CA ROUEN (1re ch.), 24 juin 2009


CERCLAB - DOCUMENT N° 2629
CA ROUEN (1re ch. cab. 1), 24 juin 2009 : RG n° 08/04045
Publication : Jurica
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE 1 CABINET 1
ARRÊT DU 24 JUIN 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/04045. DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ÉVREUX du 27 juin 2008.
APPELANTS :
Monsieur X.
présent à l'audience, représenté par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour, assisté de Maître Philippe BAZIN, avocat au barreau de ROUEN
Madame Y. épouse X.
présente à l'audience, représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour, assistée de Maître Philippe BAZIN, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ DEMEURES GILLES RICHARD
représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour, assistée de Maître Jean-Louis DEBRE, avocat au barreau d'EVREUX
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 mai 2009 sans opposition des avocats devant Madame LE CARPENTIER, Conseiller, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre, Madame LE CARPENTIER, Conseiller, Monsieur GALLAIS, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Monsieur HENNART, Greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 11 mai 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 juin 2009
ARRÊT : CONTRADICTOIRE. Prononcé publiquement le 24 Juin 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l' article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre et par Monsieur HENNART, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS ET LA PROCÉDURE :
Suivant contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, daté du 5 juillet 2005, Monsieur X., ingénieur, et son épouse, comptable, ont confié à la SAS LES DEMEURES GILLES RICHARD la construction d'une maison d'habitation d'un rez-de-chaussée sur sous sol de 128 m² habitables à [ville M.] moyennant le prix de 157.753 euros TTC ; les travaux à la charge des maîtres de l'ouvrage s'élevant à la somme de 25.735 euros.
La déclaration d'ouverture du chantier est datée du 15 janvier 2007. Le 28 février 2007, le chantier est arrêté suite au signalement par le maçon d'une fissuration sur la façade nord-ouest ; Monsieur A. (Etudes structures bâtiment) qui intervenait à la demande du constructeur a considéré que les fissures n'avaient pas d'incidence sur la solidité de l'ouvrage ; le CEBTP, intervenu à la demande des maîtres d'ouvrage, a fait faire des études de sol concluant à la faisabilité du projet mais à la nécessité de précautions particulières. Monsieur B., intervenu à la demande de l'assureur du constructeur, a considéré lui aussi que la solidité de l'ouvrage n'était pas compromise à la condition de suivre des préconisations particulières. La SMABTP, assureur dommages ouvrage a écrit aux époux X. qu'il n'existait aucun risque d'effondrement et qu'il s'agissait d'un simple incident de chantier.
Par courrier du 25 mai 2007, la SAS LES DEMEURES GILLES RICHARD a proposé de reprendre les travaux en y ajoutant les modifications conseillées par les experts, mais les époux X., considérant que ces préconisations n'étaient reprises que partiellement ont refusé. Ils ont ensuite refusé de payer l'appel des fonds du 30 juillet 2007 d'un montant de 68.340 euros malgré une mise en demeure du constructeur qui leur a notifié l'arrêt des travaux à la date du 14 août 2007.
Par acte du 4 octobre 2007, les époux X. ont assigné la SAS LES DEMEURES GILLES RICHARD en nullité du contrat de construction et subsidiairement, en résolution du contrat et en paiement de dommages intérêts.
Par acte du 30 octobre 2007, la SAS LES DEMEURES GILLES RICHARD a fait assigner les époux X. en résiliation du contrat et en paiement du solde des travaux et de dommages intérêts ; les instances ont été jointes.
Par jugement du 27 juin 2008, le Tribunal de Grande Instance d'Evreux a :
- débouté les époux X. de leur demande principale en nullité du contrat de construction du 5 juillet 2005,
- avant dire droit sur les autres demandes, ordonné une expertise judiciaire confiée à M.MERRAIN avec pour mission de fournir tous les éléments techniques de nature à permettre au tribunal de déterminer les responsabilités et d'évaluer, s'il y a lieu, les préjudices subis,
- fixé la provision à la somme de 3.000 euros à la charge de la société LES DEMEURES GILLES RICHARD ;
- réservé les dépens.
Le 23 juillet 2008, les époux X. ont interjeté appel de cette décision.
LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Dans leurs conclusions signifiées le 12 janvier 2009, auxquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, les époux X. font valoir que :
- le contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plan est d'ordre public et les mentions prévues à l'article L. 231-2 du code de la construction doivent figurer au contrat de construction à peine de nullité de celui-ci.
- s'il s'agit d'une nullité relative, qui doit être soulevée par l'un des cocontractants, il n'en reste pas moins que celle-ci s'impose au juge dès lors qu'il constate que le contrat n'est pas conforme aux règles légales.
- or, les époux X. ont relevé dans le contrat de construction un grand nombre d'omissions ou de clauses contraires aux obligations légales.
- les clauses absentes ou litigieuses concernent la garantie de remboursement, l'assistance à la réception, la notice d'information, le délai de réflexion et le prix forfaitaire,
- ils sont donc en droit de demander la nullité du contrat, une seule de ces contraventions suffisant à entraîner cette nullité.
- la nullité du contrat engendre son anéantissement rétroactif et les parties doivent être remises en l'état où elles se trouvaient à la date de sa signature.
- ils doivent obtenir la démolition de la construction et de justes dommages intérêts en réparation du préjudice qu'ils ont subi.
Les époux X. demandent donc à la Cour de :
- prononcer la nullité du contrat de construction de maison individuelle signé le 5 juillet 2005,
- en conséquence, condamner la SAS LES DEMEURES GILLES RICHARD à procéder à la démolition de l'ouvrage réalisé et à la remise en état initial du terrain sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans les 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la SAS LES DEMEURES GILLES RICHARD à payer aux époux X. la somme de 8 434 euros au titre du remboursement de l'acompte ainsi que celle de 146.522 euros au titre de dommages intérêts,
- condamner la SAS LES DEMEURES GILLES RICHARD à verser une somme de 3.000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
* * *
Dans ses conclusions signifiées le 8 avril 2009, auxquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, la SAS LES DEMEURES GILLES RICHARD fait valoir que :
- les époux X. cherchent à se dégager abusivement d'un contrat, parfaitement conscients que leurs réclamations ne peuvent aboutir sur le terrain technique,
- par ailleurs, leurs demandes concernant la démolition de l'ouvrage, l'indemnisation de leur préjudice moral, de leur préjudice matériel et de leur préjudice pour privation de jouissance sont actuellement irrecevables puisqu'on ignore si le constructeur est responsable de désordres mettant en cause la solidité de l'immeuble et si la décision prise par les époux X. d'interrompre le chantier est fondée ou non,
- seule l'expertise ordonnée par le tribunal pourra faire le point et répondre à ces questions.
La SAS LES DEMEURES GILLES RICHARD demande donc à la Cour de :
- confirmer le jugement rendu dans toutes ses dispositions,
- condamner les époux X. à verser une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LA COUR :
- La nullité du contrat de construction :
Attendu que devant la Cour les époux X. soutiennent que le contrat de construction doit être annulé pour cinq motifs :
* la garantie de remboursement :
Attendu que les époux X. font valoir que l'attestation de garantie de livraison n'était pas annexée au contrat contrairement aux dispositions de l'article L. 232-2 k) du code de la construction et de l'habitation ;
Mais attendu que les conditions particulières mentionnaient que le contrat était soumis à la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison et que celle-ci devait être obtenue dans le délai prévu pour la réalisation des conditions suspensives, soit 9 mois ; que le tribunal a exactement retenu que l'attestation avait été délivrée le 16 septembre 2005, soit dans ce délai ;
Attendu qu'en outre, s'il est fait état d'un versement à la signature du contrat il n'est pas justifié de l'encaissement de cet acompte avant la délivrance de cette garantie, le premier appel de fonds de 5 % étant du 4 décembre 2006 et l'acompte correspondant ayant été réglé le 6 décembre 2006 ;
Qu'il n'y a donc pas lieu à nullité du contrat pour ce motif ;
* L'assistance à la réception :
Attendu que le contrat de construction doit informer le maître de l'ouvrage qu'il aura la faculté de se faire assister par un professionnel lors de la réception ;
Attendu que les maîtres d'ouvrage reprochent au contrat de les avoir obligés à choisir dès la signature du contrat s'ils feraient ou non appel à ce professionnel ;
Attendu que les conditions particulières du contrat prévoient en effet que le maître d'ouvrage doit sous le titre « RECEPTION DES TRAVAUX » cocher une des cases 2-7a ou 2-7b qui renvoient aux articles correspondants des conditions générales qui précisent les conséquences légales de chaque option ;
Attendu que si cette formulation, qui correspond d'ailleurs à l'imprimé établi par L'Union Nationale des Constructeurs de Maisons Individuelles, est effectivement malheureuse comme apparaissant contraindre à un choix initial, elle a cependant l'avantage de permettre au constructeur de justifier qu'il a bien donné à son cocontractant l'information légale ;
Attendu que cette option ne peut empêcher à l'évidence celui-ci de changer d'avis au moment de la réception en étant informé des conséquences ;
Attendu qu'il apparaît d'ailleurs que les époux X. n'ont pas hésité à faire intervenir un professionnel (bureau d'études) en cours de chantier ;
Qu'il n'y a donc pas lieu à nullité du contrat pour cette raison ;
* La notice d'information :
Attendu que la notice d'information conforme au modèle type agréé doit être jointe au contrat de construction adressé par lettre recommandée avec accusé de réception par le constructeur au maître de l'ouvrage ;
Attendu que cette notice précise les droits et obligations des parties, fait état des différents éléments du contrat et contribue à éclairer le maître de l'ouvrage sur la portée de son engagement en insistant sur les garanties ;
Attendu qu'en l'espèce les conditions générales du contrat qui ont bien été notifiées reprennent l'ensemble des mentions contenues dans la notice d'information légale ;
Qu'il y a donc lieu de considérer que la notice a bien été notifiée ;
* Le non respect du délai de réflexion :
Attendu que les époux X. soutiennent pour la première fois devant la Cour que le contrat aurait dû leur être notifié par lettre recommandée distincte à chacun d'eux alors qu'il l'a été par une seule lettre adressée à Monsieur ou Madame ; qu'ils n'avaient cependant pas prétendu jusque là que l'un d'entre eux n'avait pas eu connaissance de cette notification et de sa portée ;
Attendu en outre que les époux X. ont chacun signé l'ensemble des documents et postérieurement à la notification des documents initiaux, signé les modifications du permis de construire et les avenants, démontrant leur détermination à poursuivre le contrat ;
Attendu qu'ils soutiennent aussi que les nouveaux plans auraient dû leur être notifiés puisque les deux premières demandes de permis de construire ont été rejetées ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites que les époux X. désiraient pour leur maison un toit à quatre pentes, ce qui n'était pas possible compte tenu des prescriptions du plan d'occupation des sols, qu'ils ont tenté ensuite d'obtenir un permis pour une maison ayant une toiture à trois pentes qui leur a à nouveau été refusé, que cependant ces modifications architecturales, conformes à leurs souhaits et qu'ils signaient, ne nécessitaient à l'évidence pas de recourir à chaque fois au formalisme d'une notification faisant courir un nouveau délai de réflexion, ne constituant pas des modifications substantielles ;
* Le prix forfaitaire :
Attendu qu'il est constant que le constructeur a fait signer aux maîtres de l'ouvrage des avenants pour deux surcoûts au prix initial mentionné au contrat de construction alors que le contrat de construction doit comporter un prix forfaitaire :
- le surcoût lié à la prescription de l'architecte des bâtiments de France au permis de construire, avenant n° 5 du 4 novembre 2006 pour 2.031 euros ;
- le surcoût lié au raccordement au secteur public, avenant n° 14 du 22 novembre 2006 pour 787,21 euros.
Attendu que cependant, seule la nullité de ces avenants pourrait être reconnue mais qu'en l'espèce, il est constant que le constructeur ne pouvait connaître avant la délivrance du permis de construire quelles seraient les prescriptions particulières exigées par l'architecte des bâtiments de France ; qu'en outre, si d'autres avenants ont été signés, c'est en raison de modifications souhaitées par les maîtres de l'ouvrage au descriptif initial ;
Attendu que par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande de nullité du contrat de construction et ordonné une expertise avant dire droit sur les autres demandes ;
Attendu que l'équité ne commande pas à ce stade de la procédure de faire droit à la demande formée en application de l' article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à application de l' article 700 du code de procédure civile ;
Met les dépens d'appel à la charge de Monsieur et Madame X., avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile .
Le Greffier Le Président