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CA ROUEN (ch. prox.), 19 janvier 2012

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. prox.), 19 janvier 2012
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), ch. proxim.
Demande : 10/04591
Date : 19/01/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/07/2008
Décision antérieure : CA ROUEN (1re ch.), 24 juin 2009, CASS. CIV. 3e, 22 septembre 2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3619

CA ROUEN (ch. prox.), 19 janvier 2012 : RG n° 10/04591

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que la loi dispose que les règles qui régissent le régime du contrat de construction de maison individuelle des articles L. 230-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation sont d'ordre public et que leur violation entraîne la nullité du contrat. […] ;

que l'article L. 231-1 k prévoit que dans ce cas le contrat doit contenir les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat ; […] ; Attendu que la garantie de remboursement joue lorsque le constructeur a exigé le paiement d'un acompte avant l'ouverture du chantier ; que cette garantie est constituée par une caution solidaire donnée par un établissement de crédit ou une entreprise d'assurance agréée à cet effet, pour le cas où le contrat ne peut être exécuté faute de réalisation des conditions suspensives dans le délai prévu, pour le cas où le chantier n'est pas ouvert à la date convenue ou encore pour le cas où le maître de l'ouvrage exerce sa faculté de rétractation ; que cette garantie prend fin à la date d'ouverture du chantier ; qu'ainsi, cette garantie doit exister au moment de l'engagement, dès la signature du contrat et doit y être annexée ; que la justification de cette garantie est impérative à ce stade du contrat ; qu'il ne peut y être dérogé et la violation d'une telle obligation entraîne la nullité du contrat ».

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 19 JANVIER 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G n° 10/04591. STATUANT SUR RENVOI DE LA COUR DE CASSATION.

DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’ÉVREUX du 27 juin 2008

 

APPELANTS :

Monsieur X.

représenté par la SCP C. V. R. E., avoués à la Cour, assisté de Maître Philippe B., avocat au barreau de ROUEN

Madame Y. épouse X.

représentée par la SCP C. V. R. E., avoués à la Cour, assistée de Maître Philippe B., avocat au barreau de ROUEN

 

INTIMÉE :

SOCIETE DEMEURES G. R.

représentée par la SCP L. M. G. S., avoués à la Cour, assistée de Maître Jean-louis D., avocat au barreau d'EURE

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Madame PLANCHON, Président, Madame PRUDHOMME, Conseiller, Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOEL-DAZY, Greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 17 novembre 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 janvier 2012

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE : Prononcé publiquement le 19 janvier 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 5 juillet 2005, Monsieur et Madame X. ont signé avec la société LES DEMEURES G. R. un contrat de construction de maison individuelle moyennant le prix de 157.753 euros TTC sur un terrain leur appartenant à [ville] (EURE) ; la déclaration ouverture de chantier est datée du 15 janvier 2007 ; le 28 février 2007, le chantier a été arrêté à la suite du signalement par le maçon d'une fissuration sur la façade nord-ouest de l'immeuble ; tant le constructeur que son assureur et que le maître de l'ouvrage ont sollicité des avis amiables pour apprécier la poursuite de l'ouvrage ; tous les sachants consultés ont affirmé que ces fissures n'avaient pas d'incidence sur la solidité de l'ouvrage, certains qualifiant ces fissures de simples incidents de chantier mais tous ont conclu à la nécessité de prendre des précautions particulières.

Par courrier du 25 mai 2007, la société LES DEMEURES G. R. a proposé de reprendre ses travaux en intégrant les modifications conseillées par les experts mais les époux X., au motif que les préconisations des experts n'étaient reprises que partiellement par le constructeur, ont refusé. Ils ont également refusé de payer l'appel des fonds du 30 juillet 2007

 

Procédure :

Par exploit du 4 octobre 2007, ils ont assigné la société LES DEMEURES G. R. en nullité du contrat de construction et subsidiairement en résolution du contrat et en paiement de dommages-intérêts. Par acte du 30 octobre 2007, la société LES DEMEURES G. R. a fait assigner les époux X. en résiliation du contrat et en paiement du solde des travaux et de dommages intérêts. Les deux instances ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 27 juin 2008, le tribunal de grande instance d'ÉVREUX a :

- Débouté les époux X. de leur demande principale en nullité du contrat de construction du 5 juillet 2005,

- avant dire droit sur les autres demandes, ordonné une expertise judiciaire technique avec pour mission de fournir tous les éléments de nature à permettre au tribunal de déterminer les responsabilités et évaluer s'il y a lieu les préjudices subis.

Le 23 juillet 2008, les époux X. ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par arrêt contradictoire en date du 24 juin 2009, la cour d'appel de ROUEN a rejeté successivement les cinq motifs de nullité du contrat de construction soulevés par les époux X. et confirmé ce jugement en toutes ses dispositions, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge des appelants.

Par arrêt du 22 septembre 2010, la Cour de cassation, troisième chambre civile, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 24 juin 2009 entre les parties par la cour d'appel de ROUEN en ce que, pour débouter les époux X. de leur demande en nullité du contrat, l'arrêt avait retenu que le contrat signé le 5 juillet 2005 avait donné lieu au paiement d'un premier acompte, que la garantie de remboursement n'avait été délivrée que le 16 septembre 2005, qu'elle n'était donc pas jointe au contrat au moment de sa signature en violation des dispositions de l'article L. 231-2 k du code de la construction et de l'habitation mais que cette nullité avait été couverte par la remise de l'attestation de garantie de remboursement datée du 16 septembre 2005 et que les conditions particulières mentionnaient que le contrat était soumis à la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison, et que s'il a été fait état d'un versement à la signature du contrat, il n'était pas justifié de l'encaissement de cet acompte avant la délivrance ; en statuant ainsi, alors que la garantie de remboursement est distincte de la garantie de livraison et doit être annexée au contrat, sans pouvoir fait l'objet d'une condition suspensive, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

La Cour de cassation a remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de ROUEN, autrement composée ; la société LES DEMEURES G. R. a été condamnée aux dépens et à payer aux époux X. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; la demande de la société LES DEMEURES G. R. a été rejetée.

Monsieur et Madame X. ont saisi la cour d'appel de ROUEN de la remise au rôle de cette affaire le 19 octobre 2010.

 

Demandes et prétentions :

Dans leurs dernières conclusions du 6 septembre 2011 auxquelles il convient expressément de se référer pour l'exposé des faits de la cause, des moyens et des prétentions soulevés, Monsieur et Madame X. demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande de nullité du contrat de construction signé le 5 juillet 2005. Ils demandent à nouveau à la cour de prononcer la nullité de ce contrat et en conséquence de condamner la société LES DEMEURES G. R. à procéder à la démolition de l'ouvrage réalisé et à la remise en état initial du terrain sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans les huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre de cette remise en état et de la réparation des préjudices subis, ils sollicitent la condamnation de la société à leur payer, au titre du remboursement de l'acompte versé, la somme de 8.434 euros avec intérêts à compter du 6 décembre 2006, à titre de dommages-intérêts la somme de 196.608,48 euros sauf à parfaire et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, celle de 15.000 euros. Ils concluent enfin à la confirmation du jugement en toutes ses autres dispositions non contraires et à la condamnation de la société LES DEMEURES G. R. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

À l'appui de leurs demandes, ils font valoir que c'est à tort que le tribunal a cru devoir écarter les causes de nullité invoquées au motif que certaines d'entre elles avaient été couvertes par une régularisation ultérieure ou qu'elles ne constituaient pas une clause abusive ; qu'ainsi, comme l'a retenu la Cour de cassation, le défaut d'annexion de la garantie de remboursement au contrat de construction, alors qu'un acompte avait été demandé, vicie de manière absolue ledit contrat ; que cette absence ne peut faire l'objet d'une régularisation postérieure contrairement à la garantie de livraison pour laquelle la jurisprudence a admis qu'elle pouvait être produite, en cas de condition suspensive d'obtention d'une telle garantie, jusqu'au jour de la date d'ouverture du chantier.

De manière superfétatoire, ils reprennent en cause d'appel les autres contraventions énumérées par le premier juge susceptibles d'entraîner la nullité du contrat.

En conséquence, ils réclament l'anéantissement rétroactif du contrat et sollicitent que les parties soient remises en l'état où elles se trouvaient avant la signature du contrat : démolition de l'ouvrage partiellement construit, dommages-intérêts pour préjudice moral, privation de jouissance, surcoût de la prochaine construction, frais financiers, d'assurances et de procédure.

Dans ses dernières écritures en réponse signifiées le 1er août 2011 auxquelles il convient également de se référer pour l'exposé des moyens en réponse de l'intimée, la société LES DEMEURES G. R. réclame la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et, à titre subsidiaire, pour le cas où la cour ferait droit à la demande de nullité des époux X., elle réclame leur condamnation au paiement des travaux exécutés (matériaux et main-d'œuvre).

Avant dire droit, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la mesure d'expertise et, ajoutant à la mission de l'expert, elle demande qu'il lui soit demandé de chiffrer le coût des travaux exécutés par elle. Elle sollicite le sursis à statuer sur les demandes financières des appelants dans l'attente du dépôt du rapport et réclame leur condamnation à lui payer une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose au soutien de ses demandes que c'est par erreur qu'il est indiqué aux conditions particulières du contrat qu'un acompte de 7.887,65 euros a été versé à la signature le 5 juillet 2005 puisque le premier acompte a été réclamé par un appel de fonds du 7 décembre 2006 à hauteur de la somme de 8.434 euros ; d'ailleurs, pour en être convaincu, il convient de constater que les époux X. demandent au titre du remboursement de l'acompte versé, non pas la somme de 7.887,65 euros mais bien celle de 8.434 euros ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de retenir que la garantie de remboursement était nécessaire au jour de la conclusion du contrat et que la nullité du contrat ne peut être prononcée pour son défaut.

En ce qui concerne tous les autres défauts reprochés au contrat, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

À titre subsidiaire, si la cour devait prononcer la nullité du contrat de construction, elle estime ne pas être un tiers à l'égard des époux X. pour être obligée à enlever les plantations, constructions et ouvrages par elle réalisés et qu'ainsi, les dispositions de l'article 555 du code civil ne peuvent recevoir application en l'espèce ; elle conteste les prétentions émises par les appelants sur la solidité de l'ouvrage qui imposerait sa destruction alors que l'arrêt du chantier est de leur fait. Elle indique que l'immeuble a été en partie édifié et pour remettre les parties dans la situation précédente, il convient que le maître de l'ouvrage lui restitue les travaux réalisés dont il a été bénéficiaire sans en payer le coût et c'est pourquoi elle sollicite, avant dire droit, la confirmation de la mesure d'expertise pour chiffrer en sus le coût des travaux exécutés (matériaux et main-d'œuvre) pour en être dédommagé.

C'est pourquoi elle conclut au sursis à statuer sur les demandes de Monsieur et Madame X. relatives à la démolition et à l'indemnisation de leurs préjudices dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ordonné par les premiers juges.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 octobre 2011.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Sur la nullité du contrat de construction :

Attendu que la loi dispose que les règles qui régissent le régime du contrat de construction de maison individuelle des articles L. 230-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation sont d'ordre public et que leur violation entraîne la nullité du contrat.

Attendu qu'en l'espèce, un contrat de construction d'une maison individuelle a été signé entre les époux X. et la société LES DEMEURES G. R. le 5 juillet 2005 avec établissement d'un chèque d'acompte de 7.887,65 euros ;

que l'article L. 231-1 k prévoit que dans ce cas le contrat doit contenir les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat ;

Attendu qu'en l'espèce, la garantie de remboursement n'a été délivrée au constructeur que le 16 septembre 2005 ; qu'elle n'était donc pas jointe au contrat lors de sa conclusion ; que le permis de construire a été délivré le 19 octobre 2006, les travaux ont démarré en décembre 2006 ; que le 6 décembre 2006, les époux X. ont fait un chèque correspondant à l'appel de fonds n°1 de 8.434 euros ; que la déclaration d'ouverture du chantier a été faite le 15 janvier 2007 ;

Attendu que la garantie de remboursement joue lorsque le constructeur a exigé le paiement d'un acompte avant l'ouverture du chantier ; que cette garantie est constituée par une caution solidaire donnée par un établissement de crédit ou une entreprise d'assurance agréée à cet effet, pour le cas où le contrat ne peut être exécuté faute de réalisation des conditions suspensives dans le délai prévu, pour le cas où le chantier n'est pas ouvert à la date convenue ou encore pour le cas où le maître de l'ouvrage exerce sa faculté de rétractation ; que cette garantie prend fin à la date d'ouverture du chantier ; qu'ainsi, cette garantie doit exister au moment de l'engagement, dès la signature du contrat et doit y être annexée ; que la justification de cette garantie est impérative à ce stade du contrat ; qu'il ne peut y être dérogé et la violation d'une telle obligation entraîne la nullité du contrat ;

Attendu que la société LES DEMEURES G. R. prétend alors que c'est par erreur qu'il a été mentionné dans le contrat de construction qu'un acompte d'un montant de 5 % du prix de la construction, soit 7.887,65 euros, était versé à la signature alors que ce règlement n'a pas été réclamé et que le premier versement pécuniaire fait par les époux X. ne date que du 7 décembre 2006, date où le premier appel de fonds leur a été présenté d'un montant de 8.434 euros représentant 5 % du prix de la construction telle qu'elle devait finalement être édifiée ; qu'elle estime donc que la garantie de remboursement a été produite avant le premier règlement fait par le maître de l'ouvrage et qu'ainsi, aucune nullité ne peut être prononcée pour ne pas avoir été justifié au jour de la signature du contrat le 5 juillet 2005.

Attendu cependant que par avenant n°1 de ce contrat en date du 5 juillet 2005, il était effectivement mentionné que la grille des appels de fonds comprenait cet acompte de 7.887,65 euros à la signature du contrat ; que par appel de fonds n°1 en date du 4 décembre 2006, la société LES DEMEURES G. R. a réclamé aux époux X. le paiement de la somme de 8.434 euros représentant 5 % du prix de vente, précisant que le stade d'avancement de l'immeuble était « contrat » ; que cette somme a été réglée le lendemain par le Groupement Interprofessionnel du Logement de l'EURE, le G.I.L.E, pour le compte des maîtres de l'ouvrage et portée au crédit du compte de la société LES DEMEURES G. R..

Attendu que peu importe qu'après avoir prévu le règlement d'un acompte de 5 % du prix de la construction, la société LES DEMEURES G. R. n'ait pas porté au crédit de son compte le versement d'une telle somme ; que sa seule réclamation dans le contrat nécessitait la présence de la garantie de remboursement à sa signature ; que son défaut entraîne l'irrégularité reprochée ; qu'en conséquence, et pour cette seule cause, il convient de faire droit à la demande de Monsieur et Madame X. et de prononcer la nullité du contrat de construction signé par les parties le 5 juillet 2005.

 

Sur les conséquences du prononcé de la nullité :

1) Sur la restitution des sommes versées par les époux X. :

Attendu qu'il convient de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la signature du contrat annulé, et donc de condamner la société LES DEMEURES G. R. à restituer à Monsieur et Madame X. la somme de 8.434 euros avec intérêts au taux légal à compter de leur assignation du 4 octobre 2007.

 

2) Sur la démolition de l'ouvrage réalisé :

Attendu que Monsieur et Madame X. réclament la condamnation de la société LES DEMEURES G. R. à procéder à la démolition de l'ouvrage réalisé en faisant application de l'article 555 alinéas 1 et 2 du code civil aux termes desquels, lorsque les constructions et ouvrages ont été faits par un tiers avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire a le droit d'obliger le tiers à les enlever, cette suppression étant exécutée aux frais du tiers sans aucune indemnité pour lui ; qu'en effet, le contrat de construction étant annulé aux torts de la société LES DEMEURES G. R., cette dernière est devenue le tiers dont s'agit ; qu'au surplus, le rétablissement dans la situation antérieure résultant de la nullité du contrat implique nécessairement la démolition de la construction ; qu'il y a lieu donc d'ordonner cette démolition de l'ouvrage qui n'aurait pas dû être édifié dans les conditions entreprises ; qu'il convient dès lors de faire droit à ce chef de réclamation et de condamner la société LES DEMEURES G. R. à supporter son coût et à remettre le terrain dans son état initial avant construction, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 4 mois après la signification de l'arrêt.

 

3) Sur le paiement des travaux effectués par la société LES DEMEURES G. R. :

Attendu que de son côté, la société LES DEMEURES G. R. réclame aux époux X. le paiement du travail effectué et des matériaux utilisés puisque l'édification a été menée avec l'accord du maître de l'ouvrage ;

qu'il résulte des avenants versés aux débats entre le 18 novembre 2005 et le 12 février 2007, que Monsieur et Madame X. ont signé 16 avenants au contrat modifiant la construction projetée par des rajouts de travaux non prévus ou des suppressions de prestations refusées par eux ; qu'ainsi, l'appel de fonds n° 2 d'un montant de 39.626 euros TTC correspondait à la réalisation des fondations de la maison ; qu'il a été accepté par les époux X. suivant leur lettre du 16 février 2007 ; qu'un incident technique a stoppé la réalisation des travaux fin février-début mars 2007 puis, ceux-ci ont été repris avec l'accord de Monsieur et Madame X. adressé au constructeur tel qu'il ressort de la lettre recommandée avec accusé réception du 23 avril 2007 versée aux débats ; qu'alors, l'appel de fonds n° 3 concernant l'achèvement des murs de l'immeuble leur a été envoyé le 31 juillet 2007 pour un montant de 28.714 euros TTC ; qu'il n'a pas plus été réglé par les époux X. ;

Attendu qu'en conséquence, il apparaît que la société LES DEMEURES G. R. est bien fondée à solliciter des maîtres de l'ouvrage règlement des prestations exécutées avec leur consentement et en fonction de leurs souhaits, tant en ce qui concerne les matériaux utilisés que la main d'œuvre pour accomplir la mission ; qu'il convient de condamner Monsieur et Madame X. à payer ce montant ; qu'il apparaît cependant que la construction a été arrêtée en raison de désordres consistant en des fissures apparues sur les murs d'élévation du sous-sol de la construction qui ne sont pas contestées par le maître d'œuvre ; qu'il convient dès lors d'ordonner un complément d'expertise pour demander à l'expert L. qui intervient dans le cadre de l'expertise judiciaire ordonnée par les premiers juges, d'évaluer le coût de la construction réalisée par la société LES DEMEURES G. R. dont les époux X. sont débiteurs, sous déduction des désordres qu'il a constatés lors de sa visite des lieux ;

 

4) Sur les dommages-intérêts réclamés par les époux X. d'un montant de 196.608,48 euros :

4-1) Préjudice moral soit 35.000 euros :

Attendu que Monsieur et Madame X. sollicitent tout d'abord des dommages-intérêts pour le préjudice moral que Madame X. a éprouvé lors de sa grossesse en raison de son stress résultant des soucis de la construction puis, après son accouchement, l'ayant conduite à son hospitalisation en maternologie pendant deux mois avec son bébé entre janvier et mars 2008 en raison d'une dépression ; mais attendu que si les attestations versées aux débats par ses proches font le lien entre les tracas de la construction et les problèmes de grossesse rencontrés par Madame X. et son accouchement qui a eu lieu fin août 2007, il n'apparaît pas qu'un tel lien soit démontré de manière certaine, alors que Monsieur et Madame X. vivaient auprès de leurs parents avant cette construction comme pendant les travaux et qu'il n'est pas démontré de difficultés relationnelles familiales ;

que l'hospitalisation près de 6 mois après la naissance ne résulte pas des tracas reprochés mais d'une cause médicale reconnue, en l'espèce une dépression post-partum comme l'atteste le docteur L. C., PH, de l'hôpital C., secteur de psychiatrie infanto-juvénile des [département] ; qu'il convient de les débouter de ce chef de réclamation.

Attendu que Monsieur et Madame X. réclament en outre l'indemnisation du préjudice qui résulte pour eux du « parcours du combattant procédural » qui a suivi l'arrêt de la construction du fait du comportement de la société LES DEMEURES G. R. qui a contesté être à l'origine des désordres ayant abouti à l'arrêt de la construction ; qu'en effet, les désordres constatés sur l'ouvrage édifié par la société LES DEMEURES G. R. ont entraîné un préjudice pour les époux X., en raison de l'arrêt des travaux et des contestations émises par ce constructeur pour reconnaître qu'ils étaient de sa responsabilité ; qu'il convient dès lors de condamner la société LES DEMEURES G. R. à payer à ce titre à Monsieur et Madame X. la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral par eux subi.

 

4-2) Privation de jouissance soit 93.600 euros :

Attendu que Monsieur et Madame X. réclament ensuite la condamnation de la société LES DEMEURES G. R. à les indemniser du chef de la privation de jouissance résultant de leur obligation d'avoir dû louer un logement à compter de mai 2008 après être restés pendant 18 mois hébergés dans leur famille ; qu'ils estiment que l'immeuble aurait dû leur être livré en janvier 2008 suivant le contrat de construction, que leur maison ne pouvant être reconstruite et habitable avant un délai minimum de 3 ans à compter de l'arrêt et que la valeur locative de cet immeuble peut être fixée à la somme mensuelle de 1.300 euros, ils demandent à la cour de fixer leur préjudice à la somme suivante : 1.300 euros X 12 mois X 6 années soit la somme de 93.600 euros.

Attendu que l'obligation pour les époux X. de se loger moyennant le paiement d'un loyer est justifiée par les quittances de loyer depuis octobre 2008 pour un montant de 810 euros par mois à cette date, devenu 842,15 euros par mois actuellement compte tenu de l'indexation ;

Mais attendu que les appelants ne fournissent aucun élément sur l'emprunt qu'ils ont contracté permettant de déterminer si leurs frais de logement actuels dans le cadre de la location s'avèrent supérieurs à ceux qu'ils auraient supportés au titre du prêt et des charges ; que s'ils restent effectivement subir un préjudice de jouissance résultant du fait de ne pas habiter dans l'immeuble dont ils avaient signé la construction mais dans un logement loué, il n'apparaît pas que ce préjudice puisse être indemnisé en fonction de la valeur locative hypothétique de l'immeuble qui aurait dû être construit ; qu'il convient dès lors de leur accorder un préjudice de jouissance que la cour évalue à la somme de 10.000 euros.

 

4-3) Évolution du BT01 soit 48.075 euros :

Attendu que Monsieur et Madame X. réclament l'indemnisation du surcoût que représentera la nouvelle construction qu'ils devront faire édifier pour obtenir une prestation de même qualité, soit la somme de 48.075 euros ; qu'ainsi, ils exposent que si la construction prévue en 2005 était d'un montant de 191.935 euros, ils seraient obligés de débourser 240.000 euros actuellement pour la faire édifier, d'où le solde réclamé ;

Mais attendu que compte tenu des nombreux avenants au contrat de construction signés par les parties, le coût de l'immeuble a été fixé à la somme de 192.000 euros, valeur au 1er trimestre 2007 et non pas en juin 2005, date de la signature du contrat ; qu'il apparaît que le préjudice des époux X. est un préjudice futur et incertain dont ils ne peuvent réclamer maintenant réparation et alors qu'ils seraient propriétaires, si la construction était menée à son terme dans un futur inconnu, d'un immeuble plus récent, bénéficiant de techniques plus modernes et de garanties plus performantes ; qu'il convient dès lors de les débouter de ce chef de demande.

 

4-4) Augmentation du coût de la construction soit 36.414 euros :

Attendu que Monsieur et Madame X. exposent qu'ils ont souscrit un emprunt, pour financer l'achat du terrain et la construction d'un immeuble, d'un montant de 224.000 euros avec un apport personnel de 9.000 euros ; qu'ils affirment avoir déjà remboursé sur cet emprunt la somme de 70.000 euros sans en justifier ; qu'ils affirment que pour financer le surcoût qu'ils évaluent, ainsi que précédemment exposé, à la somme de 48.075 euros, ils seront dans l'obligation de souscrire un nouveau prêt de ce montant, au taux de 4,30 % outre une assurance de 0,50 % l'an sur 25 ans, soit une augmentation du coût de la construction de 36.414 euros dont ils demandent à la société LES DEMEURES G. R. de prendre en charge ; mais attendu que la cour les ayant déboutés de ce préjudice futur et incertain, il convient de les débouter de ce chef de réclamation qui en découle.

 

4-5) Autres frais engagés soit 18.582 euros :

Attendu que les intérêts intercalaires de 6.160,03 euros dont les appelants réclament le remboursement correspondent à des sommes qu'ils justifient avoir payées entre septembre 2005 et septembre 2007, antérieurement à la location consentie (dernière échéance payée, celle d'août 2007) ; qu'ils n'ont réglé ni l'appel de fonds n° 2 ni l'appel de fonds n° 3 ; qu'il y a lieu dès lors de condamner la société LES DEMEURES G. R. à leur rembourser cette somme correspondant aux frais de déblocage des fonds suivant l'appel de fonds n° 1 payé ;

Attendu qu'ils affirment avoir réglé à la SMABTP le montant de l'assurance Multirisques des Constructeurs de Maisons Individuelles souscrite par la société LES DEMEURES G. R. d'un montant de 2.247,37 euros alors qu'il ressort de la lettre du 2 janvier 2007 de la SMABTP que la garantie était accordée à la société LES DEMEURES G. R. qui en étant redevable ; qu'ils ne s'expliquent pas sur un tel règlement ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande non justifiée ;

Attendu que les frais du Crédit Logement (caution pour 3.627,80 euros ), l'assurance résultant de la prise en charge par le G.I.L.E. d'un montant de 221 euros et les frais de dossier 'emprunt’(300 euros) correspondent à leur demande d'emprunt et de cautionnement de cet emprunt nécessaire pour financer la construction projetée ; que celle-ci n'a pas été menée à bien du fait du comportement de la société LES DEMEURES G. R. ; qu'il convient de condamner cette dernière à prendre en charge le coût de ces frais devenus sans cause, d'un montant de 4.148,80 euros ;

Attendu qu'en ce qui concerne le montant réclamé au titre de la porte de garage soit 1.166 euros (société JL Sécurité), des éléments de cuisine soit 1.000 euros (Una Cucina), de l'aspiration centralisée soit 200 euros (Cyclovac) et des études d'assainissement soit 300 euros (AES Conseil), ces prestations avaient été laissées à la charge des maîtres de l'ouvrage par le contrat de construction et ils ne sont donc pas recevables à en réclamer le règlement pas la société LES DEMEURES G. R. maintenant ;

Attendu que les frais d'huissier d'un montant total de 400 euros et enfin les études géotechniques soit 2.960,10 euros (Ginger-CEBTP Solen) correspondent à l'obligation dans laquelle ils ont été de faire établir les désordres allégués lors de la construction et des recherches des causes de ces désordres ; que ces prestations doivent effectivement être mises d'ores et déjà à la charge de la société LES DEMEURES G. R., soit la somme totale de 3.360,10 euros.

 

4-6) Frais engagés dans le cadre de l'expertise ordonnée par le tribunal soit 1.351,48 euros :

Attendu que les époux X. se sont fait assister par un bureau d'études lors des rendez-vous d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal, pour un montant facturé de 1.351,48 euros ; que cette intervention a été faite à la seule demande des époux X. qui doivent assumer cette prestation voulue d'eux seuls ; qu'il convient de les débouter de ce chef de demande.

Attendu en conséquence que la société LES DEMEURES G. R. est condamnée, outre le fait d'assumer la démolition de l'immeuble à ses frais et sous astreinte, à payer à Monsieur et Madame X. la somme totale de 31.668,93 euros ;

que le montant des sommes dues par Monsieur et Madame X. à la société LES DEMEURES G. R. à dire d'expert viendra en compensation des sommes dues par eux à cette société.

Attendu que l'intimée supportera les dépens d'appel d'ores et déjà exposés.

Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à Monsieur et Madame X. la charge de leurs frais irrépétibles exposés, sauf à les modérer.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN en date du 24 juin 2009,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 22 septembre 2010,

Infirme le jugement rendu le 27 juin 2008 par le tribunal de grande instance d'ÉVREUX en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame X. de leur demande de nullité du contrat de construction du 5 juillet 2005 signé avec la société LES DEMEURES G. R. et le confirme pour le surplus de l'expertise technique confiée à Monsieur M., puis en remplacement à l'expert Monsieur L.,

Et statuant à nouveau,

Déclare nul le contrat de construction signé le 5 juillet 2005 entre les parties pour défaut de garantie de remboursement lors de sa signature,

En conséquence,

Condamne la société LES DEMEURES G. R. à restituer à Monsieur et Madame X. la somme de 8.434 euros avec intérêts au taux légal à compter de leur assignation du 4 octobre 2007,

Condamne la société LES DEMEURES G. R. à démolir l'ouvrage édifié, à ses frais, et à remettre le terrain dans son état initial avant construction, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 4 mois après la signification de l'arrêt,

Dit que Monsieur et Madame X. sont redevables du paiement du coût de la construction réalisée par la société LES DEMEURES G. R. dont il conviendra de déduire le montant des désordres et pour l'évaluer et les condamne d'ores et déjà à payer cette somme à la société LES DEMEURES G. R.,

Ordonne un complément d'expertise et donne mission à l'expert L. expert près la Cour d'appel demeurant [...] d'évaluer le coût de la construction réalisée en 2007 par la société LES DEMEURES G. R. dont les époux X. sont débiteurs, sous déduction du montant des désordres qu'il a constatés lors de sa visite des lieux,

Condamne la société LES DEMEURES G. R. à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 31.668,93 euros à titre de dommages-intérêts et déboute ces derniers du surplus de leurs réclamations,

Ordonne la compensation entre les sommes qui sont dues respectivement par les parties,

Condamne la société LES DEMEURES G. R. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La condamne à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier     Le Président