CA REIMS (ch. civ. et com.), 4 novembre 2025
- T. com. Reims, 29 avril 2025 : RG 2024006438
CERCLAB - DOCUMENT N° 24508
CA REIMS (ch. civ. et com.), 4 novembre 2025 : RG n° 25/00767 ; arrêt n° 373
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article L. 442-4 III du code de commerce prévoit que les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-1 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. Il résulte de l'article D. 442-2 que pour l'application des dispositions précitées, le tribunal judiciaire de Tourcoing est compétent pour le ressort de la cour d'appel de Reims.
Dans l'assignation qu'elle a fait délivrer à la SAS Fayat Bâtiment, la SAS SOGEP demande, principalement, au tribunal de faire droit à sa contestation du décompte général définitif établi par celle-ci, d'annuler ledit décompte et de condamner la SAS Fayat à lui régler une somme totale de 40.951.84 euros HT au titre de situations impayées, ainsi que 34.418.69 euros HT correspondant au solde restant sur le marché. La société Fayat Bâtiment oppose à ces demandes une clause contractuelle imposant au sous-traitant qui souhaite contester le décompte général définitif établi par l'entreprise principale de le faire dans un délai de 15 jours.
La SAS SOGEP soutient, en premier lieu, qu'elle a respecté le délai imparti pour contester le décompte de la société Fayat. Subsidiairement, elle demande que la clause stipulant ce délai soit écartée sur le fondement de l'article 1171 du code civil, affirmant qu'il s'agit d'une clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans un contrat d'adhésion. A titre infiniment subsidiaire, elle invoque l'article L. 442-1 I du code de commerce et sollicite l'octroi de dommages intérêts en réparation du préjudice financier causé par la clause précitée en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
L'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales de l'article L 442-1 du code de commerce.
Dès lors, les demandes, principales et subsidiaires, de la société SOGEP sont indissociables et doivent être soumises à la même juridiction, laquelle ne peut qu'être en l'espèce celle qui dispose d'une compétence exclusive pour appliquer l'article L. 442-1 du code de commerce.
En conséquence, le tribunal de commerce de Reims doit être déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Tourcoing, le jugement étant infirmé. »
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 25/00767. Arrêt n° 373. N° Portalis DBVQ-V-B7J-FUWD.
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 29 avril 2025 par le tribunal de commerce de Reims (RG 2024006438)
SAS FAYAT Bâtiment
[Adresse 4], [Adresse 3], [Localité 1], Représentée par Maître Isabelle CASTELLO de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et Maître Arnaud d'HERBOMEZ, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SAS SOGEP
[Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Arthur DEHAN de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de REIMS, et Maître Solange IEVA-GUENOUN, avocat au barreau de MEAUX
DÉBATS : A l'audience publique du 23 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 novembre 2025, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 805 du code de procédure civile, Mme Sandrine PILON, conseiller, et Mme Anne POZZO DI BORGO, conseiller, ont entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ces magistrats en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, Mme Sandrine PILON, conseiller, Mme Anne POZZO DI BORGO, conseiller
GREFFIER D'AUDIENCE : Mme Lucie NICLOT, greffier
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme Anne POZZO DI BORGO, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre empêchée conformément à l'article 456 du code de procédure civile , et par Mme NICLOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat du 2 juillet 2020, la SAS Fayat Bâtiment a sous-traité à la SAS SOGEP des travaux de façade dans le cadre de la construction d'un ensemble immobilier de 47 logements situé à [Localité 6] (Seine-et-Marne).
Le 8 juin 2023, la SAS Fayat Bâtiment a adressé à la SAS SOGEP un décompte général définitif au solde négatif de 28.782,10 euros en sa faveur.
Ce décompte a été contesté par la SAS SOGEP, qui a invoqué un solde en sa faveur de 75.370,53 euros.
Par acte du 6 août 2024, la SAS SOGEP a fait assigner la SAS Fayat Bâtiment devant le tribunal de commerce de Reims afin d'obtenir le paiement des sommes lui restant dues au titre des travaux, et, à titre infiniment subsidiaire, que lui soient alloués des dommages intérêts sur le fondement de l'article L. 442-1-I du code de commerce, en raison d'un déséquilibre significatif dans les relations commerciales.
Cette dernière a invoqué l'incompétence de cette juridiction, au motif que le litige est notamment fondé sur l'article L. 442-1, I du code de commerce.
Par jugement du 29 avril 2025, le tribunal de commerce de Reims a :
« - Rejeté l'exception d'incompétence de la société Fayat Bâtiment,
- Renvoyé l'affaire devant le juge chargé de l'instruire pour le débat au fond,
- Dit qu'il n'y a pas lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Réservé toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,
- Condamné la société Fayat Bâtiment aux dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 74.05 euros TTC.
La SAS Fayat Bâtiment a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 mai 2025.
[*]
Sur autorisation du premier président de cette cour, la SAS Fayat Bâtiment a fait délivrer à la société SOGEP une assignation à jour fixe, par acte du 16 juillet 2025. Elle demande à la cour de :
- La déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- Infirmer le jugement,
Statuant à nouveau,
- Faire droit à l'exception d'incompétence qu'elle a soulevée,
- Juger le tribunal de commerce de Reims incompétent pour connaître du litige engagé par la société SOGEP et ordonner qu'il se dessaisisse de cette instance au profit du tribunal de commerce de Tourcoing,
- Juger que le tribunal de commerce de Tourcoing est exclusivement compétent pour connaître de l'action engagée par la société SOGEP et renvoyer en conséquence le dossier devant cette juridiction et inviter les parties à y constituer avocat,
- Condamner la société SOGEP à lui verser la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- Débouter la société SOGEP de ses demandes plus amples ou contraires.
Elle invoque les articles L. 442-4-III et D. 442-2 du code de commerce pour soutenir que le tribunal de commerce de Tourcoing est seul compétent pour connaître du litige, dès lors que la SAS SOGEP invoque, fût-ce à titre subsidiaire, les dispositions de l'article L. 442-1 I.
Elle soutient que l'article L. 442-4 III, attribuant le pouvoir juridictionnel à certaines juridictions pour les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-1 ne peut être mis en échec par une clause attributive de juridiction.
[*]
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 juillet 2025, la SAS SOGEP demande à la cour de :
- Rejeter l'appel interjeté par la société Fayat Bâtiment,
- Confirmer ledit jugement,
Y ajoutant,
- Débouter la société Fayat Bâtiment de sa demande d'article 700 du code de procédure civile formulée à son encontre,
- Condamner la société Fayat Bâtiment aux entiers dépens de l'incident de première instance et aux dépens de la présente procédure d'appel,
- Condamner la société Fayat Bâtiment à lui payer une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que ses demandes principale et subsidiaire sont fondées sur les dispositions de droit commun du droit des contrats et que l'article 14 des conditions générales du contrat liant les parties prévoit la compétence du tribunal de commerce de Reims pour tout litige découlant de leurs relations commerciales.
Elle en conclut que ce n'est que si le tribunal n'entendait faire droit à aucune des demandes principale et subsidiaire qu'il devrait se déclarer incompétent pour connaître de sa demande infiniment subsidiaire fondée sur l'article L. 442-1-I du code de commerce.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
L'article L. 442-4 III du code de commerce prévoit que les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-1 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.
Il résulte de l'article D. 442-2 que pour l'application des dispositions précitées, le tribunal judiciaire de Tourcoing est compétent pour le ressort de la cour d'appel de Reims.
Dans l'assignation qu'elle a fait délivrer à la SAS Fayat Bâtiment, la SAS SOGEP demande, principalement, au tribunal de faire droit à sa contestation du décompte général définitif établi par celle-ci, d'annuler ledit décompte et de condamner la SAS Fayat à lui régler une somme totale de 40.951.84 euros HT au titre de situations impayées, ainsi que 34.418.69 euros HT correspondant au solde restant sur le marché.
La société Fayat Bâtiment oppose à ces demandes une clause contractuelle imposant au sous-traitant qui souhaite contester le décompte général définitif établi par l'entreprise principale de le faire dans un délai de 15 jours.
La SAS SOGEP soutient, en premier lieu, qu'elle a respecté le délai imparti pour contester le décompte de la société Fayat. Subsidiairement, elle demande que la clause stipulant ce délai soit écartée sur le fondement de l'article 1171 du code civil, affirmant qu'il s'agit d'une clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans un contrat d'adhésion.
A titre infiniment subsidiaire, elle invoque l'article L. 442-1 I du code de commerce et sollicite l'octroi de dommages intérêts en réparation du préjudice financier causé par la clause précitée en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
L'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales de l'article L 442-1 du code de commerce.
Dès lors, les demandes, principales et subsidiaires, de la société SOGEP sont indissociables et doivent être soumises à la même juridiction, laquelle ne peut qu'être en l'espèce celle qui dispose d'une compétence exclusive pour appliquer l'article L. 442-1 du code de commerce.
En conséquence, le tribunal de commerce de Reims doit être déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Tourcoing, le jugement étant infirmé.
La société SOGEP, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d'appel et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.
Il est équitable d'allouer à la société Fayat Bâtiment la somme de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare le tribunal de commerce de Reims incompétent au profit du tribunal de commerce de Tourcoing pour connaître de la présente affaire,
Vu l'article 91 du code de procédure civile,
Renvoie en conséquence la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Tourcoing,
Condamne la SAS SOGEP aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SAS SOGEP à payer à la SAS Fayat Bâtiment la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS SOGEP de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La conseillère