CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 9 octobre 2025
- T. proxim. Paris, 28 septembre 2023 : RG n° 23/01899
CERCLAB - DOCUMENT N° 24585
CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 9 octobre 2025 : RG n° 24/02694
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « L'article 11 desdites conditions relatif aux « modalités financières » stipule que : « Un chèque correspondant à l'intégralité des frais pédagogiques de la formule choisie à l'ordre de SEIEL et un chèque de 80 euros correspondant aux frais d'inscription à l'ordre de SEIEL. Toute prestation achetée est due dans son intégralité. Réciproquement, SEIEL s'oblige au remboursement du montant versé par le client augmenté d'une indemnité égale à celui-ci si elle renonce à la fournir ». L'article 12 précise, par ailleurs, que pour les contrats conclus à distance, le client dispose d'un délai de rétractation de 14 jours à compter du « lendemain de la signature du contrat ».
Une fois passé le délai de rétractation, le contrat ne ménage aucune possibilité de sortir du contrat pour l'étudiant même en cas de maladie ou de force majeure qui n'est pas évoquée, seule étant envisagée de manière implicite l'impossibilité pour l'organisme de formation d'organiser les enseignements l'obligeant à rembourser le prix de la scolarité augmentée d'une indemnité égale à ce prix. Il en résulte que la somme versée en contrepartie de l'inscription est acquise définitivement à l'organisme à l'issue du délai de rétractation.
Il convient de considérer que cette stipulation contractuelle de l'article 11 qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat et qui ne réserve pas la possibilité d'une résiliation pour un motif légitime ou impérieux a pour effet de créer, au détriment de l'étudiant, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Il y a donc lieu de déclarer abusive la clause de l'article 11 « modalités financières » des conditions générales de vente du contrat d'inscription « Prépa EPPA » souscrit le 7 avril 2021 par Mme X. »
2/ « Le contrat a été signé à une époque où les résultats d'orientation formulés sur la plate-forme Parcours Sup n'étaient pas encore connus, étant observé que Mme W. X. a finalement privilégié son inscription dans un autre cursus et que sa mère, Mme Y., épouse X., a demandé le remboursement des frais pédagogiques par courriel du 29 avril 2021.
Mme W. X. disposait donc d'un motif légitime (inscription dans une autre formation), de sorte que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement des frais pédagogiques. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 24/02694. N° Portalis DBVK-V-B7I-QH6S. Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 AVRIL 2024, TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 5] : RG n° 23/00091.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [Localité 7], de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 2], Représenté à l'audience par Maître Sébastien LEGUAY de la SELARL SELARL LBG AVOCATS, avocat au barreau de CARCASSONNE, substitué par Maitre Bertran Virginie, avocate au barreau de Montpellier.
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [Localité 8], de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 2], Représentée par Maître Sébastien LEGUAY de la SELARL SELARL LBG AVOCATS, avocat au barreau de CARCASSONNE substitué par Maitre Bertran Virginie, avocate au barreau de Montpellier.
INTIMÉE :
SAS Cours de France
[Adresse 1], [Localité 4], ni présente, ni représentée
Ordonnance de clôture du 11 août 2025
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe BRUEY, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, M. Philippe BRUEY, Conseiller, Mme Marie-José FRANCO, Conseillère.
Greffier lors des débats : Mme Maryne BONGIRAUD
Ministère public :
ARRÊT : - Réputé contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Julie ABEN-MOHA, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
A l'issue d'un salon d'orientation, Mme Y., épouse X. et M. X. ont rempli un contrat d'inscription dénommé « Prépa EPPA », pour le compte de leur fille Mme W. X., relative à une formation de préparation au concours d'infirmière militaire organisée par la SARL SEIEL devenue SAS [Adresse 6].
Ils ont renvoyé ce formulaire signé début avril 2021 (daté du 7 avril 2021).
Un chèque d'un montant de 6 290 € au titre des frais pédagogique a été adressé par M. et Mme X. et encaissé le 15 avril 2021 par la SARL SEIEL devenue SAS [Adresse 6].
Par courriel du 29 avril 2021, Mme Y., épouse X. a écrit à l'organisme de formation pour exercer sa faculté de rétractation.
En réponse, la SAS Cours de France lui a indiqué que sa demande de rétractation était hors délai, pour ne pas avoir été effectuée dans le délai de 14 jours.
C'est dans ce contexte que, par acte du 12 janvier 2023, les époux X. ont assigné la société [Adresse 6] devant le tribunal judiciaire de Carcassonne aux fins d'exercice de leur droit de rétractation.
Par jugement du 29 avril 2024, le tribunal judiciaire de Carcassonne a :
- Rejeté les demandes formées par les époux X.,
- Condamné les époux X. aux dépens de l'instance,
- Débouté les époux X. de leur demande au titre des frais irrépétibles,
- Rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Les époux X. ont relevé appel de ce jugement le 24 mai 2024.
[*]
Par uniques conclusions remises par voie électronique le 24 juillet 2024, les époux X. demandent à la cour de :
- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre principal,
- Constater que le contrat d'inscription prépa EPPA du 7 avril 2021 régularisé par les parties est dépourvu de contenu certain,
En conséquence, prononcé la nullité dudit contrat d'inscription,
- Condamner la SAS [Adresse 6] à leur payer la somme de 6.290 € en remboursement des frais pédagogiques de formation versés ainsi que celle de 80 € au titre des frais d'inscription, soit la somme totale de 6.370 €,
A titre subsidiaire,
- Constater le caractère abusif de la clause relative aux modalités financières figurant à l'article 11 du contrat et la déclarer non écrite,
- Condamner, en conséquence, la société Cours de France à leur rembourser la somme de 6.290 € correspondant aux frais pédagogiques de formation non engagés,
A titre infiniment subsidiaire,
- Constater que l'exercice du droit de rétractation par les époux X. est intervenu dans les 14 jours de l'acceptation définitive de l'offre de formation,
- Condamner, en conséquence, la société [Adresse 6] à leur rembourser la somme de 6.290 € correspondant aux frais pédagogiques de formation non engagés,
En tout état de cause,
- Condamner la société Cours de France aux dépens et à leur payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Vu l'ordonnance de clôture du 11 août 2025.
La société [Adresse 6] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions lui ont été signifiées suivant acte délivré le 28 juin 2024 par remise à personne morale.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Aux termes de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Ainsi, la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par SAS Cours de France (intimée) doit, pour statuer sur l'appel, examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé.
Sur l'annulation du contrat pour absence de contenu certain :
En appel, les époux X. formulent pour la première fois une demande d'annulation du contrat pour absence de contenu certain, qu'ils ne fondent sur aucun texte juridique.
Or, le contrat litigieux a un contenu certain, à savoir une formation dispensée par la SAS [Adresse 6] au profit de Mme W. X. en vue d'une préparation au concours d'infirmière militaire, pour un prix déterminé.
Le moyen est donc en voie de rejet.
Il convient de débouter les époux X. de leur demande d'annulation du contrat d'inscription à ce titre.
Sur l'existence d'une clause abusive :
Aux termes des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation en sa version applicable au contrat, « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (...). L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible (...) ».
En l'espèce, le contrat du 7 avril 2021 contient des conditions générales de vente signées par Mme X.
L'article 11 desdites conditions relatif aux « modalités financières » stipule que :
« Un chèque correspondant à l'intégralité des frais pédagogiques de la formule choisie à l'ordre de SEIEL et un chèque de 80 euros correspondant aux frais d'inscription à l'ordre de SEIEL.
Toute prestation achetée est due dans son intégralité. Réciproquement, SEIEL s'oblige au remboursement du montant versé par le client augmenté d'une indemnité égale à celui-ci si elle renonce à la fournir ».
L'article 12 précise, par ailleurs, que pour les contrats conclus à distance, le client dispose d'un délai de rétractation de 14 jours à compter du « lendemain de la signature du contrat ».
Une fois passé le délai de rétractation, le contrat ne ménage aucune possibilité de sortir du contrat pour l'étudiant même en cas de maladie ou de force majeure qui n'est pas évoquée, seule étant envisagée de manière implicite l'impossibilité pour l'organisme de formation d'organiser les enseignements l'obligeant à rembourser le prix de la scolarité augmentée d'une indemnité égale à ce prix.
Il en résulte que la somme versée en contrepartie de l'inscription est acquise définitivement à l'organisme à l'issue du délai de rétractation.
Il convient de considérer que cette stipulation contractuelle de l'article 11 qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat et qui ne réserve pas la possibilité d'une résiliation pour un motif légitime ou impérieux a pour effet de créer, au détriment de l'étudiant, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il y a donc lieu de déclarer abusive la clause de l'article 11 « modalités financières » des conditions générales de vente du contrat d'inscription « Prépa EPPA » souscrit le 7 avril 2021 par Mme X.
Aux termes de l'article L. 241-1 du code de la consommation en sa version applicable au contrat, « Les clauses abusives sont réputées non écrites et le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses ».
Il convient donc de déclarer non écrit l'article 11.
Le contrat a été signé à une époque où les résultats d'orientation formulés sur la plate-forme Parcours Sup n'étaient pas encore connus, étant observé que Mme W. X. a finalement privilégié son inscription dans un autre cursus et que sa mère, Mme Y., épouse X., a demandé le remboursement des frais pédagogiques par courriel du 29 avril 2021.
Mme W. X. disposait donc d'un motif légitime (inscription dans une autre formation), de sorte que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement des frais pédagogiques.
Il y a lieu de condamner la société SAS [Adresse 6] à restituer aux époux X. la somme de 6.290 euros correspondant aux frais pédagogiques de formation.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la société SAS Cours de France sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute les époux X. de leur demande d'annulation du contrat d'inscription,
Déclare abusive la clause de l'article 11 « modalités financières » des conditions générales de vente du contrat d'inscription « Prépa EPPA » souscrit le 7 avril 2021 par Mme X.,
Condamne la société SAS [Adresse 6] à restituer à Mme Y., épouse X. et M. X. la somme de 6 290 euros correspondant aux frais pédagogiques de formation,
Condamne la SAS Cours de France aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SAS [Adresse 6] à payer à Mme Y., épouse X. et à M. X. la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,