CA PARIS (16e ch. sect. A), 22 novembre 2000
CERCLAB - DOCUMENT N° 1841
CA PARIS (16e ch. sect. A), 22 novembre 2000 : RG n° 1999/02789
(sur pourvoi Cass. civ. 3e, 10 décembre 2002 : pourvoi n° 01-10208 ; arrêt n° 1877)
Publication : Juris-Data n° 128716
Extrait : « Mais considérant qu'il est de principe que la fixation du loyer « fixe », qui est l'une des composantes d'un loyer dit binaire, n'est pas régie par les dispositions du décret du 30 septembre 1953 ; qu'elle reste déterminée ainsi que les parties l'ont librement voulu lors de la conclusion du bail ; Que dans ces conditions, la clause de fixation du prix du loyer dont il s'agit n'est illicite ni au regard de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953 ni au vu des textes relatifs aux clauses abusives, lesquels textes tendent à la protection du consommateur, qualité que le contrat de bail ne donne pas à la société locataire OPTICAL ; Considérant qu'il s'ensuit que la demande de révision du loyer en cause ne peut être accueillie ».
COUR D’APPEL DE PARIS
SEIZIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : R.G. n° 1999/02789. (5 pages). Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 6 novembre 1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS Chambre des Loyers Commerciaux RG n° : 1998/05414.
Date ordonnance de clôture : 26 septembre 2000.
Nature de la décision : CONTRADICTOIRE
Décision : CONFIRMATION
APPELANT :
SARL OPTICAL SHOP OF PASSY (EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE DESTRAY PASSY)
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représenté par Maître CORDEAU, avoué, assisté de Maître BARTHOMEUF YVAN, Toque P407, Avocat au Barreau de PARIS, SCP Bernard et Yvan BARTHOMEUF
INTIMÉ :
SNC SEPF - SEINE SNC (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE STE HERON PASSY)
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représenté par la SCP TEYTAUD, avoué, assisté de Maître COHEN-TRUMER-DOMINIQUE, Toque A9, Avocat au Barreau de PARIS
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Monsieur DUCLAUD, Président ; Madame IMBAUD-CONTENT, Conseiller ; Madame COBERT, Conseiller
DÉBATS : Al' audience publique du 3 octobre 2000
GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt : N. ESTEVE
ARRÊT : Prononcé publiquement par Monsieur DUCLAUD, Président, lequel a signé la minute assisté de N. ESTEVE, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Cour statue sur l'appel interjeté par la société OPTICAL SHOP OF PASSY d'un jugement du Tribunal de grande instance de PARIS du 6 novembre 1998 qui a :
- débouté la société OPTICAL SHOP OF PASSY de sa demande de révision,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- condamné la société OPTICAL SHOP OF PASSY à supporter les entiers dépens.
Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit.
Par acte sous seing privé en date à Paris du 10 novembre 1992, la COMPAGNIE FONCIÈRE DE PASSY, aux droits de laquelle se trouve actuellement la Société HERON PASSY, a consenti à la société OPTICAL SHOP OF PASSY exerçant sous l’enseigne DESTRAY PASSY [minute page 3] un bail commercial d'une durée de neuf ans prenant effet à la mise à disposition du local commercial à l'état de « coque », soit en l'espèce le 1er juillet 1993, et ce, à usage de vente de lunettes.
Ce bail a été conclu moyennant un loyer annuel de base forfaitaire de 430.237,50 francs, hors taxes et hors charges, indexé annuellement sur l'indice du coût de la Construction publié par l'INSEE, et, un loyer variable additionnel correspondant éventuellement à la différence entre le loyer de base forfaitaire et 7 % HT du chiffre d'affaires annuel hors taxes du preneur.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 octobre 1997, la société DESTRAY PASSY a demandé à compter de cette date la révision du loyer conformément aux dispositions de l'article 27 du décret du 30 septembre 1953, à un montant annuel de 220.000 francs HT.
A défaut d'accord de la société bailleresse, un mémoire en demande lui a été notifié le 4 février 1998, conformément aux dispositions de l'article 29-1 du décret du 30 septembre 1953.
Par un mémoire en défense en date du 26 février 1998, la société HERON PASSY s'est opposée à la demande la concluante.
La société HERON PASSY a été assignée le 18 mars 1998 en fixation du loyer révisé à la somme de 292.000 francs à compter du 15 octobre 1997.
La société DESTRAY PASSY a maintenu ses demandes aux termes d'un mémoire en réplique en date du 3 juin 1998.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré.
La société OPTICAL SHOP OF PASSY, appelante, demande à la Cour de :
Vu notamment les dispositions des articles 23, 27 et 35 du décret du 30 septembre 1953. 1131, 1134 et 1135 du Code civil :
- dire qu'elle est recevable et bien fondée en son appel,
- y faisant droit, dire et juger nul et de nul effet et en toute hypothèse réputer non écrit l'article 1.4.2 du bail en date du 10 novembre 1992,
- fixer le montant du loyer annuel révisé en principal, à la somme de 292.000 francs à compter du 15 octobre 1997,
- [minute page 4] ordonner la restitution ou la compensation des sommes trop perçues par la société SEPF - SEINE SNC depuis le 15 octobre 1997, avec intérêts au taux légal à compter des dates effectives de versements par la société OPTICAL SHOP OF PASSY,
- condamner la société SEPF - SEINE SNC à lui payer la somme de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
- condamner la société SEPF - SEINE SNC aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels pour ceux la concernant pourront être recouvrés par Maître Nadine CORDEAU, avoué à la Cour, dans les conditions de l'article 699 du NCPC.
La SEPF - SEINE SNC, anciennement dénommée Société HERON PASSY, intimée, prie la Cour de :
- débouter le preneur de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer en conséquence purement et simplement en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- y ajoutant, condamner la société OPTICAL SHOP OF PASSY à lui payer une somme de 15.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- condamner la société OPTICAL SHOP OF PASSY aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SCP TEYTAUD, conformément à l'article 699 du NCPC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Considérant que la société OPTICAL soutient que la clause afférente au loyer insérée dans le bail qui la lie à la société SEPF, bailleresse, est nulle, ou à tout le moins non écrite, car elle est abusive ; qu'elle expose d'abord que le loyer se compose d'une partie fixe de 430.237,50 francs par an, hors taxes et hors charges et d'un loyer variable additionnel correspondant éventuellement à la différence entre le loyer de base et un pourcentage du chiffre d'affaires (7 %) ; que dans ce cas, pour que ce loyer variable s'applique, il faut que le chiffre d'affaires soit supérieur à 6.300 francs HT, ce qui est rigoureusement impossible compte tenu du fait qu'elle vend des lunettes dans un local de 35 m² ; qu'il faudrait donc pour la mise enjeu du loyer variable que la société OPTICAL réalise un chiffre d'affaires de 203.000 francs au m², contre 87.000 francs, étant précisé que la bailleresse reconnaît que la société [minute page 5] OPTICAL est celle qui réalise le meilleur chiffre d'affaires au m² du Centre Commercial ;
Que la société appelante en conclut que le loyer variable n'étant pas susceptible d'entrer en jeu dans la réalité, la bailleresse l'a prévu dans le bail uniquement afin d'échapper aux dispositions d'ordre public de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953 relatives à la révision du loyer ;
Que, toujours selon l'appelante, si la clause du loyer variable n'est pas en principe illicite, le but du bailleur en l'espèce est illicite puisque celle-ci a pour effet de le prémunir contre ·toute baisse de facteurs locaux de commercialité et par un effet de « cliquet », le loyer ne pouvant qu'être fixé à la hausse mais jamais à la baisse puisque les conditions de l'article 27 du décret du 30 septembre 1953 ne pourront jamais être réunies ;
Mais considérant qu'il est de principe que la fixation du loyer « fixe », qui est l'une des composantes d'un loyer dit binaire, n'est pas régie par les dispositions du décret du 30 septembre 1953 ; qu'elle reste déterminée ainsi que les parties l'ont librement voulu lors de la conclusion du bail ;
Que dans ces conditions, la clause de fixation du prix du loyer dont il s'agit n'est illicite ni au regard de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953 ni au vu des textes relatifs aux clauses abusives, lesquels textes tendent à la protection du consommateur, qualité que le contrat de bail ne donne pas à la société locataire OPTICAL ;
Considérant qu'il s'ensuit que la demande de révision du loyer en cause ne peut être accueillie ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé ;
* * *
Considérant qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser la société SEPF supporter la charge de ses frais irrépétibles de procédure; qu'elle sera donc déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile;
Considérant que la société OPTICAL, qui succombe, ne saurait se voir allouer une indemnité sur ce fondement ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu en l'espèce à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
Condamne la société OPTICAL SHOP OF PASSY aux dépens d'appel ; autorise la SCP TEYTAUD, avoué, à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
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