % et au taux effectif global de 5,84 % l'an.

La société Hoist finance, venant aux droits du Crédit foncier de France fait valoir que par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 13 septembre 2018, les emprunteurs ont été mis en demeure de régulariser une situation d'impayé et que par courriers du 26 novembre 2018, elle a prononcé la déchéance du terme en application de la clause de déchéance du terme prévue au contrat.

Subsidiairement, si la clause de déchéance du terme prévue au contrat devait être considérée comme abusive, elle fait valoir que les courriers du 26 novembre 2018 valent résiliation unilatérale du contrat de prêt au regard des graves manquements de M. et Mme X. à leur obligation de remboursement.

 

Sur le moyen tiré du caractère abusif de la clause de déchéance du terme :

Sur le contrôle exercé par le juge de l'exécution :

Si le jugement d'orientation du juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière a, en principe, autorité de la chose jugée au principal en ce qu'il fixe notamment la créance du poursuivant (Cass. Avis. 12 avril 2018, n°18-70.004), le juge de l'exécution, à la demande d'une partie ou d'office, est tenu d'apprécier, y compris pour la première fois, le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles qui servent de fondement aux poursuites sauf lorsqu'il résulte d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen. (Cass, Com., 8 février 2023, n°21.17-763)

En l'espèce, il ne ressort pas du jugement d'orientation du 29 août 2019 que le juge de l'exécution, chargé d'évaluer la créance détenue par le Crédit Foncier de France, se soit prononcé sur le caractère éventuellement abusif de la clause de déchéance du terme prévue au contrat. Il ne peut être déduit du silence du jugement sur ce point l'existence d'un contrôle implicite.

Dès lors, l'autorité de la chose jugée attachée au jugement d'orientation du 29 août 2019 ne fait en principe pas obstacle à ce que le juge de l'exécution connaisse, dans le cadre de la présente instance et pour la première fois, du caractère abusif de la clause de déchéance du terme.

La Cour de justice de l'Union européenne a toutefois précisé que, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu'une bonne administration de la justice, il importe que les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour l'exercice de ces recours ne puissent plus être remises en cause (CJUE, 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, aff. C-40/08, points 35 et 36, et 26 janvier 2017, Banco Primus, aff. C-421/14, point 46).

La Cour a également retenu que dans une situation dans laquelle la procédure d'exécution hypothécaire a pris fin et les droits de propriété à l'égard de ce bien ont été transférés à un tiers, le juge, agissant d'office ou sur demande du consommateur, ne peut plus procéder à un examen du caractère abusif de clauses contractuelles qui conduirait à l'annulation des actes transférant la propriété et à remettre en cause la sécurité juridique du transfert de propriété déjà opéré envers un tiers. Le consommateur doit néanmoins, dans une telle situation, être en mesure, conformément à l'article 6, paragraphe 1, et à l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d'effectivité, d'invoquer dans une procédure subséquente distincte le caractère abusif des clauses du contrat de prêt hypothécaire afin de pouvoir exercer effectivement et pleinement ses droits au titre de cette directive, en vue d'obtenir réparation du préjudice financier causé par l'application de ces clauses. (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, Aff. C-600/19, points 57 et 58)

Au cas d'espèce, la société Hoist finance fait valoir que le contrôle du caractère abusif de la clause de déchéance du terme serait de nature à remettre en cause le transfert de propriété survenu par l'effet de l'adjudication du bien dont M. et Mme X. étaient propriétaires par jugement du 09 décembre 2019.

Or, et ainsi que le font valoir les demandeurs, le jugement d'adjudication, rendu en premier et dernier ressort, n'est plus susceptible de recours.

S'il est admis que le jugement d'adjudication, lorsqu'il a mis fin à la procédure de saisie immobilière, constate un contrat judiciaire dont la nullité peut être demandée devant le tribunal judiciaire, il résulte de l'article 2224 du code civil que le délai de prescription de l'action en nullité est de 5 ans de sorte qu'au jour du présent jugement, un tel recours n'est plus envisageable.

En outre, l'éventuel caractère abusif de la clause d'exigibilité immédiate du prêt à l'origine de la créance ayant conduit le créancier poursuivant à mettre en œuvre une procédure de saisie immobilière n'a aucune incidence sur les conditions de formation ou de validité du contrat et ne peut, dès lors, être regardé comme une cause de nullité.

Ainsi, la demande tendant à ce que les comptes soient faits entre les parties suite à la délivrance d'un commandement aux fins de saisie-vente n'a ni pour objet, ni pour effet de remettre en cause la sécurité juridique du transfert de propriété intervenu suite à l'adjudication du 09 décembre 2019.

Il en résulte que malgré cette adjudication, le juge de l'exécution peut, dans le cadre de la présente instance, procéder à un examen du caractère abusif de la clause contractuelle relative à la déchéance du terme.

 

Sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme :

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (…) Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre. Les clauses abusives sont réputées non écrites. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. (…)

L'article R. 132-2 du code de la consommation prévoit également que dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (…) 4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.

Il est admis que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, (Cass. 1ère civ. 22 mars 2023, n° 21-16.044), ou celle prévoyant la résiliation de plein droit en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date sans mise en demeure ou sommation préalable de l'emprunteur ni préavis d'une durée raisonnable (Cass. 1ère civ., 22 mars 2023, n° 21-16.476)

En outre, si la clause contractuelle stipulant l'exigibilité immédiate du prêt en cas de défaillance de l'emprunteur ne prévoit aucune mise en demeure pour prononcer la déchéance du terme, la clause, alors abusive, doit être réputée non écrite, même lorsque le prêteur a, en fait, envoyé une mise en demeure avant de prononcer la déchéance du terme (Cass. 2ème Civ., 3 octobre 2024, n° 21-25.823).

En l'espèce, la clause de déchéance du terme de ce contrat est ainsi formulée :

« A la discrétion du Prêteur, le prêt pourra être résilié et les sommes empruntées, en principal, intérêts et accessoires, deviendront immédiatement et intégralement exigibles de plein droit, sans autre formalité qu'une lettre recommandée avec accusé de réception, dans l'un des cas suivants : (…) - Défaut de paiement à bonne date de tout ou partie des échéances, d'une fraction du capital venant à échéance ou de toutes sommes avancées par le Prêteur, tant sur le présent prêt qu'au titre de l'un quelconque des prêts finançant le bien objet de la présente offre (…) »

Une telle clause doit être regardée comme abusive dès lors qu'elle permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme sans mise en demeure préalable de régulariser la situation d’impayé.

Si la société Hoist Finance fait valoir que, dans les faits, des mises en demeure ont été adressées aux emprunteur par courrier recommandé avec accusé de réception le 13 septembre 2018 leur laissant un délai de 30 jours pour régulariser la situation, il convient de retenir, d'une part, que la société Hoist finance ne rapporte pas la preuve de ses prétentions dès lors qu'elle ne produit pas ces mises en demeure (la pièce n°11 visée dans le bordereau de pièces annexé à ses conclusions n'étant pas jointe à son dossier de plaidoirie) et, d'autre part, qu'à la supposer établie, une telle circonstance reste sans incidence sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme, lequel doit être apprécié au regard de la formulation de la clause et non au regard de sa mise en œuvre effective.

Il convient ainsi de déclarer abusive la clause de déchéance du terme précitée laquelle est, en conséquence, réputée non écrite.

 

Sur la résiliation unilatérale du contrat :

Selon l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. / Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. / La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

La jurisprudence reconnaît qu'une partie à un contrat peut le résilier unilatéralement, à ses risques et périls, en cas de faute grave de la part de l'autre partie. Il appartient alors au juge qui serait saisi d'apprécier si la faute invoquée était suffisamment grave pour permettre la résiliation unilatérale. (Cass. com. 22 novembre 2023, n°22-16.514)

Enfin, en application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, si la société Hoist finance fait valoir, d'une part, que par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 13 septembre 2018, les emprunteurs ont été mis en demeure de régulariser une situation d'impayé et, d'autre part, que par courriers du 26 novembre 2018, elle a valablement prononcé la résiliation unilatérale du contrat, elle ne produit aucun de ces courriers, les pièces 11 et 12 visées dans le bordereau de pièces annexé à ses conclusions n'étant pas jointes à son dossier de plaidoirie.

La société Hoist finance échoue en conséquence à démontrer qu'elle a unilatéralement prononcé la résiliation du contrat.

Ainsi, le moyen soulevé par la société Hoist finance ne peut qu'être rejeté.

 

Sur la demande de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union Européenne :

En application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE), le renvoi pour une question préjudicielle devant la Cour de Justice de l'Union Européenne est facultatif si la décision de la juridiction nationale est susceptible de recours :

« La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, concernant :

a) l'interprétation des traités ;

b) la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour pouvoir rendre son jugement, demander à la Cour de statuer à ce sujet.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction d'un état membre contre les décisions duquel il n'existe aucun recours juridictionnel en vertu du droit national, cette juridiction ou ce Tribunal porte l'affaire devant la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction d'un état membre concernant une personne détenue, la Cour de Justice de l'Union Européenne statue dans les plus brefs délais. »

En l'espèce, dès lors que la société Hoist finance ne rapporte pas la preuve d'une résiliation unilatérale du contrat de prêt, la question suggérée par M. et Mme X. et tendant à ce que soit précisé si, en présence d'une clause de déchéance du terme abusive, l'établissement prêteur peut valablement invoquer, par voie de substitution, une résiliation unilatérale du contrat de droit commun au regard du principe d'effectivité des sanctions rattachées au caractère abusive de la clause précitée, ne présente pas d'intérêt pour la solution du présent litige.

En conséquence, la demande de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union Européenne sera rejetée.

 

Sur l'établissement des comptes entre les parties :

Lorsque la déchéance du terme n'a pas été régulièrement prononcée, le capital restant dû n'est pas exigible.

En application des articles 1186 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les mensualités d'un prêt sont exigibles à la date de leur échéance, de sorte qu'à compter de cette date, le prêteur a la faculté de délivrer un commandement de payer à l'emprunteur afin d'en obtenir le paiement.

Il en résulte que, si le prêteur a délivré à l'emprunteur un commandement de payer les mensualités échues et impayées et le capital restant dû, alors que la déchéance du terme n'a pas été régulièrement prononcée, le commandement demeure valable à concurrence du montant de ces mensualités (Cass., 1ère Civ. 16 juin 2021, n°19-17.940, 18-25.320).

En l'espèce, le décompte des sommes dues repris dans le commandement aux fins de saisie-vente est le suivant :

- Solde débiteur : 24.346,17 euros ;

- Principal dû : 117.525,18 euros ;

- Indemnité d'exigibilité de 7 % : 9.930,99 euros ;

- Intérêts contractuels au taux de 4,70 % : 7.270,81 euros ;

- Intérêts au jour du parfait règlement : MEMOIRE

- Frais d'exécution : 104,42 euros ;

- Droit de recouvrement – droit proportionnel 128 (A.444,31) : 426,68 euros ;

- Coût de acte : 70,17 euros.

Il sera rappelé qu'en l'absence de résiliation valable du contrat de prêt, la créance détenue par la société Hoist finance à l'encontre de M. et Mme X. doit être limitée aux échéances de prêt impayées et intérêts non prescrits.

La somme de 24.346,17 euros correspond aux échéances impayées de sorte que cette somme est due par M. et Mme X.

La somme de 117.525,18 euros correspond au capital restant dû. Au regard de ce qui précède, cette somme n'est pas due. Alors que, par jugement avant dire droit du 24 janvier 2025, le juge de l'exécution a invité la société Hoist finance à produire un décompte détaillé actualisé des sommes dues au titre des échéances exigibles car échues du prêt litigieux, la défenderesse n'a produit aucun décompte, la pièce n°13 visée dans le bordereau annexé à ses conclusions n'étant pas jointe à son dossier de plaidoirie.

En conséquence, le décompte des sommes dues au titre des échéances impayées sera limité, au regard des pièces effectivement versées aux débats, à la somme de 24.346,17 euros.

En l'absence de résiliation du contrat, l'indemnité d'exigibilité n'est pas due de sorte qu'il convient de déduire la somme de 9.930,99 euros.

S'agissant des intérêts, M. et Mme X. font valoir que ceux-ci seraient en tout ou partie prescrits.

Il est admis qu'une créance d'intérêts est soumise à la prescription biennale de l'article L.137-2 du code de la consommation, devenu l'article L.218-2 du même code, dès lors que l'offre de crédit constitue une prestation de services fournis par un professionnel à un consommateur. (Cass. Avis, 4 juillet 2016, n°1670.004 ; Cass. 1ère Civ., 22 janvier 2020, n°18-25.027)

Au cas présent, seuls les intérêts portant sur la somme de 24.336,17 euros sont dus.

Pour autant, la société Hoist finance ne produit aucun décompte des intérêts calculés sur cette somme, les seuls décomptes produits aux débats tenant compte du capital du prêt qui n'est pas exigible.

En conséquence, la créance d'intérêts n'étant pas justifiée, elle sera écartée.

Enfin, il ressort des pièces du dossier que des versements sont intervenus pour un montant total de 37.230,41 euros. Au regard de ces versements, et eu égard aux seules causes des commandements de payer valant saisie-vente dûment justifiées par les pièces produites aux débats, la créance invoquée par la société Hoist finance doit être regardée comme ayant été intégralement payée.

Dès lors, compte tenu des éléments dont le juge de l'exécution dispose pour établir les comptes entre les parties, il convient de retenir que les causes des commandements de payer doivent être réduites à néant.

 

Sur les demandes accessoires :

Sur les dépens :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, partie perdante, la société Hoist finance sera condamnée aux dépens.

 

Sur les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Partie perdante, la société Hoist finance ne peut prétendre au bénéfice de ces dispositions. Sa demande sera en conséquence rejetée.

Dans les circonstances de l'espèce, la société Hoist finance sera condamnée à verser à M. et Mme X. la somme de 1.500 euros au titre des dispositions précitées.

 

Sur l'exécution provisoire :

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le juge de l'exécution, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort et mis à disposition au greffe,

DÉCLARE recevable l'action en recouvrement de la société Hoist Finance Aktiebolag (publ) à l'encontre de M. X. et Mme X. ;

DIT que la cession de créance intervenue entre la société Crédit Foncier de France et la société Hoist Finance Aktiebolag (publ) est valable et opposable à l'égard de M. X. et Mme X. ;

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la juge jugée soulevée par la société Hoist Finance Aktiebolag (publ) ;

DÉCLARE abusive la clause de déchéance du terme prévue au contrat de prêt souscrit entre, d'une part, le Crédit Foncier de France et, d'autre part, M. X. et Mme X. ;

DIT qu'en conséquence, cette clause est réputée non écrite ;

DÉBOUTE la société Hoist Finance Aktiebolag (publ) de sa demande tendant à ce que soit constatée la résiliation unilatérale du contrat de prêt en raison des manquements de M. X. et Mme X. à leur obligation de remboursement ;

DÉBOUTE M. X. et Mme X. de leur demande de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union Européenne ;

RÉDUIT à néant les causes du commandement de payer valant saisie vente des 25 et 28 mars 2025 ;

CONDAMNE la société Hoist Finance Aktiebolag (publ) aux dépens de la présente instance ;

DÉBOUTE la société Hoist Finance Aktiebolag (publ) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Hoist Finance Aktiebolag (publ) à verser à M. X. et Mme X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Ainsi Jugé et prononcé les jour, mois et an susdits et ont signé après lecture faite le Juge et le Greffier.

LE GREFFIER                    LE JUGE DE L’EXÉCUTION

Bénédicte SPENCER           Benjamin MARCILLY


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