CA RIOM (1re ch. civ), 22 juin 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 2514
CA RIOM (1re ch. civ.), 22 juin 2006 : RG n° 05/02835
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que la clause définissant l'ITT ne peut être qualifiée d'abusive dès lors qu'elle ne constitue pas une clause d'exclusion mais la définition même des conditions de la garantie accordée ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 JUIN 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 05/02832. Arrêt rendu le VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE SIX.
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré : M. Gérard BAUDRON, Président, M. Claude BILLY, Conseiller, M. Bruno GAUTIER, Conseiller
En présence de : Madame Sylviane PHILIPPE, Greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
JUGEMENT : Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de MOULINS, décision attaquée en date du 18 octobre 2005, enregistrée sous le n° 04/231
ENTRE :
APPELANTE :
Mademoiselle X.
[adresse], représentée par Maître Martine-Marie MOTTET, avoué à la Cour, assistée de Maître Nicole CHARTIER, avocat au barreau de MOULINS
ET :
INTIMÉES :
Société CNP ASSURANCES
[adresse], [minute Jurica page 2] représentée par la SCP GOUTET - ARNAUD, avoués à la Cour, assistée de Maître OLLIER substituant Maître Gérard LECATRE, avocat au barreau de MOULINS
Société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ ALLIER
[adresse], non représentée
DÉBATS : Après avoir entendu à l'audience publique du 1er juin 2006 les représentants des parties, avisés préalablement de la composition de la Cour, celle-ci a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par le Président, à laquelle a été lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que Mademoiselle X., ayant souscrit le 27 juin 1994 auprès du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE, un prêt accompagné d'une assurance CNP décès-invalidité permanente et absolue-incapacité totale de travail, a subi un arrêt de travail le 4 mars 2002, à la suite duquel les échéances mensuelles ont été prises en charge par la CNP jusqu'au 10 décembre 2002, date où le médecin-conseil de la CNP a estimé qu'elle pouvait reprendre une activité professionnelle dans le cadre d'un poste aménagé épargnant le rachis lombaire ;
Que, le 12 novembre, elle avait informé la CNP de la modification du motif de son arrêt de travail ;
Que le Tribunal de Grande Instance de MOULINS, par jugement du 18 octobre 2005, l'a déboutée de sa demande de prise en charge des échéances postérieures au 10 décembre 2002 et qu'elle en a interjeté appel par déclaration du 14 novembre suivant ;
Attendu que, alléguant que la cause de l'arrêt de travail était une chondropathie du genou droit, que son médecin, le Docteur Y. prévoyait la reprise du travail pour décembre 2002, que, par souci d'honnêteté, elle a envoyé au médecin conseil de la CNP une lettre l'avisant du changement de motif d'arrêt de travail, son employeur ayant profité de son arrêt pour l'affecter à un poste incompatible avec ses antécédents médicaux, décision inscrite dans un processus de harcèlement moral qu'elle subit depuis plusieurs années, que la CNP ne lui a jamais dit qu'elle devait faire une seconde déclaration de sinistre consécutif au second motif d'arrêt de travail, qu'elle n'a subi qu'un seul arrêt de travail, que la définition de l'état d'ITT implique l'appréciation de l'incapacité par rapport à la profession exercée seulement, que, d'ailleurs, la CNP, à la suite de la notification de l'arrêt de travail, n'a pas exigé de précision qu'elle était dans l'impossibilité de reprendre une quelconque activité rémunérée ou non, que les conditions cumulatives mises par la notice d'information à l'état d'ITT a pour effet de réduire à néant la probabilité de réalisation de ce risque, qu'il s'agit d'une clause abusive, Mademoiselle X. demande de réformer le jugement et de condamner la CNP à prendre en charge le remboursement des échéances de prêt à compter du 11 décembre 2002 sous astreinte définitive et, solidairement avec le Crédit [minute Jurica page 3] Immobilier, à lui payer 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu que, soutenant que son médecin contrôleur, le Dr Z., a reconnu Mademoiselle X., le 11 décembre 2002, « apte intégralement à l'exercice d'une activité professionnelle et de son activité professionnelle avec recommandation d'un poste aménagé épargnant le rachis lombaire », qu'elle a fait part à Mademoiselle X. des conditions de mise en œuvre de la procédure de tierce expertise mais que Mademoiselle X. n'a pas fourni le certificat médical de son médecin traitant concluant à l'inaptitude totale à exercer une quelconque activité professionnelle, qu'elle n'a pas fait de déclaration de sinistre d'une impossibilité psychique de travailler, qu'elle a reçu le résumé du contrat à la souscription, que la clause définissant l'ITT est claire et précise, que cette clause définit le risque garanti et ne peut être qualifiée d'abusive, la CNP conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement à l'organisation d'une expertise judiciaire, et très subsidiairement à la limitation de la prise en charge au seul profit de l'organisme prêteur, et à la condamnation de Madame X. à lui payer 1.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE, assigné à personne, ne comparaît pas ;
Attendu que le « bulletin individuel de demande d'admission » signé par Mademoiselle X. définit l'incapacité totale de travail : « l'assuré est en état d'incapacité totale de travail lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité de 90 jours (dit délai de carence), il se trouve dans l'impossibilité de reprendre une quelconque activité rémunérée ou non à la suite d'un accident ou d'une maladie. 1°) s'il est assujetti au régime général de la Sécurité sociale, il perçoit des prestations en espèces au titre : - de l'assurance maladie..., - de l'assurance accident du travail » ;
Qu'il prescrit l'envoi trimestriel des justifications de l'état d'incapacité ;
Qu'aucune clause ne précise qu'une nouvelle déclaration de sinistre doive être faite en cas de prolongation de l'incapacité totale de travail pour un motif différent de celui de l'arrêt initial ;
Que c'est à tort que le premier juge a débouté Mademoiselle X. pour ce seul motif ;
Attendu que la clause définissant l'ITT ne peut être qualifiée d'abusive dès lors qu'elle ne constitue pas une clause d'exclusion mais la définition même des conditions de la garantie accordée ;
Attendu que, par lettres des 4 et 26 février 2003, Mademoiselle X. a bien sollicité la contre-expertise qui lui était proposée, mais que la CNP a refusé au motif que son médecin traitant ne « contredisait pas formellement la position du médecin mandaté par la CNP et n'attestait donc pas de son inaptitude totale à exercer une quelconque activité professionnelle », conditions purement formelles que rien ne lui permettait d'exiger ;
Que la CNP a ainsi retardé la conclusion du litige, et qu'elle a une attitude paradoxale en déclarant qu'elle ne s'oppose pas à l'organisation d'une expertise, alors que les termes du litige n'ont pas été modifiés ;
Qu'elle n'avait pas eu de telle exigence lors de la déclaration de l'incapacité totale, où le médecin traitant n'avait pas déclaré une telle inaptitude, qui, curieusement ne correspond pas aux termes du contrat qui parle de 'toute activité rémunérée ou non', preuve que la CNP elle-même ne s'attache pas à la définition contractuelle ;
Attendu que la notice remise à l'assurée précise que l'incapacité temporaire totale est caractérisée, [minute Jurica page 4] pour un salarié, par la perception de prestations en espèces de la sécurité sociale ;
Qu'il n'est pas contesté que tel était bien le cas de Mademoiselle X. ;
Que, s'agissant d'incapacité temporaire, la garantie proposée ne peut, dès lors que le salarié est incapable de reprendre son travail, lui imposer de prendre un autre emploi pour bénéficier des ressources dont l'absence est garantie par l'assurance, et que l'activité que la souscriptrice entendait garantir en adhérant au contrat de groupe était nécessairement celle qu'elle exerçait au moment de la survenance du risque et qui lui procurait les revenus lui permettant de faire face aux échéances de remboursement et dont elle serait privée en cas de réalisation du risque « incapacité », se trouvant ainsi dans l'incapacité de payer les mensualités assurées ;
Attendu que le compte rendu d'examen du Docteur Z., s'il fait état de la déclaration d'état anxio-dépressif et du traitement, ne fait aucun commentaire sur ce point, alors que l'imprimé utilisé ne fait état que d'appréciation sur l'état physique de l'assurée (nécessité de poste aménagé), et n'est pas motivé ;
Attendu que la seule question qui se pose est donc de savoir si Mademoiselle X. était réellement en état d'incapacité totale de reprendre son travail, comme l'a déclaré son médecin traitant, et comme le conteste, sans motif, le médecin conseil de l'assureur ;
Qu'il apparaît nécessaire d'organiser une expertise médicale pour répondre à cette question ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Avant dire droit,
Ordonne une expertise médicale,
Commet M. le Docteur A. - [adresse],
ou à défaut :
M. le Docteur B. - Service de Psychiatrie - [adresse], avec mission, après avoir régulièrement avisé les parties de ses opérations, de procéder contradictoirement à l'examen des documents médicaux qui ont justifié l'arrêt de travail de Mademoiselle X. et ses prolongations, d'examiner celle-ci et de dire son état justifiait l'incapacité totale de reprendre son travail ou de reprendre une activité rémunérée après le 10 décembre 2002 et jusqu'à la fin de l'arrêt de travail ;
Dit que l'expert déposera rapport de ses opérations avant le 15 DÉCEMBRE 2006 au greffe de la Cour, sauf prorogation des opérations dûment autorisée par le magistrat chargé de la mise en état ;
Dit que la CNP fera l'avance des frais d'expertise et consignera entre les mains du Régisseur d'Avance et de Recettes de la Cour d'Appel de RIOM une provision de 500 € avant le 1er SEPTEMBRE 2006 ;
Dit que l'expert commis pourra, sur simple présentation de la présente décision, requérir la [minute Jurica page 5] communication de tous documents relatifs à cette affaire ;
Désigne M. BILLY, conseiller chargé de la mise en état, pour suivre les opérations d'expertise ;
Réserve les dépens.
Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, président, et par Madame PHILIPPE, greffier présent lors du prononcé.
Le greffier Le président
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
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