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CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 22 février 2011

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 22 février 2011
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 2e ch.
Demande : 08/05416
Date : 22/02/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/09/2008
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2638

CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 22 février 2011 : RG n° 08/05416

Publication : Jurica

 

Extrait : « La société Cortix fait observer avec pertinence que les dispositions du code de la consommation au vu de l'article L. 121-24 4° ne sont pas applicables aux prestations de service lorsqu'elles sont en rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation (...) artisanale et que le site internet proposé, destiné à promouvoir l'activité de fleuriste de Madame X., répond à la définition ci-dessus rappelée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/05416. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 1er juillet 2008 (R.G. n° 2007F01038) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 4 septembre 2008.

 

APPELANTE :

SA CORTIX

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social [adresse], représentée par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL & JAUBERT, avoués à la Cour assistée de Maître KNEPPER substituant la SELARL BIAIS ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉE :

Madame X.

de nationalité française, demeurant [adresse], représentée par la SCP Michel PUYBARAUD, avoués à la Cour assistée de Maître Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTERVENANTS :

- Maître S., ès-qualités d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SA CORTIX

demeurant en cette qualité demeurant [adresse]

- La SELARL M.-P., ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SA CORTIX

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse]

représentés par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL & JAUBERT, avoués à la Cour assistés de Maître KNEPPER substituant la SELARL BIAIS ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2011 hors la présence du public, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François Bougon, Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-François BOUGON, Président, Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller, Monsieur Jean-François BANCAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé Goudot

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Madame X., fleuriste à [ville et département], est démarchée par Monsieur Y., agent commercial de la société Cortix, qui lui propose un contrat de création de site internet.

Le 3 mai 2006, Madame X. signe un contrat de location de prestations informatiques.

Par LRAC [N.B. lettre recommandée avec accusé de réception], datée du 4 mai 2006, Madame X. dénonce à la société Cortix le contrat qu'elle a signé la veille. Elle soutient qu'après lecture elle s'est aperçue que le contrat ne porte pas sur la création gratuite d'un site internet, ainsi que le lui aurait affirmé Monsieur Y., mais sur une location mensuelle de 85 euros ht pendant 48 mois de prestations informatiques que sa société ne peut assumer.

La société Cortix sans désemparer, crée le site internet sous le nom « [...] » et, par LRAR du 10 août 2006 et du 20 novembre 2006, met Madame X. en demeure de payer les loyers convenus.

En l'absence de règlement des mensualités, la société Cortix résilie le contrat de location aux torts exclusifs de Madame X. et l'assigne en paiement.

* * *

Par jugement du 1er juillet 2008, le tribunal de commerce de Bordeaux se déclare compétent et prononce, sur le fondement de l’article 1134 du code civil, la nullité des contrats passés entre la société Cortix et Madame X. La société Cortix est condamnée à payer à Madame X. une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les parties sont déboutées de leurs autres prétentions.

Le tribunal estime qu'il n'est pas prouvé que Monsieur Y. a employé des manœuvres dolosives pour obtenir la signature du contrat mais que Madame X. a accepté un engagement manifestement disproportionné sous sa pression sur son lieu de travail, aux heures d'ouverture. Au vu de la renonciation immédiate de Madame X. et des circonstances qui ont présidé à la signature des contrats, le tribunal considère que la condition de loyauté prévue à l’article 1134 du code civil n'existe pas.

* * *

La société Cortix relève appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation. Elle conclut à la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Madame X. et à sa condamnation à lui payer en application de l'article 17 des conditions générales du contrat :

- une somme de 5.453,76 euros TTC au titre des mensualités échues et à échoir, outre les intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 10 août 2006, date de la mise en demeure,

- une somme de 545,37 euros au titre de la clause pénale,

- une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle poursuit également la condamnation de l'intimée aux entiers dépens.

L'appelante soutient que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en relevant d'office le moyen tiré de l’article 1134 du code civil sans inviter les parties à présenter leurs observations. Elle fait valoir qu'aucune nullité ne peut être prononcée sur le fondement de l’article 1134 du code civil, que cet article régit l'exécution du contrat et non sa formation.

La société Cortix affirme que le dol invoqué n'est pas prouvé et que la mention « offert » figurant sur le contrat s'applique aux frais d'installation et au dépôt de garantie mais pas au montant des loyers, qui est l'obligation essentielle du contrat de location. Elle fait valoir que le montant de chaque mensualité est inscrit au contrat et que l'intimée, qui admet n'avoir lu le contrat qu'après l'avoir signé, a de ce fait commis une négligence. Elle souligne que le montant du loyer n'est pas disproportionné. Enfin, elle souligne que Madame X. qui est un tiers au contrat de travail conclu entre Monsieur Y. et son employeur ne peut se prévaloir du fait que l'agent serait sorti de son secteur de prospection.

Madame X., intimée, conclut à titre principal à la nullité du contrat pour dol et à titre subsidiaire à sa nullité pour erreur substantielle. À titre plus subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat sur le fondement de l’article 1134 du code civil. L'intimée conclut également à la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. L'intimée poursuit la condamnation de l'appelante aux entiers dépens.

À titre principal l'intimée soutient que Monsieur Y. a commis un dol en lui faisant croire que le contrat portait sur l'installation gratuite d'un site internet et que la mention « offert » qu'il avait apposé sur le contrat s'appliquait à l'ensemble des sommes indiquées dans le contrat. Elle affirme que l'agent commercial est resté plus de trois heures et demie dans son magasin pendant ses heures de travail, qu'il a fait preuve d'une politique commerciale agressive et qu'il ne lui a pas laissé le temps de prendre connaissance des conditions générales et particulières du contrat avant qu'elle ne le signe.

Au soutien de sa demande de dommages-intérêts, l'intimée fait valoir qu'elle a payé 1.533,50 euros au titre des honoraires de son conseil en première instance et qu'elle a dû payer des frais bancaires pour les oppositions sur prélèvement pendant 3 ans.

* * *

Par arrêt avant dire droit du 30 mars 2010, la cour invite les parties à s'expliquer sur l'application aux faits de l'espèce des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation.

* * *

Madame X., fait valoir que la jurisprudence ayant élargi la notion de « consommateur » aux « professionnels profanes », ce qui inclut le professionnel qui agit hors de ses compétences professionnelles, ce qui s'applique à sa situation d'entrepreneur individuel, fleuriste, qui contracte avec la société Cortix, spécialiste en informatique. Pour le surplus, elle reprend de plus fort son argumentation sur le dol, l'erreur et la mauvaise foi contractuelle de la société Cortix.

La société Cortix, son administrateur judiciaire et son mandataire judiciaire, estiment que les dispositions de la loi sur la consommation ne sont pas applicables au cas d'espèce. Pour les motifs déjà exposés, ils concluent à l'infirmation de la décision déférée et poursuivent la condamnation de l'intimée à payer à la société Cortix, la somme de 5.453.76 euros au titre des mensualités échues et à échoir, outre les intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 août 2006 et jusqu'à parfait paiement et la somme de 545.37 euros au titre de la clause pénale. Ils poursuivent la condamnation de l'intimée à payer à la société Cortix une somme de 2.000 euros pour frais irrépétibles.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

- Sur l'application de la loi sur le démarchage à domicile :

La société Cortix fait observer avec pertinence que les dispositions du code de la consommation au vu de l'article L. 121-24 4° ne sont pas applicables aux prestations de service lorsqu'elles sont en rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation (...) artisanale et que le site internet proposé, destiné à promouvoir l'activité de fleuriste de Madame X., répond à la définition ci-dessus rappelée.

 

- Sur le dol :

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé (article 1116 in fine du code civil). Au cas d'espèce, la relation par Madame X. des circonstances de la signature du contrat, l'attestation de son compagnon qui avait quitté les lieux lorsque le contrat a été signé, ou encore les témoignages extérieurs au contrat (article de presse ou sites internet relatant les mésaventures d'autres commerçants démarchés par la société Cortix ou des entreprises développant une activité similaire) sont insuffisants pour apporter la preuve, conformément à la loi, des manœuvres auxquelles se serait livré le commercial de la société Cortix pour obtenir la signature du contrat litigieux.

 

- Sur l'erreur :

L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet (article 1110 du code civil al. 1er). L'erreur n'est cause de nullité que si elle est excusable. Au cas d'espèce la croyance en la gratuité du contrat dans laquelle Madame X. aurait été entretenue par le commercial de la société Cortix n'aurait pas résisté à une simple lecture attentive du contrat (comme elle l'explique elle-même, c'est d'ailleurs cette lecture, faite après signature, qui l'a incitée à tenter d'obtenir la résiliation du contrat). Cette erreur de la part d'une commerçante n'est pas excusable au sens des dispositions sus-visées.

 

- Sur les dispositions de l’article 1184 du code civil :

Le défaut de loyauté du contractant, tiré des dispositions de l’article 1184 du code civil relatif à l'exécution du contrat, ne peut étayer l'annulation du contrat au moment de sa formation.

 

- Sur la résiliation du contrat :

La formation du contrat n'étant pas juridiquement critiquable, la société Cortix est fondée à se prévaloir des dispositions contractuelles qui ne sont pas autrement discutée et notamment de son article 17 relatif à la résiliation dès lors qu'il est constant que Madame X. n'a payé aucun loyer.

 

- Sur les mesures accessoires :

Il n'y a pas lieu à frais irrépétibles et les dépens de l'instance seront mis à la charge de Madame X. qui succombe.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Vu notre arrêt du 30 mars 2010,

Infirme la décision déférée et statuant à nouveau,

Condamne Madame X. à payer à la société Cortix la somme de 5.453.76 euros, avec intérêts calculés au taux légal à compter du 10 août 2006, et la somme de 545.37 euros,

Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles,

Condamne Madame X. aux entiers dépens et en ordonne la distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par Jean-François Bougon et par Hervé Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.