T. COM. PARIS (10e ch.), 5 novembre 1993
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 278
T. COM. PARIS (10e ch.), 5 novembre 1993 : RG n° 92/040834
(sur appel CA Paris (5e ch. C), 13 octobre 1994 : RG n° 94/2309)
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
DIXIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 5 NOVEMBRE 1993
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 92/040834.
ENTRE :
LA RAYONNANTE
dont le siège social est [adresse]. DEMANDERESSE assistée de la SCP MEURICE, avocats au Barreau de Lille, comparant par Maître SEVELLEC (C267), avocat.
ET :
LA SOCIÉTÉ SLIFAC
dont le siège social est [adresse]. DÉFENDERESSE assistée de Maître JOURDE (T604), avocat, comparant par Maître DELAY-PEUCH (A377), avocat.
APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LES FAITS :
La SA SLIFAC et la SA LA RAYONNANTE ont signé, le 29 mai 1991, un contrat d'affacturage aux termes duquel la SA LA RAYONNANTE transférait à la SA SLIFAC, la totalité des factures qu'elle émettait, la SA SLIFAC les lui payant par inscription au crédit du compte courant créé entre les parties conformément au contrat.
Celui-ci prévoit qu'il est conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, il fixe sa date d'application au 31 mai 1991.
Par différents avenants, le bénéfice de ce contrat était étendu aux sociétés TECHNO NET, SOFRA NET et 3G, toutes filiales de la SA LA RAYONNANTE.
Le 30 septembre 1991, après 4 mois d'existence, la SA LA RAYONNANTE à résilié le contrat.
La SA SLIFAC a alors inscrit au débit du compte courant de la SA LA RAYONNANTE une somme de 1.312.500 Francs correspondant à sa rémunération minimum, opération qui est contestée par la SA LA RAYONNANTE.
C'est dans ces conditions qu'est né le présent litige.
LA PROCÉDURE :
Par acte d'huissier, en date du 14 mai 1992, la SA LA RAYONNANTE a assigné la SA SLIFAC devant le tribunal de céans afin de la voir condamnée à lui payer les sommes de 1.312.500 Francs H.T, les intérêts judiciaires à compter du 3 décembre 1991 date de sommation, ainsi que 150.000 Francs à titre de dommages et intérêts et 25.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC, et aux dépens,
Ordonner en outre en tout ou partie l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par conclusions, en date du 2 avril 1993, la SA SLIFAC demande au tribunal de débouter la SA LA RAYONNANTE de ses demandes, fins et conclusions.
D'accueillir sa demande reconventionnelle et la dire bien fondée.
De dire et juger que la résiliation du contrat d'affacturage doit être prononcée aux torts et griefs de la SA LA RAYONNANTE.
[minute page 3] Condamner la SA LA RAYONNANTE à lui payer les sommes de
- 2.000.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour le manque à gagner subi,
- 10.000 Francs H.T. au titre de l'article 700 du NCPC.
Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir et condamner la SA LA RAYONNANTE aux entiers dépens.
Par conclusions en réponse, régularisées à l'audience du juge rapporteur du 18 juin 1993, la SA LA RAYONNANTE demande au tribunal d'adjuger au concluant le bénéfice de sa demande initiale et de débouter la SA SLIFAC de toutes demandes fins et conclusions.
Par conclusions, responsives, régularisées à l'audience du juge rapporteur du 18 juin 1993, la SA SLIFAC demande au tribunal d'adjuger au plus fort le bénéfice des précédentes conclusions.
Le tribunal, vu la connexité tant sur la demande principale que reconventionnelle, statuera par un seul jugement contradictoire en premier ressort.
MOYENS DES PARTIES :
La SA LA RAYONNANTE produit le contrat d'affacturage signé le 29 mai 1991, ainsi que l'avenant de même date.
Elle joint également sa lettre du 30 septembre 1991 recommandée avec AR [N.B. accusé de réception] dans laquelle elle faisait part, à la société SLIFAC, de la résiliation conventionnelle telle qu'elle aurait été envisagée lors d'une réunion, le 26 septembre, avec un responsable de cette dernière.
Elle produit également un relevé de compte duquel il ressort qu'une somme de 1.312.500 Francs a été débitée sur le compte courant de la société LA RAYONNANTE par la SLIFAC.
De plus, elle produit un acte d'huissier en date du 3 décembre 1991 valant sommation de procéder à une réinscription au crédit du compte courant de la SA LA RAYONNANTE pour la somme de 1.312.500 Francs.
Sur les motifs invoqués par la SLIFAC pour non restitution de cette somme :
LA RAYONNANTE entend démontrer que les dispositions prévues à l'article 4 du contrat d'affacturage concernant la commission forfaitaire sont disproportionnées avec l'intérêt économique du contrat, qu'en conséquence, elle empêche une libre décision de rupture et donc, elle doit être considérée comme nulle et ne pouvant pas servir au prélèvement unilatéral effectué par la SA SLIFAC.
[minute page 3] Elle voit dans cette clause, uniquement, une possibilité de dommages et intérêts tels que visé à l'article 1229 du code civil.
Elle conclut qu'il appartient au juge d'apprécier le montant de la clause pénale étant observé qu'aucun préjudice ne paraît justifié et que, de plus la SA SLIFAC a déjà encaissé 437.500 Francs au titre de commissions ainsi qu'un dépôt de garantie prévu au contrat dont elle n'offre même pas le remboursement.
Elle demande donc au tribunal que celui-ci apprécie la clause pénale à hauteur d'une somme simplement symbolique.
Par ailleurs, elle tient à souligner que le contrat, n'a en fait, duré que 4 mois et porté sur 634 comptes clients au lieu de 1.000 comme prévu.
Elle considère en conséquence, que les critères d'application de l'article 4 des conditions particulières du contrat ne sont pas réunis.
Sur les dommages et intérêts réclamé par la SA SLIFAC :
Elle souligne qu'aucun élément de preuve n'est apporté quant au préjudice allégué ou au manque à gagner avancé.
Elle demande donc au tribunal que la SA SLIFAC soit déboutée de cette demande.
La SA SLIFAC rétorque que le contrat d'affacturage et son avenant est clairement rédigé et que, à son article 6, il est stipulé les conditions de création d'un compte courant prévoyant que toutes les créances et dettes sont connexes et indivisibles, se compensent entre elles, même si les conditions de la compensation légale ne sont pas réunies.
De plus son article 11 prévoit qu'il est conclu pour une durée de 1 an renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation sous préavis de 3 mois avant l'échéance. Et qu’enfin, l'article 4 de l'avenant stipule que les commissions d'affacturage s'élèvent à 1 % du montant TTC des factures prises en charge avec un minimum forfaitaire annuel de 1.750.000 Francs payable mensuellement.
De plus, elle précise que ce contrat a été étendu aux sociétés TECHNO NET, SOFRA NET et 3G toutes filiales de LA RAYONNANTE.
Elle soutient avec vigueur qu'en aucun cas, elle n'a donné un accord quelconque quant à une résiliation conventionnelle.
De plus, elle souligne qu'elle a été très surprise en apprenant que par lettre circulaire du 19 septembre 1991, LA RAYONNANTE avait écrit à tous ses clients afin d'attirer leur attention sur le fait que les factures du mois de septembre devaient lui être réglées directement. Elle ajoutait que le système mis en place avec la SLIFAC n'avait [minute page 4] malheureusement pas été à la hauteur des attentes et qu'elle avait décidé de ne plus poursuivre cette expérience.
C'est pourquoi SLIFAC a protesté immédiatement en date du 8 octobre 1991.
Au plan des engagements de LA RAYONNANTE, elle tient à préciser que l'article 4 du contrat est clair, dénué d'ambiguïté et fait loi entre les parties. S'agissant d'un contrat annuel, elle précise que la commission d'affacturage minimum est une créance certaine et liquide dès la signature du contrat. Seule l'exigibilité en est différée puisque le minimum forfaitaire est payable mensuellement sur 12 mois.
Elle ajoute que la résiliation par anticipation de cette convention rend exigible immédiatement le minimum de cette rémunération forfaitaire. En conséquent, elle considère logique qu'elle soit imputée au compte courant.
Sur sa demande reconventionnelle :
Elle explique qu'à aucun moment LA RAYONNANTE n'a tenté d'obtenir un accord pour une résiliation amiable.
Elle voit dans la circulaire envoyée par LA RAYONNANTE à ses clients le 19 septembre 1991, la preuve que cette résiliation était préméditée et unilatérale.
Le montant minimum forfaitaire correspondant au coût de mise en place de la gestion du contrat ne répare pas, selon elle, le manque à gagner qu'elle a subi, du fait de la non exécution du contrat.
Elle évalue ce manque à gagner à 2 millions de francs qu'elle entend réclamer à LA RAYONNANTE.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LE TRIBUNAL :
Sur la résiliation du contrat :
- Attendu que LA RAYONNANTE ne conteste pas avoir régulièrement passé un contrat d'affacturage avec la SLIFAC.
- Attendu qu'au terme de l'article 1134 du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites » et qu'à ce titre, la durée du contrat exprimé à l'article 11, stipule que celui-ci est pour une durée de un an renouvelable par tacite reconduction avec un préavis de 3 mois.
- Attendu que cette clause ne prévoit aucune disposition concernant une résiliation anticipée.
- [minute page 5] Attendu qu'il en résulte que la volonté des parties était de conclure une convention dont la durée était de un an.
- Attendu qu'il n'est pas rapporté que la SLIFAC ait donné son accord pour une résiliation conventionnelle de ce contrat de façon anticipée.
Le tribunal constatera la résiliation du contrat au tort de LA RAYONNANTE.
Sur la rémunération forfaitaire annuelle :
- Attendu que l'article 9 du contrat intitulé « rémunération » stipule que celle-ci comporte une commission proportionnelle au montant des remises, avec un minimum forfaitaire annuel, que l'article 4 de l'avenant traitant des conditions particulières du contrat stipule que les commissions d'affacturage seront d’1 % du montant TTC des factures prises en charge, avec un minimum forfaitaire annuel de 1.750.000 Francs payable par mensualités.
- Attendu que cette condition est clairement définie et correspond à la rémunération de la SLIFAC.
Le tribunal dira que cette clause ne peut pas être assimilée à une clause pénale car elle correspond à la juste rémunération minimum pour un an dont les parties avaient convenue et en aucun cas, à une obligation en cas d'inexécution du contrat par l'une ou l'autre des parties.
En conséquence, aucune précision n'étant donnée dans le contrat quant à cette rémunération en cas de rupture anticipée, le tribunal attribuera le montant minimum prévu, soit 1.750.000 Francs, duquel sera déduit le montant déjà perçu.
Sur les dommages et intérêts :
- Attendu que la société SLIFAC a dû exposer des investissements dans le cadre de la mise en place de ce contrat, mais [N.B. conforme à la minute]
- Attendu que la résiliation anticipée et unilatérale de LA RAYONNANTE, a été sanctionnée du paiement de la rémunération forfaitaire annuelle,
- Attendu que SLIFAC n'a pas exposé de frais directs pour la période non exécutée,
Le tribunal dira mal fondée la demande de dommages et intérêts de la SLIFAC et la déboutera de ce chef de demande.
[minute page 6]
Sur l'article 700 du NCPC :
- Attendu que LA RAYONNANTE succombante, sera déboutée de sa demande et sera condamnée à verser à la SLIFAC la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC afin de couvrir cette dernière des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits.
Sur l’exécution provisoire :
Compte tenu de la nature du litige, le tribunal l'estimera nécessaire sans constitution de garantie.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N.B. Suivent les deux signatures sur la copie fournie, sans dispositif séparé.