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CA PARIS (7e ch. A), 18 novembre 2008

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (7e ch. A), 18 novembre 2008
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 7e ch. sect. A
Demande : 06/06451
Date : 18/11/2008
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2690

CA PARIS (7e ch. A), 18 novembre 2008 : RG n° 06/06451 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que la clause du contrat selon laquelle les garanties cessent à l'expiration de la durée normale de remboursement du prêt, qui ne constitue nullement une clause d'exclusion de garantie, n'est en rien en contradiction avec l'acte de vente qui mentionne notamment que « les conditions dans lesquelles l'assurance garantit les risques couverts sont exposés en détail dans la police dont l'emprunteur reconnaît avoir pris connaissance et s'engage à respecter les clauses » ; qu'il ne s'agit ni d'une clause abusive, ni d'une clause ambiguë ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

SEPTIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/06451. (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 décembre 2005 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 04/00228.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

[adresse],

Madame Y. épouse X.

[adresse],

Représentés par Maître KIEFFER-JOLY, avoué, Assistés de Maître Isabelle GRACIA, avocat

 

INTIMÉE :

Société BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE ANTILLES-GUYANE - BFC-AG

[adresse], Représentée par la SCP RIBAUT, avoué, Assistée de Maître Odile MEYUNG-MARCHAND, avocat plaidant pour le cabinet TOUZET-BOCQUET

 

INTIMÉE :

Société PRUDENCE VIE- GROUPE GENERALI venant aux droits et obligations de ASSINCO CARAIBES ASSURANCES

[adresse], Représentée par la SCP FISSELIER- CHILOUX - BOULAY, avoué, Assistée de Maître Isabelle COUTANT-PEYRE, avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Madame Sabine GARBAN

CONSEILLERS : Mme Marie-Bernadette LE GARS-STONE et Mme Janick TOUZERY-CHAMPION

GREFFIER : Dominique BONHOMME-AUCLERE

DÉBATS : A l'audience publique du 6 octobre 2008

Rapport fait par Mme Sabine GARBAN, président en application de l'article 785 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE

ARRÊT : Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. Signé par Mme S. GARBAN, président, et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte authentique du 20 février 1987, M. et Mme X. ont acquis un bien immobilier, sis [adresse].

Ils ont financé cette acquisition au moyen d'un crédit contracté auprès de la Banque Française Commercial Antilles Guyane (BFCAG) d'un montant de 216.000 F, remboursable en 15 ans, du 5 mars 1987 au 5 février 2002.

Cet emprunt était garanti par une assurance décès-incapacité de travail-invalidité permanente contractée auprès de la Compagnie ABEILLE PAIX VIE.

Par jugement du 8 décembre 2000, le redressement judiciaire civil de M. et Mme X. a été prononcé. Le crédit de la BFCAG a été arrêté à la somme de 440.336,77 F au taux de 1 % l'an.

Son remboursement a été réaménagé dans sa durée et reporté au 5 février 2008, et réaménagé également dans le montant de ses échéances (4.774,67 F par mois).

M. X. a été mis en invalidité par arrêté du 31 décembre 2001. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 janvier 2002, posté le 23 janvier 2002, il a demandé à la BFCAG la prise en charge de son invalidité.

[minute Jurica page 3] Par courrier du 25 septembre 2003, la BFCAG a indiqué au conseil de M. X. que l'assureur n'entendait pas donner une suite favorable à la demande, mentionnant « à la date de déclaration de sinistre auprès de la compagnie d'assurances, suite à la demande de prise en charge de M. X. en date du 17, reçue le 28 janvier 2002, le prêt de 216.000 F accordé à M. X. était expiré depuis le 5 février 2002. »

Par acte du 9 décembre 2003, M. et Mme X. ont assigné devant le tribunal de grande instance d'Evry la Banque Française Commercial Groupe Crédit Agricole Indosuez et la société Assinco Caraïbes Assurances, demandant, à titre principal, la condamnation de l'assureur à les garantir du remboursement du prêt, à titre subsidiaire, la condamnation de la BFCAG à supporter la charge des sommes restant dues au titre du crédit.

Ils alléguaient qu'aucun refus de garantie n'avait été opposé à leur demande et qu'en l'instruisant l'assureur avait accepté le principe de la garantie ; que le contrat d'assurance était l'accessoire du contrat de crédit et s'imposait à l'assureur; qu'aucune cessation de garantie n'était expressément prévue en cas de prorogation de la durée de remboursement ; que la durée du contrat d'assurance doit être concomitante de celle du prêt ; qu'une exclusion de garantie ne peut être opposable que si elle est stipulée expressément et sans ambiguïtés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Ils reprochaient par ailleurs à la BFCAG d'avoir manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de les informer qu'en cas de prorogation de la durée du remboursement, ils devaient souscrire un nouveau contrat d'assurance.

La société PRUDENCE VIE est intervenue à la procédure, venant aux droits de la société ASSINCO CARAIBES ASSURANCES.

Par jugement du 19 décembre 2005, le tribunal a déclaré recevable l'action de M. et Mme X., les en a déboutés et les a condamnés à verser, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la BFCAG la somme de 1.500 € et à la société PRUDENCE VIE celle de 1.200 €.

Le tribunal a retenu, notamment, que la prorogation du contrat d'assurance n'avait pas été contractuellement prévue, de sorte que son terme n'a pu être prolongé par le jugement de redressement judiciaire ; que les époux X. ne peuvent reprocher à la BFCAG un défaut de conseil et d'information, dans la mesure où l'aléa n'existait plus, M. X. invoquant une incapacité définitive depuis le 31 décembre 2001 succédant à une incapacité survenue depuis 1997.

 

LA COUR,

Vu l'appel de ce jugement interjeté par M. et Mme X. ;

Vu les conclusions des appelants en date du 17 juillet 2006 par lesquels ils demandent à la cour :

- à titre principal, d'infirmer le jugement, de condamner la société PRUDENCE VIE à les garantir du remboursement du crédit consenti le 20 février 1987, et ce à compter de janvier 2002 ;

- à titre subsidiaire, de condamner la BFCAG à supporter la charge des sommes restant dues au titre du crédit ;

- de condamner in solidum les intimés à leur verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 11 décembre 2006 de la société PRUDENCE VIE - GROUPE GENERALI par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. et Mme X. à lui verser la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de [minute Jurica page 4] procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 14 novembre 2006 de la BFCAG par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner les époux X. à lui verser la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles d'instance ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Sur la garantie de l'assureur :

Considérant que M. et Mme X., reprenant les moyens soulevés en première instance, poursuivent à titre principal la garantie de l'assureur ;

Qu'ils font valoir qu'aucun refus tenant au fait que le prêt était expiré depuis le 5 février 2002 ne leur a été opposé au moment de la demande de prise en charge du 17 janvier 2002, que cet accord ab initio vaut acceptation du principe de l'indemnisation ;

Que le crédit a couru jusqu'en 2008, après réaménagement aux termes du plan de surendettement du 8 décembre 2000 ; qu'ils n'ont jamais reçu notification d'une exclusion du bénéfice de l'assurance selon les dispositions de l'article L. 140-3 du code des assurances ;

Qu'il y a indivisibilité entre le contrat de crédit et le contrat d'assurance ; que l'assurance étant l'accessoire du crédit, le régime du crédit s'impose à l'assureur tenu à garantie jusqu'au remboursement intégral du prêt ;

Que la clause du contrat d'assurance, selon laquelle les garanties cessent à l'expiration de la durée normale de remboursement total du prêt est en contradiction avec l'acte notarié de vente du 20 février 1987 ; qu’il s'agit dès lors d'une clause abusive qui doit, conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, être réputée non écrite ;

Que, subsidiairement, s'agissant d'une clause d'exclusion, elle est ambiguë et ne peut de ce fait recevoir effet ;

Mais considérant que les premiers juges ont pertinemment retenu que M. et Mme X. ne peuvent prétendre que l'assureur, en ne manifestant aucun refus lors de la déclaration de sinistre du 17 janvier 2002, avait accepté de prendre en charge le risque, alors que toute déclaration de sinistre entraîne pour l'assureur la nécessité de l'instruire avant de pouvoir se prononcer ;

Considérant que l'article 18 du contrat d'assurance, intitulé « Formalités en cas d'incapacité ou d'invalidité », stipule :

« En cas d'incapacité ou d'invalidité, le Contractant, ou à défaut l'Assuré, doit en faire la déclaration à l'Assureur dans les 90 jours qui suivent la date du premier acte médical relatif audit état, et lui remettre le certificat médical constatant l'incapacité ou l'invalidité. (...) Si la maladie ou l'accident pouvant ouvrir droit aux prestations au titre des garanties énoncées ci-avant, n'a pas été déclaré dans un délai de 120 jours, il sera considéré comme étant survenu le jour de la déclaration. »

Considérant que par courrier recommandé avec accusé réception du 17 janvier 2002, M. X. a déclaré à la BFCAG être en invalidité depuis le 31 décembre 2001 et a demandé le bénéfice de la garantie ; que, toutefois, il n'a pas fait cette déclaration dans les termes de l'article [minute Jurica page 5] 18 ci-dessus, faute de l'avoir accompagnée d'un certificat médical constatant son état ;

Considérant qu'il a adressé à la BFCAG le certificat médical en cause par courrier recommandé avec accusé réception du 16 décembre 2002 ; que ce certificat mentionne que son incapacité a débuté le 2 septembre 1997, de sorte que n'ayant pas été déclarée dans les 120 jours, la maladie doit être considérée comme survenue le jour de la déclaration, soit le 16 décembre 2002, et, ainsi, postérieurement à l'expiration de la police, en date du 5 février 2002 ;

Considérant que M. et Mme X. ne peuvent prétendre que le contrat de prêt aurait été prorogé par le plan de redressement judiciaire civil jusqu'en 2008, ce qui entraînerait une obligation de garantie à la charge de l'assureur jusqu'au remboursement intégral du prêt ; qu'en effet, l'octroi de délais accordés au débiteur par le plan de surendettement suspend l'exécution forcée à son encontre et atteint le droit d'agir du créancier sans modifier le contrat ; que s'agissant du terme contractuel, il n'y avait pas lieu de notifier à M. X. une exclusion du bénéfice de l'assurance ;

Considérant que la clause du contrat selon laquelle les garanties cessent à l'expiration de la durée normale de remboursement du prêt, qui ne constitue nullement une clause d'exclusion de garantie, n'est en rien en contradiction avec l'acte de vente qui mentionne notamment que « les conditions dans lesquelles l'assurance garantit les risques couverts sont exposés en détail dans la police dont l'emprunteur reconnaît avoir pris connaissance et s'engage à respecter les clauses » ; qu'il ne s'agit ni d'une clause abusive, ni d'une clause ambiguë ;

Considérant, ainsi, que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme X. de leur demande tendant à la garantie du sinistre par la société PRUDENCE VIE ;

 

Sur la responsabilité de la société BFCAG :

Considérant que les époux X. déclarent que la BFCAG n'a pas respecté son devoir d'information et de conseil, faute de les avoir informés qu'en cas de prolongation de la durée du crédit la souscription d'un nouveau contrat d'assurance était nécessaire ; qu'elle a commis des fautes tant dans la gestion de l'opération de crédit que dans la déclaration de sinistre ; qu'en conséquence, elle doit être condamnée à supporter la charge du crédit restant dû;

Considérant que la BFCAG rétorque :

- qu'au lieu de déclarer une incapacité survenue en 1997, M. X. a attendu janvier 2001 pour solliciter la garantie de l'assureur, se privant de cette garantie et l'en privant elle-même ;

- que les conditions générales du contrat d'assurance prévoient clairement que la police a pour terme l'expiration normale de la durée du prêt;

- que M. X. était dans l'impossibilité de souscrire une nouvelle police pour la période postérieure au 5 février 2002, dans la mesure où l'aléa n'existait plus ;

Mais considérant qu'ainsi que ci-dessus retenu, le plan de surendettement ne constitue pas une prorogation du crédit ; que les époux X. ne pouvaient ignorer que le contrat d'assurance, comme le contrat de prêt, avaient été souscrits pour 15 ans et arrivaient à échéance le 5 février 2002 ; qu'en outre, l'aléa avait disparu au 8 décembre 2000, date du jugement de redressement judiciaire civil, dans la mesure où M. X. se trouvait en incapacité depuis le 2 septembre 1997 ; que M. X. ne caractérise pas les fautes qu'aurait commises la BFCAG dans la gestion de l'opération et dans la déclaration de sinistre ; qu'il convient de confirmer le jugement sur le rejet de ce chef de demande ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

[minute Jurica page 6] Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 19 décembre 2005 ;

Condamne M. et Mme X. à payer à la société PRUDENCE VIE GROUPE GENERALI et à la société BFCAG, à chacune d'elles, la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,    Le Président,