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TJ BOURG-EN-BRESSE (ch. civ.), 20 février 2025

Nature : Décision
Titre : TJ BOURG-EN-BRESSE (ch. civ.), 20 février 2025
Pays : France
Juridiction : Bourg-en-Bresse (T. jud.)
Demande : 23/01947
Date : 20/02/2025
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 15/06/2023
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24440

TJ BOURG-EN-BRESSE (ch. civ.), 20 février 2025 : RG n° 23/01947

Publication : Judilibre

 

Extrait (arguments du demandeur) : « Il estime que la clause limitative de responsabilité invoquée par l’organisme de contrôle doit être réputée non écrite au regard de l’article 1171 du code civil, dans la mesure où elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. »

Extrait (motifs) : « Le contrat conclu entre les parties prévoit le contrôle et la certification de la conversion de l’exploitation en agriculture biologique, sans mentionner aucun délai pour l’exécution de la mission, ni faire référence au fait que la mission est confiée par le mandant en vue de l’obtention des subventions européennes pour la conversion à l’agriculture biologique.

Si les conditions générales stipulent au paragraphe 2.1.1 que la société X. doit se conformer aux usages et pratiques de la profession et aux normes, règles ou référentiels professionnels applicables à la prestation, cette obligation ne concerne que la mission de contrôle et de certification à exécuter, la question des délais d’exécution étant réglée par un paragraphe distinct numéroté 2.1.2.

En l’absence de délai d’exécution imposé par le contrat ou par la loi, la société X., qui a effectué sa prestation avec diligence dans le délai de cinq mois, n’a commis aucune faute et n’a pas engagé sa responsabilité. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 20 FÉVRIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/01947. N° Portalis DBWH-W-B7H-GMYR.

Dans l’affaire entre :

 

DEMANDERESSE :

GAEC reconnu du Plantier

immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Bourg-en-Bresse sous le numéro XXX, représenté par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis [Adresse 6], représenté par Maître Charlotte VARVIER, avocat au barreau de l’Ain (T. 87)

 

DÉFENDERESSE :

SAS X.

immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro YYY, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis [Adresse 1], représentée par Maître Luc ROBERT, avocat au barreau de l’Ain (T. 28), avocat postulant, Maître François TRECOURT, avocat au barreau de Paris (T. A0510), avocat plaidant

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Monsieur THEVENARD,

GREFFIER : Madame LAVENTURE,

DÉBATS : à l’audience publique du 4 novembre 2024

JUGEMENT : rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et contradictoire

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le GAEC reconnu du Plantier, ayant son siège au [Adresse 7] [Adresse 5] à [Localité 11] (Ain), exerce une activité d’élevage pour la production laitière et de culture de céréales.

Selon offre de « Contrat de contrôle et de certification en agriculture biologique » acceptée le 12 mai 2019, le GAEC reconnu du Plantier a confié à la société X. la mission de certifier la conversion en agriculture biologique de 80 ha de grandes cultures et de 65 ha de surfaces fourragères, moyennant le prix de 638,40 euros TTC pour l’année 2019.

Par courrier du 28 janvier 2020, la [société X.] a notifié au GAEC reconnu du Plantier la non-éligibilité de sa demande d’engagement en aide à la conversion à l’agriculture biologique à compter de la campagne 2019 en raison de la réception hors délai des justificatifs.

Par courrier du 16 mars 2020, le GAEC reconnu du Plantier a contesté la décision de non-éligibilité.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 25 mai 2020, la direction départementale des territoires de l’Ain a confirmé au GAEC reconnu du Plantier que la demande d’engagement n’est recevable que si les justificatifs parviennent au service instructeur avant le 15 septembre de l’année d’engagement, puis avant le 15 mai de chacune des quatre années suivantes, que son attestation lui est parvenue le 28 octobre 2019 et que, par conséquent, sa demande n’est pas recevable.

Par courrier du 6 janvier 2021, la société Y., assureur de protection juridique du GAEC reconnu du Plantier, a mis en demeure la société X. de prendre en charge l’entier préjudice de son assuré, expliquant que le non-respect des délais impérieux dont elle avait connaissance est à l’origine d’une perte de chance pour le GAEC d’obtenir les aides PAC et que sa responsabilité est engagée.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 17 novembre 2021, délivré le 23 novembre 2021, le conseil du GAEC reconnu du Plantier a mis en demeure la société X. de payer à son client la somme de 36.000 euros en réparation de son préjudice financier dans le délai de quinze jours.

*

Par acte de commissaire de justice du 15 juin 2023, le GAEC reconnu du Plantier a fait assigner la société X. devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en indemnisation de son préjudice.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 12 février 2024, le GAEC reconnu du Plantier a demandé au tribunal de :

« Vu l’article 1217 du Code civil,

Vu l’article 1231-1 et suivants du Code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées au débat,

DIRE ET JUGER que la société X. engage sa responsabilité à l’égard du GAEC [10],

En conséquence,

CONDAMNER la société X. et à payer et porter la somme de 36.000 € TTC à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance du GAEC [10] d’obtenir les aides européennes agricoles

DEBOUTER la société X. de sa demande tendant à voir condamner le GAEC [10] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

CONDAMNER la société X. à payer et porter la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER la société X. aux entiers dépens,

DEBOUTER la société X. de toutes demandes, fins et conclusions contraires. »

Le GAEC reconnu du Plantier considère que la société X. a engagé sa responsabilité contractuelle en ne respectant pas le délai pour lui transmettre l’attestation de certification nécessaire à l’obtention des aides européennes, alors que l’article 2 des conditions générales des conditions de vente prévoit que la société doit se conformer aux usages et pratiques de la profession, que la direction départementale des territoires de l’Ain lui a rappelé le délai à respecter par courriel du 11 septembre 2019 et qu’elle savait que le contrat a été conclu aux fins d’obtenir les aides européennes. Il affirme que la faute commise par la société X. lui a fait perdre une chance très forte d’obtenir le versement de la somme de 36.000 euros par l’Union européenne. Il estime que la clause limitative de responsabilité invoquée par l’organisme de contrôle doit être réputée non écrite au regard de l’article 1171 du code civil, dans la mesure où elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

*

Dans ses dernières écritures (conclusions n° 2) notifiées par voie électronique le 18 mars 2024, la société X. a sollicité de voir :

« Vu les pièces annexées aux présentes,

Il est demandé à la Juridiction de bien vouloir :

- DEBOUTER le GAEC [10] de l’ensemble de ses demandes ;

- En conséquence, CONDAMNER le GAEC [10] à payer à [2] la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance conformément à l’article 696 du Code de procédure civile. »

La société X. soutient qu’elle ne s’est pas engagée à délivrer la certification, qu’aucun délai d’exécution de la mission n’a été convenu entre les parties, qu’aucune norme législative ou réglementaire n’encadre le délai de délivrance de l’attestation par les organismes certificateurs, que la référence dans les conditions générales aux usages et pratiques de la profession ne concerne que l’objet de la prestation et non le délai d’exécution de cette prestation, que la procédure d’obtention des aides est totalement extérieure au cadre du contrat et qu’elle a exécuté sa mission avec diligence, l’attestation ayant été délivrée le 24 octobre 2019, soit cinq mois après la prise d’effet du contrat. La défenderesse ajoute que le préjudice invoqué est incertain, puisqu’il s’agit d’une perte de chance d’obtenir une subvention, et que la clause limitative de responsabilité prévue dans les conditions générales exclut l’indemnisation d’une perte de revenus et limite la responsabilité de l’organisme certificateur au montant payé par le client, soit en l’espèce 638,40 euros.

*

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer, pour l’exposé complet des moyens des parties, aux conclusions sus-visées.

Par ordonnance du 16 mai 2024, le juge de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction le 28 octobre 2024.

A l’audience du 4 novembre 2024, la décision a été mise en délibéré au 9 janvier 2025, délibéré prorogé au 30 janvier 2025, puis au 20 février 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Aux termes de l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

En l’espèce, le contrat conclu entre les parties le 12 mai 2019 est intitulé « contrat de contrôle et de certification en agriculture biologique ». Le contrat comporte un descriptif des activités à certifier ainsi libellé :

« Engagement en conversion de la totalité de l’exploitation

Surface totale à convertir de 80ha environ de grandes cultures et de 65ha de prairies et surfaces fourragères.

Parcelles distantes au maximum de 15km du siège d’exploitation

24 mois de conversion pour les cultures annuelles, 36 mois pour les cultures pérennes.

Conversion non simultanée de l’élevage bovin lait (58 mères et la suite) (terres puis animaux) »

Le prix convenu, soit 532 euros HT ou 638,40 euros TTC, inclut les frais de rapport d’audit, les frais d’analyse selon le plan de contrôle de Bureau [12] et les frais administratifs liés à la gestion administrative [du] dossier (émission certificat, courriers, ...).

L’offre stipule que le visa et le cachet de l’entreprise sur le document valent acceptation des termes des conditions générales de service / et des engagements spécifiques relatifs à l’agriculture biologique.

Les conditions générales du contrat, produites en pièce numéro 3 par le demandeur, prévoient notamment que la société X. « doit, avec la compétence et la diligence que l’on est raisonnablement en droit d’attendre d’un organisme compétent dans le domaine de la certification, se conformer :

2.1.1 aux usages et pratiques de la profession ainsi qu’aux normes, règles ou référentiels professionnels applicables à la prestation concernée et, à défaut, aux méthodes jugées les plus appropriées par la Société, au cas par cas, en fonction de la nature des Services et des contraintes techniques qui en découlent ainsi que des honoraires convenus ;

2.1.2 aux délais spécifiés dans le bon de commande ou toute autre instruction du Client intégrée dans l’Accord (ces délais devant être considérés comme indicatifs). »

Le contrat conclu entre les parties prévoit le contrôle et la certification de la conversion de l’exploitation en agriculture biologique, sans mentionner aucun délai pour l’exécution de la mission, ni faire référence au fait que la mission est confiée par le mandant en vue de l’obtention des subventions européennes pour la conversion à l’agriculture biologique.

Si les conditions générales stipulent au paragraphe 2.1.1 que la société X. doit se conformer aux usages et pratiques de la profession et aux normes, règles ou référentiels professionnels applicables à la prestation, cette obligation ne concerne que la mission de contrôle et de certification à exécuter, la question des délais d’exécution étant réglée par un paragraphe distinct numéroté 2.1.2.

En l’absence de délai d’exécution imposé par le contrat ou par la loi, la société X., qui a effectué sa prestation avec diligence dans le délai de cinq mois, n’a commis aucune faute et n’a pas engagé sa responsabilité.

La demande de dommages-intérêts présentée par le GAEC reconnu du Plantier, non fondée, sera rejetée.

Le demandeur, qui succombe, sera condamné aux dépens de l’instance.

Il est équitable de laisser à chaque partie la charge des frais exposés pour sa défense.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal judiciaire, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute le GAEC reconnu du Plantier de toutes ses demandes,

Déboute la société X. de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le GAEC reconnu du Plantier aux dépens de l’instance.

Prononcé le vingt février deux mille vingt-cinq par mise à disposition de la décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Stéphane Thévenard, vice-président, et par Sandrine Laventure, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.