CA REIMS (ch. soc.), 16 janvier 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2700
CA REIMS (ch. soc.), 16 janvier 2008 : RG n° 06/02584
Publication : Jurica
Extrait (arguments du demandeur) : « Il expose : - qu'il y a lieu de requalifier en contrat à durée indéterminée le contrat du 15 mai 2003 en ce qu'il ne mentionne pas le motif du recours, en ce qu'il comporte une clause abusive « si pour une raison quelconque, une clause du contrat n'est pas respectée, il deviendra sans effet », et enfin en ce qu'il s'est poursuivi au-delà du terme ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 16 JANVIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/02584.
APPELANTS :
d'un jugement rendu le 1er février 2005 par le Conseil de Prud'hommes de SEDAN, section activités diverses
- Monsieur X. exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS
[adresse], Comparant en personne
- SCP DARGENT MORANGE TIRMANT, en la personne de Maître DARGENT, en sa qualité de représentant des créanciers de Monsieur X.
[adresse], Non comparant, ni représenté
INTIMÉS :
- Monsieur Y.
[adresse], [minute Jurica page 2] Représenté par la SCP MANIL, avocats au barreau de CHARLEVILLE-MÉZIÈRES
- AGS ET CGEA D'AMIENS
[adresse], Représenté par Maître RAFFIN, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur Christian MALHERBE, Président, Madame Christine ROBERT, Conseiller, Madame Claire CHAUX, Conseiller
GREFFIER lors des débats : Madame Elisabeth LAVABRE, Greffier en Chef
DÉBATS : À l'audience publique du 26 novembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2008,
ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile et signé par Monsieur Christian MALHERBE, Président, et par Madame Elisabeth LAVABRE, Greffier en Chef, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Monsieur Y. a été embauché par contrat à durée déterminée à compter du 15 mai 2003 pour une durée de 3 mois au sein de D. ÉDITIONS moyennant un salaire brut horaire de 6,83 € sur la base de 168 heures mensuelles soit 907,60 €.
Ayant eu un accident de trajet le 28 novembre 2003 et l'employeur ayant mis fin à son contrat de travail le 30 novembre 2003 sans procédure ni envoi de lettre de licenciement, Monsieur Y. a saisi le conseil de Prud'hommes de SEDAN, lequel par jugement du 1er février 2005, a condamné Monsieur X., exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS, à lui verser les sommes suivantes :
- 1.207,92 € à titre d'indemnité de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
- 1.207,92 € d'indemnité de préavis ;
- [minute Jurica page 3] 120,79 € d'indemnité de congés payés sur préavis ;
- 7.247,52 € à titre d'indemnité pour violation des dispositions de l'article L. 324-10 du code du travail ;
- 600 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le 22 mars 2005, Monsieur X. interjetait régulièrement appel de cette décision.
À la barre, il sollicitait la réformation du jugement entrepris aux motifs que 2 contrats à durée déterminée, et non un seul, avaient été signés avec Monsieur Y., le premier le 15 mai 2003 pour une durée de 3 mois jusqu'au 15 août 2003 et le second, à compter du 1er septembre 2003 jusqu'au 30 novembre 2003 ; qu'il avait embauché ce jeune dans l'unique but de rendre service et qu'un problème de fax était à l'origine de la non transmission à l'URSSAF de la déclaration préalable à l'embauche.
Par jugement du Tribunal de Commerce de SEDAN en date du 20 mars 2006, Monsieur X., exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS, était placé en redressement judiciaire et Maître DARGENT, désigné en qualité de représentant des créanciers.
Monsieur Y. conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée mais sollicite que l'indemnité accordée de 1.207,92 € soit inscrite au passif du redressement judiciaire de D. ÉDITIONS.
Il demande en outre :
- que la décision attaquée reconnaissant que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse soit infirmée en ce que la somme de 7.247,52 € doit lui être accordée en réparation du préjudice subi et de l'irrégularité de la procédure, ayant 6 mois d'ancienneté au sein de l'entreprise ;
- que l'indemnité de préavis soit fixée, non pas à un mois de salaire comme l'ont fait les premiers juges, mais à deux mois soit 2.415,84 €, conformément à la convention collective, outre la somme de 241,50 € au titre des congés payés sur préavis et que cette créance soit inscrite au passif du redressement judiciaire ;
- que la somme de 7.247,52 € qui lui a été accordée à titre d'indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire, pour violation de l'article L. 324-10 du code du travail, soit inscrite au passif de la société D. ÉDITIONS ;
- que l'arrêt soit déclaré commun et opposable à Maître DARGENT ès qualité de représentant des créanciers et au CGEA, ce dernier faisant l'avance des créances ainsi établies ;
- que lui soit versée la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il expose :
- qu'il y a lieu de requalifier en contrat à durée indéterminée le contrat du 15 mai 2003 en ce qu'il ne mentionne pas le motif du recours, en ce qu'il comporte une clause abusive « si pour une raison quelconque, une clause du contrat n'est pas respectée, il deviendra sans effet », et enfin en ce qu'il s'est poursuivi au-delà du terme ;
- qu’il a été licencié sans respect de la procédure légale et qu'il a subi un préjudice du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- [minute Jurica page 4] qu'à la suite de son accident du travail, il s'est rendu compte que D. ÉDITIONS n'avait pas déclaré son embauche, l'empêchant de prétendre au paiement de ses indemnités et à l'ASSEDIC ; qu'il devra donc être fait application des dispositions de l'article L. 324-11 du code du travail.
L'AGS-CGEA d'Amiens concluent à titre principal qu'au regard du plan de redressement arrêté le 2 juillet 2007 par le Tribunal de Commerce de SEDAN et Monsieur X. se trouvant désormais in bonis, c'est à lui qu'il incombe de régler les éventuelles sommes mises à sa charge ; que la décision à intervenir ne pourra leur être déclarée opposable qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur.
À titre subsidiaire, l'AGS-CGEA d'Amiens concluent :
- à la confirmation du jugement attaqué en ce qui concerne l'indemnité de préavis,
- que Monsieur Y., qui a moins de 2 ans d'ancienneté dans une entreprise de moins de 11 salariés, devra justifier du préjudice occasionné par la rupture de son contrat de travail ; à défaut, il devra être débouté de ses demandes ;
- qu'il ne rapporte pas la preuve du caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié ;
- que la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile n'entre pas dans le champ de garantie du CGEA d'Amiens - AGS ;
- qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils ne pourront être amenés à avancer le montant des condamnations qui seront éventuellement prononcées qu'entre les mains du commissaire à l'exécution du plan et dans la seule limite des textes légaux et plafonds réglementaires applicables, à l'exclusion de tous intérêts et autres.
Maître DARGENT, es qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire n'est ni présent, ni représenté.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il n'est pas établi, au vu des pièces produites, qu'un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté. En conséquence, seul sera pris en compte le redressement judiciaire résultant de la décision en date du 20 mars 2006.
- Sur la requalification du contrat :
Il ressort de l'examen des pièces versées aux débats que Monsieur Y. a été embauché le 15 août 2003 par D. ÉDITIONS en vertu d'un contrat à durée déterminée de 3 mois, dont le terme expirait le 15 août 2003 et qu'un second contrat a été signé à compter du 1er septembre 2003 pour une même durée, expirant le 30 novembre 2003, prévoyant une rémunération mensuelle brute de 1.207,92 €.
Les dispositions de l'article L. 122-3-1 du code du travail prévoient que le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif ; à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Force est de constater en l'espèce que les contrats litigieux ne mentionnent pas le motif pour lequel il y a été fait recours.
En conséquence, il convient de requalifier ces contrats en contrat à durée indéterminée à compter du 15 mai 2003 et d'allouer à Monsieur Y., par application des dispositions de l'article L. [minute Jurica page 5] 122-3-13 du code du travail, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire et qu'il convient de fixer, ainsi que l'ont fait les premiers juges, à la somme de 1.207,92 €. Cette somme sera inscrite au passif du redressement judiciaire de Monsieur X., exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS.
- Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Il est constant que le contrat de travail a été rompu sans qu'aucune lettre de convocation à un entretien préalable n'ait été envoyée, sans qu'aucun entretien n'ait eu lieu, sans qu'aucune lettre de licenciement n'ait été adressée à Monsieur Y. le mettant ainsi dans l'impossibilité de connaître les faits qui lui étaient reprochés.
Le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse lui cause un préjudice qu'il convient de réparer par l'allocation d'une somme de 1.500 €, laquelle sera inscrite au passif du redressement judiciaire de Monsieur X., exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS.
Le jugement entrepris sera réformé de ce chef.
- Sur l'indemnité de préavis et les congés payés sur préavis :
La convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française, applicable en l'espèce, prévoit que l'employeur est tenu de verser au salarié, en cas de licenciement, une indemnité de 2 mois de salaire et non un mois comme l'ont retenu les premiers juges.
En conséquence, il doit être accordé à Monsieur Y. la somme de 2.415,84 € outre la somme de 241,58 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis. Ces sommes seront inscrites au passif du redressement judiciaire de Monsieur X., exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS.
Le jugement attaqué sera donc infirmé.
- Sur l'indemnité au titre du travail dissimulé :
Est réputé travail dissimulé aux termes des dispositions de l'article L. 324-10 du code du travail, l'employeur qui intentionnellement n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur.
Contrairement à ce qui a été retenu par le Conseil de Prud'hommes, il n'est pas démontré, au vu des pièces produites, que Monsieur X. a intentionnellement omis de déclarer Monsieur Y. auprès des organismes sociaux et notamment de l'URSSAF préalablement à son embauche.
En conséquence, il convient de rejeter la demande d'indemnité pour violation de l'article L. 324-10 du code du travail.
- Sur les demandes de l'AGS-CGEA d'Amiens :
Aux termes des dispositions de l'article L. 143-11-1 du code du travail, l'AGS-CGEA d'Amiens doit sa garantie au titre de l'ensemble des sommes susvisées allouées à Monsieur Y.
- Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
[minute Jurica page 6] Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Y. la charge des frais qu'il a du exposer pour sa représentation en justice.
Il lui sera accordé la somme de 800 € à ce titre.
- Sur les dépens :
Monsieur X., exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS, qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 1er février 2005 par le Conseil de Prud'hommes de SEDAN en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau :
Fixe la créance de Monsieur Y. au passif du redressement judiciaire de Monsieur X., exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS aux sommes suivantes :
- 1.207,92 € à titre d'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
- 1.500 € à titre de dommages et intérêts du chef de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- 2.415,84 € d'indemnité de préavis ;
- 241,58 € d'indemnité de congés payés sur préavis ;
Déboute Monsieur Y. de sa demande d'indemnité du chef de travail dissimulé ;
Dit que la garantie de l'AGS-CGEA d'Amiens est acquise pour ces sommes ;
Condamne Monsieur X. exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS à verser à Monsieur Y. la somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Donne acte au CGEA d'Amiens - AGS de ce que l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile n'entre pas dans le champ de leur garantie ;
Condamne Monsieur X., exerçant sous l'enseigne D. ÉDITIONS, aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT,