CA NANCY (2e ch. civ.), 3 juin 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2595
CA NANCY (2e ch. civ.), 3 juin 2010 : RG n° 07/01498 ; arrêt n° 1652
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu s'agissant de la demande dirigée contre la SCM Kiné Isabey, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 621-282 et L. 622-12 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en l'espèce ; que les contrats en cours ne sont pas résiliés par le fait de la liquidation judiciaire ; qu'en l'absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation du liquidateur à la poursuite du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice ; Or attendu qu'en l'espèce, il n'est pas établi, ni même allégué, que le mandataire liquidateur de la société Protecnicom aurait été mis en demeure de poursuivre ou de renoncer à l'exécution du contrat d'abonnement de téléphonie souscrit par la Scp Kiné Isabey auprès de la SA Protecnicom ni que la résiliation dudit contrat aurait été prononcée judiciairement ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 3 JUIN 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/01498. Arrêt n° 1652. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de NANCY, R. G. n° 06/597, en date du 6 mars 2007,
APPELANTE :
SA GRENKE LOCATION,
prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, sise [adresse], représentée par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour
INTIMÉE :
SCM KINE ISABEY,
prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, sise [adresse], représentée par la SCP LEINSTER, WISNIEWSKI & MOUTON, avoués à la Cour, assistée de Maître Etienne GUTTON, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 avril 2010, en audience publique devant la Cour composée de : Mme Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la deuxième chambre civile, qui a fait le rapport, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Caroline HUSSON ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 3 juin 2010, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 3 juin 2010, par Madame Caroline HUSSON, faisant fonction de Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la Deuxième Chambre civile, et par Madame Caroline HUSSON, faisant fonction de greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 7 février 2002, la SCM Kiné Isabey a souscrit :
- un contrat d'abonnement de téléphonie auprès de la société Protecnicom France portant sur la fourniture et la maintenance d'un matériel de téléphonie, moyennant une redevance de 83,85 euros HT soit 100,28 euros TTC pendant 72 mois,
- un contrat de location auprès de la SA Grenke Location portant sur la location d'un matériel de téléphonie de marque Protecnicom France, d'une durée de 72 mois, moyennant une redevance de 83,85 euros HT soit 100,28 euros TTC.
Par acte du 4 avril 2006 et dernières écritures du 13 novembre 2006, la SA Grenke Location a assigné devant le tribunal d'instance de Nancy la SCM Kiné Isabey ainsi que Monsieur X. et Madame Y., ès qualités de co-gérants de ladite société aux fins de les entendre condamner ensemble à lui payer la somme de 4.813,64 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, outre une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, restant due au titre du contrat de location du matériel de téléphonie.
La demanderesse a exposé que les loyers étant demeurés impayés depuis juin 2004, elle a adressé aux défendeurs une mise en demeure en leur notifiant la résiliation anticipée du contrat ; que les associés de la société civile de moyen sont responsables dans les conditions de l’article 1857 du code civil et doivent répondre à l'égard des tiers des dettes sociales si la société est défaillante ce qui est le cas puisque la SCM Kiné Isabey a été vainement mise en demeure.
Répliquant que la liquidation judiciaire dont a fait l'objet la SA Protecnicom France a entraîné la résiliation de plein droit du contrat de téléphonie conclu avec elle et par voie de conséquence, les deux conventions étant indivisibles, la résiliation du contrat de location financière à compter du 1er juillet 2003, date à laquelle la SCM Kiné Isabey n'était plus tenue au règlement des loyers qui doivent lui être restitués, la SCM Kiné Isabey, Madame Y. et Monsieur X. ont conclu au rejet de l'ensemble des demandes de la SA Grenke Location et à sa condamnation aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1.300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la SCM Kiné Isabey sollicitant en outre le remboursement de la somme de 902,52 euros au titre des loyers indûment réglés.
La SA Grenke a répliqué que le contrat d'abonnement signé entre les défendeurs et la société Protecnicom ne lui est pas opposable ; qu'elle n'est tenue à aucune prestation autre que la location du matériel dont elle s'est portée acquéreur en versant le prix au fournisseur. Elle a contesté toute indivisibilité entre les deux contrats et prétendu que la procédure de liquidation judiciaire de la société Protecnicom est sans aucune incidence sur le sort du contrat de location résilié du fait du non paiement des loyers.
Par jugement en date du 6 mars 2007, le tribunal a :
- débouté la SA Grenke de ses demandes dirigées contre Madame Y. et Monsieur X. au motif qu'il résulte de l’article 1858 du code civil que les créanciers d'une société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ; qu'or, aucune poursuite n'a été diligentée par la SA Grenke Location contre la SCM Kiné Isabey,
- débouté la SA Grenke de ses demandes dirigées contre la SCM Kiné Isabey,
- condamné la SA Grenke à payer à la SCM Kiné Isabey la somme de 902,52 euros avec intérêts au taux légal,
- condamné la SA Grenke à payer à la SCM Kiné Isabey, Madame Y. et Monsieur X. une somme de 250 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes,
- condamné la SA Grenke aux dépens.
Le premier juge a relevé qu'il existe, entre le contrat d'abonnement de téléphonie conclu avec la SA Protecnicom et le contrat de location conclu avec la SA Grenke, tant dans leur conclusion que dans leur mise en’uvre et leur exécution une indivisibilité conventionnelle de sorte la résiliation de plein droit du contrat d'abonnement de téléphonie du fait de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SA Protecnicom a eu pour conséquence la résiliation du contrat de location à compter du 1er juillet 2003.
Suivant déclaration reçue le 22 juin 2007, la SA Grenke Location a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes dirigées contre la SCM Kiné Isabey et condamnée à lui restituer la somme de 902,52 euros. Elle a conclu à la condamnation de la SCM Kiné Isabey à lui payer la somme de 4.813,64 euros avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 20 novembre 2004 ainsi qu'une indemnité de 800 euros du chef des frais irrépétibles.
L'appelante qui a contesté toute indivisibilité juridique entre les deux contrats d'abonnement de téléphonie et de location de matériel souscrits par la SCM Kiné Isabey, a souligné qu'en toute hypothèse, l'argumentation développée par l'intimée ne peut prospérer au regard de la jurisprudence constante de la cour de cassation suivant laquelle la liquidation judiciaire n'emporte pas de plein droit résiliation des contrats en cours et à défaut de résiliation prononcée judiciairement du contrat conclu auprès de la société Protecnicom ; qu'en tout état de cause, la résiliation produit ses effets à la date de son prononcé et qu'elle ne peut être rétroactive dès lors que le bailleur a exécuté ses obligations pour le passé, ce qui n'est pas contesté en l'espèce.
La SCM Kiné Isabey a conclu à la confirmation du jugement entrepris, pour les motifs développés par elle en première instance et adoptés par le premier juge, et au rejet des demandes de la SA Grenke Location dont elle a sollicité la condamnation à lui payer 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
A titre subsidiaire, elle a conclu à la réduction de la clause pénale.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Vu les dernières écritures déposées le 15 juillet 2009 par la SA Grenke Location et le 2 avril 2010 par la SCM Kiné Isabey, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Attendu qu'il échet en premier lieu de constater que l'appel formé par la SA Grenke Location ne porte pas sur les dispositions du jugement l'ayant déboutée de ses demandes contre Madame Y. et Monsieur X. ; que le jugement sera confirmé sur ce point et les dépens de première instance afférents à la mise en cause de Madame Y. et Monsieur X. mis à la charge de la SA Grenke Location ;
Attendu s'agissant de la demande dirigée contre la SCM Kiné Isabey, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 621-282 et L. 622-12 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en l'espèce ; que les contrats en cours ne sont pas résiliés par le fait de la liquidation judiciaire ; qu'en l'absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation du liquidateur à la poursuite du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice ;
Or attendu qu'en l'espèce, il n'est pas établi, ni même allégué, que le mandataire liquidateur de la société Protecnicom aurait été mis en demeure de poursuivre ou de renoncer à l'exécution du contrat d'abonnement de téléphonie souscrit par la Scp Kiné Isabey auprès de la SA Protecnicom ni que la résiliation dudit contrat aurait été prononcée judiciairement ;
Que le moyen repris par l'intimée devant la cour suivant lequel la résiliation de plein droit du contrat d'abonnement de téléphonie souscrit auprès de la société Protecnicom, résultant de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société a entraîné, eu égard à l'indivisibilité existant entre les deux contrats, la résiliation du contrat de location à la date du 2 juillet 2003, ne peut dès lors prospérer ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a pour ce même motif, constaté la résiliation du contrat de location à la date du 2 juillet 2003 et libéré la SCM Kiné Isabey de toute obligation à compter de cette date ;
Attendu qu'il est constant par ailleurs que la SCM Kiné Isabey a suspendu le paiement des loyers à compter du mois d'avril 2004 ; que conformément aux articles 12 et 15 du contrat de location qui stipule que le bailleur peut procéder à la résiliation anticipée du contrat de location longue durée sans respecter le préavis si le locataire est en retard de trois loyers mensuels et qu'il a droit dans ce cas à une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat, la SA Grenker Location a procédé à la résiliation anticipée du contrat par courrier recommandé du 12 juillet 2004 valant mise en demeure de lui régler la somme de 4.813,64 euros se détaillant comme suit :
- loyers impayés d'avril, mai, juin et juillet 2004 (4 x 100,28 euros TTC) 401,12 euros,
- loyers à échoir jusqu'au terme du contrat (soit du 1er août 2004 au 1er mars 2008) 4412,52 euros ;
Attendu que l'indemnité de résiliation, stipulée à la fois comme moyen de contraindre le débiteur à l'exécution et comme évaluation forfaitaire et conventionnelle du préjudice futur subi par le crédit bailleur du fait de l'accroissement de ses frais et risques à cause de l'interruption des paiements prévus, constitue une clause pénale soumise aux dispositions de l’article 1152 du code civil ; qu'en l'espèce, l'indemnité réclamée apparaît manifestement excessive au regard du préjudice subi par la société Grenke, qui a perçu 24 mensualités de 100,28 euros soit 2.406,72 euros et à laquelle le matériel, d'une valeur au jour de l'acquisition de 5.510 euros a été restitué en novembre 2004 ;
Qu'il échet de la réduire la clause pénale à la somme de 3.000 euros et de condamner la débitrice au paiement de la somme de 3.401,12 euros laquelle portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure recommandée du 20 novembre 2004 conformément aux dispositions de l’article 1153 alinéa 3 du code civil ;
Attendu qu'il échet par ailleurs de débouter la SCM Kiné Isabey de sa demande de remboursement de la somme de 902,52 euros au titre des loyers indûment versés à compter du 1er juillet 2003 ;
Attendu que l'équité commande que soit allouée à la SA Grenke Location une indemnité de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la SCM Kiné Isabey sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Reçoit la SA Grenke Location en son appel contre le jugement rendu le 6 mars 2007 par le tribunal d'instance de Nancy,
Constate que l'appel ne porte que sur les dispositions du jugement concernant la SCM Kiné Isabey ;
Infirme ce jugement en ce qu'il a débouté la SA Grenke Location de ses demandes dirigées contre la SCM Kiné Isabey et fait droit aux demandes de la SCM Kiné Isabey contre la SA Grenke Location ;
Statuant à nouveau sur ces points,
Déboute la SCM Kiné Isabey de sa demande tendant au remboursement des loyers payés entre juillet 2003 et avril 2004 ;
Condamne la SCM Kiné Isabey à payer à la SA Grenke Location la somme de TROIS MILLE QUATRE CENT UN EUROS ET DOUZE CENTIMES (3.401,12 euros) majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2004 ainsi qu'une indemnité de SIX CENTS EUROS (600 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCM Kiné Isabey aux dépens de première instance (à l'exception de ceux afférents à la mise en cause de Madame Y. et Monsieur X. qui demeureront à la charge de la SA Grenke) ainsi qu'aux dépens d'appel et autorise la SCP Vasseur, avoué, à faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la deuxième chambre civile à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame HUSSON, faisant fonction de Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en cinq pages