TGI PARIS (ch. loy. com.), 6 novembre 1998
CERCLAB - DOCUMENT N° 2755
TGI PARIS (ch. loy. com.), 6 novembre 1998 : RG n° 1998/05414
(sur appel CA Paris (16e ch. civ., sect. A) 22 novembre 2000 : RG n° 1999/02789)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
CHAMBRE DES LOYERS COMMERCIAUX
JUGEMENT DU 6 NOVEMBRE 1998
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1998/05414.
DEMANDEUR :
Société OPTICAL SHOP OF PASSY (Enseigne DESTRAY PASSY)
[adresse], représentée par Maître Yvan BARTHOMEUF avocat P 407
DÉFENDEUR :
Société HERON PASSY, SA
[adresse], représentée par Maître Dominique COHEN-TRUMER, avocat A 009
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Isabelle PULVER, JUGE
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, conformément aux dispositions au l'article 29 du décret du 30 septembre 1953 modifié ;
Assistée de Monsieur Antoine LIANG, faisant fonction de Greffier
DÉBATS : Audience du 2 juillet 1998 tenue publiquement.
JUGEMENT : Prononcé en audience publique Contradictoire, En Premier Ressort.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 10 novembre 1992, la COMPAGNIE FONCIÈRE DE PASSY, aux droits de laquelle se trouve la société HERON PASSY SA, a donné à bail à la société OPTICAL SHOP OF PASSY, divers locaux commerciaux, dépendant de la GALERIE X. située [adresse].
Par courrier avec avis de réception en date du 15 octobre 1997, la société OPTICAL SHOP OF PASSY a sollicité la révision à la baisse de son loyer de base.
Dans le cadre d'une assignation en date du 18 mars 1998, la société locataire fait valoir que contrairement aux allégations de la bailleresse, sa demande de révision est fondée, en dépit de l'existence d'une clause de loyer variable.
Elle rappelle que le loyer fixe dit de base, est d'un tel montant que la partie variable du loyer n'a en pratique aucune chance de recevoir application.
Elle ajoute que la société HERON PASSY SA a parfaitement connaissance de cette situation dès l'origine, puisque le loyer dit variable, est qualifié d'éventuel aux termes du bail.
Elle soutient dès lors que sa demande de révision doit être reçue en application des dispositions de l'article 27 du Décret du 30 septembre 1953, dont la lecture doit être faite au regard de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 24 janvier 1996, selon lequel « le prix du bail révisé ne peut en aucun cas excéder la valeur locative », et ce même en l'absence de toute modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.
Concernant cette évolution, la société OPTICAL SHOP OF PASSY ajoute que selon un rapport privé de Monsieur M., la commercialité de la galerie a considérablement chuté, et a entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative, justifiant la révision du loyer à la baisse.
La société OPTICAL SHOP OF PASSY demande en conséquence au Juge des Loyers Commerciaux sous le bénéfice de l'exécution provisoire de :
- fixer le montant du loyer révisé à la somme de 292.000 Francs HT en principal et par an à compter du 15 octobre 1997.
- ordonner la restitution ou la compensation des sommes trop perçues par la bailleresse, avec intérêts au taux légal à compter des dates de versement.
- [minute page 3] condamner la société HERON PASSY SA à lui payer la somme de 15.000 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 699 du même code.
Par mémoire en date du 2 juin 1998, la société HERON PASSY SA réplique qu'en raison de l'existence d'une clause dite de loyer variable, au sein du bail, les dispositions de l'article 27 du Décret du 30 septembre 1953 ne peuvent s'appliquer.
Elle estime en effet que ce sont les parties qui ont régi contractuellement le mode d'évolution des loyers pendant la durée du bail.
A titre subsidiaire, la société bailleresse fait valoir que l'article précité, exige une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle même une variation de 10% de la valeur locative, pour pouvoir réviser le loyer.
Elle précise qu'il n'y a lieu de rechercher la valeur locative réelle des locaux et de l'appliquer) que dans l'hypothèse où cette dernière est inférieure au loyer indexé, sans pouvoir être inférieure au loyer contractuellement en vigueur au jour de la révision.
La société HERON PASSY SA relève ainsi que la société locataire ne rapporte pas la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.
A titre infiniment subsidiaire, elle estime que la valeur locative retenue par la société OPTICAL SHOP OF PASSY n'est pas réaliste et rappelle que les loyers des autres boutiques n'ont cessé d'augmenter entre 1994 et 1996.
La société HERON PASSY SA demande en conséquence au Juge des Loyers Commerciaux de
- débouter la société OPTICAL SHOP OF PASSY de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- condamner la société OPTICAL SHOP OF PASSY à lui payer la somme de 15.000 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] MOTIFS ET DÉCISION :
Attendu que les dispositions du Décret du 30 septembre 1953, relatives à la révision du loyer du bail, ne sont pas d'ordre public, les parties pouvant prévoir des modalités de fixation particulières dérogeant à l'article 23 du décret précité.
Que ces dispositions ne doivent prévaloir, qu'à défaut d'accord des parties.
Qu'en l'espèce ces dernières ont choisi d'appliquer à la convention de bail, un loyer de type binaire comportant une partie fixe minimum garantie de 430.237,50 Francs HT et HC et une partie variable calculée en fonction du chiffre d'affaires réalisé par la société locataire, soit sur l'éventuelle différence entre le loyer de base et un pourcentage (de 7 %) du chiffre d'affaires hors taxe réalisé par le preneur.
Qu'il ne s'agit donc pas d'une clause prévoyant à titre éventuel, un loyer variable, ainsi que l'affirme la société locataire.
Qu'au contraire cette clause est d'application automatique dès que le chiffre d'affaires du preneur atteint le pourcentage exigé.
Attendu que de même que les deux composantes du loyer sont contractuellement indivisibles, le raisonnement permettant l'évaluation de chacune d'elles est indissociable.
Qu'il ne peut résulter que de la seule volonté des parties, dès lors qu'elles n'ont pas entendu préciser les critères d'évaluation ou de ratio particulier entre la partie fixe et la partie variable du loyer.
Qu'enfin il n'est fait référence en l'espèce « qu'aux usages constants en matière de galeries et centres commerciaux », la partie fixe du loyer ayant été qualifiée de « loyer de base forfaitaire et global » et la partie variable étant définie comme un « loyer variable additionnel ».
Qu'ainsi il n'existe aucun élément permettant de soutenir que les parties ont entendu fixer le loyer en en fonction de la valeur locative des locaux, alors que non seulement les termes du contrat ne corroborent pas cette interprétation, mais ne renvoient ni ne font référence à une valeur locative proprement dite.
Que ce contrat de bail commercial s'assimile donc, à un contrat d'association tendant à palier tout risque de nature économique, qui ne peut relever que de la seule volonté des parties et dans l'exécution duquel les tiers, dont le juge, ne peuvent intervenir.
[minute page 5] Qu'en conséquence et conformément aux principes de la liberté contractuelle et de la force obligatoire du contrat, il y a lieu de débouter la société OPTICAL SHOP OF PASSY de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Sur l'exécution provisoire :
Attendu que les circonstances de l'espèce font que l'exécution provisoire de cette décision est sans objet.
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que les conditions d'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ne sont pas réunies en en faveur des parties.
Qu'il convient dès lors de les débouter des demandes formées à ce titre.
Sur les dépens :
Attendu que la société OPTICAL SHOP OF PASSY succombe dans ses prétentions, elle sera condamnée aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal
DÉBOUTE la société OPTICAL SHOP OF PASSY de sa demande de révision.
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
DIT n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision.
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
CONDAMNE la société OPTICAL SHOP OF PASSY à supporter les entiers dépens avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande dans les formes de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
FAIT ET JUGE A PARIS, LE 6 NOVEMBRE 1998,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
A. LIANG I. PULVER