CA RENNES (5e ch. prud. hom.), 28 avril 2009
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2505
CA RENNES (5e ch. prud. hom.), 28 avril 2009 : RG n° 08/00317 ; arrêt n° 204
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant qu'engagée en qualité de contrôleuse avec pour mission de procéder à l'opération de tri, de contrôle et de retouches de composants automobiles, Mademoiselle X. s'est vu infliger une clause de non concurrence, pour le moins disproportionnée par rapport aux intérêts prétendus de l'entreprise ; que cette dernière n'établit pas que la spécificité des fonctions exercées par la salariée justifie une telle limitation à sa liberté de travail en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque motif que ce soit ;
Considérant que de la même manière la contrepartie financière mise à la charge de la salariée qui n'exécuterait pas cette clause est particulièrement lourde et sans commune mesure avec la contravention à l'interdiction formulée ; qu'enfin, la référence pour le moins floue à la réglementation en vigueur (!) concernant le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée à la salariée qui exécuterait la clause est pour le moins singulière si l'on considère que de son côté l'employeur a prévu en sa faveur en cas de contravention à cette interdiction une contrepartie irréductible et forfaitaire égale au montant des salaires déduction faite des retenues de sécurité sociale qu'elle aurait encaissées pendant les 12 mois précédant le jour de la fin de son contrat ;
Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé l'annulation de la clause de non concurrence, et fixé à la somme de 2.500 € l'indemnité allouée à la salariée pour clause abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
CINQUIÈME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRÊT DU 28 AVRIL 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/00317. ARRÊT n° 204. Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours.
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, Madame Simone CITRAY, Conseiller, magistrat rédacteur, Monsieur Philippe ROUX, Conseiller,
GREFFIER : Madame Guyonne DANIELLOU, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : À l'audience publique du 18 novembre 2008 devant Madame Simone CITRAY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 28 avril 2009 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré initialement prévu le 27 janvier 2009.
[minute Jurica page 2]
APPELANTE :
SA TRIGO
[adresse], représentée par Maître PASSELAC, Avocat de la SELAS ODINOT & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Mademoiselle X.
[adresse], représentée par M. HINAUX Délégué F.O. à RENNES.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Engagée au sein de la société TRIGO en qualité de contrôleuse en vertu d'un CDI à effet du 1er septembre 2004 avec des horaires de nuit, Madame X. a saisi le conseil de prud'hommes de RENNES de diverses demandes le 17 avril 2007 au motif que la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail serait nulle, qu'elle n'aurait pas été intégralement remplie de ses droits à majorations pour travail de nuit et que le manquement grave de son employeur à ses obligations contractuelles était de nature à justifier la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de celui-ci avec toutes les conséquences qui s'y attachent (versement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).
Par jugement du 6 décembre 2007, le conseil de prud'hommes a :
- prononcé l'annulation de la clause de non concurrence,
- condamné la société TRIGO à verser à la salariée les sommes de :
- 2.500 € à titre d'indemnité pour clause de non concurrence abusive,
- 962 € à titre de rappel de salaire de base,
- 1.083,36 € à titre de rappel de majoration pour travail de nuit de septembre 2004 à fin février 2006.
- 754,07 € à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateur pour travail de nuit de septembre 2004 à fin février 2006,
- 10.000 € à titre d'indemnité pour frais non répétibles.
- [minute Jurica page 3] débouté Mademoiselle X. de ses autres demandes.
Relevant régulièrement appel le 14 janvier 2008 de cette décision, la société TRIGO fait observer :
- que la clause non concurrence est justifiée par la défense des intérêts de l'entreprise, qu'elle est limitée aux seules activités concurrentes à la leur et concerne très peu d'entreprises sur le marché français.
- que faute d'établir la prétendue disproportion qu'elle invoque entre l'indemnisation prévue à son profit et celle qui est stipulée au bénéfice de l'employeur, Mademoiselle X. sera déboutée de sa demande tendant à considérer nulle la clause de non concurrence prévue dans son contrat de travail.
- que la salariée est mal fondée à prétendre que d'une part la rémunération dont elle a bénéficié lors de son recrutement n'incluait pas la majoration pour travail de nuit de 15 % prévue expressément par la convention collective, que d'autre part, en changeant la présentation des bulletins de paie en mai 2005 en faisant apparaître distinctement les différentes majorations, elle a vu sa rémunération se réduire de manière à la fois unilatérale et illicite, et enfin, qu'elle n'aurait jamais accepté la modification de son contrat ayant eu pour effet de lui faire perdre le bénéfice des majorations de nuit.
- que c'est par contre à juste raison que les premiers juges ont débouté Mademoiselle X. de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
En réponse, la salariée a, dans ses écritures en date du 17 juillet 2008, repris l'argumentation qu'elle a développé en première instance et qui a été pour partie adoptée par les premiers juges, sollicitant toutefois de la Cour qu'il lui soit alloué :
- 1.806,90 € à titre de rappel de salaire,
- 1.484,36 € à titre de rappel de majoration pour travail de nuit de septembre 2004 à février 2007,
- 750,07 € à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateur pour travail de nuit de septembre 2004 à février 2007, et qu'il soit fait droit à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et des conséquences indemnitaires qui s'y attachent, à savoir, le versement des sommes de :
* 3.259,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 538,71 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 9.777,30 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
Elle sollicite la remise sous astreinte de documents sociaux conformes à la décision et l'allocation d'une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la Cour déclare se référer expressément aux écritures que celles-ci ont prises, régulièrement communiquées et développées oralement devant elle.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute Jurica page 4] DISCUSSION :
Sur la clause de non concurrence :
Considérant que celle-ci qui figure dans le contrat de travail conclu le 18 août 2004 est ainsi libellée : « à la cessation du présent contrat, pour quelque cause que ce soit et quelque soit la partie à laquelle elle serait imputable, Mademoiselle X. s'interdit pendant une durée de un an à compter de la date de cessation effective de son activité au service de l'entreprise d'exercer une activité concurrence de celle de l'entreprise à quelque titre et sous quelque forme que ce soit. L'interdiction sera limitée à la France métropolitaine ;
Au cas où Mademoiselle X. contreviendrait à cette interdiction, elle devrait verser à titre d'indemnité forfaitaire et irréductible, une somme égale au montant des salaires, déduction faite des retenues de sécurité sociale, qu'elle aurait encaissées pendant les 12 mois précédant le jour de la fin de son contrat. En outre, à dater de la signification qui lui sera faite, elle devra verser à l'entreprise une astreinte de 200 € par jour de retard au cas où elle ne mettrait pas fin à cette activité concurrente. Cette libération ne libérerait pas Mademoiselle X. de l'obligation contractée. Elle resterait tenue d'observer les interdictions stipulées ci-dessus, pendant une période égale à celle restant à courir au jour de la signification.
En contrepartie Mademoiselle X. percevra pendant la période où s'appliquera l'obligation de non concurrence une indemnité mensuelle en application de la réglementation en vigueur. La présente clause s'appliquera en cas de cessation du contrat au cours de la période d'essai convenue » ;
Considérant qu'engagée en qualité de contrôleuse avec pour mission de procéder à l'opération de tri, de contrôle et de retouches de composants automobiles, Mademoiselle X. s'est vu infliger une clause de non concurrence, pour le moins disproportionnée par rapport aux intérêts prétendus de l'entreprise ; que cette dernière n'établit pas que la spécificité des fonctions exercées par la salariée justifie une telle limitation à sa liberté de travail en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque motif que ce soit ;
Considérant que de la même manière la contrepartie financière mise à la charge de la salariée qui n'exécuterait pas cette clause est particulièrement lourde et sans commune mesure avec la contravention à l'interdiction formulée ; qu'enfin, la référence pour le moins floue à la réglementation en vigueur (!) concernant le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée à la salariée qui exécuterait la clause est pour le moins singulière si l'on considère que de son côté l'employeur a prévu en sa faveur en cas de contravention à cette interdiction une contrepartie irréductible et forfaitaire égale au montant des salaires déduction faite des retenues de sécurité sociale qu'elle aurait encaissées pendant les 12 mois précédant le jour de la fin de son contrat ;
Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé l'annulation de la clause de non concurrence, et fixé à la somme de 2.500 € l'indemnité allouée à la salariée pour clause abusive ;
Sur les majorations pour travail de nuit :
[minute Jurica page 5] Considérant que l'accord du 3 janvier 2002 étendu par arrêté du 3 mai 2002 publié au journal officiel du 31mai 2002 qui s'applique à la relation salariale existant entre Mademoiselle X. et la société TRIGO prévoit en contrepartie du travail de nuit :
- une réduction d'horaires hebdomadaire d'une durée de 20 minutes par rapport à l'horaire effectif de référence des salariés occupés en semaine selon l'horaire normal de jour ;
- et une majoration du salaire réel égal à 15 % du salaire minimum prévu pour le salarié par la convention collective de la métallurgie ;
Considérant qu'il résulte de l'examen du contrat de travail qu'engagée pour effectuer un horaire journalier de 19 H 15 à 3 H 45, Mademoiselle X. devait percevoir une rémunération brute mensuelle de 1.438 € que force est de reconnaître qu'aucune disposition particulière ne figure sur les premiers bulletins de paie remis à la salariée, quant au règlement des majorations de nuit ;
Considérant que l'accord collectif prévoir que, pour vérifier si un salarié qui travaille de nuit a bénéficié de la majoration de son salaire, il doit être tenu compte des éventuels avantages salariaux versés par les entreprises spécifiquement au titre du travail de nuit même lorsqu'ils sont intégrés au salaire de base et quelle qu'en soit la dénomination ; qu'en l'espèce si comme elle le prétend la société TRIGO a intégré au salaire mensuel brut de 1.438 € la majoration pour travail de nuit, il n'en demeure pas moins qu'elle ne permet pas à la salariée, et au juge de vérifier de telles prétentions ; que même si dans ses propres écritures résultant de la lettre du 15 janvier 2007 ;
Mademoiselle X. déclare avoir été avisée lors de son embauche, oralement par Monsieur Y., chef de site que la majoration pour travail de nuit était intégrée dans le salaire de base, il n'en demeure pas moins qu'aucune indication ne lui a été fournie sur le montant d'une telle majoration et son pourcentage par rapport au salaire de base des salariés travaillant de jour ;
Considérant qu'il y a lieu de relever par ailleurs qu'à partir de mai 2005, la société TRIGO a unilatéralement modifié la rémunération de sa salariée en faisant figurer sur ses bulletins de salaire les majorations pour travail de nuit et, corrélativement, en diminuant d'autant son salaire de base, portant ainsi à la rémunération de
Mademoiselle X. des modifications auxquelles elle ne pouvait procéder sans avoir obtenu l'accord exprès de cette dernière ;
Considérant que relevant de la même manière que le conseil de prud'hommes, le fait qu'elle a déclaré avoir pris connaissance de l'arrêt d'activité de nuit à compter du 23 février 2006 du site de RENNES auquel elle était affectée, la Cour déclare que
Mademoiselle X. a accepté implicitement être affectée à un travail de jour à partir de cette date ;
Considérant que faute par la société TRIGO de justifier qu'elle a fait bénéficier sa salariée du repos compensateur conventionnel de 20 minutes hebdomadaires pour travail de nuit, il convient d'allouer à celle-ci l'indemnité compensatrice de repos compensateur de septembre 2004 à fin février 2006 d'un montant de 754,07 € à laquelle s'ajouteront :
- la somme de 1.083,36 € à titre de rappel de majoration pour travail de nuit de septembre 2004 à fin février 2006,
- [minute Jurica page 6] la somme de 962 € à titre de rappel de salaire de base unilatéralement modifié à partir de mai 2005 ;
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
Considérant qu'il résulte des débats que si, faisant preuve d'une légèreté certaine dans l'exécution d'une de ses obligations contractuelles, à savoir dans la définition exacte des éléments composant le salaire initialement versé à Mademoiselle X., dans la présentation des bulletins de paie, et dans le règlement de l'intégralité de ce qui lui était dû, la société TRIGO a commis une faute, il s'avère toutefois si l'on se réfère au propos écrits ci dessus visés émanant de la salariée elle même, que cette faute ne revêt pas dans un tel contexte un caractère de gravité suffisant pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
Considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, en ce compris celles concernant l'allocation à Mademoiselle X. d'une indemnité de 1.000 € pour frais non répétibles ;
Considérant qu'y ajoutant, la Cour ordonne la remise par la société TRIGO des bulletins de salaire conformes à la présente décision sans assortir pour autant cette obligation d'une astreinte ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
Ordonne la remise par la société TRIGO des bulletins de salaire conformes à la présente décision sans toutefois assortir cette obligation d'une astreinte ;
Condamne la société TRIGO aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
G. DANIELLOU A. POUMAREDE